Chapitre 13
Je m'étais endormie sur la lettre de Neville, à bout de force.
Vers seize heures, j'avais repris conscience. Mon estomac se tordait sous la faim. Je me préparai à manger, puis me douchai, pris plusieurs potions anti-céphalée. Mon organisme s'était habitué à beaucoup de potions de base depuis que j'étais entrée au laboratoire, depuis que je testais la plupart de mes expériences sur moi-même. Cela entraînait une augmentation de dose pour presque chaque potion.
Puis je pris un peu d'argent, ma baguette et me rendis au Chemin de Traverse pour poster ma lettre. Les sorciers finissaient leur journée à cette heure, le ciel s'assombrissait… J'attachai ma missive à la patte d'un hibou tacheté de brun, puis marchai, longtemps. Je parvins jusqu'au Londres moldu, transplanai pour parcourir Hyde Park. La marche m'avait toujours fait du bien et la beauté d'un ciel noir empli de constellations, d'une forêt ou d'un parc étendu, le vent frais du dehors, le scintillement particulier des eaux de lacs; tout cela m'avait manqué.
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Neville m'avait invitée la semaine suivante dans la maison de sa Grand-mère, là où il habitait encore. J'avais accepté avec joie. Les vacances de Février venaient de commencer, nous étions Harry, Ron, Hermione et moi les invités privilégiés du Terrier. Et j'avais interdiction de travailler sur mes potions… quand ils n'étaient pas là bien sûr –et non, cela ne ressemblait pas à un contournement des règles édictées par Miss Hermione Granger, bientôt Weasley-. Nous faisions du Quidditch, sortions dans le Londres moldu comme sorcier, discutions beaucoup, et mangions comme dix lorsqu'il s'agissait des plats de Mme Weasley. Georges et Ginny aussi étaient de la partie. J'étais souvent apaisée auprès d'eux. Et heureuse. Mais lorsque Neville m'ouvrit la porte, le Samedi qui suivit. Lorsque je vis la canne sur laquelle il s'appuyait, sa jambe reposant bizarrement contre le parquet, et son visage profondément bon, voilé par la tristesse; quelque chose céda. J'éclatai en sanglot dans ses bras. Il eut du mal à me rattraper sans tomber, j'en ris au milieu de mes larmes, et puis m'agrippai plus fort à lui.
-N'allez pas croire qu'il s'agit d'autre chose que d'une égratignure; grommela-t-on depuis l'intérieur. La canne est seulement pour le spectacle.
J'eus la chance de rencontrer la grand-mère de Neville. Et d'admirer son cabas rouge, son étrange chapeau, sa robe à dentelle. Elle ne voulut pas nous laisser parler autre part que dans la cuisine où elle insista pour nous préparer du thé, sortir des gâteaux qu'elle avait faits la veille. Cela me laissa la possibilité de me calmer un peu. Et puis nous parlâmes, je lui dis que j'avais frôlé la mort des mois après la bataille finale, je lui dis pour Luna, ce qu'elle lui avait demandé.
-Qui a dit que j'accepterais une de ces cochonneries poilues chez moi; souffla la vieille dame.
Neville sourit tristement. Il raconta ces derniers mois, lentement, durant un long moment, j'écoutais de toute mon attention, ce qu'il faisait à présent, la rémission de sa jambe, je lui demandai toutes les précisions qu'il pouvait me confier, pourquoi les soins habituels étaient inopérants. Neville me fit beaucoup parler aussi, de moi, ce que je faisais, ce qui se passait dans des laboratoires de recherches comme ceux de Nigerus.
L'après-midi passa à toute vitesse tandis qu'un nouvel objectif s'ancrait en moi. J'allais trouver le moyen de soigner Neville, concevoir une potion spécialement pour le maléfice de Magie Noire qui avait nécrosé irrémédiablement, paraissait-il, une importante partie de la peau et des muscles de sa jambe droite. Je lui proposai de lui rendre visite tous les week-ends pour faire le point; demandai aussi bien sûr l'autorisation à sa grand-mère.
-Serait pas plus mal qu'il arrive à marcher comme un homme; lâcha-t-elle seulement.
-Et… nous pourrions lui rendre visite, Harry, Hermione, Ron, Ginny, Georges et moi prochainement? Tentai-je tandis que Neville esquissait un sourire.
Elle tordit son visage en une moue assez particulière, ses sourcils se froncèrent au-dessus de son nez crochu. Je l'aimais bien, en fait.
-Ça me fera un peu plus de gâteaux à préparer.
Neville demanda à nous voir le week end prochain. Je lui assurai que tout le monde viendrait et puis les quittai. Il faisait déjà sombre lorsque je sortis de la maison des Londubat. Je ne m'attardai pas, rejoignis le Terrier en transplanant. Les cris de Ginny poursuivie par une nuée de moustiques à ressort m'accueillirent. Ainsi que Georges me prenant fièrement à part pour m'exposer tous le génie de ses automates.
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Lorsque je rentrai de mes vacances, le 28 Février, après les cours que nous partagions Harry, Ron et moi, j'entrai dans les laboratoires de mon professeur. Un seul pas dans le bâtiment et j'eus conscience de plusieurs regards haineux rivés sur moi. C'était plus violent que d'habitude, Erik Trakchett me fixait ainsi. Je ne fis que serrer les mâchoires. Ils attendraient la fin de la journée pour se prendre une raclée en duel.
-Vous vous êtes reposée, j'espère? Demanda Nigerus après que je me sois installée dans notre salle.
J'hochai la tête, et souris un peu. Si l'on pouvait appeler prendre du repos de vivre dans la famille Weasley.
-Et vous Monsieur?
Je posai ma cape sur un tabouret et avançai vers le professeur, m'observant de derrière une paillasse. Toujours la distance de sécurité, par habitude maintenant. Nigerus répondit à ma question par un vague signe de la tête, jugeant cela sans importance. Et puis son regard azur rencontra le mien, pénétrant. J'étais habituée, je savais qu'il me jaugeait avant de me faire part d'une importante nouvelle.
-Est-ce que ça a un rapport avec la petite vendetta que va organiser Trakchett et sa bande?
Nigerus fronça les sourcils, et il semblait inquiet.
-La chose est fort possible.
Mais savait-il que je prendrai comme une insulte le fait d'intervenir dans cette bataille? Sans doute. Il me connaissait bien maintenant. Et, après quelques instants de silence, une observation plus prononcée de ma personne, Nigerus accepta:
-Gérez la situation comme il vous convient, Miss Lumare. Mais s'il vous faut absolument un duel, veuillez vous débrouiller pour le commencer en dehors de ces locaux.
Un fin sourire lui répondit, j'inclinai la tête. Puis Nigerus se racla la gorge et sa voix rocailleuse s'éleva de nouveau:
-Avez-vous connaissance du forum qui se tiendra début Mars à l'Institut National des Potionnistes de Grande-Bretagne?
Une étincelle, vague, scintilla au fond de mes yeux océan.
-Celui qui réunira les plus grands maîtres anglais de notre siècle? Bien sûr professeur.
Le coin de ses lèvres s'étira, laissant scintiller sa fine barbe blanche à la lumière des flammes. Son regard semblait plus apaisé dans ces moments-là.
-Il se trouve que votre professeur ici-présent y est convié, et qu'il a la possibilité d'emmener l'un de ses apprentis avec lui... Accepteriez-vous de m'y accompagner?
Ce fut une véritable explosion de gratitude, de reconnaissance, lisible seulement au cœur de mes yeux. Mais...
-Je ne suis qu'en première année, Monsieur.
-Ce qui rendra ce forum bien plus enrichissant que si j'y conviais l'un de mes plus anciens internes, aussi brillant soit-il.
J'acceptai bien sûr. Nous décidâmes que ce serait le moment d'accepter de répondre aux questions des journalistes. Et les conférences qui s'annonçaient, les discussions passionnées qui ne manqueraient pas de suivre et les rencontres prometteuses me serraient le cœur. J'allais rencontrer les membres des plus hautes sphères de mon domaine, écouter des érudits, des spécialistes et toucher du doigt des domaines encore inconnus, ressentir tout ce qui m'échappait, appréhender les limites de ma connaissance pour me jurer de l'étendre encore. J'avais hâte. Le duel qui suivit vers minuit à quelques ruelles des laboratoires n'y changea rien.
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J'avais passé une nuit blanche à travailler sur un prototype pour Neville, aux laboratoires Nigerus. Puis, vers sept heures du matin, mon professeur m'avait rejointe.
-Encore quelques minutes, s'il vous plaît; marmonnai-je, plongée dans ma préparation.
Je sus qu'il avait acquiescé et qu'il s'était assis pour observer. Il ne disait jamais rien à propos de mes insomnies, de mes écarts de conduite, de mes recherches personnelles qu'il avait deviné pour un ami blessé mais aussi pour une Nuit Sans-Rêve plus puissante que le princeps. J'appréciais.
Ensuite je me drapai de ma cape et nous sortîmes. Nous marchâmes quelques minutes, séparés par une distance de sécurité qui s'était érodée avec le temps. Ce n'était plus que la moitié de ma paillasse. Nous n'échangions pas un mot, je me laissais entraîner par mon professeur. Bien sûr, transplaner immédiatement nous aurait fait gagner du temps, mais je soupçonnais Nigerus de vouloir me sortir un peu. Le vent était frais, le ciel encore étoilé et quelques nuages seulement s'accumulaient près de la lune. Il n'y avait personne dans les rues, tout était calme.
-Vous savez que Mr Trakchett est absent des laboratoires depuis trois jours.
Je ne trahis aucune émotion particulière.
-Oui.
-Que lui avez-vous fait? Demanda-t-il, tout à fait neutre.
-Seulement quelques bleus, Monsieur. J'en suis sûre, et ses amis l'auraient soigné s'il y avait eu pire.
Pas besoin de me retourner pour savoir qu'il fronçait les sourcils.
-Des amis? Il y en avait d'autres?
-Quelques uns, pour observer. Mais personne ne m'a atteinte.
Nous nous tûmes. J'appréciais de pouvoir marcher tranquillement, même si le vent n'était pas aussi violent ni aussi pur qu'à Poudlard.
-Prenez mon bras, nous transplanons.
Un temps d'arrêt. Le bras tendu de Nigerus. Je ne voulais toucher personne... Mais il ne me ferait rien. Je le savais. Alors j'avançai ma main vers sa manche et l'agrippai. Son regard azur s'adoucit, puis nous transplanâmes.
Lorsque nous passâmes les grandes portes dorées de l'Institut National des Potionnistes de Grande-Bretagne, je découvris la beauté du grand hall. Un gigantesque lustre d'or et de cristaux resplendissait à une dizaine de mètres du sol, le tapis tissé au thème des découvertes de potions légendaires recouvrait toute une partie des dalles du sol. Déjà beaucoup de monde... Je ne pouvais distinguer la frise de l'énorme tapis que jusqu'à Avicenne. Et puis les colonnes de marbre! Imposantes, entourées de lierres d'or qui serpentaient jusqu'au plafond. Il y avait les tableaux de dizaines de scientifiques célèbres aux murs, de grandes fenêtres laissant poindre les premiers rayons de soleil. Mon professeur fut hélé par ses confrères, il me demanda de l'accompagner, me présenta... Malgré le monde, le brouhaha déjà conséquent, je me perdis dans la conversation qu'ils ne tardèrent pas à engager. Ils étaient six spécialistes en dehors du professeur Nigerus, le potionniste spécialisé botanique Lepielt, Bossuchaudron et Mercier en association avec de nombreux apothicaires du Chemin de Traverse, Bratchett potionniste réputé et directeur de Potions Magazine et les frères Banting d'après les photos qui apparaissaient dans plusieurs journaux, grands chercheurs de trente ans menant les travaux d'amélioration du Veritaserum. Je me gardai bien de prononcer le moindre mot, ce fut passionnant.
Puis il y eut des remous, les gens commençaient à monter par les deux escaliers qui se rejoignaient au premier étage, l'amphithéâtre devait être libre d'accès à présent. Notre groupe fut bientôt emporté par la foule. Le maître Nigerus s'éloignait de moi... J'allais le perdre. Il y avait tous ces gens qui me serraient, je ne me sentais pas bien.
Et j'agrippai un bout de sa cape.
Je fermai les yeux, montai des marches à la suite de Nigerus, et oubliai le vacarme, les personnes qui bousculaient. Ma main tremblait. Mais il y avait Poudlard, derrière mes paupières, le soleil de fin d'après-midi. Je me rappelais Hermione rire, le clapotis des eaux du Lac Noir, Harry et Ron qui plaisantaient. Comme une berceuse qui s'écoulait en moi, et m'apaisait...
-Nous y sommes.
La voix calme du vieux Nigerus. J'ouvris les yeux, et lâchai sa cape.
-Je suis désolée, Monsieur; dis-je aussitôt.
Je distinguai ses bras se raidir dans son dos, son visage se contracter soudain. Mes muscles se tendirent, prête à...
-Ce n'est rien; murmura-t-il, mais sa voix se craquelait.
Je ne comprenais pas. Hormis que le danger était passé. Nous nous assîmes à nos places, bientôt rejoints par d'autres potionnistes. L'un des frères Banting se plaça à ma gauche. Il me redemanda comment je m'appelais. Je répondis, tout à fait neutre. Il connaissait mon nom. Et la Lovegood l'intéressait particulièrement. Ce qui fit que nous discutâmes, à mon grand étonnement. Nigerus cessa de nous surveiller après quelques minutes.
Lorsque le doyen de l'Ordre des Potionnistes monta sur l'estrade, le silence fut complet. Il fit une étrange plaisanterie au sujet du buffet qui serait rempli entre chaque étape du forum -plaisanterie de potionniste sans doute-. Je fis attention à la première conférence qu'il annonça, le mithridate à travers les âges. Fascinant. Tout comme la deuxième, celle qui suivit, celle d'après encore... Il y avait près d'une demi-heure entre les prises de parole, Nigerus en profitait pour me présenter et discuter avec ses collègues. Nous ne nous approchions pas du buffet, trop de monde, j'étais trop passionnée par les débats aussi pour y faire penser.
Puis il y eut l'épreuve des journalistes, je répondis exactement ce que j'avais décidé avec Nigerus. Il se trouvait à mes côtés, tout au long de l'interview, pour les photographies aussi.
-Et avez-vous déjà reçu des propositions de stage pour votre deuxième année?
-Oui, quelques unes. Mais j'attendrai les résultats de nos derniers partiels d'Avril pour prendre ma déc...
Je ne savais pas pourquoi, à cet instant précis, j'avais tourné la tête vers le coin gauche de l'amphithéâtre. Mais je me pétrifiai aussitôt, le teint cadavérique, le regard éteint orienté dans sa direction. Rogue était là.
Il me fixait.
-Veuillez excuser mon apprentie. Ce sera tout pour aujourd'hui.
On m'entraîna plus loin, le contact visuel se brisa. Je haletai, paniquée. J'agrippai la cape. Nigerus. Il était tout près. Sa seule présence faisait remonter des images de cauchemars, je ne savais pas lutter contre. J'avais peur, j'avais mal, je voulais me terrer dans un coin de la pièce, roulée en boule, loin de toutes ces horreurs.
-Tout va bien, Miss Lumare. Vous êtes en sécurité. En sécurité... C'est fini. C'est fini.
Je levai la tête vers lui, l'azur serein. Ses mains m'enserraient les épaules. Les gens commençaient à me regarder plus loin. J'inspirai.
-Pardon, Monsieur. Je ne recommencerai plus.
Il me relâcha. Je me forçai à rester immobile. A ne pas rechercher un contact aussi rassurant. J'étais pitoyable.
-Attendez-moi ici, je vais vous chercher un peu d'eau.
J'hochai la tête, lâchai sa cape. Nigerus s'éloigna, dans la foule, disparut. C'était pitoyable. Les séquelles que j'avais gardé ne s'effaçait pas. Elle resterait indéfiniment si je ne faisais rien. Si je ne luttais pas. Si je ne retournais pas affronter cel...
On m'empoigna soudain par le col. Je fus attirée derrière une colonne, loin des regards. Et Trakchett me plaqua contre le mur.
-Alors? Petite crise d'angoisse devant les journalistes? Comme c'est regrettable.
Je haussai un sourcil.
-Tiens, Trakchett... Je peux savoir ce que tu fais ici, tu n'es pas invité à ce que je sache.
Un acier coulé de haine me faisait face.
-Pas par ton maître; cracha-t-il Mais les concurrents de Nigerus ont su m'apprécier à ma réelle valeur.
-Tu t'es vendu par vanité? Me moquai-je.
Il me cogna un peu plus fort contre la pierre. Mais j'étais calme, ce n'était pas un interne en Potion qui m'impressionnerait.
-Je t'écraserai, je vous écraserai tous! Bientôt les laboratoires Nigerus ne seront plus rien comparés à ceux d'Abies! Et ce sera à toi de venir ramper à mes pieds pour que je te laisse toucher à une potion.
Du coin de l'œil, j'aperçus Nigerus dans la foule. Il portait un verre d'eau, fronçait les sourcils en approchant de la colonne.
-Tu peux toujours rêver; le narguai-je.
-Toi...; siffla-t-il avant d'être soudain interrompu.
Il le fut par une voix glaciale, et trop familière:
-Lâchez-la.
Trakchett ne se retourna même pas, je blêmis violemment.
-De quoi je me...
Et puis Rogue se saisit de son bras, le lui retourna. Trakchett hurla de douleur. Toutes les conversations se turent. J'entendis les gens se rapprocher de la colonne, Trakchett hurler des menaces. Je n'arrivais pas à bouger. Et sa voix s'éleva encore, susurrant:
-A votre place j'éviterai de me faire remarquer... Harcèlement, agression sur concurrente. Cela vous vaudra au mieux une radiation de l'Ordre des Potionnistes.
Il se débattait, plus encore après ces menaces.
-Une concurrente?! Cette fille n'est rien, RIEN comparée à moi!
C'était de la peur, en lui, qui embrouillait son esprit. Il n'aurait pas continué à crier autrement. Les potionnistes autour de nous commençaient à murmurer entre eux. J'étais parvenue à cesser de trembler. Et puis Nigerus sortit de la foule. Son regard azur transperça son ancien interne, je ne l'avais jamais vu aussi furieux. Près de lui apparut le doyen de l'Institut. Trakchett fut relâché, puis convoqué par la voix de tonnerre de mon professeur. On le traîna hors de l'amphithéâtre, hagard. Nigerus m'ordonna de l'attendre ici avant de disparaître par les grandes portes. … Je n'avais jamais souhaité cela. Le génie de ses travaux m'avait toujours impressionnée. Il était brillant, vraiment.
Quelques potionnistes voulurent m'approcher, les frères Banting entre autres, mais furent cachés à ma vue, séparés de moi par une lourde cape noire. Je dus lever la tête vers lui; et mon cœur s'emballa. Rogue n'était plus qu'à quelques pas de moi. Son regard fiévreux contre le mien, sa peau cireuse, ses cheveux gras, ses lèvres blêmes, ses bras croisés contre son ventre, pour cacher le tremblement de ses mains. Il était plus maigre que dans mes souvenirs, et semblait fatigué, et souffrant...
Je revins à ses yeux, maintenant impénétrables, mais toujours fixés sur moi. Il ne bougeait pas, ni ne disait quoi que ce soit. Les gens pouvaient bien faire ce qu'ils souhaitaient autour, je n'avais conscience que de lui. Son souffle se mêlait au mien, il me surplombait, mais je n'avais pas peur... Les cauchemars ne remontaient pas à la surface. Ni cris, ni pleurs, ni douleur, ni sang, ni cadavres, ni Avada... Je me rappelais, pour la première fois en sept mois... que je pouvais dormir sans potions lorsqu'il me serrait dans ses bras.
-Le nom de Khorine Lumare est vite devenu célèbre auprès des maîtres Potionnistes; murmura-t-il.
Si bas, mais se furent les seuls mots que je pus entendre. Les bruissements des conversations autour n'existait plus...
-Rien de bien sorcier avec un professeur comme Nigerus.
Il ne réagit pas à cela... Et puis Stan Banting apparut, bousculant Rogue.
-Voyons, Rogue, laissez-la respirer! Comment allez-vous Miss Lumare? Vous voulez un peu d'eau, Nigerus ne me pardonnerait pas de ne pas m'être occupé de vous. Allez venez.
Je n'aurais pu faire un pas toute seule, mais le potionniste me prit le poignet, me tira derrière lui. J'écarquillai les yeux d'angoisse, ma main soubresautant violemment. Rogue le vit, pas Banting. Il me conduisit vers le buffet tandis que je serrais fort les paupières, pour me calmer, me calmer... J'étais en sécurité. Personne ne me ferait quoi que ce soit. En sécurité.
-Tenez.
J'ouvris les yeux, on m'offrit un verre d'eau et j'avalai. C'était glacé, cela coulait entre mes lèvres sèches, descendait le long de ma gorge...
-Je vous remercie.
-De rien, de rien; marmonna Banting... C'était Trakchett, hein?
-Oui.
-Dommage, ce garçon publiait des articles intéressants. Il aurait pu aller loin.
J'hochai la tête en reposant mon verre. Tout allait bien, il fallait juste s'accrocher au potionniste devant moi. Ne pas chercher Rogue des yeux. Se concentrer.
-Je suis d'accord, ses derniers essais sur les possibilités d'atteindre le cerveau malgré la barrière hémato-encéphalique étaient prometteurs. Il y avait même plusieurs ingrédients qui, dans les proportions...
Ainsi de suite, la conversation reprit. Je ne fixais mon esprit que sur elle. Il le fallait. Les journalistes furent écartés par Banting, son frère nous rejoignit... Et puis le professeur Nigerus apparut. Une vieille femme l'accompagnait, présidente du Comité disciplinaire de l'Ordre des Potionniste. Elle ressemblait un peu au professeur Mac Gonagal. Je crus qu'on allait m'interroger, me demander ma version des faits. Il ne se passa rien de tel. Nigerus avait fait le nécessaire. Et après avoir échangé quelques derniers mots avec ses collègues, nous pûmes enfin sortir. Enfin...
