Chapitre 4

La potion prenait formes et couleurs petit à petit. Ils travaillaient d'arrache-pied, la potion nécessitant de plus en plus d'heures de travail et de moins en moins d'heures de repos. Pourtant dès qu'elle en avait la possibilité, Khorine courait jusqu'à l'aire P24 et à l'hôpital pour veiller Ronald. Elle ne savait pas par quelle magie ses gardes la laissaient aller mais le fait est qu'elle le pouvait, était-ce un ordre d'Harry? Une concession d'Aberswhyth? Est-ce qu'ils l'avaient munie d'un traqueur? Peu importait. Ronald allait mieux, il reprenait peu à peu des couleurs et pouvait rester éveillé plusieurs heures. Hermione, Harry, elle, Ginny et la famille Weasley étaient souvent dans sa chambre. Faisant de lui l'un des patients les plus visités de Sainte Mangouste.

Le dernier jour de préparation de l'exitium demens ne dérogea pas à la règle. Khorine laissa Rogue pendant la demi-heure qu'ils avaient de pause pour faire un saut par l'hôpital, échanger quelques mots avec Hermione et Ron, puis revenir. D'après les parchemins de Rogue dans six heures ils l'auraient fini. Dans six heures, le premier ministre serait sauvé. Harry n'attendait qu'un mot par gallion pour prévenir Aberswhyth et les escorter vers les appartements de Kingsley.

Ce furent six heures exténuantes, Rogue était de plus en plus sec et cassant, de plus en plus exigeant. Elle était fatiguée, ses mouvements étaient de plus en plus lents. Elle pensait à la fin de sa potion, à Kingsley qui serait soigné, à son lit, un gros lit, une couverture qui l'engloutirait toute entière,…

-Concentrez-vous; siffla-t-il près d'elle.

Elle évita de peu de s'écraser un doigt, cligna des yeux, et se remit à broyer sa poudre safran. La dernière étape… C'était la dernière étape… Ensuite elle ne le reverrait plus. Dans quelques temps tout s'effacerait, comme un rêve.

-Versez, cuillère par cuillère, à vingt secondes d'intervalle.

Khorine obtempéra aussitôt. Elle se trouvait si proche de lui qu'elle sentait son torse la frôler, sa chaleur au travers de ses vêtements. Il lui faisait enfin confiance! Elle réussit, évidemment, sans une erreur, sans perdre le compte. Finalement elle dut s'éloigner à regret. La magie fut brisée, la potion fut finie une dizaine de minutes plus tard. Elle arborait une teinte argentée et semblait aussi épaisse que du sang de licorne. Ils coupèrent le feu sous le chaudron. Khorine sortit son gallion et prévint Harry, Rogue sortit ordonner aux aurors de prévenir Aberswhyth.

Ils en mirent dans un flacon de vingt millilitres que Rogue rangea dans sa poche. Il était plus impassible et dur qu'avant, le visage lisse de toute émotion. Il attendait juste, son devoir accompli, d'être remercié et de disparaître une fois de plus. Khorine entortilla une longue mèche brune entre ses doigts… La porte finit par s'ouvrir, Harry entra, leur demanda de le suivre! Ils étaient accompagnés de leurs deux gardes du corps et d'Harry. Aberswhyth et trois autres aurors les attendaient devant les portes des appartements du premier ministre.

-Je préfère vous prévenir maintenant; souffla Harry, que l'état de Kingsley a empiré. Si trois médicomages ne s'étaient pas trouvés là au bon moment il aurait réussi à se tuer.

Les portes s'ouvrirent devant eux dans un grincement inquiétant et ce que Khorine trouva derrière lui glaça le sang. Kingsley, si placide, si juste et droit, le digne remplaçant d'Albus Dumbledore à sa mort, le Kingsley qui les avait guidés dans leur formation d'aurors, Kingsley était gris, les yeux injectés de sang, sanglé à un lit blanc, entouré de poche de liquide qui flottaient autour de lui, un bâillon blanc sur la bouche. Tout ce blanc d'hôpital donnait la nausée, voir Kingsley dans cet état de démence était atroce. Les trois médicomages de la pièce se retournèrent vers eux à leur arrivée. Aberswhyth ordonna à ses hommes de le maintenir. Rogue s'avança, le visage fermé, et déboucha le flacon. L'un des médicomages lui retira son bâillon. Kingsley vomit aussitôt les pires insultes entendues de mémoires de sorciers, les yeux exorbités et le sourire d'un dément lui écorchant le visage.

-Tenez lui la tête; siffla Rogue.

Deux aurors, le médicomage et Rogue durent combiner leurs forces pour le maintenir et réussir à faire couler l'ensemble de la potion dans l'œsophage du premier ministre.

-Pourritures de mangemorts; s'écorcha-t-il la voix, je vous ferai tous écarteler!

Ils lui remirent le bâillon avec difficulté et attendirent, ils attendirent, gardant les sangles à leur place, fixant le visage du premier ministre à l'affût d'un signe indiquant que l'antidote fonctionnait. Khorine priait Merlin, sa main s'était tendue petit à petit vers la manche de son meilleur ami et ne parvenait pas à le lâcher.

-Combien de temps? Grommela Aberswhyth à un moment.

-Difficile à dire; lâcha Rogue. Dix minutes, trente, cela dépend de sa puissance magique, de son imprégnation.

L'attente était la pire des épreuves. Si leur antidote ne fonctionnait pas il ne le saurait pas avant au moins une heure, et par quoi commencer dans ce cas? Il n'y avait pas d'autre antidote. Une larme roula silencieusement sur la joue de la jeune aurore que Rogue fut le seul à apercevoir, tout comme cette main que Potter avait fini par saisir.

Il n'y avait pas de quoi se montrer si sensible. Moins d'un quart d'heure plus tard la potion faisait effet. Comme c'était étonnant! Kingsley perdit ce regard trouble, le bâillon lui fit retirer avec de stupides précautions et ils l'entendirent s'exprimer de manière tout à fait censée. Le premier ministre avait soif. Le Ministre les remercia personnellement après éclaircissements de la situation et puis s'endormit d'épuisement. Les médicomages restèrent par mesure de précaution. Tous les autres quittèrent le bureau du Premier Ministre.

Là on les félicita, puis on leur demanda un rapport complet de leurs recherches et de la potion qu'ils avaient confectionnés. Rogue n'écoutait déjà plus. Bientôt il serait de retour à l'impasse du Tisseur, au milieu de la saleté, de la misère, de sa solitude. Il se retrouva à marcher de son pas coutumier à la droite de la Gryffondor dans un couloir mal éclairé du Ministère. Ils allaient vers leur laboratoire.

-Je suis tellement contente de pouvoir dormir. Dormir. Je vais rentrer chez moi, prendre un bain et dormir jusqu'à demain; s'enthousiasmait Lumare.

-Être débarrassé de votre présence suffit à mon bonheur; lâcha Rogue le regard fixé vers le bout du couloir.

-Moi aussi je suis on ne peut plus heureuse d'être débarrassé de vous; grogna Lumare sans en penser un traitre mot.

Et elle allait en rajouter quand soudain, elle sentit que quelque chose n'allait pas. Son instinct lui soufflait qu'ils étaient observés, qu'il y avait un ennemi dans l'ombre du couloir et qu'il allait…

-Protego! hurla-t-elle alors qu'un éclair vert fusait vers eux.

Le sortilège de mort rebondit contre le bouclier et Rogue envoyait déjà la riposte. Ils étaient tous les deux au milieu du couloir étroit, côte à côte, et leur ennemi était à moins de vingt pas. Il n'y avait pas de cachette. Il suffisait juste d'un… Rogue lança un Lumos en informulé et le couloir entier fut inondé de lumière. Mais ils ne virent personne, leur ennemi s'était jeté un sortilège d'invisibilité, c'était certain. Un nouvel éclair vert fendit l'air. Rogue ne l'évita qu'au dernier moment. L'ennemi visait Rogue, pas elle, c'était Rogue qu'il voulait. Rogue lançait des sortilèges de plus en plus offensifs, de plus en plus vite, elle n'était pas en reste alourdissant ses charges de ses maléfices. Leur ennemi invisible reculait, elle le sentait.

-Khorine Lumare; cracha soudain une voix d'homme, vous protégez un meurtrier! Dégagez et je ne vous ferai aucun mal!

Trois de leurs sortilèges s'écrasèrent simultanément contre un puissant Protego. Un meurtrier? Protego!

-Ce meurtrier est membre de l'Ordre du Phénix! Je donnerais ma vie pour le sauver!

Rogue grogna près de la Gryffondor. Leur adversaire sombra dans un lourd silence, drapé dans son invisibilité. Khorine réattaqua, Rogue la suivit, ils se heurtèrent à un autre Protego et puis des éclairs verts fusèrent de nouveau, les frôlant, portant la mort et s'écrasant autour d'eux.

-Bombacta! Hurla l'ennemi soudain et le mur près de Khorine explosa.

Le souffle la projeta contre le mur d'en face. Sa tête heurta la pierre, des éclats se fichèrent dans sa peau, elle s'écroula à quelques pas de Rogue. Ce dernier sentit une main glacée lui comprimer le coeur. Etait-elle morte? Est-ce que la gamine était morte?

-Lumare? Croassa-t-il en reculant, lentement, protégé de tous maléfices par un puissant bouclier. Lumare? Répondez!

Il baissa les yeux vers elle. Son corps était recroquevillé, ses cheveux noirs étalés sur le sol, il y avait des éclats de pierre dans ses joues et sa tempe qui saignait, elle avait aussi une énorme tâche rouge sur son col qui s'agrandissait. La sorcière était blafarde mais elle respirait, elle était vivante. Rogue releva les yeux soudain. Cinq sortilèges fusèrent vers lui, s'écrasèrent dans des gerbes mortelles sur ses barrières de protection.

Il se redressa, entouré d'une aura de ténèbres et secondé par la Mort qui l'accompagnait comme une vieille et terrible amie. Son visage était figé dans une rage effrayante, reflet du passé, car il avait choisi de devenir mangemort, car il avait tué, car il avait torturé; et son ennemi su qu'il allait recommencer.

Le prochain sortilège qui quitta ses lèvres fut de la magie noire. Il brisa le Protego de son adversaire dans un crissement violent. L'autre gémit. Rogue leva de nouveau sa baguette et la magie qu'il libéra sur l'autre sorcier lui rentra dans le ventre, lui déchira la peau et l'éventra en quelques secondes. Le hurlement de douleur qui s'éleva fit hoqueter Khorine. Rogue se tourna vers elle. Sa peau était de plus en plus pâle, ses yeux étaient voilés.

-O-occupez… vous… de… lui; lâcha-t-elle difficilement.

Rogue cligna des yeux. Il sembla revenir à la réalité… Aucune aide n'était encore venue. C'était à se demander comment ces incapables du ministère avaient pu ne pas entendre le vacarme de leur combat!

-Spero patronum; murmura-t-il et un nuage argenté apparut au milieu des débris.

Il l'envoya chercher Lindsforth en toute urgence. Puis il s'avança vers le sorcier hurlant à la mort.

-Revelio; lâcha-t-il du bout des lèvres.

Un jeune sorcier apparut alors, à genou, les deux mains plaquées sur son ventre et sur les intestins qui s'en échappaient, il y avait du sang partout, il bavait, ces yeux bleus écarquillés par l'horreur, ses cheveux châtains ondulant en bataille sur le haut de sa tête. Rogue pouvait le tuer. Il pouvait le tuer maintenant. Sa baguette se leva avant même qu'il ne l'ait décidé. L'autre sorcier leva alors un visage ensanglanté vers lui, terrifié… Et puis…

-Accio baguette.

Rogue la rattrapa au vol. Puis il s'écarta. Il attendit l'arrivée de Lindsforth en faisait boire deux fioles de Régénération Sanguine à Lumare. Quatre aurors finirent par arriver, à s'emparer du sorcier éventré, Harry apparut avec Lindsforth et fut paniqué à la vue de Khorine étendue près de Rogue. Il fonça vers eux alors même que Rogue soulevait la fille dans ses bras et partait vers l'aire de transplanage d'urgence.

Khorine apercevait de vagues formes, floues, qui criaient. Elle sentait son ancien professeur de Potions près d'elle, elle sentait un liquide chaud couler dans son cou, elle avait un goût de fer dans sa bouche et une odeur de sang qui lui brûlait les narines… Elle se sentait faible… Elle sentait son esprit faiblir… Elle se sentait partir… Elle ferma les yeux…

Quand elle les rouvrit, parce qu'elle réussit à les rouvrir, ce fut un jour plus tard. Elle papillonna des yeux, lentement, la lumière était forte. Il y avait une fenêtre à droite, et des ombres autour d'elle. Elle referma les yeux un moment puis souleva ses paupières. Harry, Hermione et Ginny étaient là. Tous les trois. Et en se tournant elle vit Ron dans son lit d'hôpital à quelques pas.

-Est-ce que ça va? Tu as besoin de quelque chose? Est-ce que tu as soif? Demanda Ginny en se levant dans sa robe blanche, trop blanche.

-Ca… va… Qu'est-ce qui…; haleta-t-elle sans pouvoir finir.

-Qu'est-ce qui s'est passé? Demanda Ron depuis le lit de gauche. Très simple, je te manquais tellement que tu n'as pas pu t'empêcher d'aller à Ste Mangouste.

-Ron; grogna Ginny.

-Tu as été attaquée par l'empoisonneur qu'on traquait; lâcha Harry.

-Un auror d'après ce que j'ai compris; compléta Ginny.

Hermione et Harry hochèrent la tête, Ron grogna.

-Il s'appelle Henry Lattrymoor; les informa Hermione, sa famille était spécialisée dans les bois rares qui servent à la confection des s'est faite décimer en décembre 1976 par une potion qui les a rendus fous. Tous, sauf Henry Lattrymoor qui n'était qu'un nourrisson. A cette époque Rogue était connu parmi les mangemorts pour créer toutes les potions que voulaient Voldemort. Ca n'a pas dû être très difficile en faisant parler les bonnes personnes d'apprendre ce qui était arrivé à la famille Lattrymoor et qui en était responsable. Nous pensons que le plan de Mr Lattrymoor était d'empoisonner quelqu'un d'important pour que le ministère fasse appel à Rogue et qu'il puisse le tuer à ce moment-là.

-Il aurait pu… attaquer avant…; remarqua Khorine les sourcils froncés.

-D'après ses aveux il ne voulait pas risquer la vie du Premier Ministre.

-Drôle de manière de faire; ricana Ron.

Alors c'était Rogue qu'il voulait tuer. D'où la dose de poison trop faible, l'ammoniac, la jusquiame, l'empoisonnement dans le bureau même du ministre. Tout était clair.

-Et Rogue? Demanda Khorine avec empressement.

Harry haussa les épaules:

-Il t'a portée jusqu'ici, il a attendu un peu et puis il s'est volatilisé.

Alors Rogue allait bien. C'était… une bonne chose… Khorine sourit doucement et ne tarda pas à se rendormir. Hermione préféra rester à les veiller et réussit à convaincre Harry de retourner au ministère et Ginny de retourner aux urgences de l'hôpital deux étages plus bas.

-Tu nous préviens par gallion s'il arrive quoi que ce soit? Demanda Ginny le regard étincelant.

Hermione hocha la tête et le couple Potter partit.