Chapitre 7

Khorine était habillée d'une de ses robes habituelle, bleu océan, ses cheveux cascadaient sur ses épaules et dans son dos. Severus était habillé tout en noir, ses cheveux gras tombant sur ses épaules. Il avait la mine pincée de quelqu'un qui allait passer une sale journée.

Khorine s'agenouilla devant Musora et leurs fronts se posèrent l'un contre l'autre. Elle ne l'accompagnerait pas là-bas. Les mains de la sorcière se perdirent dans la grosse fourrure de son familier, puis elle soupira, et se releva.

-Severus; appela-t-elle doucement. Tu ne marcheras pas derrière moi comme le veut la coutume. Tu marcheras à mes côtés, comme mon égal.

Severus ne montra absolument rien de ce qu'il ressentait, caché derrière ses barrières d'occlumencie.

-Je ne suis pas encore votre égal; lâcha-t-il malgré lui.

-Tu n'as pas besoin d'avoir le titre de Maître des Potions pour en être un. Et de ce fait, tu es mon égal et je veux que tu sois traité en tant que tel.

Severus ne répondit rien à cela mais conserva au fond de son esprit ce souvenir d'elle, de ce regard sûr, plein de fierté et de respect à son égard. Ce moment resterait pendant longtemps la clé de ses plus beaux patronus.

Ils sortirent du cottage, firent quelques pas en direction de la forêt, puis ils sortirent leurs portauloins et disparurent dans un grand fracas de couleurs.

Ils se retrouvèrent sur une grande aire herbeuse réservée aux arrivées et la quittèrent rapidement pour partir en direction d'un gigantesque manoir, quartier général de la guilde des Maîtres des potions. Un escalier de marbre blanc les apporta jusqu'au grand hall de réception. La première conférence commençait dans une trentaine de minutes. Lorsque Khorine et Severus firent leur entrée, plusieurs regards les suivirent, des conversations se turent. Les deux y étaient habitués. Ils marchaient la tête droite, un rictus dédaigneux chez l'apprenti, le visage fermé pour la Maîtresse des potions.

-Khorine! Appela-t-on de la foule.

Et le visage de la sorcière se fendit d'un sourire en reconnaissant le Maître Garry Quercus, président de la guilde des Maîtres des Potions. Il avait une mâchoire carrée, une grosse tignasse de cheveux blancs, des yeux gris chaleureux et était assez en forme pour faire du rodéo de Kelpie à 115 ans passés.

-Maître ! Severus, je te présente Garry Quercus, mon Maître, Garry, voici Severus Rogue, mon apprenti.

Severus fixa le vieil homme plus longtemps qu'il ne l'avait prévu. Le Maître de Khorine… le célèbre Garry Quercus, Ordre de Merlin 2nde classe, créateur de la Poussos, de la Régénération Sanguine, de la VertePousse, du Fillosse, de l'Athrombus, de la Saineau, de…

-Bonjour M. Rogue et bienvenue au 367ème symposium de notre guilde; dit-il gentiment en tendant sa main noueuse.

Severus la prit et la serra sans un mot. La poigne du vieillard était ferme et assurée, son regard perçant.

-Mes félicitations pour votre potion de Révélation et le succès Londubat.

Severus hocha sèchement la tête, Khorine sourit à ceci, puis répondit:

-Merci Maître, nous avons eu du fil à retordre avec le sable du temps que nous voulions incorporer au départ, finalement nous avons pris des chrysalides de chrysope.

-Astucieux, cela ne m'étonne pas de toi. Mais je suis plus curieux au sujet des pinces d'or et de l'encre de bouldu, ce n'est pas ta manière de faire.

Khorine inclina la tête:

-C'est Severus qui a eu cette idée brillante.

-J'ai simplement; rétorqua Severus, testé la réactivité de la peau de ventre de crapaud cornu avec des stabilisateurs.

-Les pinces d'or et l'encre de bouldu qui n'ont jamais été utilisés comme stabilisateurs? Poursuivit Garry.

-D'après nos équations de compatibilité ces deux ingrédients avaient des flux parfaitement opposés. Le fait était assez rare pour être étudié, et exploité dans la Révélation.

Le président de la guilde hocha la tête mais cette modestie ne le trompait pas. Le garçon avait un instinct sûr et prometteur et quelque chose de très inhabituel qui lui permettait de tester ce qui ne l'avait jamais été. Ensemble, Khorine et Severus pourraient être à la base d'une révolution dans l'art des Potions. Il leur sourit et puis un de ses amis les rejoignit, Maître Eric Paurk, ce vieux fouineur. D'autres Maîtres et Maîtresses se greffèrent à leur petit groupe et Severus fut présenté à plusieurs personnalités du domaine avant que ne commencent les conférences.

Severus trouva qu'aucun des conférenciers n'avait le talent, la passion, l'intelligence ou l'instinct de Khorine pour les potions. Il y eut quelques bonnes idées à glaner. Puis Khorine monta sur l'estrade, pour présenter leurs travaux sur la Révélation, le silence fut total, puis elle remercia l'assistance et ce fut un tonnerre d'applaudissements. Rouge de gêne, elle reprit sa place près de son apprenti. Sitôt la série de conférences finit, des dizaines de potionnistes vinrent lui serrer la main, elle présenta Severus à chaque fois comme l'instigateur de l'utilisation des pinces d'or et du bouldu. Beaucoup l'ignorèrent mais Severus resta planté aux côtés de Khorine, le visage pâle et neutre, les yeux plein de colère.

-Khorine, magnifique présentation; s'exclama Denius Potus avec un sourire charmeur.

Cinq de ses apprentis le suivaient, à la queue leu leu, comme des petits poussins. Severus crispa durement les mâchoires.

-Denius, je te présente Severus Rogue, mon apprenti, c'est grâce à lui que nous avons pu mettre au point aussi rapidement la Révélation.

Le sorcier tourna lentement la tête vers le garçon et le survola d'un seul regard avant de revenir à Khorine.

-Sa place est derrière toi.

-Severus a tout d'un maître des potions si ce n'est le titre. Sa place est à côté de moi.

Denius renifla d'un air narquois et même ainsi il pouvait sembler séduisant. Il avait des cheveux mordorés en pagaille, des yeux d'un marron sombre, presque noir, un visage et un corps fin, une petite barbe de quelques jours.

-Ne te rabaisse pas à le considérer comme l'un des nôtres.

-Denius; rétorqua Khorine avec plus d'amusement que d'agacement, reconnaître la valeur d'autrui ne diminue pas la tienne.

Severus se tourna vers elle, les sourcils froncés. Comment pouvait-elle être amusée? Comment pouvait-elle rester là avec ce petit sourire?

-Qui sait? Dans tous les cas nous déjeunerons ensemble, n'est-ce pas?

-Malheureusement nous sommes déjà invités à la table de Garry. Une autre fois.

Denius inclina la tête et s'éloigna, suivit de sa cour de poussin. Severus le fusilla du regard et Khorine, sentant l'aura de son apprenti s'étirer sous la colère, se pencha vers lui pour murmurer:

-C'est un maître pompeux et égocentrique, ancien apprenti d'Horace Slughorn. Il lui a appris plus qu'il n'aurait dû. Attend d'avoir obtenu le titre de maître, sa manière de te parler va changer.

-Tu semblais plus amusée qu'outrée par ce qu'il a dit; cracha Severus sans faire attention au soudain tutoiement.

Khorine le fixa, incrédule. Severus semblait trop furieux pour se rendre compte de ce qu'il venait de dire.

-Je pensais simplement qu'il avait permis moins d'avancées en Potions que toi en plus de dix ans de carrière.

Severus la fixa, elle lui sourit, et la Maîtresse Hermina Pommy s'avança vers eux. Replète, enrobée de sa robe de velours rose, de petits yeux perçants, le début d'un sourire au coin des lèvres.

-Khorine, un nouveau triomphe, et une nouvelle victoire pour nous; finit-elle en chuchotant.

Khorine lui adressa un clin d'œil complice puis sans attendre lui présenta son apprenti. Il fut scanné de haut en bas par Hermina:

-Intéressant, je croyais que tu ne prendrais jamais d'apprenti. Surtout pas l'un de ceux du vieux Niger.

-Severus est très spécial. C'est lui qui a découvert les propriétés stabilisatrices des pinces d'or liées à l'encre de bouldu et qui a réussi à les incorporer à la Révélation.

-Prometteur; murmura la sorcière sans le quitter des yeux.

Severus leva un sourcil dubitatif, et puis Hermina l'interrogea sur leur potion. Il lui fit une réponse laconique, elle insista, Severus se prit à serrer les mâchoires. La manière dont cette femme le fixait était répugnante.

-Les conférences vont reprendre Hermina, nous nous reverrons tout à l'heure; lâcha soudain Khorine au moment où les portes de l'amphithéâtre rouvraient.

Sans attendre de réponse ils se mêlèrent à la foule et quittèrent la Maîtresse des Potions.

-Tout va bien? Murmura Khorine en s'installant dans les gradins.

-Tout ceci est presque aussi plaisant qu'une des réceptions du Seigneur des Ténèbres; grommela Severus.

Khorine le fixa, les yeux écarquillés, avant qu'un petit sourire ne la trahisse:

-Tu m'en diras tant.

Il grogna, et puis les conférences reprirent. Le déjeuner à la table de Garry fut agréable, pour l'un comme pour l'autre, et après les conférences de l'après-midi, ils quittèrent le symposium sans attendre pour retourner aux Cairngorms. Ils soupirèrent. Musora les accueillit à coups de langue et ils furent de nouveau dans leur élément, dans leur cottage.

Après ce symposium, Severus sembla trouver la paix. Il était plus serein, plus sûr de lui, plus adulte.

Le week end, lorsque Khorine et Musora quittaient le cottage pour retrouver Lux, Albus, Emmeline, les Londubat ou pour rejoindre le manoir des Cairngorms en secret, Severus partait se promener dans la forêt, son patronus sur l'épaule. La compagnie de ses plus beaux souvenirs lui réchauffait le cœur. Il lui arrivait aussi de partir à la recherche de livres rares sur l'allée des embrumes, de rendre visite aux Malfoy -en particulier son filleul pourri gâté-, de partir à la recherche d'ingrédients rares, de travailler ou de lire près d'un bon feu de cheminée dans le fauteuil qui lui revenait face à la porte.

Severus dégustait son verre de whisky pur feu, plongé dans l'étude de «Conception et façonnement des sortilèges de magie noire primitifs», datant du XVème siècle, par Bethelle et Geuse, lorsque Khorine rentra en manquant de défoncer la porte. Musora apparut sur ses talons immédiatement après, les babines retroussées, le poil raide et l'œil plein de tempêtes.

-Pour qui se prennent-ils ces abrutis, arrogants, répugnants cancrelats? Siffla-t-elle entre ses dents tout en commençant à faire les cent pas dans le salon.

Musora secouait la tête de gauche à droite.

-J'aurais dû l'étrangler et…

La sorcière s'arrêta net, son regard ayant percuté celui de Severus.

-Bonsoir; l'accueillit-il d'une voix particulièrement riche et traînante. J'en conclus que ton dimanche après-midi s'est agréablement déroulé.

Khorine grogna plus violemment qu'elle ne l'aurait voulu. Et puis elle fronça les sourcils, croisa les bras et s'emmura dans le silence. Elle restait immobile, essayant d'emprisonner sa colère, sa haine. Elle était ridicule.

-Le canapé t'aurait-il offensé? Se moqua Severus en l'observant.

Khorine ne répondit rien, mais consentit à se diriger vers lui, vers le feu de cheminée. Elle s'assit. Elle se releva quelques secondes plus tard, bondissant presque, Musora sur les talons.

-Bêta va bientôt arriver; lâcha-t-elle avant de commencer à faire les cent pas.

Severus soupira de son grand nez en étrave, puis referma posément son grimoire et concentra son attention sur la sorcière. Elle murmurait:

-Aucun être ne devrait se permettre d'en mépriser un autre. Aucun… Et moi, je ne les méprise pas, non, je les hais.

-Que s'est-il passé? La coupa Severus.

Khorine releva la tête. La colère bourdonnait en elle, la haine, et une profonde tristesse. Elle avait besoin de tout lui confier, de tout déballer, de trouver en lui des traces de sa révolte à elle.

-J'étais avec Emmeline, au club de duel des Aurors; répondit-elle. Un imbécile est arrivé, un nouveau.

Elle cracha le dernier mot comme une insulte.

-Il… Il parlait de sa famille, de Sangs-Purs, de son manoir, de ses serviteurs. Je n'écoutais pas! Et puis il a parlé de sa vieille elfe, il en a parlé comme d'une: «vieille carcasse inutile à abattre». Une vieille carcasse… inutile… à abattre…

Elle resta immobile, laissant les mots imprégner le silence. Severus l'observait, il voyait apparaître des démons et des violences dans le regard océan de Khorine. Il pinça les lèvres pour ne rien dire, et serra les poings.

-Je me suis approchée. Je lui ai dit que je cherchais des elfes, même vieux, qu'ils étaient trop chers autrement. Il m'a cru… L'imbécile… Il me l'a vendue comme ça, comme on vend du poisson.

Elle secoua la tête.

-Elle était… mal en point… Ils doivent être en train de la soigner. Il y avait des coupures et des bleus partout, et elle était si maigre.

Il y eut un silence.

-«Ils» la soignent? Demanda Severus avec prudence.

Khorine écarquilla violemment les yeux, paniquée.

-Ah, je vois; continua Severus, ce manoir dont personne ne doit s'approcher, c'est un refuge d'elfes libres, n'est-ce pas?

Elle tira sa baguette avant qu'il n'ait eu le temps de finir. Pourtant, malgré ce geste, il lut dans ses yeux qu'elle ne pourrait rien lui faire.

-Je ne peux pas te laisser sortir d'ici avant d'avoir fait le serment sorcier de taire leur existence; siffla Khorine.

Severus leva les mains, posément, rassurant, il n'hésita pas avant de lui répondre:

-Laisse-moi sortir ma baguette et je le ferai.

Elle hocha sèchement la tête. Severus sortit sa baguette d'ébène et traça une croix sur son cœur en faisant le serment de garder ses secrets. La croix de magie blanche fut happée sous le tissu de sa redingote. Khorine baissa sa baguette, Severus rangea la sienne. Bêta apparut dans un craquement sonore.

-Maîtresse; salua-t-elle en s'inclinant jusqu'au sol.

La petite elfe voûtée avait la peau terriblement ridée, si ridée que les replis de peau pendouillaient vers le sol à chacune de ses révérences et revenaient mollement contre le petit corps lorsqu'elle se relevait.

-Raclure va mieux.

Un éclair de haine creva la surface des yeux de la sorcière, puis disparut.

-Puis-je lui rendre visite?

-Bien sûr, maîtresse; répondit Bêta en s'avançant et lui tendant la main.

Khorine se tourna un instant vers son apprenti qui inclina légèrement la tête. Elle acquiesça, puis prit la main de l'elfe et elles disparurent toutes deux dans un crac sonore.

Severus resta seul dans le salon à méditer. Il n'en bougea pas du reste de l'après-midi.

oOo

Depuis le sauvetage de Rac', ils avaient commencé une longue série de débat sur la condition des elfes, puis des créatures magiques, la grande séparation d'avec les moldus, le fonctionnement du Magenmagot ou du Ministère, les avantages et inconvénients des systèmes d'écoles de sorcellerie, et de bon nombre d'autres sujets qui les gardaient éveillés jusqu'aux petites heures de l'aube, chacun dans son fauteuil préféré, face au feu, un verre de whisky à la main, Musora allongée entre eux près de l'âtre.

Khorine était une idéaliste, et penser qu'une grande majorité de la population sorcière ne partageait pas ses opinions la rendait furieuse. Severus, avec ses capacités de raisonnements froids et cruellement exacts, était l'interlocuteur qu'il lui fallait pour prendre du recul et considérer les choses dans leur ensemble. Leurs débats étaient aussi houleux que constructifs et, chacun à sa façon y prenait plaisir.

Quand Severus voyait danser les émotions débridées sur le visage de la sorcière éclairé par les flammes, il se sentait empli d'une douce chaleur. Lorsqu'elle se laissait emporter par ses arguments et que ses yeux océan étincelaient il souriait, discrètement.

Quand Khorine observait Severus expliquer ses théories, maniant les mots à la perfection, ses mains jouant dans l'ombre et la lumière des flammes pour accentuer ses propos, elle était emplie d'une douce chaleur. Lorsque son aura s'illuminait un peu plus et tourbillonnait elle souriait, et le cachait en portant son verre à ses lèvres.

Musora reposait paisiblement devant un feu ronflant.

Khorine entraîna Severus à s'intéresser à des branches plus fondamentales des Potions et lui enseigna les dernières découvertes d'Umbaldo Cristi. Ils entrèrent en contact avec le fameux alchimiste italien. Ils commencèrent à collaborer sur l'élaboration d'un catalyseur de magie blanche.

-C'est inutile; lâcha Severus d'un ton sec. Les champignons d'émail se sont révélés incompatibles avec les crins de licorne. Il faut abandonner ces essais.

-C'est une question de stabilisation, c'est parfois le dosage, parfois le timing, il manque parfois simplement un tampon. Je suis sûre qu'Umbaldo aura une autre approche que la nôtre. Nous pouvons continuer en attendant.

-Biensûr; cracha Severus, nous avons tout le temps du monde.

Khorine se tourna vers son apprenti tout en ralentissant l'allure. Ils étaient avec Musora dans la forêt des Cairngorms, cherchant de la sauge sclarée.

-La recherche prend du temps; répondit sa maîtresse avec une pointe d'impatience…

Elle se fit couper:

-Mon apprentissage se termine dans un mois.

Khorine écarquilla les yeux et s'arrêta net. Le visage de Severus se referma.

-Tu… Ah… Dans un mois tu dis?

Severus hocha sèchement la tête. Elle avait oublié.

-Je vois…

Elle reprit sa marche, suivie de Severus et de sa louve. Un lourd silence s'abattit sur eux. Au bout d'une trentaine de minutes Severus trouva de la sauge sclarée au pied de noisetiers. Sur le chemin du retour, avec toute la nonchalance qu'elle put, Khorine demanda:

-Que comptes-tu faire une fois maître ès Potions?

Severus crispa les mâchoires, l'œil furieux.

-Ne te moque pas de moi; gronda-t-il.

La sorcière lui jeta un regard perplexe qui mit son apprenti encore plus en colère. Il leva son avant-bras gauche sans un mot.

-Je ne comprends pas; répondit Khorine. Voldemort a disparu. Tu es libre de…

-Libre? Ricana sèchement le sorcier. Je ne crois pas, non.

-Même si tu…; commença Khorine avant d'être interrompue.

-Je suis un mangemort, soi-disant repenti, lié par serment à Dumbledore. Je ne serai plus jamais libre.

Sa voix suintait l'amertume.

-Et après la guerre? Demanda Khorine en le fixant droit dans les yeux.

Ils s'arrêtèrent. Une brise fraîche faisait frissonner les fougères et les feuilles de chêne autour d'eux. Les longs cheveux de Khorine lui caressaient les joues. Severus la fixait sans un mot. Les yeux océan étaient si lumineux. Il aurait pu s'y noyer, tout oublier, tendre la main, attraper une de ses mèches ondulées, se rapprocher d'elle, effleurer son visage. Une violente souffrance crispa ses traits, puis il se ressaisit et se détourna pour reprendre son chemin.

-Après la guerre, peut-être…; murmura-t-il.

Khorine, muette devant sa souffrance, le suivit. Un maelström de sentiments bouillonnait en elle. Elle le réprima, ferma les yeux, continua son chemin. Ils marchèrent côte à côte sans un mot, rentrèrent à la chaumière des Cairngorms et reprirent leur travail en silence. Il n'y avait plus rien à dire.

oOo

Un mois plus tard, Severus passait l'examen de la Guilde des Potions. En cinq heures il eut à reconnaître une trentaine d'ingrédients, à énoncer leurs usages, à les utiliser dans la conception de sept potions différentes, à proposer des sources d'améliorations potentielles et calculer des concentrations théoriques nécessaires.

Il n'eut aucune difficulté à y parvenir. Khorine l'avait bien entraîné. Il rentra au Cairngorms après l'examen. Deux jours plus tard ils étaient conviés à la remise de diplôme de la Guilde.

Il monta sur l'estrade avec Khorine, rejoignant une poignée d'autres apprentis et de maîtres. Le Maître Garry Quercus fit un discours, on lui remit un rouleau de parchemin, une foule applaudit. Tous les apprentis se tournèrent ensuite vers leur maître pour leur serrer la main et mettre fin à leur apprentissage.

Severus crispait les mâchoires.

La main de Khorine se tendit fine et blanche. Il s'en saisit, et la serra. Sa respiration se bloqua dans sa poitrine. Il serra plus fort. Sa peau était chaude. Elle était douce. Il voulait plus. Elle pourrait être à lui. Il était son égal. La main de Khorine relâcha sa poigne, elle tenta de retirer sa main. Severus l'agrippa plus fort. Non. Elle ne pouvait pas lui échapper.

-Severus? Murmura Khorine incertaine.

-Je suis Maître des Potions; lâcha-t-il d'une voix rauque, le regard fixé au sol.

-Félicitations; répondit Khorine avec un doux sourire.

La poigne de Severus se raffermit encore, il… Quercus tapa dans le dos de Severus en le félicitant. Il échangea un grand sourire avec Khorine puis les invita à rejoindre leurs sièges. Severus dût relâcher sa main. Ils quittèrent l'estrade. Il quitta la cérémonie quelques temps plus tard, adressant un dernier bref hochement de tête à son ancienne maîtresse, ignorant le reste du monde.