Chapitre 3
-Une heure et trente-sept minutes que vous palabrez avec Potter! Que croyez-vous? Que la potion va se faire toute seule?
-Aux dernières nouvelles; répliqua-t-elle en s'avançant, vous ne vouliez même pas que je vous aide.
-Et maintenant que le véritable travail commence vous partez vous terrer autre part.
Elle grogna, excédée, mais choisit sagement de se taire.
-Coupez-moi ce crin de licorne, deux centimètres chaque morceau, à ajouter toutes les trois minutes ce que je ferai.
Bien sûr, elle ne savait pas compter jusqu'à 180 où utiliser une montre. Elle renonça à lui rappeler encore une fois combien d'Optimals elle avait eu, quel maître de potion lui avait remis sa maîtrise, quel métier elle exerçait depuis des années. Elle qui avait tant voulu exister à ses yeux se tut. C'était peine perdue, il y avait plus important à présent. Ils travaillèrent en silence jusqu'au soir, mangèrent rapidement.
-Nous avons 22 heures à attendre avant d'y toucher à nouveau.
-Et il nous est interdit de sortir de l'aile; fit Khorine, assise en tailleur sur une chaise du laboratoire.
Rogue la fixait de haut, drapé dans sa cape noire, les bras croisés, le nez busqué, les cheveux gras, l'œil sombre.
-Ennuyée Lumare? Envie de courir derrière Potter?
La sorcière fronça les sourcils.
-Non.
-Qui pourrait bien vous attirer dehors? Un petit ami éploré de ne pas vous voir? Une famille?
Khorine ne répondit pas et Rogue ricana, les yeux plus écarquillés en pensant à la peine qu'il allait infliger à la petite peste:
-A en juger par votre expression j'en déduis que vous n'avez rien de tout ça. Comme c'est pathétique. Personne pour vous aimer. Une famille décimée par vos soins. Il ne vous reste que vos amis, sans lesquels vous ne vaudriez rien, qui sont d'ailleurs bien trop occupés pour s'intéresser à votre pitoyable petite personne.
Khorine détourna les yeux pour ne pas qu'il puisse y lire quoi que ce soit. Elle se sentait seule à présent. Beaucoup trop seule. Et c'était sa faute à lui. Elle glissa sa main dans sa poche dans l'envie de la refermer sur son gallion mais à la place buta contre autre chose, de beaucoup plus gros. C'était les pains d'épice de Ginny! Un sourire lui échappa alors qu'elle tirait la boîte en fer rapetissée de sa poche. Elle aurait pu en pleurer de joie aujourd'hui.
-Vous en voulez? Demanda-t-elle doucement en ensorcelant la boîte pour qu'elle reprenne sa taille normale.
Elle en tira un gros morceau de pain d'épice et le tendit vers Rogue. Celui-ci la fixa de son air méprisant et elle finit par abandonner l'idée qu'il en voulait, son bras retomba. Ce ne fut pas long avant qu'il ne se tende à nouveau, vers sa bouche, et qu'elle en gobe une énorme bouchée.
-Ch'est chucculent! Annonça-t-elle en souriant et en crachant des miettes un peu partout.
-Surveillez vos manières; siffla Rogue qui finit par se lever et quitter la pièce.
Cette gamine était trop exaspérante pour lui, à lui agiter son bonheur devant les yeux. Il préférait partir se terrer dans ses appartements. Au moins ceux-ci étaient propres. Au cours des vingt-deux heures qui suivirent Khorine dormit, mangea, dormit, commença à rédiger son rapport, alla faire les cent pas dans le couloir sous le regard dur des deux langues de Plomb qu'elle connaissait vaguement de loin et qui ne lui inspirait pas plus de sympathie qu'avant. Rogue quant à lui ne sortit pas de ses appartements et ne donna pas de signe de vie durant les vingt-et-une heures d'attente. Mais il ne manqua pas en temps voulu de faire une entrée fracassante dans les appartements de Khorine pour lui ordonner de se lever et de le suivre.
-Vos goûts sont toujours aussi douteux; lâcha-t-il en détaillant le salon qu'elle avait redécoré aux couleurs de Gryffondor.
-Gryffondor un jour Gryffondor toujours; ne put-elle s'empêcher de répondre dans le dos de son ancien professeur et comme il ne répondait pas de continuer, surtout que si j'allais regarder dans vos appartements je suis sûre que je les trouverai aussi gris et triste qu'au début.
Cette fois elle le vit lever son pouce et son majeur pour se pincer l'arête du nez.
-Lumare; souffla-t-il. Cessez de mettre ma patience à l'épreuve vous pourriez avoir de très mauvaises surprises.
La voix de Rogue à cet instant était polaire et Khorine eut la vague impression que les langues de plomb qui les escortaient s'éloignaient de quelques pas. Ce n'était pas ce qui allait l'arrêter, quoi qu'elle fasse dans quatre jours il allait disparaître de la circulation et plus personne n'entendrait parler de lui.
-Je vous fais confiance professeur. Votre patience a tenu six ans, elle peut encore tenir quelques jours.
-Espèce de petite…
Il se retourna dans un grognement de fureur mais Khorine en riant avait déjà pris la fuite et fonçait vers le bout du couloir. Un langue de plomb s'était lancé à sa poursuite, les grognements de Rogue résonnaient, Khorine courut jusqu'à la porte du laboratoire et l'ouvrit en grand. Leur potion bouillonnait gentiment dans son chaudron d'étain. Khorine se plaça près de celui-ci dans le plus grand des calmes et attendit l'arrivée de Severus Rogue. Le langue de plomb qui lui avait couru après la regardait d'une étrange manière depuis l'embrasure de la porte, elle n'en avait rien à faire. Puis enfin l'ombre de Rogue se profila au seuil de la porte. Le sorcier entra dans le laboratoire et referma durement la porte. Khorine attendait, sereine. Elle voulait, qu'il lui dise quelque chose, qu'il lui montre son exaspération, sa colère. Le sorcier avança de son pas prédateur habituel, ses longues enjambées qui laissaient flotter sa cape derrière lui. Il s'arrêta à 50 centimètres de son ancienne élève, la fixa, se tourna vers son chaudron et murmura:
-Reprenons. Coupez-moi deux nouveaux sachets de fèves soporifiques.
La sorcière n'y croyait pas. Elle aurait voulu… Pourtant elle ne dit rien, aucune remarque, elle obtempéra et partit choisir un couteau d'argent et plusieurs sachets de fèves soporifiques. La préparation de la potion reprit en silence. Les langues de plomb à la porte échangeaient des regards inquiets quant à l'absence de bruit, de cris ou d'explosion à l'intérieur. Ils choisirent pourtant de rester à leur poste et d'attendre.
Quand il fallut leur apporter leur déjeuner, ce fut Caladh le plus jeune qui fut obligé d'entrer. Il ouvrit la porte d'une main faisant flotter son plateau avec sa baguette. Et c'est là qu'il les vit, éclairés par les flammes, penchés tous les deux vers le chaudron qui fumait. Ils étaient encore en vie, travaillant sans un mot. Leur silence était empli d'une concentration si pleine et entière qu'il semblait qu'il n'y ait jamais eu de dispute. Leurs gestes étaient si fluides et si complémentaires qu'il semblait que ces deux sorciers avaient passé leur vie à travailler ensemble. Cela apparaissait comme une évidence, rien que dans la manière dont elle tendait ses morceaux de fèves sombres, trois par trois, à intervalles réguliers, en sachant d'instinct quand les lâcher et quand il les rattraperait alors qu'elle restait concentrée sur l'ajout d'écailles argentées dans son mortier; rien que dans la manière dont il tendait la main pour récupérer ces fèves en gardant les yeux fixés sur son mélange et la cuillère argentée qu'il faisait lentement tourner. Caladh déposa le plateau dans un coin, récupéra celui qui devait dater de plusieurs jours et s'éclipsa. Khorine et Severus ne s'aperçurent pas de son entrée. Ils étaient enveloppés dans un monde de concentration et de silence dont ils n'avaient même pas conscience. Les heures s'écoulaient dans le sablier du temps et ils les passèrent près de leur chaudron, ajoutant inlassablement leurs ingrédients, tournant lentement et régulièrement le mélange, préparant les prochains ingrédients sans se concerter.
Il était 11 heures du matin au septième jour de préparation quand Harry passa le pas de leur porte. Khorine était concentrée sur l'étude de deux fioles de fils de vierge mais elle sentit tout de suite l'entrée de son ami. Elle releva la tête. Son sourire se figea sur ses lèvres. Harry était blafard, du sang maculait sa cape, sa veste et sa chemise. Elle avança vers lui, les jambes tremblantes.
-On a été attaqué, dans l'allée des Embrumes. Ron a été touché.
Ron… Ron… Ses doigts faibles tremblèrent, son visage se stria de peur, ses fioles lui échappèrent des mains et se fracassèrent contre les dalles du sol.
-C-Comment il va?
-Il est à Sainte Mangouste pour l'instant. Les médicomages n'ont rien dit.
Ses yeux… Leurs yeux étaient remplis de peur. Khorine était paralysée. Elle fixait le visage de son meilleur ami et ce qu'elle y lisait la terrifiait.
-Ce sang sur tes vêtements…
-Oui.
-Je viens; lâcha-t-elle d'une voix éteinte. Je viens, dans quelle chambre? Quel étage?
Ils étaient déjà en train de courir vers la porte et Harry allait lui répondre quand Rogue siffla derrière elle:
-Lumare!
La sorcière tangua sur ses pieds et s'arrêta. Elle devait partir, pourtant elle tourna la tête vers Rogue.
-Vous oubliez votre devoir; prononça Rogue imposant et sombre. Vous avez reçu l'ordre de m'aider à créer l'antidote qui sauvera le premier ministre. Ce que vous allez faire.
-Ron va…
-Vous allez garder votre calme; la coupa-t-il en s'avançant et laissant le chaudron bouillonner derrière lui. Dans deux heures vous aurez quarante-sept minutes de répit pour aller voir Weasley. En attendant vous ferez votre devoir. Vous resterez pour préparer la relinquere demens. Avez-vous compris?
Il gronda ces derniers mots à deux pas de la jeune sorcière. Elle tremblait, les yeux envahit par la peur, elle entendait ce que Rogue lui disait, elle voyait cette ombre noire qui obscurcissait son champ de vision mais plus que tout elle sentait la présence d'Harry derrière elle, le sang sur ses vêtements.
-N-non; haleta-t-elle.
Harry s'insurgea devant ce manque de compassion:
-Un de ses amis est à Sainte Mangouste! Vous ne pouvez pas essayer de la préparer tout seul en attendant?
-Non Monsieur Potter; grinça-t-il sans quitter la sorcière des yeux. Vous savez que tous les ingrédients ne sont pas préparés, je ne pourrai pas arrêter de tourner, la magie ne peut pas aider face à cette sorte de potion. Vous devez rester. Regardez-moi!
Khorine obéit violemment, relevant la tête, et ses yeux bleus rencontrèrent l'obscurité des siens. Ils étaient grands et profonds, aussi noirs que la nuit, brûlants. Ils l'appelaient. Elle devait lutter contre sa peur, elle devait rester. Elle soupira un sanglot et trouva quelque part la force de dire à Harry:
-Rogue a raison. Tout notre travail sera détruit si je pars maintenant. Dans deux heures je serai là.
Elle tremblait encore malgré son intonation décidée. Harry s'avança et lui prit la main. Rogue serra les dents.
-Deuxième étage, chambre 267. Dans deux heures.
Elle hocha la tête, ils échangèrent un long regard angoissé, puis elle laissa la poigne d'Harry se relâcher. Il quitta le laboratoire à grandes enjambées et la porte claqua derrière lui. Khorine revint en tanguant derrière la table de travail.
-Concentrez-vous! Siffla Rogue.
-Je fais ce que je peux; haleta-t-elle.
-Alors où sont mes fils de vierge?
Ils étaient par terre, souillés. Elle repartit dans la réserve au bout de la pièce. Elle lui trouva ses fils de vierge. Elle les coupa en huit. Elle repartit chercher trois autres ingrédients qu'elle broya, malaxa, découpa en fines tranches gluantes. Ses gestes étaient sûrs mais moins délicats, plus violents et rapides, elle faillit se couper plusieurs fois et répandre son sang sur ses précieux ingrédients. Les deux heures qui suivirent furent une torture pour elle. Rogue s'impatientait, sifflait chaque fois que le couteau ripait plus proche de ses doigts.
Au dernier ingrédient à ajouter Khorine n'en pouvait plus. Elle haleta, se retenant à la table de chêne pour ne pas tomber, ses jambes tremblaient.
-Allez-y Lumare. Dépêchez-vous, vous avez quarante-sept minutes.
Elle le fixa sans entendre beaucoup plus qu'un bourdonnement sourd. Et puis soudain elle sentit une poigne dure autour de son bras droit. Elle cligna des yeux. Rogue la tenait et ses longs doigts forts la serraient fermement.
-Allez-y Lumare; répéta-t-il plus fort.
Une fois encore elle tomba dans les ténèbres de ses yeux. Et cette fois elle hocha la tête. Oui, elle devait y aller. Elle recula et Rogue la lâcha. Un dernier regard échangé et l'instant d'après elle courait et sa cape volait derrière elle. Ron… Ron… Ron…
Rogue soupira, de nouveau seul dans son laboratoire. Et ces enfants se prenaient pour des aurors. S'ils paniquaient aussi facilement quand l'un des leurs étaient touchés c'était un miracle qu'ils soient encore en vie.
Khorine courait de toutes ses forces dans les couloirs de l'hôpital, manquant de renverser un chariot flottant et plusieurs sorciers sur son chemin. Enfin elle parvint à la chambre 262. Elle entra sans toquer, ouvrant la porte en grand, haletant du plus profond de ses poumons. Ronald était là, reposant dans un grand lit, il était plus blanc que les draps, des bandages imbibés de sang sur son torse, les yeux éteints fixés vers elle. Harry et Hermione se tenaient à sa gauche et Hermione lui tenait la main.
-Oh Merlin, comment il va? Ron? L'appela Khorine en s'avançant. Qu'est-ce qui s'est passé? Qui t'as fait ça? Comment tu vas?
Un sourire naquit sur les lèvres du rouquin qui se transforma rapidement en grimace.
-Ça va, je vais bien; haleta-t-il d'une voix éteinte.
-Les médicomages n'en étaient pas si sûrs il y a quelques heures; rappela Hermione le regard dur.
-Ils exagèrent… toujours…; se crut obligé de répondre Ron ce qui l'épuisa un peu plus.
-Arrête de dire des âneries et repose-toi plutôt.
-Tu dois te reposer; compléta Harry.
Ron fixa Harry comme s'il l'avait trahi et secoua la tête d'un air tragique.
-Oh arrête de faire l'idiot Ronald!
-C'est fou je te voyais à l'article de la mort et tu as encore l'énergie d'embêter tout le monde; ria Khorine des larmes dans les yeux.
Ses jambes tremblaient violemment. Hermione fit léviter une chaise juste avant qu'elle ne tombe. Ils attendirent qu'elle se soit remise de ses émotions avant d'entamer le récit des exploits de Ron et de l'attaque au Chemin de Traverse.
-Un trafiquant de je-ne-sais-pas-quoi… que le ministère avait… dans le collimateur; haleta Ron avec difficulté.
-Chuuut; murmura Hermione doucement. Repose-toi.
-Dès qu'il a entendu qu'il y avait des aurors chez l'apothicaire; continua Harry, il a pris peur et il s'est enfui. D'après le rapport de Delpheen vous l'avez aussitôt pourchassé ce qui a conduit à un combat. Vous avez réussi à l'immobiliser après quelques minutes mais des complices vous ont attaqués par derrière et Ron s'est pris une rafale de Crucio.
Khorine blêmit violemment. Et Ron était encore en vie?
-L'apothicaire avait de la Régénération sanguine plein sa vitrine. Delpheen les a fait léviter en plein combat et les a administrés à Ron avant de transplaner jusqu'à Sainte Mangouste. Il était dans un sale état à son arrivée.
-Et donc maintenant il est dans un meilleur état? Demanda Khorine dubitative.
-Allez… Faîtes comme si j'étais… pas là…; haleta Ron.
-Par Merlin si tu ne te tais pas par toi-même je te bâillonne Ronald; menaça Hermione.
Son mari grogna pour la forme avant de se taire pour respirer difficilement. Sa femme et ses deux meilleurs amis le regardaient avec angoisse. Sa respiration finit par s'apaiser, ses paupières se fermèrent, il s'endormit tranquillement. Harry, Hermione et Khorine échangèrent encore quelques mots à voix basses puis se turent et le veillèrent. Khorine aurait voulu rester, encore, jusqu'à ce qu'il aille mieux. Mais la potion qui sauverait Kingsley ne se ferait pas sans son aide. Elle dut se lever.
-Je dois y retourner; chuchota-t-elle. Dès que j'ai une pause je viendrai à l'hôpital.
-Les visites ne sont pas autorisées entre 22 heures et 9 heures du matin; l'informa Hermione dans un chuchotement.
-Au pire si j'ai envie de rentrer je leur montre mon badge; répliqua Khorine dans un sourire.
Harry et elles échangèrent un sourire complice. Hermione secoua la tête de réprobation:
-Tu ne dois pas profiter des avantages que te donne ta fonction.
-C'est pour la bonne cause! Lui répondit-elle les yeux étincelants.
Puis plus sérieusement Khorine continua:
-S'il y a le moindre problème prévenez-moi par gallion.
Harry lui affirma qu'ils le feraient. Khorine détailla un bref instant ses amis dans cette chambre d'hôpital puis leur sourit et les quitta. Elle avait un antidote à finir. Hermione et Harry se tournèrent l'un vers l'autre lorsqu'elle eut disparu.
-Elle… n'a pas l'air bien; prononça Hermione avec précaution.
-Non; soupira Harry. L'antidote qu'elle prépare pour Kingsley est difficile… et travailler avec Rogue n'arrange rien.
-Le professeur Rogue? Ils travaillent ensemble?
-Oui; répondit-il sombrement.
-Je comprends mieux; fit Hermione avec un éclair d'intelligence qu'Harry ne perçut pas.
Le silence retomba dans la petite chambre, seulement troublé par la respiration profonde du blessé.
Khorine quant à elle courait dans les couloirs de l'hôpital, elle n'avait plus que deux minutes pour arriver jusqu'au Ministère. Pourtant si elle y pensait vraiment, elle voulait s'arrêter. Elle voulait marcher lentement et réfléchir à tout ce qui était arrivé, à Ron, Harry, Rogue qui l'avait retenu par le bras, aux traits tirés d'Hermione, au sang sur les bandages, à son cœur qui avait manqué de se faire engloutir par la terreur et la douleur… Elle n'avait pas le temps. Il fallait finir la potion. Il le fallait. Elle transplana jusqu'à l'aire d'urgence P24 où un nouvel auror l'accueillit. Il était plus jeune que les autres, la peau pâle dans la pénombre, des cheveux en vague d'or autour de son crane et des yeux gris. Elle prit le temps de le détailler parce qu'il fut le premier de tous leurs gardes à lui sourire. Elle hocha la tête en retour puis fonça dans les couloirs, il la suivit sans un bruit. En arrivant devant la porte du laboratoire elle vit un autre auror qui attendait, beaucoup moins commode. Elle passa sans un mot et entra dans leur laboratoire.
Rogue se tenait derrière le chaudron qui bouillonnait, il écrasait avec dextérité des écailles de sirène argentées, les sourcils froncés, les lèvres pincées.
-Pr… Monsieur Rogue; appela Khorine.
-Je m'attendais à ne plus jamais vous revoir Lumare; lâcha Rogue avec un haussement de sourcil.
Leurs regards se croisèrent un bref instant, puis Khorine accéléra le mouvement pour être tout près de lui et continuer la préparation. Il lui tendit le mortier et se faisant effleura les doigts de la jeune femme. Elle fit de son mieux pour ne rien montrer. Rogue ne demanda rien au sujet du rouquin, mais s'il avait voulu prendre de ses nouvelles il ne lui aurait fallu qu'un coup d'œil au visage soulagé de la sorcière à sa gauche.
-Je sui maître des Potions; rappela-t-il à la place. Vous m'appellerez par mon titre dorénavant.
-Je suis maître des Potions également, Maître Rogue; rétorqua Khorine Lumare avec un petit sourire tout en écrasant ses écailles.
-Entendu; lâcha Rogue renfrogné.
Cette gamine l'insupportait.
