-Pingouin au caramel!
Et la gargouille gardienne du bureau directorial s'éleva pour laisser apparaître un grand escalier hélicoïdal.
-Dumbledore et ces mots de passe… grommela Ron en montant les premières marches.
-Dis-toi que ça aurait pu être pire; répondis-je, le sourire aux lèvres.
Mais si Ron eut une grimace des plus significatives, Harry et Hermione –eux- restèrent de marbre. Plus silencieux et préoccupés que jamais.
-Oh allez, qu'est-ce qui vous arrive? On n'a pas fait de bêtises récemment, Dumbledore ne peut pas… commença Ron.
Mais Hermione le coupa, fronçant les sourcils:
-Bien sûr que non. Il ne s'agit pas de quelque chose d'aussi insignifiant.
Il ne fallait pas être sorcier pour deviner de quoi il s'agissait. Et mon regard se tourna aussitôt vers Harry, dernier de notre groupe. Il était inquiet, terriblement inquiet. L'avenir du monde sorcier de nouveau sur ses épaules et la fatigue et la crainte de nouveau présentes dans son regard vert.
-Voldemort? Demanda Ron, comprenant enfin.
Un lourd silence lui répondit, seulement rompu par le raclement de nos chaussures contre les marches de l'escalier. Voldemort… sa menace constante… la douleur des pertes… Mon regard se voila l'espace d'un instant. Et lorsque je revins à la réalité, nous nous tenions tous quatre devant la porte en bois du bureau de Dumbledore.
-Entrez!
Ron ouvrit le battant de bois et, quelques instants plus tard, nous nous retrouvions face à Dumbledore… ainsi qu'à Mc Gonagall, Flitwick, Lupin et Rogue. Je crispai imperceptiblement les mâchoires en notant la présence de ce dernier.
-Bonsoir professeurs; lança Hermione –en notre nom à tous-.
Et la plupart nous sourirent… je crois que mes amis se détendirent en sentant l'atmosphère tout sauf pesante ou menaçante. Moi seule restais crispée, poings et mâchoires durement fermés.
-Bien, asseyez-vous mes enfants.
Nous prîmes place dans les quatre fauteuils face au bureau tandis que les professeurs rejoignaient Dumbledore. Ce dernier s'éclaircit la gorge avant de demander:
-Un peu de lait, de chocolat?
-Oui! Lança Ron avant d'être foudroyé du regard par Hermione. Hum… non merci.
Je ne pouvais imaginer ô combien il était difficile pour le roux de résister à l'appel de son ventre. Mais aucun sourire n'apparut sur mes lèvres. J'étais en sa présence et je le sentais m'observer de ses yeux sombres et méprisants.
-Je vois Monsieur Weasley; répondit le directeur en souriant dans sa barbe. Dans ce cas, passons directement au sujet qui vous amène.
Nous écoutâmes avec attention.
-Vous avez admirablement combattu, depuis votre première année. Chacun d'entre vous a pu prouver sa valeur…
Je refusai de prêter attention au reniflement méprisant venant du bâtard graisseux.
-Mais le chemin qu'il reste à parcourir est encore long, si long, que j'ai pensé à vous faire monter sur le dos de troll…
La réplique ne tarda pas:
-Nous comparer à des trolls, Albus! Franchement!
-Hum… Des dragons?
Je vis du coin de l'œil le petit professeur Flitwick rougir et je ne manquai pas d'hausser un sourcil. Qu'est-ce ce vieux citronné avait encore inventé?
-En tout cas; continua Albus sous le regard réprobateur de Mc Gonagall et plus qu'intrigués des nôtres, chaque membre de l'Ordre a tenu à soutenir ma brillante idée et j'ai maintenant le plaisir de vous présenter vos maîtres d'apprentissage!
Hermione ne put retenir un petit cri ravi.
-Comme de l'approfondissement de cours? Demanda Ron en se renfrognant.
-D'une certain façon Monsieur Weasley; lui répondit le directeur. Sauf que votre formation portera avant tout sur les sortilèges de défenses et toutes autres connaissances nécessaires au combat.
Hermione trépignait déjà d'impatience, quant à Harry même si cela se voyait moins il semblait… soulagé. Et cette lueur d'espoir dans ses émeraudes me détendit. Je l'observai avec douceur, oubliant presque ou je me trouvai, avant qu'Hermione ne demande:
-Comment va-t-on pouvoir placer tous les horaires de ces quatre nouveaux cours dans nos emplois du temps? Nous n'avons pas tous les mêmes options, il y a leur Quidditch et…
-Certainement; siffla sa voix désagréable, préférer les runes anciennes ou le Quidditch à l'entraînement au duel vous sera des plus utiles.
-Mais je… Commença Hermione avant d'être interrompue.
-Ne vous inquiétez pas miss Granger; la rassura le professeur Mc Gonagall, aucune de vos options ne sera enlevée.
Dumbledore hocha la tête, le regard soudain bien plus malicieux:
-Chacun de vos professeurs est plus que qualifié pour vous enseigner tout ce que vous aurez à savoir. Vous n'en aurez donc qu'un seul pour votre maîtrise.
-Merveilleux! Murmura Mione.
Et j'eus le début d'un sourire, avant de me rappeler quels étaient les professeurs présents.
-Vous devrez seulement passer un contrat réglementaire d'apprenti à maître avant de commencer l'entraînement. Bien, alors Miss Granger vous serez sous la tutelle du professeur Mc Gonagall.
Mon amie envoya un sourire éclatant à son professeur préféré qui lui rendit un regard bienveillant.
-Monsieur Weasley sera avec le professeur Flitwick.
Oh Merlin! Cela voulait dire qu'il restait…
-Monsieur Potter avec le professeur Lupin.
Je blêmis aussitôt les ongles soudainement enfoncés dans les bras de mon fauteuil. Non! Ca ne pouvait pas…
-Et Miss Lumare avec le professeur Rogue.
Mon visage se tordit sous la répulsion qui me saisit. Non! Je ne voulais pas!
-Professeur…; lâchai-je d'une voix bien trop rauque.
Une envie de vomir me prenait la gorge.
-Un problème, Lumare? Demanda mielleusement le professeur le plus exécré de Poudlard.
-Vous ne pouvez pas…; tentai-je.
Harry vint à ma rescousse:
-Khorine pourrait travailler avec moi! N'est-ce pas, Remus?
Je levai un regard suppliant vers Remus qui était, jusque-là, resté silencieux. Le loup-garou m'observa avec douceur, de ses deux yeux d'ambre, puis me sourit:
-Je serai ravi de t'avoir avec nous, Khorine.
Et j'aurai pu soupirer de soulagement si Rogue n'avait pas ricané:
-Bien sûr, élever une petite meute de monstres sanglants va être d'un grand intérêt dans les batailles à venir.
-Mieux qu'un essaim de chauve-souris; marmonnai-je d'une voix sourde.
Mais Rogue l'entendit et, avant que quiconque n'ait pu l'arrêter, il m'accula contre le dossier de mon fauteuil:
-N'oubliez pasqui sera votre maître.
Mon regard azur était prisonnier de ses yeux emplis de ténèbres, tout autant que mon corps l'était dans le fauteuil qu'il tenait. Cette proximité me souleva le cœur et je lui renvoyai toute la haine qu'il m'évoquait avant de cracher à son encontre:
-Vous ne serez jam…
-Miss Lumare! Appela Dumbledore.
Et je crispai violemment les mâchoires.
-Je suis navré de vous décevoir, mais Severus est le plus apte à diriger votre formation. Vous ne pouvez en aucun cas vous permettre de refuser.
Rogue eut un rictus victorieux, puis lâcha mon fauteuil. Lui… Obligée d'être avec lui… des heures entières… C'était impossible! Rien que la façon dont il m'avait traitée à l'instant était inadmissible! La colère et le dégoût se mêlaient dans mon regard alors que celui de mes amis ne reflétaient que consternation. Mais malgré tous les arguments que nous pûmes avancer ce soir-là, je fus obligée de signer un contrat de maîtrise… avec Rogue.
ooOoo
L'enfer depuis plus de deux mois… Il m'appelait chaque soir par la marque apposée sur mon poignet, et ce à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Parfois, lorsque parfaitement crédule je pensais qu'il m'avait oubliée et me couchai, j'étais réveillée et obligée de redescendre aux cachots en pyjama.
J'étais épuisée. Par les horaires qu'il m'imposait mais aussi par le travail que je devais abattre. Tous les devoirs que j'avais en commun avec les autres étudiants, plus toutes ces recettes de potions que je devais apprendre ainsi que toutes les protéines, molécules et alcaloïdes qui interagissaient, leurs actions sur le corps humain, leurs localisations au sein de la plante et donc évidemment le nom des végétaux contenant de telles substances. Soit disant pour me permettre de fabriquer des remèdes sur place! Et puis il y avait les leçons théoriques de DCFM et leurs applications aux entraînements. Je ne sais ce que j'exécrais le plus? Les entraînements éreintants qui me laissaient crampes et blessures, où il me rabaissait et ne consentait à cesser ses attaques que lorsque je ne pouvais plus me relever; ou bien la partie leçon et potion durant laquelle la moindre erreur était sanctionnée… par la règle. Une règle de métal tranchante, posée sur son bureau, couverte d'éclaboussures d'un rouge sang. J'avais honte de me l'avouer mais… j'avais peur de ses punitions. Tellement peur de faire la moindre erreur. Et tellement peur que mes amis le remarque. Ils avaient vu les marques sur mes mains, mais seulement elles. Si… Si jamais ils savaient combien Rogue me maltraitait et comment je le laissais faire! Oh, ils me traiteraient de lâche. Oui, c'était bien ce que j'étais. Une lâche, de plus en plus effrayée par ses regards malveillants, de plus en plus blessée par ses remarques méprisantes et incessantes, de plus en plus soumise…
-L'alcaloïde principal des herbes aux sorcières?
Je baissai le regard, tremblant déjà. J-je n'avais pas étudié d'herbe aux sorcières… juste les solanacées qu'il m'avait demandées.
-Non? Vous ne savez pas Lumare? Railla-t-il.
Je crispai les mâchoires... pour m'éviter de claquer des dents. Il faisait froid dans les cachots, j'étais en pyjama, pieds nus, fatiguée, et je ne savais pas…
-A croire que vous prenez plaisir à vos punitions?
J'écarquillai aussitôt les yeux et les tremblements reprirent, plus forts. Non, non… Je l'entendis se déplacer vers son bureau, j'entendis la lame racler contre le bois, puis les pas qui se rapprochaient. Les larmes me montèrent aux yeux. N-non… Pas encore. Mes doigts étaient glacés, je…
-Vos mains; ordonna-t-il.
Je les gardai serrées le long de mon corps tendu. Mes yeux cernés de gris tournés obstinément vers le sol, j'ignorai son ordre, priant pour que ce ne soit qu'un cauchemar de plus.
-Vos mains; siffla-t-il d'une voix nettement plus froide.
Mais je ne bougeai toujours pas, le visage caché par de fines mèches brunes. Je ne le voyais plus ainsi et… Un sortilège d'une puissance inimaginable me percuta de plein fouet et je m'écroulai au sol en hurlant. La douleur, chaque muscle déchiré de l'intérieur, le sang qui bouillonnait, les convulsions intenables. Puis tout cessa.
-Relevez-vous Lumare, que je n'aie plus à utiliser le Doloris.
Je… ne voulais plus me lever. Plus jamais. Mais j'avais si peur. Encore tremblante, de douleur cette fois, je lui obéis. Je tenais à peine sur mes jambes. Si seulement je pouvais me retenir au bureau ou au mur. Non, si seulement je pouvais partir. J'étais faible, pitoyable. Tellement pitoyable.
-Vos mains!
Pour la première fois de la soirée, je crispai les mâchoires, par colère. Je ne pouvais pas être faible, je devais supporter les punitions. Je devais… Je levai les mains devant moi, m'obligeai avec difficulté à ouvrir mes poings crispés, et j'attendis sans relever la tête.
-Regardez-moi, Lumare. Votre imbécilité est intolérable, tout comme votre faiblesse et votre répugnante personne. Regardez-moi!
Et je relevai la tête pour le fixer d'un regard brûlant de rage. Oh combien je le haïssais! Rogue eut un léger tic, avant de retrouver une expression nettement plus doucereuse. La règle en métal se leva, je la vis étinceler au-dessus de ma tête l'espace d'un instant. Puis un éclair de métal, et une douleur déchirante. Cette fois je ne lâchai pas un gémissement. Mais mes mains qui tremblaient…
-Pitoyable; siffla Rogue… Vous deviez apprendre votre leçon pour aujourd'hui Lumare.
Un nouveau coup. Les larmes me montèrent aux yeux.
-Alors, cet alcaloïde? Principe actif du Veritaserum.
Mais? Je connaissais la réponse…
-S-scopolamine; lâchai-je avec difficulté.
Le coup partit aussitôt et je sentis un liquide poisseux couler le long de mes doigts tremblants. Si mal… J'avais si mal…
-Pourquoi ne l'avez-vous pas dit plus tôt?! S'énerva-t-il.
Je serrai les mâchoires avant de parvenir à cracher d'une voix rauque:
-Vous n'avez jamais dit que les solanacées que j'étudiais étaient des herbes aux sorc…
La règle se ficha dans ma main et j'hurlai de douleur. Mes mains étaient en feu malgré le liquide qui gouttait le long de mes doigts.
-Alors, reprenons notre leçon. Donnez-moi le nom des quatre solanacées utilisées majoritairement en potion.
La haine… Et ces tremblements que je ne pouvais contrôler. Je le haïssais pour ce qu'il me faisait! Et ce fut en insufflant tout le venin que je pouvais que je prononçai avec difficulté:
-J-jusquiame… belladone… stramoine et mandragore.
Rogue ne prêta aucune attention à mon état.
-Quels sont les effets de leurs alcaloïdes principaux?
-Inhibiteurs... Haletai-je. Empêchent la fixation de l'acétylcholine.
Il se retourna dans un envol de cape effrayant et siffla:
-Les effets visibles, pauvre idiote!
Et mon regard flamboya de rage à ses mots. La douleur ne faisait que la galvaniser, détruisant toute trace de crainte.
-Vous ne l'avez pas précisé!
A ces mots, Rogue entra dans une colère noire. Et je payai chèrement mon erreur. Lorsque mes mains ne furent plus qu'un amas de sang et de chair, il passa à mon dos. Merlin… si mal… Puis il me balança une fiole de cicatrisation et m'éjecta de ses appartements.
Je l'avais toujours su, ce serait un supplice. Un supplice que personne ne devrait soupçonner. Jamais.
ooOoo
Tout en lui me dégoûtait, ses yeux plus sombres que la nuit, ses cheveux graisseux, ses longues mains fines et pâles, ses dents jaunâtres et ses lèvres trop fines, son nez en bec d'aigle, son corps caché par ses robes de sorcier et ses longues capes noires… Oui, je le haïssais! Je haïssais son masque d'impassibilité et encore plus les moments où il se brisait pour laisser apparaître cette fièvre qui enflammait ses yeux onyx. Je haïssais chaque exécrable moment que je passais avec cette chauve-souris, chaque seconde où il me faisait souffrir. Tellement…
-Pour une fois que vous connaissez votre leçon, Lumare.
Je ne répondis pas à la provocation, rangeant juste mes mains tremblantes mais sauvées derrière mon dos. Rogue ricana avant de tourner une nouvelle page de son grimoire. Cette chauve-souris était confortablement installée dans son canapé, alors que je grelottais debout, au milieu de la nuit, dans ses appartements. Mais la torture semblait avoir pris fin, j'allais pouvoir retourner dans mon dortoir et savourer l'une de mes premières victoires. Cela faisait presque une semaine que je n'avais pas reçue de coups. Soupirant, j'allais le saluer et m'écarter; lorsque ses longs doigts s'agrippèrent à ma manche de pyjama qu'ils tirèrent à lui. Déséquilibrée, je chutai en avant tout contre le canapé. Je voulus aussitôt m'écarter, les yeux emplis d'incompréhension, mais ses deux bras se refermèrent autour de moi. Je me pétrifiai de stupeur. Qu'est-ce que… Puis Rogue passa, avec douceur, une main dans mes longs cheveux bruns ondulés. Il la passa et la repassa, en une caresse aérienne alors que son étreinte était ferme et ne laissait aucun chance de fuite. Que… cette étreinte… Quel nouveau piège…? Les yeux écarquillés par la surprise, je le sentais soupirer tout contre moi. Il me caressait avec une telle douceur… Mais je revins à la réalité dans un brusque sursaut et le repoussai.
Je fusai hors du canapé, tremblante alors que je sentais son regard brûlant me fixer, ne comprenant absolument rien à ce qui venait de se passer, et ne le souhaitant d'ailleurs pas. Parce que… s'il me battait lorsque je donnais de mauvaises réponses et m'offrait une caresse comme toute récompense lorsque j'avais les bonnes, cela signifiait son mépris infini. Il me traitait comme… un petit chien. Mon regard se durcit instantanément et ce fut d'une voix rauque de colère que je lâchai mon quotidien:
-Bonne soirée; avant de quitter ses appartements.
Son chien! Le petit chien de Rogue! Voilà comment il me voyait, moi son apprentie! L'honneur meurtri, je remontai jusqu'à ma salle commune, montai en trombe jusqu'à mon dortoir où je m'écroulai sur mon lit. Et ce ne fut qu'une fois la tête contre mon oreiller que je sentis les larmes qui coulaient de mes yeux bleus. Des larmes témoignant d'une douleur sourde… Mais on ne m'y reprendrait plus. Non, plus jamais.
ooOoo
-Dans le pistil d'une fleur, quelle est la différence entre ovule, ovocyte, ovaire et oosphère?
Par chance, j'avais révisé cette partie seulement deux jours auparavant. Ce pourquoi je pus répondre avec facilité:
-L'oosphère est le gamète femelle de la fleur, il est contenu dans l'ovocyte mature appelé ovule. Et l'ovaire est la partie du gynécée où sont situés ces ovules.
Réponse correcte… ou presque.
-A qui vous adressez-vous? Gronda-t-il depuis son bureau.
-Professeur; repris-je aussitôt, en tordant les mains derrière mon dos.
Je voulais qu'il reconnaisse mon travail. Non pas qu'il me félicite. Je n'étais pas son chienet je n'attendais pas de récompense! Je voulais juste qu'il le voit. Qu'il me voit. Mais Rogue ricana sèchement avant de siffler d'une voix plus glaciale que d'habitude.
-Encore raté, Miss Lumare. Je suis bien plus que votre professeur depuis que vous avez signé ce contrat. Et je n'ai que trop supporter votre impertinence. Appelez-moi par mon titre.
Maître? Non, jamais; pensai-je les mâchoires crispées par la colère. Mon regard se durcit et je redressai avec fierté la tête avant de répondre en le fixant sans ciller:
-Je refuse.
Je m'attendais au Doloris qui fonça sur moi et le reçus presque sans surprise. La douleur par contre était toujours aussi intolérable. Je ne tins que quelques secondes avant d'hurler en me tordant sur le tapis. Elle s'insinuait… partout… Me brûlait… Me déchirait de l'intérieur…
-Suppliez-moi d'arrêter.
Le sortilège baissa légèrement d'intensité, avant de se décupler. J'hurlai de plus belle tout en sanglotant parfois et finis par sortir:
-S'il v-vous… plaît! Vous en s-supplie…
Mais le Doloris se répandait toujours en moi.
-Qui est-ce que vous suppliez? Entendis-je avec difficulté.
Cette fois, je me mordis la lèvre jusqu'au sang, mes dents coupant et coupant encore la peau au rythme de mes convulsions. Non! Non… je ne… suis pas… son chien! Et ce fut sur un dernier regard brûlant de fureur que je perdis connaissance. Une voile obscurcissait mes pensées, mon regard, mon corps entier. Je sentais confusément mes tremblements sans pouvoir rien faire pour les contrôler. Puis une potion au goût abominable passa la barrière de mes lèvres et je fus arrachée à l'obscurité.
-A genou, Lumare! Et faîtes pardonner à votre maître cette insubordination.
Mon esprit eut du mal à trouver un sens à ces paroles. Puis, lorsque je le compris finalement, mon regard flamboya de rage. Je le tournai aussitôt vers Rogue et baragouinai, du sang plein la bouche:
-Vous n'êtes pas… mon maître. Et je… ne me mettrai… pas à genou… devant vous!
Et sur ce, je m'accrochai avec toutes les forces qui me restaient aux pierres du mur derrière moi et parvins à tenir en équilibre sur mes jambes tremblantes. Des mèches de mes cheveux collaient à mon front en sueur et j'haletais avec difficulté, la gorge en feu tandis que Rogue me toisait. Son regard brûlait d'une flamme plus intense que jamais et son visage, envahi d'un léger rouge, trahissait toute sa fureur. Je sentais qu'il n'allait pas tarder à céder, qu'il allait me torturer encore. Mais je ne céderai pas. Jamais. Mon regard dur se scella à celui de Rogue. Coulée de lave obsidienne qui n'allait pas tarder à se libérer…
-Fichez le camp!
Et c'était comme un retard de quelques secondes dans l'explosion du volcan. Un retard qui pouvait me sauver la vie. Alors, sans demander mon reste, je filai comme je le pus jusqu'à la porte et la refermai derrière moi. Des fioles explosèrent à peine l'avais-je quitté. Et je ne me risquai pas à reprendre mon souffle contre le panneau de bois. Malgré mes tremblements et la douleur peu contenue du Doloris, je me traînai dans les couloirs, toujours plus loin de la porte de mon bourreau.
ooOoo
Durant les mois qui suivirent, sa demande explosait soudainement pour disparaître le lendemain. Mais même dans ces moments de relative sécurité, je l'apercevais toujours qui couvait dans son regard. C'était un besoin, comme vital pour lui, d'être respecté. Comme s'il avait attendu toute sa vie la considération de ses pairs. Comme si c'était devenu, au fil des ans, un désir brûlant qu'il n'avait jamais pu apaiser. Comme si ma présence le lui rappelait constamment. Et comme si j'étais la seule, désormais, à pouvoir lui offrir ce qu'il désirait le plus au monde.
ooOoo
-Tourner trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Un arrêt. La consistance doit être parfaitement liquide et… HOMOGENE! Lumare, qu'est-ce que c'est que ce travail?!
Je scrutai ma potion, un début de panique se développant en moi et n'y trouvai rien d'anormal. Elle était d'un vert sapin presque gris, consistance liquide, avant-dernière étape avant son achèvement, je ne voyais pas…
-En haut à gauche, la potion est encore vert bouteille!
Puis d'une voix nettement plus doucereuse:
-Le feriez-vous exprès, Miss Lumare?
Je crispai les mâchoires pour m'empêcher de répondre, et serrai les poings autour de ma cuiller. C'était lui qui le faisait exprès! Il n'y avait aucune différence entre la potion au centre du chaudron et celle qui se trouvait sur le bord gauche!
-Six tours dans le sens inverse puis quatre nouveaux dans le bon sens; ordonna-t-il.
Et avant que je n'aie pu m'obliger à bouger cette… Merlin! de cuiller, Rogue s'avança dans mon dos. J'eus un sursaut de frayeur et voulus aussitôt m'éloigner. Sauf qu'il attrapa ma main et m'obligea à rester en place. Je sentais sa cape noire s'enrouler autour de moi, son corps tout contre le mien, son souffle qui jouait dans mes boucles brunes. Nous tournâmes six fois dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et j'essayais de calmer la panique qui s'emparait de moi à être aussi près de cette chauve-souris des cachots. Son torse reposait à présent contre mon dos et je pouvais apercevoir son nez crochu par-dessus mon épaule. Nous étions trop près…
Quatre tours dans le sens des aiguilles d'une montre… puis je m'écartais et fis le tour du chaudron pour lui dire en face:
-Merci, mais je n'ai besoin de personne pour mélanger une potion.
-Alors pourquoi a-t-il fallu que j'intervienne? Rétorqua-t-il, un sourire méprisant aux lèvres.
Je le foudroyai du regard, ce qui lui arracha un haussement de sourcil goguenard avant qu'il ne m'oblige à reprendre la recette. Et maintenant, hacher les trèfles de Stonehenge! A vrai dire,ce n'était pas la première fois qu'il se rapprochait autant, mais c'était toujours aussi dérangeant. Sa chaleur, le frôlement de sa cape, son souffle et deux peaux qui se frôlent… Toujours aussi étrange…
ooOoo
L'air glacé sifflant autour de moi, la nuit plus sombre que jamais et ces explosions de lumière et de chaleur mortelles. C'était un cauchemar… Le cauchemar de la dernière bataille. Les Mangemorts attaquaient sur tous les flancs, aidés par des araignées géantes, des trolls, des loups garous. J'avais été séparée de mes amis après plusieurs explosions, les murs de Poudlard s'étaient effondrés entre nous et j'étais maintenant seule, combattant pour ma vie sans savoir si ceux que j'aimais la conservait.
-Alors gamine, on s'est perd…
Le Diffindo que je lui envoyai zébra l'espace un court instant avant de se précipiter vers le Mangemort. Il n'eut pas même le temps de réagir et s'effondra dans l'herbe, le corps lacéré. Sans rien montrer de ma terreur, je l'enjambai puis observai les alentours. La plupart des combattants étaient confinés dans l'avant-cour et dans le château. Mais certains luttaient encore à l'extérieur et empêchaient les Aurors de reconstituer le bouclier de protection autour de Poudlard. Malgré tout, je devais continuer, si mes amis venaient me chercher dans cette partie du domaine, ils ne devaient à aucun prix tomber sur ces meurtriers.
-Expelliarmus! Stupefix!
-Avada…
-Sectum Sempra! Hurlai-je avant lui.
Le Mangemort blond dut se jeter contre un des rares murs des jardins qui tenait encore pour l'éviter. Enfin, je le tenais…
-Traître! Avada…
Des insultes éclataient derrière les serres brisées, puis des sifflements de sortilèges, des hurlements, des cris furieux.
-Saleté! Vous trois, avec moi! On va lui montrer le sort réservé aux lâches de son espèce!
J'entendais des pas se rapprocher, mon cœur battait à tout rompre. Et puis… Un sort violet me frôla violemment, je vacillai. Relevant la tête, je ne distinguais plus que du vert, du vert poison. Je me projetai hors de la trajectoire de l'Avada, puis me relevai d'une roulade et sifflai:
-Avada Kedavra!
Mes sortilèges de mort se heurtèrent par deux fois à ses boucliers avant que je ne le prenne par revers et ne le tue. Il devait avoir moins de 25 ans, et il s'écroula devant moi, comme une poupée de chiffon. Je m'approchai jusqu'à m'apercevoir dans le regard vitreux de ma victime et restai silencieusement à le contempler. Il était puissant, et sans l'entraînement de Rogue je serais sans doute morte. Sans doute…
-Dégagez!
Je sursautai, tendant aussitôt ma baguette. Mais une longue main m'enserra le poignet. Et mon regard se verrouilla aussitôt dans celui d'obsidienne.
-Arrêtez de rêvasser Lumare, il en arrive d'autres; siffla Rogue.
Je n'entendis qu'à peine ses paroles, submergée par un soulagement infini. Il se tenait devant moi, vivant… Je lui souris doucement; tandis qu'il haussait un sourcil.
-Avez-vous perdu l'esprit? Lança-t-il de sa voix la plus méprisante.
Je secouai la tête, savourant la chaleur de ses doigts autour de mon bras. Des pas se rapprochaient, une menace toute proche, mais j'étais perdue dans ses yeux. Ces deux océans obscurs dans lesquels j'avais redouté ne plus jamais me perdre.
-Vous n'avez rien; murmurai-je, soulagée.
Et lui grogna avant de me plaquer brusquement contre le mur de Poudlard. Les pas se rapprochaient nous ne devions pas rester à découvert.
-Et Hermione, Harry, Ron? Chuchotai-je l'avant-bras toujours prisonnier.
-Vivants.
Je soupirai, avant qu'il ne prononce d'une voix rauque:
-Je vais provoquer une diversion et vous en profiterez pour vous échapper Lumare.
-Non!
-C'est un ordre! Eructa-t-il, dans un chuchotement furieux.
Le regard flamboyant, je rétorquai:
-Et je le refuse. Je ne vous laisserai pas combattre seul.
Tel que je le connaissais il ne me restait plus que quelques secondes avant qu'il ne me stupéfixe et ne me rende invisible. Alors, écoutant mon instinct, je fis ce que je souhaitais désespérément depuis de nombreuses années. Mon corps se serra davantage contre le sien et mes lèvres se posèrent sur les siennes. Je l'embrassai avec tendresse. Au milieu des combats et des cris sorciers, ma bouche caressait la sienne avec une douceur irréelle…
Puis un violent sursaut le parcourut et il s'écarta tandis qu'une voix retentissait:
-Il est là!
Son expression s'était faite plus indéchiffrable que jamais mais il ne fit pas un geste pour m'empêcher de me placer auprès de lui, baguette au poing. J'allais le protéger, même s'il me fallait mourir pour assurer la survie de l'homme que j'aimais. Même s'il me fallait mourir, pour lui.
Fin
