29 septembre 2013
C'était assez triste à dire, mais lorsque Sirius avait été accusé du meurtre de son ami proche Peter ainsi que du massacre de douze personnes n'ayant rien commis de pire que de se trouver sur les lieux du premier crime, Dumbledore n'avait guère eu de peine à l'en croire capable.
Le Directeur de Poudlard se rappelait de ce que le jeune homme avait failli commettre alors qu'il n'avait que seize ans – comment oublier cette nuit où il avait été contraint d'expliquer à un de ses élèves qu'un garçon de son âge était atteint de lycanthropie et que, si le Severus adolescent s'était retrouvé en face de lui, Remus l'aurait probablement dévoré, tué, gravement mutilé et quasi certainement condamné à la même affliction que lui ?
Oh, Sirius n'avait agi que sous le coup d'une impulsion irréfléchie, pas car il avait délibérément ruminé le meilleur moyen de se retrouver l'auteur d'un assassinat en dépit de ne pas encore avoir ses ASPIC, mais il n'en avait pas moins démontré un consternant et nettement inquiétant manque de remords lorsque Dumbledore l'avait sermonné pour la soi-disant farce, prétendant que c'était la faute de Severus pour vouloir fourrer son nez dans les affaires des Maraudeurs, comme se faisait appeler la bande d'amis fondée par James Potter.
C'était seulement lorsque le Directeur avait carrément expliqué que Remus aurait été exécuté par le Ministère en tant que créature magique dangereuse pour agression contre un sorcier de premier cycle que le fils aîné de la famille Black avait réalisé qu'il avait failli détruire une vie innocente – celle du garçon qu'il aurait obligé à devenir son complice plutôt que celle du garçon qu'il avait envoyé à une mort aussi horrible que douloureuse, mais du moment qu'il prenait conscience de la gravité de son acte, Dumbledore n'exigerait pas davantage.
Si bien que lorsque le jeune homme s'était vu traîner dans les cellules de détention du Ministère pour à peine plus d'une douzaine de morts, le vieil homme n'avait pas éprouvé de grand choc ni de poignante surprise. Sirius Black avait déjà prouvé qu'il était capable de tuer, et de tuer vicieusement, sans se soucier des conséquences, cela alors qu'il étudiait encore à Poudlard et n'avait pas officiellement rejoint le combat contre les forces rassemblées par Tom.
Ah, le combat contre Tom – Sirius avait-il eu l'intention de trahir l'Ordre du Phénix depuis qu'il avait rejoint leur organisation, ou la trahison avait-elle germé plus tard dans son cœur ? Si seulement Dumbledore était parvenu à détecter la duplicité dans la conduite du jeune homme – celui-ci avait pourtant juré qu'il avait pleinement renié sa famille pour leur approbation envers les crimes infligés chaque jour aux nés-Moldus et à la populace non-magique du Royaume-Uni, qu'il fuyait sa cousine Bellatrix Lestrange comme la peste alors qu'ils avaient été si proches dans leur enfance…
Au bout du compte, Sirius s'était avéré le cousin de Bellatrix, mais infiniment plus subtil – il fallait indiscutablement être retords pour attendre de se voir confier un secret par Fidelitas, seulement pour vendre ce secret après avoir rassuré la future victime qu'elle n'avait rien à craindre, qu'elle pouvait se croire parfaitement en sécurité.
Dumbledore avait eu peine à le croire – mais qui d'autre aurait été en mesure de dévoiler l'adresse des Potter à Tom ? C'était le Directeur qui avait fourni à James et Lily les instructions nécessaires pour lancer le charme, et il avait entendu de la bouche même de James que Sirius deviendrait le Gardien du Secret, il n'y avait personne de plus fidèle que lui dans le pays entier, juré craché, et Sirius lui-même avait déclaré une fois l'enchantement pratiqué par Lily dans la plus stricte intimité qu'il pouvait se faire torturer jusqu'à la mort et qu'il ne donnerait rien, pas une miette d'information…
Ces souvenirs avaient tourmenté Albus alors qu'il expliquait à Amélia Bones et Rufus Scrimgeour la trahison que personne n'avait vu venir, même pas lui, pourtant acclamé dans la Grande-Bretagne entière comme l'un des dix sorciers les plus intelligents du vingtième siècle. Et ces souvenirs revenaient tourmenter le vieil homme alors qu'il lisait et relisait la lettre envoyée par Amélia Bones.
Peter Pettigrow n'était pas mort. Peter Pettigrow portait une Marque des Ténèbres sur le bras. Peter Pettigrow avait confessé avoir forcé Sirius Black à endosser ses propres crimes, à savoir livrer les Potter au Seigneur des Ténèbres et massacrer douze passants assez malchanceux pour se trouver dans la rue où Sirius avait tenté de l'accoster.
Amélia voulait organiser un procès publique, afin que justice soit finalement rendue, après avoir été si outrageusement bafouée. Dumbledore se devait d'être présent, forcément – en tant qu'acteur politique crucial pour la Grande-Bretagne et en tant que participant clef dans la condamnation de Sirius – et en passant, la Directrice du Bureau des Aurors voulait savoir si l'ancien chef de l'Ordre du Phénix savait où se dissimulait le prisonnier évadé et serait prêt à lui faire parvenir le message qu'il était attendu au Ministère afin de donner sa version des évènements ayant eu lieu le 31 octobre et 1er novembre de l'année 2001.
Cette fois on l'écouterait. Cette fois on lui accorderait un procès au lieu de l'expédier directement à Azkaban.
Parce que Sirius n'avait même pas eu droit à un procès avant d'être déporté dans une cellule sombre perdue au milieu de la mer du Nord. Albus n'avait pas été au courant de cela – comment aurait-il pu, alors qu'il y avait eu les sévices infligés aux Londubat, les alliés de Tom à retrouver avant qu'ils ne puissent honorer la mémoire de leur Maître par des massacres de Moldus, les victimes traumatisées qui avaient besoin de réconfort et de guérison, les enfants qui s'interrogeaient sur leur future à présent que celui-ci n'était plus menaçant…
Dumbledore avait simplement eu trop à faire pour penser à Sirius, et le fils aîné de la famille Black s'était discrètement effacé dans le second plan de ses pensées. Tout comme le petit Harry s'était effacé, dans la certitude du Directeur que l'enfant se trouvait en sécurité chez sa tante, dans l'anonymat du monde moldu.
Deux erreurs retentissantes qui le hanteraient, autant qu'Ariana continuait de le hanter malgré le passage des années. Même s'il n'avait jamais eu l'intention de blesser qui que ce soit – ce qui était sans doute pire, si vous lui demandiez son avis. Vous pouviez haïr autant que vous vouliez un criminel qui se réjouissait de la souffrance qu'il infligeait – ça ou le plaindre ou le mépriser pour son incapacité à saisir ce qui importait réellement – mais quelqu'un qui ruinait votre existence sans l'avoir fait exprès ? C'était jeter du sel sur la plaie ouverte et infectée.
Dumbledore viendrait au procès de Peter Pettigrow, et il expliquerait en quoi il avait échoué à fournir à Sirius la défense dont celui-ci avait eu si cruellement besoin, et puis il aiderait à chercher le prisonnier évadé afin de pouvoir lui présenter ses excuses les plus plates et les plus sincères. Il ne devait rien de moins au jeune homme.
Au cas où Sirius refuserait de lui pardonner, c'était entièrement son droit. Le Directeur de Poudlard n'avait aucun droit de récriminer, pas alors qu'il était en faute, pas alors qu'il avait coûté à Sirius bientôt douze ans de liberté ainsi que la possibilité d'élever Harry comme son filleul.
Une autre famille séparée parmi des centaines, et cette fois ce n'était pas la faute de Tom. Pas entièrement.
