1er octobre 2013

D'ici un mois, ce serait le douzième anniversaire du jour où la vie de Sirius avait irrémédiablement coulé.

L'Animagus chien prévoyait de faire en sorte que cet anniversaire le voie un homme innocenté de douze meurtres et recevant enfin la satisfaction de voir punir le traître responsable d'avoir causé la mort de son meilleur ami et de la femme qu'il appelait pratiquement une sœur. Bon, il aurait préféré de loin la joie de démembrer personnellement Peter, ce serait très facile à effectuer dans sa forme canine avec ses longues dents, mais Locke lui avait déclaré franco que personne n'obtenait tout ce qu'il voulait de la vie, même pas les dieux et elle savait de quoi elle parlait.

Il se contenterait donc des Détraqueurs arrachant son âme à ce traître, si Peter avait toujours une âme après son crime, ou de voir le rat terminer dans son ancienne cellule de prison qui aurait été spécialement modifiée pour empêcher un Animagus de fausser une nouvelle fois compagnie à l'administration des lieux.

En attendant de recevoir cette vision somptueuse, Sirius répétait son plan – que la femme Locke exigeait d'entendre, proclamant qu'après les foirades honteuses qu'il lui fallait se colleter à son actif, ce serait nettement plus prudent de laisser une personne dotée de plus d'un neurone fonctionnel indiquer les défauts dans l'ensemble, ça éviterait que quelqu'un se retrouve le nez cassé ou expédié dans les bras de ses ancêtres avant l'heure, ce serait pas mal embêtant.

Elle s'était donc perchée sur le canapé, arborant un air nonchalamment dédaigneux et caressant lentement le chat vautré sur ses genoux à la manière d'une épaisse couverture de fourrure rousse – Sirius songeait intérieurement qu'un chat siamois aurait été plus adapté qu'un énorme matou aux pattes arquées et à la mine écrasée, mais Locke avait acheté le chat pour l'offrir en cadeau à une des amies de Harry et c'était l'animal qu'elle jugeait le plus adéquat pour une fille de treize ans.

Le sorcier anglais souhaitait bonne chance à la gosse. D'un autre côté, c'était un chat assez affectueux quand vous lui donniez les caresses qu'il réclamait, alors c'était peut-être pas un si mauvais choix.

« Alors, Black, vous vous trouvez dans l'Atrium du Ministère » articula Locke d'une voix impérieuse. « La sécurité vous aperçoit et fait mine de braquer la baguette sur votre personne. Que faites-vous ? »

« J'annonce que je suis Sirius Black, et que je demande à être jugé devant le Magenmagot comme je ne l'ai pas été il y a bientôt douze ans » répondit l'Animagus chien. « J'ajoute aussi qu'Amélia Bones a publiquement demandé à ce que je me présente en face d'elle, j'ai même l'exemplaire de la Gazette concerné si cela vous chante de vérifier. »

Sur ces mots, il sortit un journal en papier enroulé sur lui-même, le déplia et le tint devant sa poitrine, à une hauteur suffisante pour que son interlocutrice aie directement dans sa ligne de vision les gros titres de la première page.

Un procès pour Sirius Black !

L'invitation d'Amélia Bones à l'évadé d'Azkaban

Une fois n'est pas coutume, le rejeton déshérité de la famille Black avait apprécié le sensationnalisme de Rita Skeeter – on pouvait toujours compter sur elle pour viser à choquer en exposant les propos que la bonne société jugerait scandaleux, et cela sans fard ni gants.

Un procès qui causerait une terrible humiliation au Ministère pour ne pas avoir fait correctement leur travail ? L'opportunité d'accuser des figures politiques importantes de négligence criminelle et de corruption outrée ? La journaliste se trouverait forcément dans l'assistance afin de ne pas perdre une miette du spectacle. Sirius se demandait encore s'il était suffisamment mesquin pour lui accorder une interview et déballer ce qu'il pensait exactement d'avoir fini derrière les barreaux malgré son innocence au grand public.

« Les Aurors demandent à savoir comment vous êtes parvenu à vous cacher en dépit d'avoir le Royaume-Uni magique autant que moldu à vos trousses. Allez-vous leur fournir une explication ? »

« Je leur déclare que tout sera clarifié pendant le procès » annonça Sirius. « Et quand on en sera là, je dévoilerais que je suis un Animagus et tout le monde pensera que je me suis caché dans les bois et que j'ai mangé dans les poubelles. »

Ce qui avait été le cas, immédiatement après son évasion. Le temps qu'il reprenne des forces, recouvre un brin de raison loin de l'aura délétère des Détraqueurs, et puis il avait illégalement immigré en Amérique où le MACUSA n'avait aucune raison de le chercher, pourquoi donc l'aurait-il fait ? Mais ce n'était pas une information qu'il comptait avouer, ça ne regardait pas la société sorcière anglaise et il avait appris pendant la campagne de terrorisme menée par le Sombre Idiot que garder un secret ou deux pouvait vous sauver la vie dans un avenir plus ou moins proche.

Aussi, évoquer son séjour en Amérique l'amènerait à évoquer SHIELD et Locke, et c'était hors de question – si le Ministère leur donnait une raison de venir en Grande-Bretagne sous prétexte que les imbéciles au sang si pur qu'ils finissaient demeurés les enquiquinait, il y aurait un bain de sang et un qui ne serait pas en faveur de l'Angleterre, tant pis si SHIELD n'en avait pas terminé avec la reconstruction de New York et les répercussions de l'Incident sur les États-Unis.

« Vous savez que vous dénoncer en tant qu'Animagus illégal est passible d'une amende de mille gallions et d'un séjour pénitentiaire de six à neuf mois » commenta benoîtement Locke.

Sirius éclata de rire.

« J'ai croupi dix ans en cellule, j'ai purgé ma peine et plus que ma peine ! Vous allez contester ça ? »

« Non » reconnut la femme occupée à gratouiller derrière l'oreille du matou qui ronronnait furieusement, un moteur en manteau de fourrure. « Mais les gens sont abjectement stupides peu importe leur nationalité ou leur capacité à se servir d'une baguette, alors il faut vous attendre à ce type de question. Surtout parce que c'est votre procès, le procureur sautera sur la moindre opportunité de vous dépeindre en vaurien et ce dans une tentative désespérée de laver une infime portion de l'œuf décorant le faciès du Ministère… »

Le sorcier renifla, et ce son était si lourd de mépris qu'un éléphant se serait trouvé léger par comparaison.

« Ils peuvent tenter ce qu'ils veulent, leur réputation est foutue quoi qu'il advienne. Si Croupton n'a pas déjà un pied dans la tombe, ça devrait l'achever et je ne manquerais pas d'envoyer des fleurs à l'enterrement pour approuver l'initiative. »

« Je suppose que vous voudrez des lys oranges pour exprimer la haine ? » musa Locke. « Ajoutez à cela des géraniums pour accusation de stupidité, de la digitale pour le manque de sincérité, des œillets jaunes afin de démontrer que vous êtes pleinement déçu, et n'oublions pas la reine-des-prés pour l'inutilité. Tout cela dans un joli panier en osier, ce serait des plus charmants sur une tombe en marbre gris, vous ne trouvez pas ? »

Sirius fixa son interlocutrice d'un regard vaguement effaré.

« Est-ce que vous venez de composer un bouquet pour dire à quelqu'un d'aller se faire foutre en langage des fleurs ? » finit-il par demander.

« Ne suis-je pas une dame ? » riposta la femme. « Le devoir d'une dame, d'une Reine comme moi est de rester élégante peu importe les circonstances, y compris lorsque j'agonis d'injures et accable de ma révulsion mon adversaire. Si celui-ci est trop sot pour comprendre la teneur du message que je lui envoie, c'est son problème et non le mien. »

« Une dame, je sais pas, mais vous êtes définitivement une Serpentard » marmonna Sirius, « pour des insultes aussi subtiles. »

Le sourire de Locke était très blanc, et très rempli de dents. Juste un petit peu pointues, les dents.