Chapitre 7

Dumbledore lui avait légué une petite boîte en or, des inscriptions dans une langue qu'elle ne connaissait pas striaient les côtés, et à l'intérieur de la boîte… Un bézoard dans son écrin. Elle avait étudié la boîte sous tous les angles, cherchant, espérant, priant, il n'y avait rien d'autre. Rien.

Harry, Hermione, Ron et elle, s'étaient enfuis à la recherche des Horcruxes, cachés dans une tente au fin fond d'une forêt du Peak District. Khorine étudiait encore la boîte de Dumbledore, Hermione faisait le guet, Harry et Ron étaient partis chasser. Et Khorine sentit une petite cale, son doigt buta contre une bille d'or. Elle retourna la boîte. Elle n'avait jamais vu cette petite boule dorée avant. Elle fit voler une loupe de la table jusqu'à elle. C'était un enchaînement de stries, de cycles, d'anneaux, serpentant, comme… Un corps de reptile. Et si les inscriptions étaient en Fourchelangue? Personne ne savait plus le lire. Mais elle savait le parler.

-Rhajen… Sharejet sillfit et kartet rhasseilen shafeil seret neije.

Elle entendait, elle comprenait. Elle recommença, prononçant mieux. Sifflant, je me meus, le temps en témoin. Rhajen souleva sa petite tête. Le sens de ses paroles lui échappait. Khorine serra les dents. Une autre impasse…

Mais il y avait quelque chose de plus dans la boîte. Quelque chose de caché! Elle en était sûre! Plusieurs mois plus tard, la cale avait grossi jusqu'à la taille d'un œuf de mouette et le serpent dessus respirait. Un soir, il s'étira et libéra ses anneaux. Sa tête se leva et deux yeux onyx se fixèrent sur le visage de la sorcière.

-Rhassenet rhajalen. Ouvre-toi, je t'en prie; murmura Khorine.

-Erhserret nejel… Pas prête…

-Ersherret jel… Rhassenet, rhajalen! Je suis prête… Ouvre-toi, je t'en prie!

Le serpent détourna sa tête dorée et repartit se rouler en boule.

Ils trouvèrent le médaillon de RAB, puis la mère de Harry apparut pour leur léguer l'épée de Gryffondor et Harry détruisit à jamais les deux Horcruxes. Le soir-même, le petit serpent doré se réveilla et glissa le long de la boîte jusqu'au couvercle.

-Sharjakleiss tet. Ton sang…; ordonna-t-il.

Elle fit voler vers elle un couteau et s'entailla la main sans sourciller. Le liquide rouge goutta sur le serpent, sur le coffret. Ses amis dormaient, Ron ronflait à un volume phénoménal.

-Shekaowerresset sillenien errhessabet… Tu vas comprendre, humaine…

Le serpent éleva son corps et l'arrondit, pour former une minuscule poignée. Khorine s'en saisit sans hésitation et la tira vers le haut, un cylindre d'or apparut devant elle. Un parchemin y était caché. Une lettre de Dumbledore. Elle innocentait Rogue de tous ses crimes. Rogue était de leur côté. Rogue était vraiment…

Khorine pleura toute la nuit.

Elle cacha le parchemin et tut sa découverte. Si Harry l'apprenait, Rogue serait en danger. Ils se firent capturer par des raffleurs qui les conduisirent jusqu'au manoir des Malfoy, s'évadèrent avec un gobelin qui les emmena à Gringotts trouver la coupe de Poufsouffle et ils parvinrent à survivre tous les quatre.

-J'ai bien réfléchi… Le dernier Horcruxe est forcément à Poudlard. C'est là-bas que tout doit finir.

Hermione, Ron et elle hochèrent la tête. Ils mirent au point un plan pour infiltrer Poudlard et trouver le dernier morceau d'âme de Voldemort. Ils savaient très bien qu'ils pourraient ne jamais en revenir. Les amis n'en dirent pas un mot, faisant les mêmes gestes pour ranger leurs affaires, plier la tente, tout rentrer dans le sac d'Hermione. Ensuite ils inspirèrent un grand coup, baguette au poing, et transplanèrent à Préaulard.

Quand ils entrèrent dans la Grande Salle avec le reste de l'Ordre du Phénix pour renverser les professeurs Mangemorts, Khorine vit Rogue, blême, debout et seul sur l'estrade. Leurs regards se croisèrent un instant, un bref instant, une éternité. Elle lisait tant de souffrances dans son regard, son visage émacié, sa peau cireuse, ses cernes violets. Elle aurait voulu… McGonagall sortit des rangs pour protéger Harry de Rogue. Les sortilèges fusèrent, violents, Rogue parait, parait, parait, les autres mangemorts tombèrent stupéfixés, et lui s'enfuit.

-Lâche! Hurla le professeur McGonagall.

Khorine se tut.

D'entre ses dents serrées ne sortirent que des sorts, Stupéfix, RictuSempra, Expelliarmus, Sectumsepra, Sectumsempra, Sectumsempra… Elle déchira la gorge de Fenris qui venait d'égorger Lavande Brown, brûla vivante une mangemorte qui se dressait devant Hermione, ils virent l'avant-dernier horcruxe, le diadème de Serdaigle, détruit par les flammes d'un feudeymon. Et soudain tout s'arrêta, l'air se raréfia, se densifia, et sembla se tordre tout autour d'eux. La voix de Voldemort s'éleva. Il promit de sa voix sifflante d'épargner les survivants, il promit une vie à ceux qui allaient la perdre, il appela à cesser les combats, il demanda à Harry de venir à lui. Khorine aurait mis le feu à tous les mangemorts du monde si elle l'avait pu. A la place, elle se retrouva à courir avec ses amis en direction de la cabane hurlante. Ses pensées sifflaient dans son esprit, s'entrechoquant, elle ne savait pas ce qu'il fallait faire, comment le sauver, où était…

Son souffle se coupa, son visage se vida de son sang, ses genoux faiblirent et elle dut s'agenouiller, cachée, auprès de ses trois amis. Rogue se tenait devant Voldemort. Ils étaient là. Dans l'étroit salon de la cabane branlante.

-Tu m'as bien servi, Severus.

Glacée. Voldemort se tourna lentement vers Nagini et il lui ordonna:

-Rhasselejet.

Le serpent leva sa grosse tête, puis la tourna vers le maître des potions.

-Mais; continua Voldemort, tu m'es plus utile mort.

Rogue blêmit violemment et ne put faire qu'un pas en arrière avant qu'un sort de découpe ne lui tranche la carotide. Nagini se tendit, ses crochets apparaissant à la lumière lunaire. Alors Khorine tendit la main et une barrière de flamme les séparèrent. Ron s'occupa de maintenir Harry, Hermione resta pétrifiée, tandis que leur amie avançait au centre de la pièce.

-Rhajen; appela doucement Khorine, rhasselejet.

Son familier glissa le long de son poignet jusqu'au bout de ses doigts et grandit, grossit jusqu'à atteindre le sol et la taille de Nagini.

-Qui es-tu? Siffla Voldemort, la baguette de sureau pointée droit sur elle.

-La dernière descendante des Gaunt; répondit-elle avant que Rhajen ne bondisse vers Nagini et qu'une rivière de flammes ne déflagre sur Voldemort.

Elles furent détournées dans un tourbillon gigantesque. Les murs léchés par les flammes crépitaient et Rogue agonisait. Le feu fut renvoyé directement sur les deux reptiles qui se tordaient et s'entredévoraient. L'opale de Rhajen libéra un bouclier qui la protégea tandis que Nagini siffla de douleur en brûlant. Un hurlement de rage échappa à Voldemort. Rhajen avait les crocs plantés dans la mâchoire de Nagini.

-Avada Kedavra; condamna-t-il le serpent.

Mais le sort ricocha. Une magie noire dévorante siffla alors, vomie par la baguette de sureau, s'accrochant à l'opale de Rhajen qui… qui vibrait, qui allait se… Des pics de glace fusèrent vers le mage noir. Il les détruisit d'un geste, une mer de flamme encore, puis un Avada sortit tout droit de la baguette de Khorine.

-Misérable…

Un sort de magie noir fusa vers Khorine, elle le dévia, un autre, il explosa le mur à sa gauche. Des forces mauvaises sifflaient et tranchaient l'air. Une ombre apparut soudain à sa gauche, un souffle et une chaleur d'homme. Rogue haleta et lui prit le bras. Khorine tressaillit. Un sortilège de magie noire la percuta en plein cœur avant qu'elle ne soit entraînée par le transplanage de Rogue.

La magie noire lui rentrait dans les entrailles, la dévorait de l'intérieur. Elle hurlait. Hurlait! Et puis plus rien. Elle se redressa comme elle put. Rogue la maintenait toujours par le bras et son visage contenait un mélange de fureur et de peur effroyable. Il était en vie.

-Imbécile! Cria-t-il et les murs lui semblèrent trembler tout autour.

Khorine était à genoux, les doigts de Rogue si serrés autour de son bras qu'elle ne les sentait plus. Le sortilège de Voldemort l'avait touchée. Elle allait peut-être mourir. Ses amis avaient eu le bon sens de rester cachés. Il ne restait plus que Rhajen, qu'elle appela. Elle apparut dans sa main, reprenant sa taille normale, des marques de crocs et de sang au milieu de ses belles écailles blanches.

-Serreneyel. Merci; murmura Khorine les larmes aux yeux.

Elles avaient sauvé Severus. Rien d'autre n'importait plus maintenant. Le serpent se resserra sur son poignet et Rogue la secouait, elle s'en rendait compte maintenant. Il lui hurlait dessus mais elle n'entendait pas. Un voile noir lui obscurcit la vision, puis disparut, réapparut.

-Je… Je ne vois plus…; murmura la sorcière.

-Magellus! Magellus!

Une lumière aveuglante. Une grande biche de lumière. Elle était apparue et s'envola bien vite par la fenêtre. La biche de Lily Potter. La biche. Le patronus… de Severus Rogue. Son cœur se brisa et le voile noir tomba brutalement devant ses yeux.

A son réveil, ses trois meilleurs amis entraient dans le bureau. Leurs trois baguettes étaient pointées sur Rogue. Khorine sortit avec difficulté des recoins de sa cape la lettre de Dumbledore innocentant Rogue. Ils s'agenouillèrent alors à ses côtés.

-Potter, vous devez voir ces souvenirs. Ils vous expliqueront tout ce que vous devez savoir; pressait l'ancien mangemort.

-Je ne laisserai pas Khorine…

-J'ai stoppé la progression du sortilège. Il n'y a rien d'autre que vous puissiez faire.

Harry se tourna vers la jeune femme. Elle respirait difficilement, le regard voilé par la souffrance, mais elle cligna des yeux, et sourit:

-Ça va aller… Et Rhajen… m'a dit… que Nagini… a pris une… raclée…

Elle ricana et cracha du sang. Ron gémit. Rogue répéta à Harry qu'il n'y avait rien qu'il puisse faire et le poussa vers le bureau directorial. Ron et Hermione, occupés à suivre les instructions de Rogue pour sauver Khorine ne s'aperçurent pas que le Survivant ne revenait pas. Et soudain, la voix de Voldemort résonna dans tout Poudlard. Harry Potter est mort. L'Élu est mort. Harry Potter est mort… Une vague de flammes submergea le cœur de Khorine. Elle tapa des deux poings contre le sol et se releva. Hermione la soutint, des larmes dévalant ses joues souillées de sang et de poussière.

-Ron; haleta Khorine… On va… tuer… Nagini…

-Compte sur moi; répondit-il.

Rogue s'interposa:

-Allez tuer le serpent, je m'occupe de Magellus.

Elle ne sut pourquoi ils lui obéirent mais ils quittèrent le salon, la laissant seule, face à Rogue.

-Ne me… retenez pas…; haleta-t-elle, furieuse.

-Vous tenez à peine debout, vous ne servirez à rien dans cette dernière bataille. Et vous ne pouvez plus utiliser vos pouvoirs.

-Mes pouvoirs ?

-Le sortilège de magie noire que vous avez reçu de Vous-Savez-Qui est conçu pour dévorer un sorcier de l'intérieur, en consumant sa magie. J'ai pu le contenir. Mais si vous jetez, ne serait-ce qu'un sort, l'équilibre se brisera et vous en mourrez.

Khorine l'entendit. Elle ferma les yeux. Le silence se fit dans la grande pièce. Rhajen entourait son poignet comme à son habitude. Le serpent avait été soigné et cicatrisait lentement. Khorine rouvrit les paupières. Son regard océan se posa sur Rogue.

-J'ai payé ma dette envers vous. Maintenant, laissez-moi passer.

-Vous n'êtes qu'une imbécile.

-Rhajen; appela Khorine le regard glacé.

Le serpent se réveilla. Il quitta la main de sa maîtresse et rejoignit le sol.

-Ne m'obligez pas à vous attaquer Rogue. Laissez-moi passer.

Rogue l'observa de ses yeux noirs indéchiffrables. Puis il s'effaça, la laissant libre de passer sa porte. Elle soupira et s'avança, un pas, puis l'autre, elle passa le chambranle de la porte et entra dans le bureau du directeur. Les tableaux étaient vides, la pensine reposait tranquillement près d'étagères de vieux grimoires. Elle avançait quand soudain un sort plaqua Rhajen au mur et l'assomma. Elle se tourna vers Rogue juste au moment où celui-ci la rejoignait et la plaquait contre la bibliothèque.

-Arrêtez! Qu'est-ce que vous…

Rogue déboucha un flacon de filtre de Paix. Khorine se débattit faiblement, incapable de plus.

-Arrêtez!

Les longs doigts froids du maître des potions la forcèrent à écarter les mâchoires. Le liquide cyan fut versé dans sa bouche et il l'obligea à avaler.

-Non; gémit Khorine.

Rogue la relâcha. Elle vacilla, tomba à genou, tenta de se relever et puis s'appuya contre les étagères pour s'avancer vers la porte, elle devait… Elle… Elle perdit son appui, fit deux pas, sa vision devenait floue…

-Non; murmura-t-elle…

Elle sentit Rogue la retenir et tenta de le frapper. Son poing se posa sur le torse du sorcier. La jeune femme s'endormit dans ses bras.

La sueur, le sang… La douceur des draps… La lueur pâle du jour… Khorine soupira puis ouvrit les paupières. Des ombres… Elle cilla plusieurs fois et entendait des voix et sentait des mains l'entourer. Livius se trouvait à sa droite, Harry, Hermione et Ron à sa gauche. Harry… Elle pleura de bonheur en découvrant son meilleur ami en vie et tous se serrèrent dans leurs bras. Elle… Elle avait cru…

-C'est compliqué mais je t'expliquerai tout plus tard; assura le survivant en remontant ses lunettes rondes.

Ses cheveux noirs étaient plus en désordre que jamais, il était couvert de poussière et avait des coupures sur le visage, ses yeux vert émeraude scintillaient comme jamais. Il était en vie. Il était en vie! Et Hermione aussi! Et Ron! Et son père! Elle vit Neville du coin de l'œil discuter avec le professeur Chourave, Hagrid qui apportait un nouveau blessé, Arthur Weasley qui tenait Molly par les épaules, Poppy Pomfresh occupée à parler à Rogue. Vivant. Ses amis finirent par la laisser avec son père qui lui tenait fort la main.

-Papa; murmura-t-elle lorsqu'il s'assit sur le lit et la serra dans ses bras.

-Nous pouvons partir, en Asie, en Océanie, en Afrique, aux confins de l'Europe ou en Amérique, où tu le souhaites, où le travail nous appelle. Tu n'auras plus jamais à utiliser ta magie.

-Tu veux déjà repartir?

Les yeux gris de son père brillaient d'un espoir malheureux.

-Tu n'es pas obligée de rester ici.

Elle était prête à rétorquer que sa place était ici, auprès de Harry, Hermione et Ron, qu'ils avaient une mission à accomplir… Mais… c'était fini. Ils étaient libres.

-… Tu… Tu as raison; murmura la jeune femme.

Ses amis étaient saufs, la guerre terminée, sa dette payée et Rogue en aimait une autre.

-Je peux partir; murmura-t-elle plus pour elle que pour son père.

En elle se brouillaient de nombreux sentiments, le choc, la douleur et le regret, la joie, l'espoir. Elle aimait ses meilleurs amis. Si elle partait ce ne serait que pour les revoir à chaque occasion. Si elle partait elle ne verrait plus jamais Rogue. Si elle partait… Elle avait dix-huit ans. Elle était à l'aube de sa vie. Elle avait aimé Rogue et elle s'était sacrifiée pour lui. À présent, elle pouvait lâcher prise, abandonner. Il était en vie.

-Oui; murmura Livius en la tenant serrée contre sa poitrine, où tu voudras, il n'y aura plus de guerre.

Elle s'accrocha à Livius, se laissant bercer par ces paroles de réconfort. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Pomfresh et Rogue avançaient vers son lit. L'infirmière dut se racler la gorge pour que Livius pense à lâcher sa fille.

-Mademoiselle Magellus?

La jeune femme cilla et se tourna vers Pomfresh. Elle n'avait plus à se méfier, la guerre était finie, elle était détendue, son corps entier et son esprit étaient en paix. L'infirmière lui demanda de s'allonger pour faire un rapide bilan, elle sortit sa baguette et allait la passer au-dessus du corps de la jeune fille, lorsque celle-ci crachota du sang.

-Pas de magie près d'elle; siffla Rogue en empoignant la baguette de Pomfresh.

Celle-ci rangea sa baguette. Il y eut un silence entre les quatre sorciers présents, le reste de l'infirmerie était empli des bruits de couverts, grincements de chariots, bruissement de conversations, éclats de rire, toux, gémissements et halètements de douleur.

-Par Merlin, Severus, j'ai bien peur de ne rien pouvoir faire de plus.

-Je vous l'avais dit; grogna Rogue, les mains derrière le dos, le regard neutre dirigé vers les Magellus.

-Pourriez-vous bien m'indiquer ce qu'il se passe ici? Ordonna Livius.

Rogue resta impassible et Pomfresh soupira:

-Le sortilège de magie noire qui a atteint Miss Magellus a été enfermé par le professeur Rogue.

-Je le sais! La coupa-t-il, ce qui n'était pas dans ses habitudes.

-Ce que vous ne savez pas; rétorqua Rogue sèchement, c'est que la magie noire dans son corps ne pourra pas rester enfermée très longtemps.

Livius pâlit violemment. Khorine ne réagit pas à cela.

-C-combien de temps? Osa demander Livius le cœur au bord des lèvres.

-Quelques semaines tout au plus.

La grande main de son père serrait fermement son épaule. Elle la sentait à peine.

-Il y a un moyen de la sauver; dit Livius et ce n'était pas une question.

-Aucun sortilège ne peut lui être lancé sans briser celui qui enferme la magie noire; lui apprit Rogue. Aucune potion n'a jamais été réalisée pour cette application. Cependant… il est possible de retarder l'inévitable.

Livius était blême de fureur lorsqu'il prit Rogue par le col:

-Je ne veux pas que vous retardiez l'inévitable! Je veux que vous sauviez ma fille! Ma fille!

Pomfresh essaya de desserrer la prise de Livius sur le maître des potions qui restait d'un calme glaçant. Elle ne parvint à rien.

-Votre fille s'est présentée devant le Seigneur des Ténèbres sur un plateau d'argent en clamant qu'elle était l'héritière des Gaunt. Vous avez de la chance qu'elle respire encore à l'heure actuelle.

-Vous…

-Comment voulez-vous retarder l'inévitable? S'éleva la voix de Khorine au-dessus de celle de son père.

Les trois sorciers se tournèrent vers elle. Le teint blafard, des égratignures et du sang sur son corps, ses longs cheveux noirs ondulant sur ses épaules, ses lèvres exsangues, son regard océan plein d'acceptation. Pomfresh parvint enfin à faire lâcher Livius et le maître des potions put librement s'avancer vers la jeune femme:

-Je peux créer une potion qui renforcera l'emprisonnement de la magie noire en vous.

Khorine était fatiguée de lutter.

-Il existe également le filtre Impervus Magicis pour vous protéger de toute magie extérieure à votre organisme.

-Ce filtre entraîne des dépendances; réfléchit calmement Khorine à haute voix. Il faudra rapidement augmenter les doses. A cause de la sauge et de la chitine d'amanite.

-Effectivement.

Khorine réfléchit.

-La corne de licorne peut purifier tout ce qu'elle touche; marmonna-t-elle.

-Ce ne sera pas suffisant.

-J'ajouterai des fleurs de Cereus peruvianus, un fanon de baleine blanche, des feuilles de Botruc et des poils de sphynx.

-Ce n'est pas assez puissant.

-Je pourrai rajouter le péricarpe d'une mère Kelpie, de la poudre d'opale de lune et des fils de vierge.

-Pas assez puissant.

-Il n'y a rien de plus puissant pour libérer le potentiel d'une corne de licorne!

-Exactement; lui rétorqua le maître des potions.

Il lui parlait. Il la regardait dans les yeux, de ses grands orbes noirs sans fond. C'était assez. Elle devait cesser là. Il n'était pas pour elle, ne l'avait jamais été.

-Un crâne de gobelin émietté, des griffes de lycanthrope arrachées un soir de pleine lune, de la digitale pourpre mélangée à des graines de cigüe et…

-Vous n'y survivriez pas.

-Alors… je pourrais capter le sortilège de magie noire avec une dédaline.

-Severus m'a en effet parlé de cette pierre; intervint Pomfresh. Il nous en reste deux dans d'anciens coffrets de soin. Vous pouvez les utiliser.

-Le résultat est incertain; siffla Rogue entre ses dents.

Khorine soupira.

-Alors, je vais mourir n'est-ce pas?

Livius réagit violemment, revenant auprès de sa fille, repoussant Rogue et Pomfresh. L'infirmière tenta de le raisonner, l'homme était inconsolable et ne voulait rien entendre. Alors Rogue intervint, il demanda à lui parler, seul à seul. Khorine sentit la main de son père quitter la sienne, ses paupières se fermèrent lentement et elle s'endormit.

Elle papillonna des yeux et se réveilla, au beau milieu de la nuit. Son père et Harry dormaient près de son lit. Les flammes des bougies tressaillaient sous la porte du bureau de Pomfresh, le reste était plongé dans l'obscurité. Elle resta immobile, fixant les ombres mouvantes qui se terraient devant elle. «Alors, je vais mourir n'est-ce pas?», «Je veux que vous sauviez ma fille! Ma fille!», «Il est possible de retarder l'inévitable…». Elle entendait leurs voix et la sienne, encore et encore. Elle allait mourir. En ayant payé sa dette, en sachant ceux qu'elle aimait saufs. Oui, elle n'était pas à plaindre. Pas à plaindre du tout. Elle soupira et se rendormit.

Le lendemain après-midi, l'infirmière lui administra l'impervus magicis. Elle put sortir de l'infirmerie deux jours plus tard et fut hébergée avec ses meilleurs amis, son père, la famille Weasley et plusieurs autres membres de l'Ordre du Phénix au Square Grimmault. Son stock d'impervus magicis ne tiendrait que quatre jours de plus. Elle n'avait pas de laboratoire, pas d'ingrédient, l'impervus magicis n'était pas vendu par les apothicaires, Pomfresh lui avait demandé de revenir à Poudlard pour se réapprovisionner.

Elle apprit que le Ministre de la magie s'était enfui, que le Ministère était sens dessus dessous, que les Aurors arrêtaient les derniers mangemorts fugitifs, que Rogue était sous la protection de McGonagall à Poudlard et qu'il risquait Azkaban. Son père partit en Amérique du Sud sans elle, lui promettant de revenir au plus vite. Ils se serrèrent dans leurs bras comme s'ils se voyaient pour la dernière fois et les larmes coulèrent le long des joues de Khorine. Elle détestait les adieux.

Elle revint à Poudlard par cheminette quand elle n'eut plus de stock d'impervus magicis. Pomfresh lui donna une trentaine de bouteilles. Préparée par Severus, sans aucun doute. Rien ne l'y obligeait. Elle devait le lui dire. Elle descendit alors jusque dans les cachots. La porte de son ancienne salle de classe était close. Elle toqua. Elle frappa plus fort. Elle appela Rogue qui ne répondait pas. Et soudain, Albus Dumbledore apparut dans un tableau tout proche et la guida vers une statue sans tête de Salazar Serpentard. Une porte secrète apparut juste derrière. Elle toqua. Frappa. Appela Rogue pour qu'il lui ouvre. Dumbledore avait disparu.

-S'il vous plaît! Je dois vous parler! Professeur! Je vous en prie!

Il ne répondait pas.

-Vous n'êtes pas obligé de préparer l'impervus magicis. Je… Je peux le faire. Vous ne me devez rien. Vous m'avez déjà sauvée. S'il vous plaît, laissez-moi entrer, j'aimerais vous parler. S'il vous plaît, professeur…

La porte s'ouvrit violemment.

-Cessez de geindre devant ma porte, Magellus.

Ces mots lui firent l'effet d'une grande claque. Sa voix était glaciale.

-Professeur, s'il vous plaît, j'aimerais vous parler. Je vous remercie d'avoir préparé l'impervus magicis pour moi mais je ne…

-Vous allez fermer votre bouche de gamine imbécile et m'écouter; trancha Rogue et Khorine lui obéit. Sans cette potion, vous seriez morte à l'heure qu'il est. Sans celle que je prépare actuellement, vous mourrez dans les semaines qui suivent. Alors cessez de me faire perdre mon temps.

-Professeur; répondit encore Khorine, vous ne me devez rien. J'ai simplement payé ma dette.

Une fureur sans nom déforma le visage de Severus Rogue et Khorine recula, trop tard, il lui agrippait le bras et la balançait dans ses quartiers. La porte se referma dans un claquement violent alors que Khorine s'effondrait au sol.

-Dîtes-moi Magellus…

Khorine était pétrifiée, à terre.

-… Réalisez-vous seulement que vous allez mourir; siffla-t-il, glacial.

Une vague de tristesse passa sur le visage de la jeune femme.

-Je sais; murmura-t-elle.

La flamme de vie s'éteindrait en elle et la mort lui ouvrirait les bras. Grand-Papy l'accueillerait dans l'au-delà. Peut-être qu'elle pourrait voir vieillir en paix ses meilleurs amis, son père et Severus. Un long silence s'abattit sur le salon. Le salon de Rogue, aux murs tapissés d'étagères pleines de livres, aux fauteuils en cuir confortable face au feu de cheminée, il ressemblait à une version miniature de la salle commune de Gryffondor.

-Passez le temps qu'il vous reste auprès de vos amis; cracha-t-il finalement.

Elle baissa la tête, puis la releva. Son regard océan se perdit dans la contemplation du Maître des potions. Celui-ci n'apprécia pas:

-Dehors Magellus.

-Je pense…; murmura-t-elle sans avoir entendu Severus, que vous y arriverez.

-Plaît-il?

-Je pense que vous arriverez à vous pardonner, même si je dois mourir avant que vous finissiez ma potion.

Un silence glacial se répandit dans le salon. Le maître des potions la toisait avec une suprême colère qu'elle n'avait encore jamais vue.

-Vous allez sortir Magellus. Maintenant.

Sa voix était basse, elle n'avait jamais été aussi basse, aussi dangereusement basse. Khorine recula d'un pas avant même d'avoir compris le sens de ces mots. Elle s'arrêta.

-Dégagez; siffla-t-il doucereusement.

Quelque chose dans tout l'être du maître des potions semblait prêt à exploser. Khorine hésita. La grande main blanche du maître des potions s'abattit sur son épaule et la força à reculer de cinq pas. Elle glapit. La poigne de fer la repoussa soudain dans le couloir et la porte se referma dans un claquement assourdissant. Khorine ne comprenait pas sa réaction. Elle resta figée devant la porte et entendit le crissement du verre qui explose. Elle ne resta pas et remonta les escaliers sombres et humides pour rejoindre le Grand Hall, puis les portes, la lumière. Elle ne comprenait pas la réaction de Severus. Elle ne l'avait jamais vu aussi furieux.