Chapitre 3
Le temps fut comme suspendu. Aucun de nous ne bougeait, nos respirations suspendues même. Je me contentais de le fixer, hagarde. Avant de tout simplement craquer, et d'exploser de rire! Vraiment, j'en avais les larmes aux yeux et devais me courber en deux sous l'hystérie qui me secouait. C'était juste… impossible! La chauve-souris des cachots! Me vouloir!
-Aurais-je dit quelque chose de drôle?
Son grondement rauque ne m'intimida même pas. C'était tellement… J'éclatai de rire encore une fois, tentant d'articuler quelques mots au milieu de mes éclats.
-Pas… Vous! Vous… ne…
C'était incompréhensible bien sûr. Et je ne parvins à m'arrêter que bien plus tard, les yeux brillants de pleurs contenus.
-Je ne savais pas que vous aviez un tel sens de l'humour; lâchai-je en les frottant.
Rogue, qui jusqu'ici s'était tenu rigide à quelques pas de moi, m'observait sans doute avec la même fureur que pendant mon éclat. Cette fureur, agitant les sombres profondeurs de ses orbes onyx, crispant chaque muscle de son visage et tordant ses lèvres en un rictus de profond mépris.
-Ai-je l'air de plaisanter? Siffla-t-il d'une voix infiniment trop doucereuse.
Je reniflai, lui faisant face maintenant un rien incrédule. Il plaisantait, n'est-ce pas?
-Mais enfin, regardez-moi! Protestai-je. Je ne suis pas…
Je n'eus pas le temps de finir, il se jeta sur moi, me plaquant contre le mur en piégeant mes poignets. Ce n'était pas poss… Ses lèvres glacés se posèrent sur le cou qu'il avait enserré quelques minutes plus tôt, embrassant ma peau, plusieurs fois. E-et contre mon entrejambe, la preuve de son désir. Il ne plaisantait pas… Je fus parcourue par une vague de froid intense, alors qu'il me mordait la clavicule. Et je commençai à me débattre. A paniquer aussi. Je paniquais!
-Lâchez-moi! Lâchez-moi, professeur!
-Dois-je vous ordonner de ne pas bouger? Susurra-t-il, son souffle contre ma nuque, son corps contre le mien, ses lèvres parcourant désormais l'angle de ma mâchoire.
Non, non, non! Je voulus lui donner un coup de genou, qu'il bloqua trop facilement, libérer mes poignets en ne réussissant qu'à me couper un peu plus la circulation. Et lui continuait ses attouchements écœurants! Il réussit à lever une main, jusqu'à ma chemise, à défaire le premier bouton.
-Non; vomis-je d'horreur.
-Allons; toujours cette voix doucereuse échouant sur ma peau, vous n'allez pas me faire croire que vous n'êtes encore qu'une craintive petite vierge.
Je me crispai à ces mots, blême; et ne pus rien rétorquer. Si bien que le bâtard graisseux en vint à rechercher mon regard. Mes yeux océan assombris contre ses onyx enflammés. Et Rogue laissa filtrer une étrange émotion, l'espace d'un bref instant, avant de ricaner:
-N'allez pas me faire croire…
Je le coupai, sifflant aussitôt:
-Nous étions en guerre! J'avais d'autres priorités!
Et… Et pourquoi est-ce que j'en venais à m'excuser de n'avoir couché avec personne?! Je me débattis, furieuse. Pour -cette fois- retrouver une partie de ma liberté- il me lâcha. Je m'écartai aussitôt de plusieurs pas, le fixant avec une haine que je ne prenais même plus la peine de dissimuler.
-Cinq nuits par semaine, et je vous interdis d'en parler à qui que ce soit.
L'horreur, le dégoût, autant que l'insidieuse magie du contrat, se répandirent dans mes veines.
-Non!
-C'est un ordre; lâcha-t-il sans passion.
Ses orbes noirs restèrent neutres. Mais ne... n'avait-il aucun remord? Ce qu'il s'apprêtait à faire… C'était du viol. J'allais me faire violer par le bâtard graisseux, cinq nuits par semaine pendant quatre mois.
-J-je me fiche que ce soit un ordre… Je ne vous laisserai jamais faire! Jamais! Je préfère mourir plutôt que de vous laisser me toucher!
Je hurlais maintenant, emplie d'une fureur incontrôlable et consumée par la peur. Peur, peur, peur… Peur quand il fit un pas vers moi.
-N'approchez pas! Sifflai-je.
Rogue ricana, il ricana seulement devant l'horreur de ce qu'il s'apprêtait à commettre!
-C'est moi qui donne les ordres ici, Miss Lumare. Et je vous ordonne de cesser vos hurlements pathétiques.
Tout mon être se révolta contre le nouveau flot de magie qui me submergea. J'étais un être libre! Fier et libre! Et jamais un homme aussi pourri et dérangé que lui ne pourrait… jamais!
-Je me contrefous de vos ordres! Ne m'approchez pas!
Mon rugissement se répercuta avec une force incroyable contre les murs des cachots. Et Rogue s'arrêta. Pâle? Et moi, debout, et soudain mala… Je… m'effondrai au sol, et crachai mon propre sang.
-Oh… Merlin…; baragouinai-je, le front en feu, le corps secoué de spasmes.
M-ma tête… A genou, je me recroquevillai tout en agrippant mes longs cheveux noirs, en appuyant ma paume contre mon œil gauche pour contenir l'atroce douleur qui me vrillait le crâne. Tellement mal, tellement … Mais malgré tout, je le sentis approcher. Et je vomis de nouveau, un long jet écarlate.
-N'approchez pas; couinai-je.
Seulement Rogue… Rogue le fit. Il vint à moi, m'effleura de sa cape en me contournant, pour ensuite s'asseoir au sol et m'amener contre son torse. Je… Je n'avais plus de force, lâchai juste un mince filet de sang alors qu'il refermait un bras autour de mes épaules et un autre autour de mes hanches.
Un frisson de dégoût à son contact, avant qu'une atroce douleur ne me vrille les tempes. Je m'agrippai les cheveux à deux mains, et Rogue s'adossa au mur, m'obligea à m'appuyer contre lui.
Non, je ne voulais pas, je ne voulais pas…
-Ne luttez pas, Lumare.
Ses longues jambes de chaque côté de mon corps… Et ses doigts que je sentais glacés même par-dessus mon uniforme… Je voulais juste me recroqueviller dans un coin, et oublier toutes ces horreurs, retrouver mes amis, faire le deuil avec eux de tous ceux que nous avions perdus. Et pas… me laisser asservir par cet être cruel, ce bâtard sans cœur, qui ne serait satisfait qu'en me voyant enfin brisée.
-Ne luttez pas; sa voix était plus douce, plus soyeuse, tandis qu'il me serrait plus fort contre lui.
Mais pensait-il qu'il parviendrait à me calmer par ces ordres ridicules?! Pour toute réponse, un nouveau jet sanguinolent jaillit de mes lèvres, et cette fois son bras gauche, sa main, ses bandages en furent aspergés. Tout ce rouge… Il ne réagit même pas, sauf peut-être en resserrant sa poigne autour de moi.
-Vous n'allez pas vous donner la mort pour si peu, stupide Gryffondor; souffla-t-il finalement au bout de quelques secondes.
J'avais trop mal encore pour lâcher autre chose qu'un: «-Si» rageur. Il réagit bizarrement, et en vint, de ses doigts, à essuyer le filet de sang qui s'écoulait de ma bouche. Ce contact me dégoûtait. Je détournai la tête.
-Lumare; soupira-t-il. Voulez-vous vraiment, après avoir survécu à une guerre en combattant au côté de «l'Elu», mourir pour ne pas subir quatre mois d'apprentissage avec moi?
Mourir, vraiment… Alors que mes amis m'attendaient, qu'une carrière passionnante se profilait, que nous avions enfin triomphé du plus grand Mal… Etais-je prête, par fierté, à détruire tout cela? A… me… détruire?
-N-non; lâchai-je finalement. Mais je me rendrais suffisamment malade pour que vous soyez dégoûté de moi à chaque fois. Je n'obéirai pas. Jamais. A aucun de vos ordres.
Et de cette désobéissance j'étais malade, malade. La fièvre montait. Et je me recroquevillai en gémissant, contre lui. Le fait qu'il passe sa main dans mes cheveux, qu'il amène mon front brûlant à s'appuyer contre son torse m'échappa. Tout comme le fait que les murs des cachots, de Poudlard, disparaissaient peu à peu, que la lumière s'amenuisait, que les bocaux emplis de cadavres d'animaux se brouillaient, que je perdais prise à la réalité, que je finis par m'évanouir, tout contre mon tortionnaire.
oo0oo
Lorsque je rouvris les yeux… toute la pièce qui m'accueillit était inondée de lumière. Ma vision se brouilla et je fermai difficilement les paupières, les rouvris. Etait-ce… l'Infirmerie? L'instant d'après, une tornade de boucles brunes me sauta dans les bras et je ne pus me concentrer que sur elle, sur ceux qui la rejoignirent bientôt.
-Tu nous as fait une de ces peurs! S'exclama Hermione en m'étreignant plus fort.
Je grognai une plaisanterie d'une voix enrouée alors qu'Harry me tapait sur l'épaule et que Ron… lorgnait sur le chocolat qui m'attendait au-dessus de la table de chevet.
-Tu peux y aller; l'autorisai-je en souriant.
-Ronald! C'est le chocolat de Khorine! Gronda aussitôt Mione.
Ron grogna qu'il avait faim, ce à quoi Harry rétorqua qu'il avait toujours faim, ensuite Hermione surenchérit. Cela se termina bien sûr en dispute, tandis que la main de Ron se rapprochait, puis s'éloignait du chocolat mis à ma disposition. J'imaginais que c'était pour que je reprenne des forces après tout le… sang que j'avais perdu. Mais… Etait-ce Rogue qui m'avait amenée ici?
-Q-que s'est-il passé? Balbutiai-je à l'encontre d'Harry.
Celui en lâcha l'observation de l'énième joute verbale entre nos deux meilleurs amis, et son sourire disparut tandis que ses yeux vert poison me transpercèrent. Je blêmis. Savait-il…
-Il paraît que Rogue (je tressaillis à ce nom) testait une nouvelle potion dans son laboratoire avant que tu ne l'accompagnes aux cachots, et que les vapeurs ont provoqué des dégâts tout le long de ton œsophage. C'est pour ça qu'après quelques minutes tu t'es mise à cracher du sang, beaucoup de sang.
Une potion? Dont l'inhalation provoquerait des lésions œsophagiennes? Il n'y en avait que très peu ayant cet effet; et, à ma connaissance, les deux qui pouvaient provoquer de tels dommages détruisaient aussi, inlassablement, le cardia de l'estomac. Pomfresh ne pourrait jamais se laisser avoir par ce mensonge alors que je ne vomissais pas…
-Ah Miss Lumare, vous êtes réveillée! S'exclama-t-elle en évitant le couple qui se disputait encore.
-Je t'ai déjà dit que tu ne mangeras pas ce chocolat!
-Mais si Khorine a accepté!
-Ce n'est pas une raison pour…
Mme Pomfresh referma les rideaux derrière elle, souriant toujours, avant de me tendre une friandise, et une nouvelle potion. La Cicatrix partialis. A-alors elle croyait…
-Vous pourrez sortir dans à peine deux heures, en pleine forme!
Je la fixai sans oser y croire. Ne se doutait-elle pas que ce salaud lui avait menti?
-M-mais ce n'est pas une pot…
Un brusque afflux de magie me transperça. Je m'effondrai contre mon lit, du sang plein la bouche.
-Trois heures peut-être; grommela l'Infirmière, avant de porter la potion à mes lèvres.
Je l'avalai avec mon sang et toute possibilité de répliquer, puis appris que j'avais déjà bénéficié d'une dose de RS, que nous nous installerions tous dans les quartiers de nos maîtres et maîtresses d'apprentissage, que nous devions prendre des forces pour les mois intenses qui nous attendaient. Et puis je m'endormis de nouveau, assommée par les potions et les pertes successives de globules rouges, de plasma.
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Lorsque je m'éveillai de nouveau, je pus sentir par-delà mes paupières fermées l'éclat chaleureux d'une fin d'après-midi. Je soupirai un peu, pour me rouler en boule en agrippant mon oreiller. Plus bouger… Je ne voulais plus jamais bouger…
-Bien dormi, Miss Lumare?
Un terrible sursaut m'éjecta contre le montant du lit que je percutai bruyamment, je ne cillai même pas, gardant toujours les yeux écarquillés fixés sur celui qui venait de siffler ces derniers mots. Rogue était là, assis sur une chaise à ma droite et encore trop près pour que je ne m'écarte, sans même y penser, vers le coin opposé du lit. Je… tremblais, et lui restait rigide sur sa chaise, me fixant avec dédain. Il pouvait… j'étais particulièrement pitoyable. Serrant les dents, je m'obligeai à me calmer, me calmer, je devais faire face avec bravoure. Je ne devais pas avoir peur!
-C'est la dernière fois que je tolère vos petites crises de panique, la dernière fois que je vous amène à l'Infirmerie couverte de sang. Je vous interdis de vous faire du mal.
Je lui décochai un regard de pure haine, asservie au rush magique qu'il avait provoqué, tandis qu'il ricanait:
-Et, par la même occasion, de tenter quoi que ce soit contre ma personne.
La magie du contrat, encore, plus forte. La tension se propagea, et je… ne pus lutter… Cette fois je m'écroulai contre le bois du lit. Le silence s'étendit après cela. Le soleil se coucha à l'horizon, Rogue m'observait, je fixais le vide. Et puis, je m'entendis murmurer d'une voix rauque:
-La Passionis et la Sectionaris Artêria sont les deux seules potions connues pour endommager directement le système de vascularisation de l'œsophage. Et elles touchent toutes les deux le cardia de l'estomac. Si j'avais inhalé des vapeurs toxiques j'aurais dû vomir autre chose que du sang… Pourquoi, Mme Pomfresh, ne l'a pas vu?
Je tournai la tête vers Rogue, les mâchoires légèrement crispées autant par dépit que par dégoût. Quand je pensais qu'il allait… Lui…
-N'en demandez pas trop à cette chère infirmière; se moqua Rogue en croisant les bras.
Je réprimai un rictus douloureux, et puis l'observai. Son visage était anguleux, ses traits tirés sur une peau cireuse, presque jaunâtre, son nez tordu et busqué, ses cheveux étaient gras bien entendu, jusqu'à graisser le col de sa robe, ses dents –lorsqu'il s'aventurait à les dévoiler- auraient pu faire fuir une corporation de Médicodentistes… ces dents qui avaient mordu ma peau… Et ses yeux noirs, si vides ou si fiévreux.
Son visage était particulièrement repoussant. Et son corps, de ce que ne pouvaient cacher ses capes et ses robes de sorcier, était trop maigre; et sans doute parsemé de blessures et de cicatrices dues à son "glorieux" passé. Je grimaçai, ce qu'il dut –correctement –interprété comme de la répugnance, parce que l'instant d'après, il quittait son siège et s'éloignait.
-Vous pouvez quitter dès à présent l'Infirmerie pour rejoindre les cornichons bienheureux que vous appelez vos amis; lâcha-t-il d'une voix doucereuse, en se cachant parmi les premières ombres de la soirée. Nous dînons dans la Grande Salle à vingt heures, et à vingt-heures trente précisément je veux que vous quittiez la table avec moi. Ensuite… je vous montrerai vos appartements et votre chambre.
Je frémis d'horreur à ces mots, et l'instant d'après, Rogue s'éclipsait dans un envol de cape. Je doutais… à présent… que cracher quelques gouttes de sang suffirait à le dégoûter. J'avais l'horrible impression d'avoir scellé mon destin en même temps que ce maudit contrat. L'impression que, quoi que je fasse, je ne pourrais pas l'empêcher de me prendre tout ce qu'il désirait. Comme si il… il n'y avait plus aucun retour en arrière. Aucun.
oo0oo
Vingt-heures vingt-neuf et vingt-huit secondes…
-Ron, c'est la troisième fois que tu prends des profiteroles ce soir!
-Mais chais faim, Mione! Se défendit le rouquin en gobant deux choux fourrés à la glace en même temps.
Il en vint même à embarquer sa coupe d'une main pour ne pas risquer de se la faire prendre. Hermione, bien sûr, lui dédia un regard assassin. Harry, quelques jeunes Aurors et moi n'y fîmes que modestement attention, en plein débat de Quidditch. Et puis… vingt-heures trente. J'entendis à l'autre bout de la salle la chaise de Rogue grincer contre le parquet, mon estomac se tordit douloureusement, la magie se déversa dans mes veines, je me levai contre mon gré.
-Tu t'en vas déjà? Fit Harry.
-Oui, Rogue m'a ordonné de sortir de table en même temps que lui…
Mes jambes me… me portaient contre mon gré loin de notre table. Je lui fis un petit signe de la main pour paraître un rien naturelle, avant de devoir me détourner, et quitter la Grande Salle. Oh Merlin, je ne voulais pas la quitter, pas quitter mes amis… surtout pas pour retrouver Rogue, surtout pas pour ce qu'il voulait commettre. Il… Il m'attendait à l'extrémité d'un couloir et n'eut qu'un rictus complaisant avant de se détourner sans un mot. Il m'emmena vers les cachots. Et j'en étais malade… Sans rapport avec un quelconque refus d'obéissance. Les cachots… les couloirs sombres, venteux, glacés… Les portraits sinistres accrochés aux murs… le claquement sec des bottes de Rogue contre les dalles de pierre… Il y eut le tableau des sorcières de Salem, puis nous dépassâmes cinq portes avant d'arriver à… à celle de mes appartements. Un tableau plongé dans une pénombre totale en gardait l'entrée.
-Caeruleum sidus.
Ce murmure seul trancha l'épais silence environnant. Puis la porte se déverrouilla, s'ouvrit, dans un grincement effrayant. Merlin… jamais je n'aurais pensé qu'il existait, à Poudlard, d'endroits aussi sinistres que celui-ci. Aucune flamme, aucune lumière, aucun Peeves caquetant ou fantôme fusant au travers des murs, aucun portrait extatique. Rien que le silence, et les ténèbres… Je m'empressai, malgré moi, de passer la porte que Rogue me gardait ouverte. Et je fis quelques pas, avant de m'arrêter net au milieu de ce qui allait être mes appartements, durant quatre mois!
C'était gigantesque et... et aux couleurs de Gryffondor! Le rouge, l'or, plusieurs canapés de cuir sombre face à un bon feu de cheminée, une table basse en bois clair, un tapis résolument Gryffondorien, il y avait deux marches amenant à la partie supérieure de la pièce où trônait une table imposante –parfaite pour le travail- et deux portes au fond. Mais je n'avais même pas la curiosité de les ouvrir pour l'instant, irrésistiblement attirée par les murs de livres qui m'entouraient! Merlin, j'en oubliais complètement mon horrible situation. Et je fis… un pas vers le mur de gauche, fascinée, encore plusieurs pour arriver jusqu'aux volumineux grimoires qui n'attendaient que moi, les effleurai du bout des doigts. Toute cette partie traitait de potions… J-je ne savais pas qu'il y avait des appartements, aux couleurs de Gryffondor, emplis de grimoires fascinants, avec le… une édition limitée du Volumen Medicinae Paramirum tome I, de Paracelsus!... au fond des cachots. C'était… étrange en fait…
-Ces appartements vous plaisent?
Je tressaillis aussitôt, me retournant en agrippant fort le vieux grimoire. J'avais… oublié.
-Oui; murmurai-je.
Puis je me forçai à lever les yeux vers lui. Il se tenait adossé contre le chambranle de la porte, les ténèbres des cachots grouillant derrière lui, ses yeux sombres aussi brûlants que le feu de mes appartements. Et il allait… ce soir. C'était… plus fort que moi… mes mains me trahirent, tremblant violemment. Et Rogue s'en rendit compte. Mais il n'exprima rien cette fois qu'un visage parfaitement neutre. Il ne fit pas même un pas pour entrer dans le salon.
-La porte du fond à gauche mène à la salle de bain, celle de droite à votre chambre. Je vous laisse libre de visiter; annonça-t-il d'une voix doucereuse avant de, tout simplement, me quitter et refermer la porte derrière lui.
La terreur qui m'avait soudain enserré le cœur disparut aussitôt, et je m'écroulai contre les étagères remplies de livres, me laissant glisser jusqu'au sol.
-Oh Merlin; soufflai-je en fermant les yeux.
J-je ne voulais même pas penser au fait qu'il puisse revenir plus tard. Lentement, je me remis debout, et serrai mes mâchoires comme mes poings. Je ne devais plus faire preuve de cette écœurante faiblesse! J'avais participé à cette monstrueuse guerre, déjà tué! J'avais contribué à la destruction d'un tyran, de Voldemort! Je ne laisserai pas un de ses vulgaires subalternes me briser! Non…
Je passai une main dans mes longs cheveux ébouriffés, puis pris le parti de continuer mon exploration –le grimoire de Paracelsus toujours en main-. Je découvris la salle de bain, sa grande baignoire, sa douche, l'important miroir au-dessus de l'évier. Et je m'y… arrêtais. Mon reflet… Mes cheveux noirs cascadaient sans ordre dans mon dos, comme d'habitude, mon visage trop pâle, mais ce qui m'arrêta vraiment ce fut mes yeux bleus à présent brillant de larmes! Comme si, comme si j'allais pleurer à cause de cet enfoiré! Je me détournai, furieuse, avant d'entrer dans ma chambre. Spacieuse, toujours rouge et or, des livres prenant d'assaut les quatre murs de la pièce. Je grognai vaguement d'appréciation avant de décider de m'installer, de ranger mes affaires. Puis j'étudierai le grimoire que j'avais trimbalé jusqu'ici et ne laisserai mon esprit dériver sur rien d'autres que les théorèmes, les formules et les potions testées ou inventées par ce maître potionniste! Rien d'autre!
Je suivis tant et si bien mon programme que je ne m'aperçus pas des heures qui défilèrent. A minuit, j'étais encore plongée dans ma lecture, une plume gorgée d'encre à la main, des parchemins parsemés tout autour de mon lit.
Je n'entendis pas vraiment le crépitement soudain des flammes dans le salon. Mais fus parfaitement consciente de la porte de ma chambre qui grinça.
-Professeur; sifflai-je, crispant les doigts autour de ma plume.
Il fixa, sarcastique, le tableau que j'offrais entourée de feuilles couvertes d'encre et agrippée à mon grimoire.
-Je vois que Paracelse a su capter votre attention.
Sa voix était presque neutre, un rien narquoise, légèrement rauque. La mienne fut parfaitement glaciale:
-Je doute que vous soyez venu jusqu'ici pour me parler de Paracelse.
-Vous doutez bien; murmura-t-il.
Et Rogue s'avança. Je restai absolument figée, tandis que lui prit le temps de rassembler tous les parchemins, de les ranger sur ma table de chevet, puis de s'éloigner pour retirer sa cape, sa redingote. Le silence dans la chambre était écrasant. Rogue… ne fut plus vêtu que d'une chemise blanche et d'un pantalon noir. Ce fut, presque étrange, de le voir pied-nu aussi. Je m'arrêtais à des détails d'une telle stupidité! Puis d'un geste fluide de la main, sans même utiliser sa baguette, il éteignit la bougie sur ma table de nuit… Et il s'assit sur le côté gauche de mon lit. Je… n'avais pas bougé, pas lâché mon grimoire, me contentant de le fixer en luttant contre cette peur qui tentait de s'infiltrer dans chaque fibre de mon être.
-Il est tard. Fermez ce livre et venez vous coucher.
Un ordre. Je refermai le grimoire contre ma volonté, le posai, puis m'étendis sous les couvertures en refusant de me détourner. Je ne me terrerais pas dans un coin en attendant qu'il abuse de moi. Je m'y refusais. Au lieu de cela, digne Gryffondor, j'attendis sa prochaine action en fixant mes prunelles océan à son regard noir. Mais il ne fit que, s'allonger, près de moi.
-Je peux savoir ce que vous faîtes; sifflai-je, la haine dansant dans mon regard.
-Non; soupira-t-il.
Puis il se rapprocha soudain, me prit dans ses bras avant de… de… poser son menton contre ma tête, et d'arrêter tout mouvement. Rogue… allongé à côté de moi… qui m'étreignait! Qui voulait… il voulait seulement dormir! Etait-ce une blague particulièrement vicieuse?! J'en étais abasourdie, mon front brûlant dans le creux de son cou, mon corps contre le sien, i-il avait emmêlé ses jambes dans les miennes. Et il ne bougeait plus!
-Qu'est-ce que vous pensez être en train de faire?
-Dormir; lâcha Rogue d'une voix étrange. A moins que vous n'ayez prévu autre chose?
Je tressaillis à cela, et me tus complètement. Il semblerait que Rogue n'ait rien prévu d'autre pour ce soir, alors autant… autant supporter le moins atroce. Difficilement, je me contrains à fermer les yeux, resserrai les bras autour de mon corps et m'obligeai à supporter les siens autour de mes hanches, son être trop près du mien, le battement irrégulier du sang à sa jugulaire, et les odeurs intriquées des différentes potions qu'il avait brassées aujourd'hui. Anti-magicis Clypeum… Tue-loup… Cicatrix partialis… Cicatrix part… Le sommeil m'emporta avant même que j'aie pu forger mon avis sur la chose… Quelle chose?
