Chapitre 9
Khorine,
Es-tu disponible samedi prochain, 19h30, pour prendre un verre dans mes appartements ?
SR
La lettre lui parvint une semaine après le Symposium. Elle sourit devant la concision de Severus et répondit en griffonnant un: «Oui» sur un parchemin.
Elle arriva avec un peu d'avance à Poudlard pour demander son chemin aux elfes de maison et toqua à la porte de ses quartiers pile à l'heure.
Severus lui ouvrit. Son visage se détendit subrepticement en la voyant, il y avait cette lueur dans ses yeux. Il était en pantalon et redingote noire, un col blanc dépassait à mi-cou. Elle lui sourit et entra. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. C'était la première fois qu'il l'invitait où que ce soit et qu'il ait choisi ses quartiers pour le faire était assez intimiste.
Le salon était chaleureux, la cheminée y était deux fois plus grande que chez elle, avec des rangées de livres sur tout le mur de droite, deux fauteuils en cuir face à l'âtre, un bureau sur une petite estrade à gauche où des piles de parchemin étaient entassées. Un petit couloir au fond menait à trois portes closes.
-Ta cape? Demanda Severus d'une voix rauque qui arracha un frisson à Khorine.
Elle la lui tendit et puis prit place dans le fauteuil dos à la librairie. Severus ouvrit un panneau de bois près de son bureau qui cachait une réserve d'alcool dans le mur.
-Whisky? Saké? Cognac? Gin?
-Whisky; demanda la sorcière, Vieil Ogden si tu as.
Il leur servit deux verres et s'installa dans le fauteuil face au sien.
-Musora n'est pas là? Fit Severus en haussant un sourcil.
Khorine soupira.
-Non, elle ne revient que très rarement. Je pense qu'elle a trouvé une meute, et un partenaire.
-Je vois… Tu seras bientôt grand-mère dans ce cas.
Khorine renifla:
-Ne sois pas ridicule, j'ai trente-quatre ans, je serai plutôt comme une tata steak.
Severus plissa les yeux.
-Mais si; s'expliqua Khorine, au lieu d'être une tata gâteau je serai une tata steak.
-Tes plaisanteries m'ont moins manqué que ce que je pensais; rétorqua-t-il avec flegme.
Elle haussa les épaules, et puis goûta son whisky. Délicieux. Elle soupira d'aise en se calant dans son fauteuil en cuir rembourré. Il y eut un petit silence. Severus fixait les flammes.
-Je ne t'ai pas demandé la dernière fois; commença Khorine d'une voix douce, mais comment va ton filleul?
-Aussi bien qu'un enfant pourri gâté peut l'être.
-Mon filleul arrive à s'habiller tout seul et il arrive à faire des phrases complètes ; se rengorgea Khorine.
-Merveilleux; lâcha Severus avec sarcasme.
-Tu sais… qu'ils vont arriver à Poudlard en même temps. En même temps qu'Harry aussi.
Severus soupira.
-Je n'imagine que trop bien les dégâts que pourraient causer un Londubat et un Potter dans la même classe.
Elle renifla:
-Pas en Potions en tout cas, mon filleul à de grandes prédispositions.
-Tu m'en diras tant.
Il y avait ce rictus caractéristique. Il se payait sa tête.
-Mais Severus, sérieusement, tu seras gentil avec mon filleul, n'est-ce pas?
Quelque chose passa dans les yeux noirs du sorcier et son sourire s'évanouit.
-Que m'offriras-tu en échange?
Sa voix rauque lui arracha un nouveau frisson, elle crispa les mâchoires pour se reprendre.
-C'est un petit garçon adorable, ça ne devrait pas être très dur! Se récria Khorine.
-Tu souhaites passer un marché avec son professeur de Potions. Je te demande quel prix tu es prête à mettre.
Il semblait à Khorine que la voix de Severus s'était modifiée, qu'elle était plus grave et rauque. Elle pencha la tête sur le côté, le fixant de ses grands yeux océan. Que cherchait-il ?
-Je pourrais éventuellement t'offrir une bouteille de Vieil Ogden, de 1760, vieilli en fût de sureau.
Severus haussa un sourcil :
-Contre l'avenir de ton précieux filleul. Voyons, tu sais que tu as mieux à m'offrir.
Sa voix était hypnotique, sa voix qui ronronnait presque et lui arrachait des frissons indésirables. Khorine soupira :
-Qu'est-ce que tu veux?
-Je ne veux que le meilleur pour ton filleul; rétorqua Severus avant de siroter une gorgée de whisky.
Sa voix n'était plus celle d'un prédateur. Hésitait-il? Khorine eut un petit sourire. Le sourire d'une sorcière qui a bu deux verres de whisky et qui espère faire passer ses sentiments pour quelque chose de beaucoup plus superficiel.
-J'essaye; répondit-elle d'une voix enjôleuse, de comprendre au mieux tes désirs pour pouvoir te satisfaire. Pourrais-tu m'indiquer ce que tu veux que je t'offre?
Elle ne lui avait jamais parlé de la sorte. Une toute petite partie de son cerveau lui disait que c'était une très mauvaise idée, l'autre trouvait ce soudain plan très intelligent. Severus écarquilla les yeux et la fixa. Leurs regards se rencontrèrent. Celui de Khorine était chaleureux et scintillant, comme un océan sous un soleil d'été. Celui de Severus devenait de seconde en seconde plus noir et profond que la nuit.
-Qui sait? Gronda-t-il.
La distance entre les deux fauteuils semblait ridiculement importante soudain. Khorine se mordit la lèvre. Elle avait envie de... Elle en avait toujours eu envie. Elle avait attendu toutes ces années... Ca ne pouvait pas être aussi simple. Elle était en train de lui faire croire que c'était purement physique ; pour se protéger. Elle allait enfin le toucher. Khorine se leva :
-Encore un peu de Vieil Ogdens? Demanda-t-elle en contournant son fauteuil pour se diriger vers la bouteille.
Il fallait qu'elle s'éloigne, qu'elle arrête là. C'était le même enfant qu'elle avait trouvé dans la forêt, qui l'avait observée de ce regard voilé d'admiration et qui l'avait attendue pendant des mois dans la clairière de reines-des-près. Oh mais il avait grandi. Elle sentit sa longue main fine lui saisir le poignet.
-Ne me tourne pas le dos ; ordonna Severus.
-Je prends seulement un autre verre. Tes talents d'hôte laissent à désirer si ton invitée doit se resservir elle-même.
-Mes talents d'hôte... gronda Severus en se levant, maintenant sa poigne sur la sorcière.
Elle se retourna et ils se firent face. Severus était tendu, et sombre, et dominant, et elle n'aimait pas ça.
-Essayes-tu vraiment de m'extorquer ce que je pense pour t'assurer que Neville passe une bonne scolarité?
Il cilla et ce fut violent, comme sortant d'un mauvais rêve. Qu'avait-il voulu faire?
-Ah... Tu sais bien que je garderai un œil sur Londubat.
Khorine lui adressa un sourire chaleureux.
-Oui, je sais.
La poigne qu'il maintenait serrée se relâcha un peu. Severus était plongé dans les yeux de la sorcière. Il y voyait de la chaleur, de la confiance, de la tendresse, mais c'était transient, caché, comme des éclats de soleil diffractés par les vagues. Les doigts de Severus sur sa peau la brûlaient.
-Je nous ressers ? Proposa Khorine pour s'éloigner.
Severus ne la lâcha pas. Ses yeux noirs embrasés la fixaient. Non, elle ne lui échapperait pas. Il se rapprocha. Et leurs souffles se mélangeaient.
-Severus... qu'est-ce que tu fais ? Murmura Khorine les pupilles fortement dilatées.
La main du jeune sorcier quitta son poignet pour remonter le long de son bras et lui agripper l'épaule. Khorine haleta.
-Tu le désires aussi; gronda-t-il d'une voix rauque. Ne me mens pas.
-Je ne te mens pas. Je te demande ce que tu es en train de faire; lâcha la sorcière en le fixant.
Elle essayait de paraître détachée, de calmer les battements erratiques de son coeur. Elle savait que c'était une erreur, qu'il en avait trop vu.
-Je vais t'embrasser.
Khorine haleta. Severus plongea encore une fois ses yeux noirs dans les siens et puis se pencha vers sa bouche, la maintenant fermement par l'épaule.
Toutes les pensées de Khorine se disloquèrent. Elle était figée et incapable de réfléchir, incapable de reculer.
Elle reçut les lèvres de son ancien apprenti sur la bouche et gémit. La poigne était violente mais les lèvres fines et douces caressaient les siennes.
Des frissons de bien-être électrifièrent tout son corps. Les yeux fermés, elle se rapprocha du corps chaud de Severus et ses doigts se refermèrent sur sa redingote, ses lèvres se pressèrent contre les siennes. Severus haleta, ouvrant la bouche. Khorine approfondit le baiser, et Severus lui répondit, remontant sa deuxième main dans les longs cheveux ondulés de la sorcière. Leurs corps se fondaient l'un dans l'autre, leur chaleur les enivrait.
-Severus; haleta Khorine.
Sa poigne se resserra, lui intimant de ne pas partir. Elle n'en avait plus l'intention et commença à défaire les boutons de la redingote, les mains tremblantes, mordillant les lèvres du sorcier. La tête de Khorine lui tournait, toute cette chaleur. Elle mit fin au baiser pour nicher son front contre l'épaule de Severus.
La redingote s'ouvrit. Elle s'attaqua aux boutons de sa chemise et darda une langue taquine vers le creux de son cou. Severus gronda tout bas. Ses mains tremblaient. Khorine était enivrée par son odeur. Elle s'y noyait. Enfin la chemise fut ouverte et la sorcière redressa la tête, fixant de deux yeux affamés la peau pâle et imberbe du sorcier. Ses mains se posèrent sur sa poitrine. Chaude. Douce. Elle caressa une cicatrice nacrée du bout des doigts.
Severus secoua la tête, les yeux fermés et grogna:
-Je ne peux plus me retenir... Khorine...
-Ne te retiens pas alors; murmura-t-elle à son oreille.
-Suis-moi dans la chambre.
Cela sonnait autant comme un ordre qu'une question. Et elle comprit qu'à sa façon, il lui laissait une chance de s'écarter. Elle cligna des yeux. Hésita. Loin derrière le brouillard de ses sens, sa raison lui murmurait de partir. Raison qui se disloqua au moment où Severus revint chercher ses lèvres. Et Khorine le suivit dans sa chambre.
oOo
Elle se sentait bien... Elle sentait la douceur des draps contre sa peau, la chaleur qui l'entourait, des bras qui la protégeaient, l'odeur de Severus. Oh... Elle émergea du sommeil. La respiration du sorcier était profonde et régulière, il dormait encore, les bras fermement ancrés autour de sa taille, son long nez dans ses cheveux.
Un sourire échappa à Khorine.
Des hématomes un peu partout sur son corps commençait à se rappeler à elle, des tâches de chaleur qui pulsaient douloureusement.
Elle avait cédé à ses pulsions. Quand il se réveillerait, elle aurait à en payer le prix. Elle soupira... La respiration de Severus s'interrompit. Son long nez se perdit un peu plus dans ses bouches noires. Khorine se tourna pour lui faire face.
Le sorcier fermait encore les yeux et maintenait ses bras autour d'elle.
-Bonjour Severus; murmura Khorine avec prudence.
-Khorine...
Elle renifla devant son haleine matinale. Severus sembla comprendre quelque chose et ouvrit d'un seul coup ses grands yeux noirs.
-Khorine.
Il détailla son visage, scrutant son nez, ses joues, son front, sa bouche, tombant dans ses yeux océan.
-Bien dormi? Demanda la sorcière en voulant éloigner ce moment où il la repousserait.
Il cligna des yeux, et elle ne put s'empêcher de le trouver adorable; la marque de l'oreiller sur la joue, les yeux encore flous, ses cheveux noirs en épis, sa lèvre fendue là où Khorine l'avait mordu.
-Oui; avoua-t-il d'une voix rauque.
Lui voyait une sorcière aux yeux scintillants, de longues mèches ondulées formant des auréoles autour de sa tête, les joues rougies. Il devinait son corps sous les draps, ses bras enserraient sa taille nue et un soupir lui échappa.
Ils restèrent quelques temps à se regarder, puis Severus crispa les mâchoires et demanda:
-Serais-tu... intéressée par l'idée de recommencer?
Le coeur de Khorine s'emballa. Elle comprit ce qu'il demandait.
-Oui; murmura-t-elle.
Severus déglutit, avant de lâcher d'une voix rauque:
-Je ne partage pas.
-Moi non plus; chuchota-t-elle.
Severus la contempla avec une chaleur qu'elle voyait pour la première fois.
Elle se mordit la lèvre. Elle devait réfléchir à ce qu'ils avaient fait, à ce qu'elle avait accepté. Ses sentiments devraient rester cachés.
-Nous pourrions prendre le petit-déjeuner; proposa Severus.
Elle acquiesça doucement, et reçut l'instant suivant les lèvres de Severus contre les siennes. Leur douceur la fit fondre. Il s'écarta.
Khorine esquissa un sourire heureux et Severus sentit le coin de ses lèvres s'étirer vers le haut. Il détourna la tête et puis quitta les draps.
Son long dos nu apparut à la faible lumière derrière les rideaux. Ses fesses, ses jambes longues; il lui tourna le dos en se rhabillant, et puis il sortit de la chambre.
Khorine ne tarda pas à retrouver ses habits éparpillés et se vêtit avant de le rejoindre dans le salon.
Severus faisait de la place pour deux sur la grande table ébène en rangeant parchemins, grimoires et bouteilles d'encre.
Quelques instants plus tard apparaissait un grand plateau d'argent contenant une théière, deux tasses, deux verres et un pichet de jus de citrouille, des assiettes avec des oeufs brouillés, bacons, tomates, et du cheddar, une grande assiette avec une pile de pancakes, des pommes, des scones, du beurre, de la confiture et du miel.
Un gigantesque sourire apparut sur le visage de Khorine.
-J'ai faim! Lâcha-t-elle avant de s'asseoir à table.
-Quelle surprise; se moqua Severus.
Elle sourit d'autant plus et quelque chose en elle rayonnait de bonheur. Ils parlèrent de tout et de rien, et Khorine avala ses pancakes avec délice, et Severus buvait son thé et ses yeux brillaient.
Bien après que le petit-déjeuner fut fini, Khorine proposa:
-Et si tu venais chez moi la prochaine fois?
Severus la fixa, une lueur d'espoir dans les yeux. Elle lui proposait de son plein gré...
-Oui.
-Nous pourrions dire un vendredi ou un samedi.
-Vendredi prochain.
-Parfait; lui répondit-elle en souriant.
Elle allait le regretter. Au moment où elle quitterait ses appartements toutes les raisons pour lesquelles elle ne devrait pas rechercher sa présence lui sauteraient au visage. Pour l'instant cependant elle se sentait bien et ce fut l'unique raison pour laquelle Severus accepta de la voir se lever.
-Je vais devoir te laisser, mes expériences de catalyseur n'en ont plus pour très longtemps avant de redevenir instables.
-Très bien; murmura-t-il d'une voix rauque.
Il la raccompagna à la porte et au moment où elle se retournait pour lui souhaiter une bonne journée, il la prit par l'épaule et la piégea contre le mur pour l'embrasser.
Le choc lui coupa la lèvre, le grognement de Khorine fut avalé par la bouche du sorcier. Il lécha son sang et caressa ses lèvres de sa langue avant de les mordiller gentiment. Khorine se sentit fondre contre lui. Leurs langues se frôlèrent, les mains de Khorine se perdirent dans les cheveux de Severus, lui la maintenait fort contre le bois. Leurs mouvements se firent plus fiévreux, plus passionnés. Ils durent se séparer, pour respirer.
-Je dois... y aller; haleta Khorine.
-Qui t'en empêche? Rétorqua le serpentard, un sourire en coin.
Il la maintenait toujours. Sa poigne était ferme. Khorine le fixa, et puis l'embrassa soudain au coin des lèvres. Severus fut assez surpris pour relâcher sa poigne et l'instant d'après la sorcière passait le pas de la porte.
-Passe une bonne semaine; lâcha-t-elle en marchant d'un bon pas, sa cape flottant derrière elle.
Severus resta figé sur le pas de la porte, la fixant s'éloigner. Regrettant de l'avoir laissé partir.
