Chapitre 2

Harry avait bénéficié de tels soins que, quatre jours plus tard, il était sur pied. En assez bon état en fait pour assister avec nous à l'enterrement de tous nos compagnons, morts au combat… Hermione s'écroula en larmes contre Ron au bout de dix minutes, Harry et moi les rejoignîmes doucement. Nous nous serrâmes tous les quatre dans nos bras, alors que le discours pompeux s'étirait en longueur, dernier outrage à ces amis, à ces alliés qui n'auraient jamais dû mourir! Scrimgeour parla longtemps, des centaines de sorciers se recueillant face au haut mémorial de marbre… Mme Weasley et toute sa famille nous rejoignirent à un moment. Je serrai George dans mes bras, oh George, qui était si pâle, qui ne souriait plus… vinrent ensuite Remus et Tonks. J-je… combattis les larmes, même lorsque Remus me serra contre lui, même lorsque cessèrent de résonner les mots vides du Ministre, même lorsque la foule se dispersa et qu'apparut devant mes yeux, à quelques pas de la stèle marmoréenne, la tombe de Dumbledore.

-Nous rentrons.

J'hochai la tête, les yeux toujours secs, secs. Et je revoyais Fred, Luna, Lavande, Seamus et Dean, Colin… Merlin, pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?!

Oo0oo

On nous laissa deux jours de répit, que nous passâmes enfermés dans la Tour Gryffondor… Par les fenêtres nous pouvions voir des compagnies d'Aurors entrer ou sortir du château, des équipes de sorciers s'activer autour des ruines pour reconstituer Poudlard à l'identique. Mais à vrai dire, nous n'allions pas beaucoup regarder à l'extérieur... Et puis le professeur McGonagall dut autoriser les journalistes à entrer, sous l'ordre du Ministre. Ministre qui était là lors de notre interview, Ministre qui tint au récit de nos exploits, avant d'annoncer de manière totalement inattendue:

-Comme vous le savez, ces étudiants ont sacrifié une longue année pour parvenir à sauver notre monde de la ruine. Et le Ministère, soutenu par des professeurs à la gratitude incommensurable, est prêt à les remercier comme il se doit.

Ce qui signifiait?

-Pour permettre à Celui-qui-a-vaincu, ainsi qu'à ses amis, une introduction facilitée dans n'importe quel cursus étudiant, nous avons ouvert une session de rattrapage aux ASPICS qui aura lieu fin Septembre ainsi qu'une possibilité d'apprentissage intensif sous la coupe d'un maître ou d'une maîtresse puissante agréés par le Ministère.

Nous échangeâmes des expressions stupéfaites, même Hermione, avant qu'elle ne murmure avec un ravissement difficilement contenu:

-Apprentissage intensif…

Ron le murmura d'une toute autre façon… alors que les crépitements des flashs se faisaient par centaine et que des questions fusaient vers le premier Ministre empli d'une intense satisfaction.

oo0oo

Nous fûmes pompeusement convoqués dans le bureau de Dumbledore, pour y trouver Scrimgeour, assis sans complexe dans son fauteuil. Je ne pus m'empêcher de grincer des dents, avant de siffler le cursus et la spécialisation qui m'intéressaient. Ron, Hermione et Harry firent de même.

-Vous aurez vos affectations dans l'après-midi; assura Scrimgeour d'un ton entendu. Bien sûr, pour vous Mr Potter, nous pensons qu'un envoyé spécial du Ministère fera assurément mieux l'affaire qu'un quelconque professeur de Poudlard.

C'en était pitoyable.

-Non. Je préfère un professeur de Poudlard.

Sur ceux, nous quittâmes le bureau directorial. Exécrable politicien!

oo0oo

-Cela nous permettra de nous plonger dans le travail. De ne pas…

Les lèvres d'Hermione frémirent, les larmes s'amoncelèrent immédiatement dans ses yeux, et un sanglot lui échappa. Nous nous arrêtâmes, au milieu de l'escalier menant au bureau de Dumbledore.

-Ça va aller; murmura Ron, la serrant contre elle.

-T-tu as raison. Il vaut mieux rester occupé encore quelques temps.

Elle acquiesça, reniflant avec difficulté.

-Excusez-moi…

Nous secouâmes la tête, et Harry lui serra la main, découvrant dans ses yeux verts la même déchirure que nous tous. A dix-sept ans, nous avions combattu de toutes nos forces, pour notre survie, pour le monde que nous chérissions, pour la sécurité de ceux que nous aimions. Et nous avions dû tuer, voir les corps de nos ennemis comme de nos alliés s'effondrer sans vie, et rester impuissants, impuissants à rien pouvoir changer!

-On y va? J'espère que le professeur McGonagall s'occupera d'un de nous quatre; offrit-elle finalement.

Son petit ami grogna… encore plus lorsqu'on lui annonça que ce serait lui qui bénéficierait de l'expertise de l'Animagus Minerva Augusta McGonagall. Celle-ci lui renvoya un regard faussement sévère et lui rougit un peu.

-Ça va être… dur? Demanda-t-il d'une petite voix.

-Comme vous pouvez-vous y attendre Mr Weasley.

Il hocha la tête sous le regard attendri de sa maîtresse d'apprentissage. Il avait de la chance, quatre mois auprès de la directrice des Gryffondor, s'occupant de lui sans faillir et lui offrant les meilleurs atouts qui soient pour l'avenir. J'étais heureuse pour lui, tout comme Hermione et Harry qui l'observaient en souriant. … Ce qui faisait qu'il ne restait plus que trois professeurs de disponibles dans ce bureau. Les professeurs Lupin, Flitwick, et Rogue.

-Miss Granger, comme vous ne nous avez pas précisé le cursus choisi, nous avons fait en sorte de vous permettre une spécialisation en Sortilèges. Mr Filius Flitwick se chargera de votre apprentissage durant ces quatre mois. Et j'imagine qu'il n'est pas nécessaire de vous rappeler les nombreux postes vacants en tant que briseurs de sorts ou langues de Plombs au Ministère de la Magie, avec votre potentiel…

Il continua… Hermione ne répondit rien du tout, se contentant de crisper les mâchoires, puis de venir se tenir auprès du petit professeur. Le Ministre nota son attitude, et ne trouva pas bon d'insister.

-Miss Lumare; il se racla la gorge visiblement mal à l'aise, connaissant votre intérêt pour la filière Filtres & Antidotes agréée par le Ministère, et suite au volontariat de votre professeur, nous vous avons assigné le maître Severus Rogue.

… Il semblerait… que je resterai encore quelques temps auprès de la chauve-souris des cachots.

-Mais si vous préférez plutôt un maître de Potions du Ministère nous pouvons parf…

-Non; le coupai-je.

Certainement pas parce que je voulais subir quatre mois de torture Roguienne. Mais parce que je ne supportais pas qu'un allié, qu'un homme qui avait sacrifié des années de sa vie à racheter ses fautes, puisse être rejeté, et méprisé, ainsi. Je jetai un regard assombri au Ministre en me plaçant auprès du Maître des Potions. Celui-ci n'avait rien dit, ne semblait même pas être intéressé par le traitement inqualifiable qu'on lui réservait à la sortie de cette putain de guerre!

-Bien…

Il jeta un regard torve au professeur Rogue qui ne réagit pas plus, puis se reprit pour annoncer au Survivant:

-Suite à votre demande, Mr Potter, nous avons rappelé Mr. Remus Lupin à Poudlard. Il vous enseignera toutes les matières réglementaires et spécialisera quelque peu dans la Défense contre les Forces du mal dans laquelle vous excellez.

Le sourire chaleureux que Harry adressa à Remus dut rasséréner le politicien. Assez pour qu'il se sente encore un rôle à jouer.

-Durant ces quatre mois vous devrez rattraper une année entière de cours, nul besoin de vous le rappeler. Les ASPICS de rattrapage auront lieu, et la date a été établie très récemment, le 25 Septembre ce qui permettra à trois d'entre vous de participer à la rentrée de l'A1 section Auror le 3 Octobre. Bien, sur ce, bonne chance à vous!

Et il nous renvoya du bureau de Dumbledore. Nous échangeâmes quelques mots entre nous tandis que nos professeurs descendaient l'escalier hélicoïdal. Remus, Flitwick et McGonagall discutaient également, Rogue se tenait à l'écart.

-Euh… Tiens bon! Et bonne chance! Me souffla Ron arrivé aux pieds des marches.

-Il semblerait que tu en aies besoin; ricana Harry.

Hermione, même, se mordit la lèvre. Je savais… ça n'allait pas vraiment être agréable. Sûrement pas en fait. Mais il était un Maître, les mois qui venaient seraient sûrement plus enrichissants qu'une année à vadrouiller seule au milieu de tous ces grimoires poussiéreux qui n'en finissaient pas de phrases alambiquées. Quand ce n'était pas tout simplement du latin ou du vieil anglais qu'il fallait traduire!

-Vous aussi, tout le programme de septième année en quatre mois, ça va pas être du gâteau.

Ron grogna, et je les quittai là-dessus, le professeur Rogue tournant déjà au bout du couloir. Je courus pour le rattraper mais il ne dit rien, aucun commentaire sarcastique, aucune moquerie désobligeante, aucun signe de dégoût ou de mépris. Rien. Alors je le suivis en silence, jusqu'au bureau que j'avais cru quitter pour toujours il y avait une semaine de cela. Il s'y installa. Me laissant debout face à lui.

-Vos affaires ont été transférées aux cachots, dans vos appartements, cinquième porte à gauche après le portrait des sorcières de Salem. Vous avez libre choix de votre mot de passe tant que vous laissez ouvert le réseau de Cheminette.

J'écoutais attentivement dans la salle sombre. Les fenêtres étaient closes et obstruées comme d'habitude, il n'y avait que quelques raies de cette lumière de fin du jour, qui ne me permettaient pas vraiment de décrypter les expressions de Rogue. Et bien sûr, toujours ces bocaux emplis de cadavres de bêtes, d'embryons de crapauds cornus, de Serpencendre dans le saumure. Morts… tout comme la voix qui s'élevait, comme ses yeux quelques jours plus tôt.

-Nous commencerons demain par passer en revue les capacités qu'il vous reste.

Quelle consécration d'être autant estimée!

-J'établirai votre emploi du temps en fonction. Des questions, Lumare?

Je décelai une pointe d'ironie dans le marasme sombre qu'était sa voix. Merlin, maintenant qu'il était libéré de ses maîtres, il pouvait faire ce que bon lui plaisait, il était libre! Pourquoi restait-il morne et apathique? Pourquoi était-il encore à Poudlard s'il détestait l'enseignement? Pourquoi même s'occupait-il de moi, s'il ne m'appréciait pas?

-J'aimerai savoir… pourquoi vous vous êtes porté… volontaire; hésitai-je.

Ses orbes onyx n'étaient que brouillard, aucun éclat ne s'y cachait. Jusqu'à ce qu'il les fixe sur moi… Je ne parvins pas à déchiffrer l'expression, mais il y en avait bien une. Comme si, finalement, notre sort l'intéressait. Etait-ce, parce qu'il souhaitait nous permettre de réussir dans ces vies qu'il avait toujours protégé?

-Le Ministère attend des preuves de ma loyauté. Et il se trouve que baby-sitter durant quatre mois l'amie la plus assommante de l'Elu soit un passe-droit acceptable.

Il pouvait parler, je n'en étais pas moins persuadée qu'il s'intéressait, ne serait-ce qu'un peu, à nous. Sans compter qu'il n'aurait, en d'autres occasions, jamais pris la peine de se trouver une excuse. Je souris un peu; il tirait un parchemin de sa cape l'instant d'après.

-Notre contrat.

J'avançai vers le bureau puis, dans la semi-pénombre, déchiffrai la seule phrase qu'il contienne: Moi Khorine Aster Lumare, m'engage à suivre l'apprentissage de Maître Severus Tobias Rogue pour la durée réglementaire et consens librement à lui obéir en toutes choses. Lui… obéir… en toutes choses… Je fronçai les sourcils, plus encore devant le regard soudain brûlant de mon enseignant.

-Vous obéir?

Les flammes disparurent aussitôt de ses yeux, trop vite pour que je ne pense pas les avoir imaginées.

-Lorsque je vous ordonnerai de ne pas verser les yeux de Salamandre avant la bile de Tatou pour une potion Anti-coagulante, par exemple.

Mais le contrat était magique, donc…

-Je serais obligée de le faire? Par magie?

Rogue ne démentit pas. Ce qui me laissa pensive. Est-ce que je supporterais de recevoir et de devoir obéir à des ordres? Que ce soit en Potions ou durant un entraînement de DCFM ou Sortilèges? Même durant mon apprentissage des Métamorphoses?

-Si vous ne vous en sentez pas capable Lumare, vous pouvez très bien essayer votre apprentissage auprès de n'importe quel parvenu du Ministère.

-Non; grognai-je aussitôt.

Trop vite pour que ce ne soit pas sincère. Rogue ricana à cela, puis s'empara de la plume et signa de son écriture en pattes de mouche. Il nettoya ensuite le bout pour s'en perforer le pouce et apposer une goutte de sang sur le parchemin. Puis il posa la plume, et attendit. J'hésitais. Etre à la merci de n'importe quel sadisme de Rogue… pendant quatre mois… Mais je songeais aussi à toute la connaissance qu'il pourrait m'apporter, aux laboratoires jouxtant la salle de classe. Si je disposais, ne serait-ce que d'une pause par semaine, je pourrais continuer mes recherches sur la guérison de …

-Je n'ai pas toute la soirée; finit-il par siffler.

Et il s'empara du parchemin; que je saisis aussitôt. Nos doigts s'effleurèrent dans l'opération, ses doigts recouverts de bandages et glacés, qui accrochèrent les miens subitement, puis les lâchèrent. Il crispa ensuite sa main gauche au-dessus du bureau. … Ce devait être… un spasme involontaire. Rogue ne chercherait jamais volontairement le contact de quelqu'un Vaguement, je secouai la tête, avant de m'emparer de la plume, d'apposer ma signature, mon sang. Puis le parchemin se scella, et un rush de magie me foudroya. Je dus… me retenir à son bureau… Vacillant… La vision floue… Le souffle coupé… Je sentis seulement Rogue se lever pour m'approcher.

-Je vais… bien; grognai-je

L'instant d'après, sa main intacte m'enserrait la gorge. Il en faisait le tour de ses longs doigts, et resserrait, resserrait.

-Q-qu'est-ce que vous faîtes?! Sifflai-je en agrippant son poignet.

Pourquoi… Oh Merlin, qu'il lâche, qu'il lâche!

-Ce cou si fin… Je pourrais le briser sans que vous puissiez même vous défendre, Lumare.

J'agrippai sa main des deux miennes, enfonçant mes ongles toujours plus fort, et le regard trop flou pour parvenir à décrypter ses expressions. Avait-il… besoin… de m'intimider ainsi?!
Il finit par lâcher. Je m'effondrai à genou, le souffle rauque. Merlin... Lui recula et dut s'emparer du parchemin, le ranger dans sa cape.

-Vous venez de signer un contrat avec le diable.

-Non; baragouinai-je, avec un maître des Potions mondialement réputé.

Un rire sinistre lui échappa. Je cillai avant de lever un visage de plus en plus angoissé vers lui. Etait-il devenu fou?

-Ne vous est-il pas venu à l'esprit que d'un simple ordre je pourrais vous forcer à tuer? A trahir vos précieux petits amis? A détruire ce qui vous est le plus cher?

Je blêmis mortellement, avisant soudain les flammes qui dévoraient ses yeux sombres.

-Vous n'y gagneriez rien.

C'était une certitude, tout comme le fait qu'il était sérieux à cet instant, mortellement. Mais un Serpentard, leur directeur de surcroît, ne pouvait pas me détruire, risquer Azkaban, juste pour le plaisir. Voldemort venait d'être tué. Et il n'y avait plus de mangemort. Il ne pouvait pas faire ça. Nous… nous étions en paix. Oui… Il fallait… Il fallait rester rationnelle… rationnelle…

-Ou très peu en effet; et là un sourire dérangeant se logea sur ses lèvres, mais il y a quelque chose…

J-je me remis débout avec difficulté. Les yeux écarquillés par l'horreur de la situation. Je m'étais livrée à lui, magiquement, légalement! Q-quelle idiote! Et il était évident qu'il allait en tirer profit…

-… quelque chose que j'obtiendrai sans peine maintenant que vous avez librement consenti à m'obéir en toutes choses.

Je cessai inconsciemment de respirer.

-Vous. Je vous veux.