De nombreuses cicatrices, une âme lacérée, un cœur figé, c'était tout ce que lui avait coûté ces deux guerres. Il était encore heureux que son cerveau fonctionne et que le noble Art des Potions réveille encore pour un temps une envie quelconque.

Il était las. Il n'avait plus rien d'autre. Lily… Dumbledore… Lucius…

Draco était le seul encore vivant, mais il ne venait plus voir son parrain depuis longtemps. Depuis longtemps Severus se terrait dans son laboratoire. Ses potions étaient envoyées par hibou, ses ingrédients, sa nourriture étaient apportés par hibou. Il était seul. Il ne pouvait plus sortir et il ne pouvait plus supporter de rester enfermé.

Severus parcourut son laboratoire du regard, ce regard morne d'ordinaire. S'il allait se coucher sur son canapé et ne se relevait plus, personne ne s'en rendrait compte. Ses clients se tourneraient vers d'autres fournisseurs, son hibou retrouverait la liberté.

Personne n'avait besoin de lui, il ne comptait pour personne. Son temps d'utilité s'était achevé avec la fin de la guerre. A présent… il se laissait mourir… Il était las de se battre, de se laver, de manger, de dormir tout seul, toujours tout seul. Il aurait espéré que Nagini finisse le travail, qu'elle lui arrache la chair du cou d'un seul coup, que son sang gicle et ruisselle le long d'une plaie béante impossible à refermer, que le venin du serpent s'insinue dans les artères qui lui restaient pour nécroser tous les tissus sur son passage. Il aurait voulu mourir cette nuit-là, son destin accompli, le cœur en paix.

Il était seul dans son antre, la chauve-souris graisseuse des cachots chassée de Poudlard, vendant ses potions sous plusieurs noms pour avoir des clients. C'était pitoyable. Il se sentait seul, et triste. Lily n'était plus qu'un vague souvenir qu'il avait laissé reposer en paix. Enfin en paix, après 17 années de souvenir constant. Il l'avait laissée partir avec Potter. Et maintenant il était plus seul que jamais.

oOo

Harry était devant les vestiaires, sur un banc, entre Ron et Khorine, et il se tenait la tête à deux mains. Quelques mèches en bataille dépassaient de ses doigts crispés. Il n'y avait plus personne dans le couloir.

-Laisse-moi deviner, il s'est encore disputé avec Ginnynon ? Demanda Khorine.

Ron grogna.

-Elle dit que je ne suis pas assez à la maison; se décida enfin à parler Harry d'un ton misérable. Et je lui ai répondu que c'était mon devoir d'Auror de patrouiller même le week end. Je lui ai aussi dit que mon devoir passait avant tout… Si vous aviez vu son visage, elle a blanchi d'un coup. Je n'aurai jamais dû dire ça.

-Allez Harry elle sait bien que tu t'es mal exprimé; tenta Khorine.

Il y avait de la honte et une douleur profonde dans le regard vert qu'il lui lança en réponse.

-Elle va me quitter; assena-t-il dans un souffle.

-Mais arrête de dramatiser Harry! rétorqua Ronald. Qu'est-ce qui te prend? Y a une semaine t'étais prêt à mettre tous les mangemorts du monde à Azkaban et là tu te laisses aller à cause de Gin!

-Je suis un peu fatigué.

-Tu m'étonnes, après ta garde du week end c'est normal; lui dit crois que le mieux ce serait que tu retournes chez toi te reposer et que tu prennes le temps de parler avec Ginny.

Ron hocha la tête avec conviction.

-Mais avant on va manger! Hermione doit nous attendre! Lâcha le rouquin.

Harry soupira et tenta un petit sourire, Khorine se leva en même temps que Ron.

-C'est bon, tout est réglé? Bon le dernier arrivé paye les frites!

Il partit en courant vers le réfectoire.

-On parie combien que Mione va l'obliger à manger de la salade? Demanda Khorine en riant.

-Ça lui ferait trop plaisir de gagner! Lança Harry et ils se mirent à courir à toutes vitesses pour rattraper Ron.

Les longs cheveux noirs de Khorine volaient dans le vent, ondulant au rythme de sa course. Elle dérapa dans un couloir, manqua de rentrer dans un petit sorcier et sa pile de paperasse et fonça avec Harry devant l'ascenseur qui se refermait. Ron leur fit un petit V narquois à deux doigts et disparut rapidement avec deux autres sorciers.

-Qu'est-ce qu'on fait? On transplane?

-On transplane.

Khorine prit la main d'Harry, elle se concentra et tout disparu autour d'eux, les contours des objets disparaissant dans une spirale violente, ils furent aspirés tous les deux par le nombril et atterrirent ensemble dans un couloir vide à deux pas des portes du réfectoire.

Techniquement ils n'avaient le droit de transplaner qu'en cas d'extrême urgence et ils avaient de bonnes chances d'avoir une inspection sur le dos à la fin de la semaine. Mais en attendant Harry et Khorine arrivaient les premiers devant les grandes portes et rejoignaient Hermione qui tapait du pied.

-Hermione ça fait plaisir de te voir! Fit Khorine en premier.

Ce qui ne parvint pas à calmer Mione.

-Je peux savoir ce que vous faisiez? Ça fait un quart d'heure que je vous attends, j'ai une audience qui va débuter dans 40 minutes.

-C'est Ron qui a pris tout son temps dans les douches; mentit Khorine avec espièglerie.

-Il va m'entendre celui-là!

Harry jeta un coup d'œil reconnaissant à Khorine mais intercéda en faveur du mari d'Hermione:

-Non en fait j'ai eu quelques problèmes avec Ginny récemment. On en a parlé un peu.

Hermione se détendit un peu, pour prendre une expression inquiète, alors que Ron apparaissait au bout du couloir.

-Est-ce que tu… Commença Hermione.

-Hey! Tricheurs!

-On ne voit pas de quoi tu parles Ronald; fit Khorine. Et puis on a faim.

Ron fonça vers eux, Harry rassura Hermione d'un regard et les quatre amis se rendirent ensemble au réfectoire en chahutant et discutant tous ensemble.

Après déjeuner Hermione courut vers son audience, Harry rentra chez lui, Ron retourna au quartier général des Aurors et Khorine l'accompagna pour bifurquer au dernier moment au Département des Mystères, section Filtres & Antidotes. Elle salua deux de ses collègues, son chef Lindsforth et entra dans son laboratoire attitré. Trois chaudrons étaient remplis, dont un qui bouillonnait gentiment. Elle avait trois heures à attendre avant de reprendre cette potion. Pendant ce temps elle s'occupa d'une autre base qui pourrait lui permettre de créer une potion à dégazage somnifère. En combat éloigné cette idée pourrait se révéler excellente. Elle travailla avec ardeur, adorant son travail et oubliant tout le reste. Quand elle pensa à regarder l'heure il était 22 heures et il était largement le temps de quitter le laboratoire. Elle éteignit toutes les lumières, verrouilla les portes et confia les clefs à un minuscule Botruc qui voleta jusqu'à un énorme arbre près de l'entrée.

-Bonne nuit; murmura Khorine.

Elle quitta le Ministère sans briser le silence qui l'entourait. Dans le hall du Ministère elle prit une bonne poignée de poudre de Cheminette, donna le nom de sa maison et disparut dans une gerbe de flammes vertes. Ensuite elle lâcha sa mallette, quitta sa cape, ses chaussures, s'arracha un bout de pain à l'énorme miche qui restait dans la cuisine puis se traîna jusqu'à son lit à l'étage. Elle oubliait souvent de manger le dîner lorsqu'elle n'était pas invitée au Square Grimmault. Ça n'avait pas d'importance, elle était très heureuse avec ses amis, elle ne demandait pas plus, de toute façon elle n'aurait jamais plus… Elle s'effondra sur son matelas et s'endormit à peine les couvertures remontées sur son corps fourbu.

Elle dormit d'une traite jusqu'à 6h55, où elle ouvrit un œil ensommeillé…

-'Core 10 minutes…

Khorine ferma les yeux et se rendormit aussitôt. Un brouillard envahissait son esprit, des volutes de chaudron peut-être, il faisait froid, et puis une voix traînante résonnait. Elle connaissait cette voix, elle voulait la retrouver, elle… Son réveil retentit violemment. Khorine bondit dans son lit.

-Mer…lin…

Elle réussit à quitter les couvertures et se traîner jusqu'à sa cuisine pour un énorme mug de thé et des céréales. Ensuite elle remonta se doucher, s'habiller d'une robe de sorcière légère, coiffer ses longs cheveux ondulés, se brosser les dents. Elle avait la peau pâle, des cernes, des yeux bleus brillant de sommeil. Un long bâillement lui échappa.

-Aujourd'hui; murmura-t-elle, j'ai deux heures d'exercice au QG, une patrouille avec ma faction, déjeuner, une à deux heures pour mes potions et une conférence du Ministre à couvrir… Et un dîner. Je vais peut-être me reprendre un thé…

Malgré ses deux thés noirs elle arriva au Ministère en bâillant. Sa mallette à la main elle s'avança avec trois autres sorciers vers les ascenseurs. Après avoir failli vomir plusieurs fois la théine qui la maintiendrait éveiller elle put enfin sortir de l'ascenseur. Là, elle faillit se faire renverser par Harry.

-Khorine! Code 17 maintenant!

Elle écarquilla les yeux et suivit aussitôt son ami à la cicatrice légendaire. Ils foncèrent tous les deux vers un miroir double-face et furent propulsés jusqu'au dernier étage du Ministère.

-Oh Merlin! Sortilège? Poison?

-Poison! On m'a demandé de venir te chercher en urgence. On a aussi appelé Rogue, il est déjà là.

Khorine tressaillit. Son meilleur ami ne s'en rendit pas compte, fusant vers les deux aurors en faction près de la porte du fond. Rogue? Rogue était appelé par le ministère?

-Aberswhyth et Lindsforth nous attendent; lança Harry.

-Attendez un moment; ordonna Grimelda une aurore de 20 ans leur aîné.

Ils acquiescèrent, essoufflés et patientèrent en s'échangeant quelques informations. L'alerte avait été donnée à 5 heures ce matin, Harry chef de faction des Urgences Critiques avait été appelé par leur supérieur dans les minutes qui suivaient. Un plan d'urgence avait été mis en place, 3 factions d'aurors étaient sur la piste du ou des criminels, l'Expert en Potion Directeur des Laboratoires avait été mandaté et avait demandé la présence de Khorine son meilleur élément, il avait également appelé Rogue son ancien apprenti. Silence absolu pour le reste de la population sorcière.

C'est ainsi que Khorine finit par se retrouver entourée du Directeur de son laboratoire, du directeur du bureau des aurors, d'Harry et de Severus Rogue. Le cœur de Khorine tambourinait comme un fou dans sa poitrine. Pas à cause de sa course, non. Elle dut détourner les yeux de l'homme sombre dans la pièce. Ils tombèrent aussitôt sur le corps du premier Ministre, Shacklebolt. Il était prostré dans son fauteuil, de la bave dégoulinant le long du menton, les yeux noyés dans un brouillard surnaturel, sa peau noire virant au grisâtre.

-Code 17 Lumare; annonça sombrement Lindforth.

Elle ne se sentait pas bien, pas bien du tout. Elle était dans la même pièce que lui. Et Kingsley… Kingsley avait été empoisonné… Elle s'avança les mains tremblantes et prit une fiole dans la poche interne de sa robe.

-Kingsley…

-Prenez tous les échantillons que vous voulez, vous avez carte blanche. Le code 17 a été enclenché dans la nuit; continua Lindsforth, jusqu'à nouvel ordre vous êtes consignée dans nos laboratoires pour trouver un remède à ce nouveau poison.

Khorine acquiesça. Laissant un peu de bave couler le long de son flacon. Elle la referma, prit quelques cheveux, un échantillon de peau, se déplaça jusqu'au verre de whisky brisé au pied du ministre et prit une des dernières gouttes de liquide qui restait, elle la sentit et fronça le nez.

-Qu'est-ce que vous en pensez? Demanda abruptement le directeur du bureau des aurors.

Elle déposa sa mallette et l'ouvrit dans un claquement de métal. Elle sentit tous les regards convergés vers… elle. Khorine ouvrit une pochette de cuir et en retira une petite pince qui lui servit à prendre un échantillon d'ongle. Elle l'examina en fronçant les sourcils puis le rangea.

-Poison vous avez raison. Il semblerait qu'il vienne du verre de whisky vieil Ogdens. Je sens de l'ammoniac, ce qui n'est pas très malin de la part de l'empoisonneur. C'est un amateur, il doit s'agir de son premier coup.

-Un amateur qui empoisonne le premier Ministre?! S'étouffa Aberswhyth.

-Ne vous énervez pas Monsieur, je ne fais qu'énoncer des évidences. Aucun professionnel n'utiliserait de l'ammoniac. Pour l'odeur, les traces. De plus les poisons à base d'ammoniac sont réputés violemment mortel, or le premier Ministre est encore en vie. Problème de dose, ou erreur de préparation, cela reste à voir. Donc soit c'est un amateur, soit il ne voulait pas tuer le Premier Ministre. Après… en vous passant les détails il y avait de la jusquiame dans le poison.

-Ne vous en déplaise à vous et votre ego surdimensionné; lança Rogue de sa voix grave et traînante, la jusquiame n'est pas le seul ingrédient à colorer la base des ongles en noir. Non, c'est une poignée d'armoise et des fèves soporifiques qui constituent la base du poison.

Khorine frissonna de colère et son cœur se serra lorsqu'elle tourna ses yeux bleus vers la noirceur des siens.

-Ne vous en déplaise, Professeur Rogue, l'armoise entraîne une coloration brumeuse de la préparation et je pense que si Kingsley avait vu son whisky se troubler il ne l'aurait jamais bu! Siffla Khorine.

-Ne vous en déplaise Lumare, vous ne connaissez rien à la subtilité des potions et aux moyens de rendre transparent un liquide opaque, tant que vous ne savez que faire des potions de bas étage je vous prierai de rester jouer dans votre bac à sable.

-Severus! Intervint Lindsforth en s'avançant entre ses deux anciens élèves. Khorine est mon meilleur élément et l'une des meilleures apprenties que j'ai jamais eu. Je vais vous demander de garder votre fiel pour ceux qui en valent la peine et de vous concentrer sur notre empoisonneur.

Rogue lança un regard mauvais à la gamine arrogante qui accompagnait Potter avant que Lindsforth ne la cache à sa vue. Harry à ses côtés crispait les poings. La tension dans la pièce était palpable. Ce fut Aberswhyth qui lança finalement:

-Tant que cette compétition nous permet d'arriver plus vite à un antidote ça me Rogue, Miss Lumare, vous travaillerez dans le même laboratoire, deux aurors garderont son entrée à chaque heure du jour et de la logerez dans les quartiers les plus proches de votre laboratoire. Vous ne parlerez à personne excepté Albert, M. Potter et moi-même. Est-ce clair?

-Oui Monsieur; répondit aussitôt Khorine.

Rogue fut plus long à répondre, il coula un long regard vers son ancien mentor, puis hocha sèchement la tête.

-Bien. Albert tu leur montreras tout ce qu'il faut. Potter venez avec moi, nous avons beaucoup à faire.

Et c'est ainsi que les deux meilleurs amis furent séparés, l'un allant vers le bureau du directeur du bureau des aurors, l'autre allant vers le laboratoire qu'elle serait obligée de partager avec l'ancien maître des Potions de Poudlard.

A 26 ans Khorine avait été nommée bras droit et successeur de Lindsforth au Département des Mystères section Filtres & Antidotes. Il avait confiance en elle et il l'estimait beaucoup. Lindsforth était devenu son mentor. Elle n'avait pas l'intention de le décevoir. Non. Ils parcoururent de longs couloirs sombres et froids, s'enfonçant dans les profondeurs de la section Potions, loin des laboratoires occupés. Khorine jetait de temps en temps des coups d'œil à l'homme sombre devant elle. Ses cheveux gras flottaient et retombaient au rythme de ses pas, sa cape noire effleurait le sol, cape qui était froissée et dont le bas était recouvert de poussière… Elle accéléra l'allure pour avoir un aperçu de son visage. Elle n'avait pas osé le regarder avant mais à présent elle le voyait. Des cernes énormes, violets, un visage creux, des yeux voilés, un teint cireux, Rogue n'avait vraiment pas l'air bien.

-C'est ici.

Son mentor s'arrêta devant deux lourdes portes en chêne. Elle s'arrêta près de lui, Rogue se trouva derrière. Son cœur bondissait dans sa poitrine. Lindsforth repoussa les deux battants et entra dans une énorme pièce dont le milieu était composé de trois longues tables en bois qui pouvaient porter 10 chaudrons chacune. Il leur montra où se situait la réserve d'ingrédients, les bureaux où ils pouvaient écrire, où étaient la verrerie,…

-Je compte sur vous pour travailler ensemble. Ne me décevez pas; finit-il en lançant un regard particulier à la plus jeune.

Celle-ci inclina la tête, Rogue grogna, Lindsforth se détourna dans un envol de cape et referma les lourdes portes derrière lui. Khorine et Rogue se retrouvèrent seuls. Elle lui jeta un regard, celui-ci eut un rictus de mépris avant de s'éloigner et de commencer à travailler en l'ignorant.

Khorine inspira profondément. Puis elle choisit la table du milieu et y déposa toutes ses affaires. Elle devait se mettre au travail, arriver à tirer un mot de Rogue serait pour plus tard ou plutôt pour un jour lointain et hypothétique. Le front plissé elle s'attacha les cheveux puis partit chercher un support à éprouvette, y déposa les différents échantillons qu'elle avait récupéré dans la chambre de Kingsley et commença ses tests. Elle fit abstraction de la présence méprisante et malveillante de son ancien professeur, ne se concentrant que sur les flammes léchant les petits chaudrons qu'elle avait choisi, le crissement de sa plume sur le parchemin, le tintement de la pointe métallique contre le pot d'encre, le silence du laboratoire,… Le silence plus que tout l'apaisait. Elle aurait pu rester des semaines entières sans quitter un laboratoire silencieux si elle l'avait pu.

Pour commencer elle prit le morceau d'ongle, récura la partie noire qu'elle mélangea à de l'alcool, puis broya le reste pour le mélanger dans un petit ballon en verre. Ensuite elle partit chercher différents réactifs, de nombreux réactifs, et durant plusieurs heures elle travailla sur le bout d'ongle de Kingsley. Son cœur se serra lorsqu'elle se rendit compte qu'il y avait effectivement présence de fèves soporifiques et de pus de veracrasse. Mais il n'y avait aucune trace d'armoise. Pour savoir s'il y avait ou non présence de jusquiame elle devait encore attendre près d'un quart d'heure.

Elle inscrivit sur ses parchemins que ce n'était pas de la Goutte du mort vivant. Pour chaque test qu'elle avait fait elle nota les résultats. Et plus la liste d'ingrédients apparaissait claire et plus elle se demandait ce qu'était cette potion. Ce n'était pas un classique. Elle serrait les dents en se disant que son hypothèse première de l'empoisonneur amateur s'éloignait de plus en plus. Mais comment expliquer l'ammoniac? Elle passait et repassait sa main dans ses cheveux, courbée sur ses parchemins. C'était la première fois qu'elle était face à ce cas, elle ne connaissait pas le ne connaissait vraiment pas le poison.

Elle essaya désespérément de faire une liste de toutes les potions contenant des fèves, du pus, de la toile d'acromentule, de l'ammoniac, mais il lui manquait toujours un ingrédient sur les quatre, voire plus. Le poison d'Acelsus ne contenait pas de fèves soporifiques, l'élixir des Voilettes était inodore et incolore et ne contenait certainement pas d'ammoniac ou de pus, le mithridate avait de nombreuses recettes mais contenait au moins de la cigüe, de la belladone, de l'opium, de la stramoine qui n'étaient pas là, le poison Noir contenait du pus mais ne pouvait pas être servi dans autre chose que du vin rouge, …

Elle se leva d'un bond et marcha d'un pas décidé vers les portes. Rogue ne releva pas la tête sur son passage, plongé dans la réactivité des gouttes de poison et de whisky qu'il avait prélevé.

Khorine ouvrit une porte et un auror qu'elle n'avait jamais vu apparut devant elle.

-J'aurais besoin de sortir récupérer plusieurs grimoires chez maître Lindsforth.

-Je me charge de vous les apporter; répondit l'auror au regard gris et dur.

-Mais je peux très bien…

-J'ai ordre de vous faire parvenir tout ce dont vous aurez besoin, incluant les grimoires. Donnez-moi un parchemin que je remettrai à M. Lindsforth.

Khorine crispa les mâchoires de colère mais dut bien finir par obtempérer. Elle fit demi-tour pour noircir un parchemin de titres de grimoire et de ses découvertes puis le roula et le scella magiquement. L'auror le prit et salua d'un bref hochement de tête avant de disparaître dans l'obscurité du couloir, son collègue se tourna vers elle et elle dut reculer pour qu'il ferme la porte.

Ce fut les poings serrés qu'elle retourna s'asseoir à sa place, attendant que ses réactions se finissent, attendant que l'auror revienne, attendant un mot de Rogue qui ne viendrait jamais.

Elle lui jeta un regard en coin. Le sorcier était penché au-dessus de son chaudron, entouré de volutes sombres, ajoutant avec une lenteur maîtrisée la poudre rouge qu'il avait entre les doigts. Tristement elle détourna le regard, un sorcier comme lui ne la reconnaitrait jamais. Il ne l'avait jamais remarquée durant toutes ses années à Poudlard, à part pour lui retirer des points. Elle n'avait jamais eu au-dessus d'Efforts Exceptionnels, sauf pour ses BUSES et ASPICS évidemment où elle avait reçu 2 Optimals en Potions. Il n'avait jamais reconnu son travail. Et pourtant… elle avait tellement travaillé… Tellement espéré qu'il la reconnaîtrait, un jour, après beaucoup d'efforts.

C'était idiot. Ce qu'il avait dit dans le bureau du Ministre devait lui ouvrir les yeux, elle n'était qu'une gamine prétentieuse et elle… Son petit chaudron bouillonna fortement, puis la potion vira au violet améthyste, au violet! Elle avait viré au violet!

-Il y a de la jusquiame dans le poison, Professeur! Lâcha-t-elle crânement.

Un frémissement à la commissure de ses lèvres l'informa qu'il avait entendu, mais il ne répondit rien. Elle aurait pu en rester là, elle aurait pu retourner à ses parchemins et ses chaudrons, mais à la place elle avança en longeant la table et en fixant Rogue.

-J'avais raison pour la jusquiame, et vous aviez tort! Et il n'y a pas d'armoise dans le poison! Alors… qui peut retourner jouer dans son bac à sable?

Un silence glacial lui répondit. Les yeux sombres de Rogue la transpercèrent de part en part. Mais elle ne recula pas, ni ne cilla, affrontant son regard plus sombre que les abysses.

-Qui avait raison? Lâcha-t-elle d'une voix qu'elle tâcha d'empêcher de trembler.

Qui avait raison? Il fallait qu'il le dise. Il fallait…

-Et à quoi cela vous avance-t-il exactement Lumare? Avec les quelques infimes connaissances que vous avez, connaissez-vous le nom du poison? Les principes de sa préparation? L'antidote? Connaissez-vous l'antidote qui permettra de faire revenir à la vie le premier Ministre?

Quelque chose s'effondra en Khorine, et elle baissa les yeux. Non. Non elle ne savait pas.

-C'est bien ce que je pensais. Toujours à courir dans les robes de votre maître à la moindre difficulté.

Elle releva aussitôt le menton, une pointe de colère encore là et avança d'un nouveau pas vers Rogue.

-On ne peut pas se permettre d'être orgueilleux quand des vies sont en jeu! Quand je ne connais pas une information je demande l'avis de mon supérieur!

-Orgueilleux? Vous, gamine arrogante, parlez d'orgueil! Gronda Rogue drapé de minute en minute d'une aura plus noire.

La colère d'un sorcier comme Rogue était effrayante. Et si Khorine ne se recroquevillait pas dans un coin il ne lui restait plus que la colère pour faire face à cette tempête. Alors puisant au fond d'elle la force nécessaire pour hausser la voix devant l'homme qu'elle admirait, elle siffla:

-Et vous alors vous n'êtes pas orgueilleux? Qui est-ce qui refuse mon aide? Qui est-ce qui réfute toutes mes suppositions alors que j'ai des années d'expérience en tant qu'aurore? Qui est-ce qui a choisi de travailler tout seul sur les ingrédients alors qu'on aurait pu se partager les expériences et aller plus vite?

Elle se tut, haletante, et le fixa avec rage tandis qu'il serrait poings et mâchoires et l'avakedavrisait du regard.

-Auriez-vous oublié le respect que vous devez à vos aînés, Lumare? Siffla l'ancien mangemort.

-Je n'ai…

La porte s'ouvrit dans un grincement aigu et Khorine se retourna aussitôt. L'auror aux yeux gris revenait avec plusieurs grimoires et un parchemin scellé, il lui tendit le tout sans un mot et quitta le laboratoire. Khorine se dépêcha d'ouvrir le parchemin. Il contenait trois lignes de la main de Lindsforth écrivant qu'il ne connaissait pas de poison tel que décrit et qu'il allait faire des recherches de son côté.

-Il ne connaît pas le poison; lâcha Khorine en relevant la tête.

Il n'y avait plus de colère dans son regard, toute trace en avait disparu, il ne restait plus que de la peur.

-Kingsley… Si on ne trouve pas le poison, on ne trouvera pas l'antidote, combien de temps peut-il survivre dans son état? Murmura Khorine la tête baissée sur le parchemin.

Elle se tourna vers Rogue dans son désespoir. Lui était toujours le même, aussi droit et impassible que toujours.

-Est-ce que vous avez une idée?

-Tiens; ricana-t-il aussitôt, on change de ton à ce que je vois.

-Kingsley risque de mourir!

Un nouveau silence s'installa. Khorine se laissa tomber sur le tabouret le plus proche et se prit la tête dans les mains. Kingsley là-haut devait souffrir du poison qui coulait dans ses veines, et que diraient Harry, Ron, Hermione? Il était leur ami, leur allié depuis qu'ils faisaient parti de l'Ordre du Phénix et elle était incapable de le sauver. Que devait-elle faire? Essayer de créer un antidote sur-mesure sans connaître le poison utilisé? Chercher dans tous les grimoires à sa disposition? Attendre les résultats de Lindsforth? Elle entendit vaguement Rogue s'éclaircir la voix puis l'appeler:

-Lumare.

Elle releva lentement ses yeux secs. Rogue continua avec reluctance:

-Je connais ce poison. Je connais également son antidote. Dans 9 jours votre cher premier Ministre sera sauvé.

Khorine cligna des yeux, le cœur tambourinant soudain dans sa poitrine:

-Mais comment…

-Peu importe; siffla-t-il. En m'attendant rangez votre paillasse.

Et sur ce il se détourna dans un envol de cape et ouvrit la porte du resta abasourdie un moment. Elle resta plantée sur son tabouret comme un Botruc fixant la poignée qui ne s'abaissait pas. Rogue était vraiment sorti du laboratoire et les aurors ne disaient rien! Rogue… Rogue connaissait le poison. Il connaissait le poison!
C'était inespéré. Kingsley était sauvé.