Afin d'effectuer du bon travail, il fallait s'adresser à du personnel qualifié, c'était le bon sens même. Certes, beaucoup affirmeraient que le jeune Colin Crivey et Hermione étaient trop jeunes pour se voir sollicités ainsi, mais Leah croyait fermement que l'âge n'avait rien à voir avec le talent. Si la guerre, la famine et la mort refusaient d'épargner les enfants, pourquoi ne serait-ce pas le cas du génie ?

La déesse des morts sans gloire avait donc placé sa confiance en ces deux apprentis des arts arcanes, et se voyait récompensée par un traître livrée à sa garde implacable. L'entreprise avait pris un peu moins d'un mois, d'accord, mais les choses venaient quand elles venaient, impossible de brusquer le sort quand celui-ci refusait de se laisser faire. Même la divinité abrahamique n'avait pas créé le monde d'un seul coup selon le récit que les trois fois monothéistes majeures racontaient dans leur genèse, une semaine entière avait été nécessaire, pas un jour de moins.

À présent, elle se devait de trouver un employé du Ministère qui accepterait de revoir ses idées préconçues en ce qui concernait le meurtre des Potter et le rôle que Black autant que Pettigrow avaient joué là-dedans, un employé qui ne paniquerait pas face à la responsabilité de rétablir la vérité et ne ferait pas des pieds et des mains afin d'étouffer le scandale qui naîtrait inévitablement quand une victime de meurtre refaisait surface seulement pour s'avérer coupable des crimes dont son tueur avait été accusé.

Inutile de préciser que ces critères éliminaient les trois quarts du corps prétendant gouverner le Royaume-Uni sorcier avec un tant soit peu de compétence. Non, cet imbécile de Cornélius Fudge n'était pas exempt – une marionnette parfaite, il craignait tant de causer des vagues et d'alarmer ses électeurs qu'il n'hésiterait pas à commettre un crime afin de se cramponner à son poste. Le jour où il lui faudrait rejoindre Nilfheim, Hela serait bien tentée de laisser son ombre se faire mâchouiller par quelque uns des êtres les moins fréquentables qui erraient sur son royaume de brume et de silence – elle accordait une certaine indulgence aux mortels, mais elle abominait la couardise sous toutes ses formes.

Finalement, suite à une réflexion profondément ruminée, Leah conclut qu'Amélia Bones était la meilleure candidate vers laquelle se tourner. La femme dirigeait le département des Aurors, avait participé à la lutte contre la campagne terroriste de Jedusor sans faire partie des laquais de Dumbledore, et avait la réputation d'être impossible à corrompre en dépit des efforts commis par d'innombrables criminels au cours des décennies. Amélia Bones ne se laissait jamais intimider, ne se laissait jamais détourner de la piste quand elle pensait devoir suivre celle-ci jusqu'au bout.

Oui, la femme conviendrait parfaitement. Maintenant, Leah se devait de lui livrer l'excrément à faciès humain, ensuite elle n'aurait plus qu'à se placer en retrait et à observer les feux d'artifice cracher des étincelles sur le Ministère et mettre le feu à plus d'un derrière.

Évidemment, la demeure Bones était protégée – les vieilles maisons l'étaient toujours, et une femme ayant fait carrière dans la justice ne pouvait pas atteindre l'âge de prendre sa retraite sans investir lourdement dans la sécurité – mais Leah pouvait contourner n'importe quelle défense grâce au vol d'ombre, sans même recourir à ses pouvoirs divins. Un jeu d'enfant, en vérité, d'abandonner le traître au milieu du salon, soigneusement assommé et ficelé pour ne pas faire de grabuge, ramené de force à sa forme humaine pour que son identité ne laisse aucun doute.

Leah avait prudemment épinglé un mot rédigé à l'encre verte sur la poitrine du rat, afin qu'Amélia Bones comprenne à quoi elle avait affaire.

À l'attention de la Directrice du Département des Aurors,

Nous souhaiterions vous rappeler les événements tragiques du 1er novembre 2001, à savoir la destruction d'une rue piétonne dans le Londres non-magique et les décès de douze passants, dans ce qui fut considéré à l'époque comme le meurtre de Peter Pettigrow des mains de Sirius Black.

Comme vous pouvez le constater, de nouveaux éléments jetant le doute sur la conclusion de l'enquête ont refait surface, et nous vous serions infiniment obligés de vous voir rouvrir le dossier et examiner celui-ci d'un œil neuf.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées.

Une lettre pareille aurait troublé même le plus obtus des magistrats. La soif de réponses que nourrissait Amélia Bones, son désir de voir triompher la justice au lieu de suivre le mouvement et d'accepter ce que le reste du gouvernement voulait appeler la vérité, pousserait la femme à réclamer les rapports remplis par la brigade arrivée sur les lieux du sinistre ainsi que les minutes du procès de Sirius Black.

Des minutes qu'elle ne trouverait aucunement, puisque Black n'avait jamais reçu de procès grâce à Barty Croupton senior, étant expédié d'emblée à Azkaban. Un mouvement de légalité profondément discutable, peu importait de quel côté de la barrière séparant l'arcane de l'ordinaire vous vous trouviez. Amélia Bones en attraperait certainement l'écume à la bouche et ne manquerait pas de rameuter autant de membres du Magenmagot qu'elle pouvait convaincre de partager son indignation, causant assez de bruit pour que le Ministère soit obligé d'écouter pour une fois.

Elle interrogerait le traître, parce qu'elle voudrait tirer l'histoire au clair, et elle obtiendrait des réponses. Le rat n'aurait pas d'autre choix que de lui répondre de façon claire et sincère – Leah n'était pas une experte en ce qui concernait les manipulations subtiles de l'esprit et du cerveau, malgré son charisme personnel, mais elle en savait assez pour lever les inhibitions qui pousseraient une langue à demeurer coite, terrée derrière la barrière des dents.

L'excrément à faciès humain avait joui du luxe du silence pendant douze ans, il était plus que temps pour lui d'aller à confesse en face d'un tribunal. Et si pour cela, il fallait que Leah lui grille un paquet de neurones au passage, elle n'éprouverait ni remords ni hésitation, ce n'était pas comme si le rat avait été particulièrement intelligent pour démarrer.

Il devait juste se rappeler sa trahison dans les moindres détails, parce que les imbéciles à la tête du Ministère s'affoleraient et voudraient percer des trous dans son témoignage afin de pouvoir continuer à dormir paisiblement sans retirer leurs œillères. Ah, le beau carnage que cette révision du dossier provoquerait – Barty Croupton et Millicent Bagnold n'en émergeraient certainement pas intacts, ayant été les principaux responsables du désastre en se laissant prendre au piège de leurs préconceptions, mais ce serait également un vilain coup porté à Dumbledore.

Le vieux barbu sénile s'imaginait toujours avoir raison. Et bien, qu'il apprenne qu'il était capable de commettre des erreurs, et de monumentales par-dessus le marché. Leah ne pouvait pas imaginer Black lui pardonner de l'avoir abandonné croupir en prison, cerné de fous furieux et de spectres dévoreurs d'âmes et de plaisir, l'Animagus chien était loin d'être un saint et il était idiot mais pas au degré suicidaire que nécessitait la perspective de passer l'éponge sur un accroc de pareille envergure dans sa relation avec le directeur de Poudlard.

La déesse des morts sans gloire attendait avec une certaine impatience d'assister à cette altercation. Elle n'aimait pas Black et elle vomissait Dumbledore, l'opportunité de les voir s'entre-déchirer lui procurait une jouissance qui resterait dans les cent meilleurs de ses souvenirs. Rien de tel que la souffrance de vos ennemis pour vous procurer du bonheur, surtout quand vous n'aviez pratiquement pas à lever le petit doigt si ce n'était pour les mettre l'un face à l'autre.

Peut-être même qu'elle emprunterait une caméra pour immortaliser le moment, tiens.