16 novembre 2012
… En fin de compte, la chasse au monstre de Serpentard n'a pas été si excitante que cela. Les Aurors sont venus, ont utilisé des coqs pour neutraliser la créature avant même de pénétrer dans son territoire, et maintenant ils refusent de laisser quiconque n'est pas accrédité observer les restes du Basilic ou même descendre dans la Chambre des Secrets ! J'avoue pouvoir comprendre leur méfiance et leur prudence immédiates, mais j'espère néanmoins qu'ils ne vont pas combler la Chambre à l'avenir. Imagine un peu le gaspillage, perdre l'opportunité d'étudier de plus près l'ouvrage d'un Fondateur – même le plus antipathique des quatre…
Cette lettre s'annonçait nettement plus longue que toutes celles rédigées par Hermione jusque là. En fait, elle commençait à se demander si elle ne devrait pas aller chercher un autre rouleau de parchemin – un mesurant un bon mètre au minimum.
Que pouvait-elle dire pour se justifier, si ce n'était que la semaine avait été houleuse ? Décidément, quand Poudlard décidait de pimenter le quotidien de ses élèves, l'école ne donnait pas dans la demi-mesure.
… Après beaucoup de délibérations, il a été décidé que les restes du Basilic seraient vendus aux enchères. Ça peut sembler très imprudent, mais une créature magique de classification quintuple X débitée en morceaux utiles se vend si chère que seules des organisations bien établies et prospères pourront se permettre d'en acquérir une portion. J'ai entendu par Lavande Brown – toute dinde qu'elle soit, elle a un vrai talent pour ce qui est de dénicher l'information, même si elle préfère les ragots de mode – que le Département des Mystères et l'hôpital Sainte Mangouste sont déjà dans la course, et elle a même soulevé la possibilité d'acheteurs étrangers…
Parce qu'apparemment, en dépit de toutes les consignes de sécurité et de silence, la nature humaine ne pouvait pas s'empêcher de bavarder. Bon, pour l'heure, c'était encore relativement contenu : si les journaux avaient eu vent de la nature réelle de l'intervention à Poudlard, Dumbledore aurait été enseveli sous les Beuglantes et les parents horrifiés, Vainqueur de Grindelwald ou pas. Les gens avaient des opinions concernant la sécurité de leurs enfants, et un monstre incontrôlable entre les murs d'un établissement scolaire ne pouvait que contrarier lesdites opinions.
D'accord, peut-être pas incontrôlable, mais un monstre dirigé par un raciste fervent prônant une idéologie aussi classiciste que dépassée ne vaut pas tellement mieux.
… Et par-dessus ce désastre, notre professeur de Défense pour l'année (je crois t'avoir déjà décrit le phénomène qu'est Gilderoy Lockhart, mais si tu as tout oublié depuis, je ne t'en veux pas trop, je t'envierais même un peu) a succombé à une crise de folie furieuse et tenté d'attaquer un Auror ! Une hypothèse assez répandue soutient que l'Héritier de Serpentard lui a jeté un sort afin de faire capoter l'opération contre le Basilic, d'autres jurent qu'il était un puriste qui cachait bien son jeu, j'en passe et des meilleures. Malheureusement pour lui, il a pris pour cible Maugrey Fol Œil – pour ce qui est de chasser les mages noirs, il est basiquement LA référence, et si nerveux qu'il a tendance à se défendre automatiquement et vigoureusement dès qu'il perçoit un danger réel ou imaginaire. Cédric Diggory de Poufsouffle n'en revient toujours pas que Lockart ait émergé de l'altercation avec tous ses membres grossièrement intacts…
Question Défense contre les Forces du Mal, Hermione confessait avoir été franchement déçue lorsqu'elle avait feuilleté les ouvrages recommandés pour le cours. D'accord, les récits étaient construits sur une base intéressante, d'accord, le style n'était pas si mal, mais ça se lisait davantage comme un roman d'aventures que comme un manuel. Un professeur devrait au moins tenter de prendre son sujet au sérieux.
Et puis Gilderoy Lockart s'était dévoilé dans toute son écœurante incapacité pédagogique, pour le plus grand malheur du corps étudiant – à l'exception d'un bastion de filles et quelques garçons plus gouvernés par leurs hormones déchaînées que par le besoin de réussir leurs examens de fin d'année. Les Serdaigle avaient même fait circuler une pétition pour que l'imbécile imbu de lui-même soit renvoyé sans prendre de gants, voire pendu haut et court pour les plus irrités des cinquième et septième années se voyant déjà obligés de mettre les bouchées doubles pour ne pas décrocher BUSE et ASPIC au rattrapage.
Lockhart avait beau être photogénique, ça ne pouvait pas le protéger de tout, pas éternellement. En fait, la majorité des quatre maisons avait accordé une ovation à Maugrey en apprenant ce qu'il avait infligé au bonhomme, et ce en dépit des réprimandes de Dumbledore contrarié par un tel manque de respect à l'encontre d'un membre de sa faculté.
Hermione n'éprouvait aucune sympathie envers le directeur sur ce point. C'était lui qui avait engagé Lockhart, il aurait dû prendre conscience de son incompétence abjecte bien plus tôt avant de gâcher un trimestre entier à fermer les yeux là-dessus. Maintenant, il allait devoir courir pour trouver un remplaçant – parce que Lockhart n'allait certainement pas revenir, hors de question de le permettre ou les élèves allaient boycotter son cours et porter plainte devant le Magenmagot, aux grands maux les grands remèdes – et c'était tant pis pour lui.
La jeune apprentie sorcière de treize ans espérait que le nouveau professeur s'avérerait un brin plus compétent, ce qui ne constituait pas un qualificatif très discriminatoire. De l'autre côté, après Quirrell et Lockhart, elle s'était mise à nourrir des doutes insistants sur les critères d'embauche nécessaires pour enseigner la Défense à Poudlard.
… Juste pour savoir, ta marraine connaîtrait-elle quelqu'un qui pourrait vouloir émigrer au Royaume-Uni et se sent l'âme enseignante ? Peut-être au sein de Marraines Magiques, si l'une de ses camarades d'association décide de prendre une voie plus impliquée dans le futur du monde sorcier…
D'accord, elle poussait peut-être un peu loin avec cette suggestion, mais connaissant Jon, il prendrait sans doute la chose comme une bonne grosse plaisanterie et n'en parlerait plus. S'il en parlait, et que Madame Locke décidait d'envoyer un candidat, et bien… vu les rumeurs de malédiction courant sur le poste depuis la Seconde Guerre Mondiale, la bientôt adolescente ne pensait pas que Dumbledore ferait la fine bouche devant un professeur lui tombant tout cuit dans le bec, fusse-t-il américain et potentiellement un agent double.
Et elle n'était pas vraiment désespérée concernant le curriculum, du moins pas pour l'instant, mais qui veut la paix prépare la guerre. Elle avait lu toutes les biographies de Captain America et des Commandos Hurlants sur lesquels elle avait réussi à mettre la main – maman avait la regrettable tendance de se mettre en rogne dès qu'elle en voyait une, avant de les confisquer pour les donner à quelqu'un d'autre ou à une occasion aussi terrifiante que mémorable les jeter carrément à la poubelle, un des pires souvenirs d'Hermione qui avait été une bibliophile enragée depuis ses trois ans et demi – et les moins romancées insistaient toutes lourdement sur l'importance de la préparation. Surtout la préparation au pire, même quand vous êtiez sûr et certain que vous aviez tout parfaitement combiné pour que le plan n'ait même pas le poil de l'ombre d'une chance de capoter d'un doigt, encore moins désastreusement.
Mais pour s'exprimer dans les termes immortels de Sir Terry Pratchett, ce qui a une chance sur un million d'arriver se produit neuf fois sur dix dans la réalité. Et ça voulait dire se préparer à tout.
