Une sonnerie stridente retentit dans la chambre. Et mon bras se tendit automatiquement pour s'écraser sur le réveil, le réduisant ainsi au silence. Mes compagnes de chambre grognèrent puis s'emmitouflèrent paresseusement dans leurs couvertures. Alors que moi je devais me lever… Merlin!
Je jetai un vague coup d'œil au cadran de l'horrible invention Moldu, 4h du matin! Grommelant vaguement, je sortis un pied de mon lit, difficilement. Le deuxième eut encore plus de mal à rencontrer le sol froid. Mais je réunis assez de courage pour finalement rejeter mes draps bien chaud et me lever. Je vacillai et faillis m'étaler au pied du lit d'Hermione. Heureusement, je me rattrapai aux rideaux noirs d'une fenêtre et réussis à retrouver un semblant d'équilibre. Seulement j'étais bien dans les vapes et mis un temps fou pour ne serait-ce que réussir à traverser notre chambre du Square Grimault.
Enfin, je réussis à ouvrir la porte et à me trouver dans le couloir. Tout était silencieux, obscur et froid. Pas très engageant; pensai-je tout en me traînant en pyjama jusqu'aux cuisines. Je passai devant une glace et distinguai vaguement une figure pâle coiffée d'une longue crinière ébouriffée de cheveux noirs. Mouais… J'étais pas du matin.
J'arrivai aux cuisines puis pris le couloir de droite et entrai enfin dans le laboratoire. Le regard flou et la démarche hésitante, je m'avançai jusqu'à un chaudron où bouillonnait gentiment ma potion de Nuit sans rêve. Je lui jetai un vague coup d'œil puis regardai le minuteur. Plus que deux minutes d'attente. Je me retins avec beaucoup de mal à la table du laboratoire, tentant de garder mon équilibre plus que précaire. Puis, enfin, le minuteur claqua et je pris une louche en argent. Je la plongeai dans la potion et tournai quatre fois dans le sens des aiguilles d'une montre.
Et j'eus juste le temps de reposer l'instrument avant de vaciller sous le poids de la fatigue. Merlin, je ne me sentais vraiment pas bien... Soupirant, je me retins à la table et tentai de me ressaisir, mais soudain:
-Que faîtes-vous ici, Lumare?
Je sursautai vivement et me retournai pour voir, face à moi, une menaçante et sombre silhouette. Qui n'était autre que Rogue! Mon cœur fit un brusque bond dans ma poitrine avant que je ne réussisse à bégayer:
-D-de la Nuit sans rêve.
-Comme si vous saviez faire une potion.
Je serrai les mâchoires et voulus rétorquer mais le minuteur sonna. Je m'empressai alors d'ajouter les six pétales de fleurs de camomille et l'ingrédient final, la racine de tilleul. Puis je coupai le feu sous mon chaudron et passai hâtivement une main dans ma tignasse avec l'espoir d'y mettre un peu d'ordre. Ce ne fut qu'après que j'osai rétorquer:
-Je sais encore suivre une recette.
D'accord j'avais un temps de retard, mais c'était mieux que rien! Je sentis Rogue s'approcher de mon chaudron et une grimace de mépris tordit un bref instant son visage avant qu'il ne lance:
-J'ai bien peur que la Nuit sans rêve ne soit la seule potion qui puisse jamais être à votre portée. Vos résultats en classe ne font d'ailleurs que le démontrer.
Mon envie de dormir fut presque aussitôt balayée par une brûlante colère et je m'empressai de siffler:
-Si le professeur n'était pas aussi partial, j'aurais peut-être de meilleures notes.
Et ce fut avec toute la dignité de l'orgueil blessé que je voulus quitter le laboratoire de potion. Mais je m'empêtrai les pieds dans mon pantalon de pyjama trois fois trop grand et perdis l'équilibre. Je ne me rendis qu'à moitié compte de ce qu'il m'arrivait, jusqu'à ce que deux bras solides me retiennent. Je restai un instant hébétée, le regard plongé dans ses onyx sans fond, avant qu'il ne se moque:
-Vous n'êtes même pas capable de tenir debout.
Mais je ne l'écoutais plus, mes saphirs plongés dans l'océan sombre de ses yeux. Mes mains tremblaient, ma respiration était saccadée et puis, doucement, je me rapprochai de lui et posai ma tête contre son torse. Sa robe de sorcier était douce et chaude, j'entendais les battements de son cœur sous le lourd tissu. Mes doigts se resserrèrent alors autour de sa cape noire et je fermai les yeux. J'avais tant espéré pouvoir me reposer contre lui. Rien qu'un instant, qu'un instant. Et je murmurai sans m'en rendre compte:
-Laissez-moi encore un instant, rien qu'un instant.
Je le sentis se figer, mais une douce chaleur m'enveloppait et je me blottis un peu plus contre lui. Jusqu'à ce que mon cœur se pince violemment en pensant qu'il était pétrifié par le dégoût que je lui inspirais. La douleur me submergea le cœur et je fis un effort pour ravaler mes larmes avant de me relever. Nos regards se rencontrèrent une fois de plus mais le sien était indéchiffrable. Alors, sachant pertinemment qu'il faisait un grand effort pour ne pas me jeter un regard dégoûté, je lui souris doucement avant de tourner les talons. Et je m'apprêtai à sortir du laboratoire lorsque sa voix trancha l'air:
-Et vous comptez partir ainsi, comme une lâche?
Je m'arrêtai immédiatement alors qu'une violente coulée de lave me parcourait les veines. Mes mâchoires se crispèrent, mes poings se refermèrent tandis qu'une indicible fureur comprimait mes traits. Et soudain, n'y tenant plus, je me retournai vers lui et lui lançai d'une voix brûlante de colère :
-Et qu'est-ce que vous attendez? Que je m'humilie encore une fois devant vous? Que je vous laisse me ridiculiser de la plus atroce des façons?
-Vous êtes lâche; lança-t-il de nouveau.
Je m'avançai vers lui, tremblante de fureur, et criai:
-Non je ne suis pas lâche, je ne suis pas lâche! Je vous aime.
Ma voix se cassa brutalement et je le regardai avec terreur. Mais il n'eut aucune grimace de dégoût. Et j'eus beau scruter l'onyx profond de ses yeux, je n'y trouvai aucun mépris. Pourtant, la peur panique qu'il éclate brusquement d'un rire mauvais me pétrifiait et je n'osais même plus respirer. Ce fut alors qu'il avança vers moi, de son pas sûr ordinaire, sa cape noire voletant doucement autour de lui. J'étais incapable du moindre geste. Et puis, lentement, ses longs doigts pâles se levèrent pour venir me caresser la joue. Ils étaient fins et froids, me procurant le plus douloureux des plaisirs. Je retrouvai ma respiration et juste assez de courage pour lui lancer:
-Ne vous moquez pas.
Mais il ne dit rien, ne retira pas sa main. Et bientôt je fermai les yeux, savourant avec bonheur ses caresses que j'attendais depuis si longtemps. Ses doigts frôlèrent ma pommette, suivirent les lignes de ma mâchoire puis descendirent avec douceur le long de ma nuque pour finalement se perdre dans mes cheveux ébouriffés. Sa voix me parvint alors dans un souffle presque tendre:
-Petite Gryffondore courageuse.
Puis il me rapprocha de lui et je pus m'accrocher à ses capes avant qu'il ne pose délicatement ses lèvres sur les miennes.
Fin
