Chapitre 9

Sa respiration s'accéléra et le professeur McGonagall, son père et les trois Gryffondor autour du lit se relevèrent.

-Khorine? Murmura Hermione.

Elle entendit ce bruissement, doux, chaleureux… Un soupir lui échappa et la jeune sorcière se concentra pour revenir vers cette voix, vers la lumière blanche qui brûlait ses paupières. Khorine lâcha un gémissement. Des pas se rapprochaient. Elle sentait des mains contre les siennes. Ses paupières se rouvrirent sur le monde.

Elle cilla plusieurs fois, afin d'habituer ses yeux à cette lumière crue. Et la première chose qu'elle vit fut le sourire plein de larmes de son père.

-Papa; murmura la Gryffondor.

Livius laissa échapper deux grosses larmes avant de prendre sa fille dans ses bras. Khorine avait la tête bourdonnante, envahie par trop d'émotions.

-Je suis en vie; marmonna-t-elle.

-Oui Miss Magellus, la potion que Severus vous a administré a aspiré le sortilège de magie noire de Voldemort. Vous êtes sauvée.

La vieille écossaise avait la voix tremblante mais Khorine ne put lui jeter le moindre regard comme, alors que son père se relevait, Hermione lui sautait au cou, bientôt imitée par les garçons. Les quatre amis rirent aux éclats, enlacés à s'en briser les os. C'était merveilleux…

On lui apprit plus tard qu'elle avait passé treize jours dans le coma. Qu'ils n'avaient eu aucun moyen de savoir quand elle se réveillerait et qu'ils avaient tous attendus à Poudlard. Ginny, Neville et Luna vinrent la voir le lendemain, Harry, Hermione et Ron passaient tous les jours, les Weasley au grand complet débarquèrent une après-midi pour lui dire combien ils s'étaient inquiétés et Fred enterra sa table de chevet sous une montagne d'articles pour sorciers facétieux. Son père était toujours là, près d'elle. Rogue ne vint pas la voir.

Elle mit plusieurs jours pour reprendre des forces et parvenir à se lever sans s'essouffler. Elle avait envie de quitter l'école en reconstruction pleine d'aurors et de sorciers qu'elle ne connaissait pas pour retourner au Square Grimmauld avec son père, les Weasley et ses meilleurs amis. Ils avaient des manigances à mettre au point, y compris la défense de Rogue devant le Magenmagot. Mais avant cela, il lui restait quelque chose à faire et la veille de son départ, elle s'habilla avec des gestes lents et tremblants et réussit à s'extirper de son lit. Elle annonça à son père qu'elle voulait marcher un peu, seule, et qu'elle reviendrait bientôt. Ses jambes tremblaient et dès qu'elle fut hors de vue, elle se raccrocha aux murs et haleta. Les cachots étaient bien loin. Elle s'arrêta fréquemment, reprenant son souffle, reposant son front contre les pierres froides encore vibrantes de magie du vieux château. Elle fermait les yeux et espérait qu'il était dans ses quartiers. Il fallait qu'elle le voie.

Khorine réussit à atteindre le bas de l'escalier hélicoïdal menant aux cachots et suivit le couloir exigu menant au bureau de Severus. Cette fois, elle ne prit pas la peine de s'arrêter pour se reposer, elle devait savoir s'il était encore là. Elle toqua trois coups contre la lourde porte en bois et attendit, la boule au ventre. Sa respiration bruyante se répercutait contre les pierres du couloir et dans ses oreilles si bien qu'elle faillit ne pas entendre le: «Entrez» sec et étouffé par l'épaisseur du bois.

Elle obéit et referma lentement la porte derrière elle. Rogue était assis à son bureau, des dizaines de piles de parchemins minutieusement disposées devant lui.

-Magellus; accueillit le sorcier.

La sorcière le prit comme une invitation et s'avança, à pas lent, jusqu'à atteindre la chaise en face de la sienne. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Elle haletait. Rogue ne la quittait pas de ses yeux noirs insondables.

-Professeur… Je… Je voulais vous remercier de m'avoir sauvé la vie.

Il eut un reniflement qui ressemblait fortement à de la gêne.

-Je ne sais pas comment vous remercier et…

-Ne cherchez pas à me remercier Magellus. Cela vaudra mieux; la coupa-t-il.

Ses yeux ne disaient toujours rien, ils semblaient bouillonner derrière son écran d'occlumencie. Il s'était peut-être inquiété pour elle, un peu, elle se rappelait la peur, sur son visage, quand elle avait craché du sang, elle revoyait son visage…

-Votre procès est prévu dans un mois.

-Exact; lâcha Rogue en laissant sa plume sur son bureau et en croisant les bras.

Le sorcier sentait, au sourire malicieux de la sorcière qu'il ne voulait pas poser de questions.

-Si jamais le professeur McGonagall parvenait à vous faire acquitter…; elle attendit qu'il la coupe mais devant son silence, continua, j'ai quelque chose à vous demander. Je dois le faire officiellement, au moins une fois…

Son cœur tambourinait violemment dans sa poitrine. Les yeux noirs de Severus étaient accrochés aux siens, deux trous noirs béants…

-Je n'ai pas changé d'avis. Je souhaite toujours devenir maîtresse des potions. Pensez-vous… Pensez-vous que vous pourriez accepter de me prendre comme apprentie?

Rogue ne montra aucune émotion, il ne bougea pas d'un millimètre et ses lèvres fines et exsangues restèrent fermées. Il était très pâle et ses gros cernes violets ne s'effaçaient pas malgré la fin de la guerre, à la lumière des chandeliers elle s'aperçut avec surprise de quelques reflets blancs dans ses cheveux noir corbeau. Chaque détail de sa personne, elle le gravait au plus profond de son être, il allait la rejeter et elle ne pourrait plus le voir qu'à des forums de potionnistes… Chaque détail…

-Dans la ridicule hypothèse que je pourrais être acquitté pour tous mes crimes de guerre et que vous réussirez à remplir mes critères de sélection; répondit-il finalement avec un rictus sarcastique qui s'accentuait si bien qu'elle ne savait pas laquelle des deux hypothèses lui paraissait la plus saugrenue, je pourrais être amené à considérer votre demande.

Khorine lui sourit.

-Merci professeur.

Elle inclina la tête, respectueusement, et manqua le rictus désabusé de Rogue. Elle n'avait aucune idée de ses crimes. Il irait croupir à Azkaban, haï de tous et le baiser du détraqueur mettrait fin à sa pitoyable vie. Ce qui signifiait que c'était la dernière fois qu'il voyait Magellus. Ses yeux noirs se fixèrent sur la jeune femme pour détailler ses traits fins presque émaciés suite au sort de magie noire, ses longs cheveux noirs ondulant doucement sur ses épaules, sa peau pâle presque blême, cette pointe de rouge sur le haut de ses joues, ses yeux bleu océan qui scintillaient, ses lèvres pleines s'étirant en un sourire. Elle portait une chemise blanche au décolleté léger et un pantalon noir qui léchait ses formes et descendait le long de ses jambes jusqu'à ses chaussures noires cirées. Il espérait que sa vie serait heureuse.

-Bien… Je… Je vais vous laisser à présent. Encore merci; lui parvint la voix de la jeune femme. Bonne journée.

Rogue entendit à peine et lorsqu'il reprit ses esprits, la porte se refermait derrière Khorine. Il soupira. Puis il reprit sa plume et reprit l'écriture de la conclusion de son article sur la potion SR57, permettant d'extraire un sortilège de magie noire d'un corps humain. Il l'envoya par hibou à Potion Magazine, mit un dernier ordre dans ses affaires, puis se rendit au bureau de Minerva.

-Il est temps; lâcha-t-il sombrement.

La vieille écossaise hocha péniblement la tête et envoya une missive par cheminette au ministère. Quatre aurors apparurent peu après pour entraîner Severus Rogue à la prison d'Azkaban. Minerva soupira, et joignit ses mains contre son front, priant Merlin de protéger le jeune sorcier encore une dernière fois.

Un mois s'écoula, Khorine reprit du poids, des forces, elle était déterminée, elle avait un plan. Faire acquitter Rogue, avoir les meilleures notes de tous les temps aux Aspics et devenir son apprentie. Simple. Le jour du procès, Minerva vint les chercher au Square Grimmault. Ils arrivèrent au Magenmagot avec près de deux heures d'avance et les quatre jeunes gryffondor chuchotèrent entre eux en observant se placer les différents membres du jury. Les bancs près d'eux se remplirent également, des journalistes étaient apparus au premier rang. Enfin, Griselda Marchebank, présidente du Magenmagot apparut. C'était une vieille sorcière, petite, voûtée, le visage tant ridé qu'il paraissait recouvert de toiles d'araignées, des petits yeux noisette scintillant violemment. Elle s'assit dans le siège lui étant réservé, au milieu de l'amphithéâtre et face à l'endroit où apparaîtrait le prisonnier. Son maillet heurta le bois. Les chuchotis se turent.

-Mesdames, messieurs, membres du Magenmagot, nous allons rouvrir le dossier de l'accusé Severus Tobias Rogue. Faîtes entrer l'accusé.

Les lourdes portes en bois grincèrent et s'ouvrirent sous une des estrades de l'amphithéâtre et Rogue apparut. Quatre aurors l'entouraient et l'enchaînèrent à la chaise des accusés. Il était plus maigre que jamais, le visage pâle et froid, ses barrières d'occlumencie si épaisses que plus rien ne semblait plus pouvoir le tirer de son retrait glacial.

Des murmures haineux s'étaient répandus dans l'assemblée. Khorine serrait les poings à se les briser.

-Accusé Severus Tobias Rogue, vous avez été arrêté et serez jugé aujourd'hui sur les chefs d'inculpation suivants: fidélité au Seigneur des Ténèbres durant les première et deuxième guerres, trahison et meurtre de l'ancien directeur de Poudlard Albus Bryan Perceval Wilfric Dumbledore, usurpation du poste de directeur de l'école de sorcellerie de Poudlard avec l'appui du Seigneur des Ténèbres, complicité de meurtre envers l'ancien professeur d'Etude des Moldus Charity Burbage, menaces et tortures envers plusieurs élèves de l'école de sorcellerie de Poudlard.

Un silence de mort régnait dans la salle.

-Accusé Severus Tobias Rogue, qu'avez-vous à dire pour votre défense?

Khorine retint son souffle.

-Rien…; murmura l'ancien mangemort.

Des murmures explosèrent des quatre coins de la salle et Khorine bondit au centre de l'amphithéâtre aux côtés du prisonnier.

-Rien, car nous allons le faire pour lui; lança la jeune sorcière avec une terrible flamme dans le regard.

La tête de Rogue se tourna, lentement, vers Khorine. Khorine…Il cligna des yeux et une étincelle de vie apparut, scintillant comme si elle n'avait jamais délogé des orbes onyx.

-Silence dans la salle! Et vous Mademoiselle, pourriez-vous m'expliquer ce que vous faîtes près de l'accusé?

-Mon nom est Khorine Magellus. Je suis sa défense, j'apporterai les preuves et démonterai une à une les accusations pesant sur le professeur Severus Rogue. Pour ce faire, je ferai appel à deux témoins et présenterai une preuve à conviction.

-Silence! Silence j'ai dit, ou je fais évacuer la salle!

Les flashs des appareils photos crépitaient et le professeur McGonagall, Harry, Ron et Hermione étaient debout, muets, ce n'était pas ainsi que le plan aurait dû fonctionner.

-Nous commencerons tout d'abord par rappeler à la cour du Magenmagot que le professeur Albus Dumbledore a garanti le 12 juillet 1985 que le professeur Severus Rogue était un espion travaillant sous ses ordres bien avant la première chute du Seigneur des Ténèbres.

-Cependant…; tenta un membre du Magenmagot qui se fit aussitôt coupée par la Gryffondor.

-Cette première accusation ne tient plus! Lança-t-elle d'une voix forte.

Elle était la descendante de Salazar Serpentard, elle avait fait face à Voldemort, elle avait un immense pouvoir et elle n'avait qu'une seule certitude, Severus Rogue serait libre à la fin de la séance.

-Madame la présidente du Magenmagot a évoqué la fidélité du professeur Severus Rogue à Voldemort…

Des halètements choqués se répandirent dans la salle.

-… et sa prétendue trahison du professeur Albus Dumbledore; continua Khorine sans ciller. Alors nous ferons appel à notre premier témoin, le professeur Albus Dumbledore lui-même!

Un terrible brouhaha éclata dans l'amphithéâtre et Khorine fixait les membres du Magenmagot un par un, un petit sourire aux lèvres, tandis que le professeur McGonagall entrait au centre de la salle en faisant léviter derrière elle un grand rectangle recouvert de velours noir. Elle tira de son chignon une épingle qu'elle métamorphosa en chaise et y assit le grand rectangle, avant de tirer sur le tissu sombre. Alors, apparut aux yeux de tous, le portrait d'Albus Dumbledore. Le vieil homme était assis à son bureau, les mains posées devant lui, ses lunettes en demi-lune remontées sur son nez aquilin, ses yeux azur scintillant terriblement.

-Bien le bonjour Griselda… Filhem, Bilius, Archie. Severus;accueillit-il avec douceur.

-C'est irrecevable! Cria quelqu'un dans le jury.

Griselda Marchebank resta un instant immobile, clignant des yeux comme une chouette réveillée, puis se reprit, elle tapa plusieurs fois de son maillet pour réclamer le silence puis annonça:

-Les tableaux des anciens directeurs de Poudlard sont les reflets fidèles de leur âme, il ne peut y avoir de tromperie venant du tableau d'Albus. Ce premier témoin est… parfaitement recevable.

-Je vous remercie Griselda; répondit Albus. Posez-moi vos questions et je tâcherai d'y répondre avec la plus grande exactitude.

-Est-ce que Rogue vous a tué? Fusa une question d'un des membres du Magenmagot, un vieil homme à l'épaisse carrure et la voix profonde.

-Oui… Severus a eu la bonté de me tuer.

Le visage du professeur McGonagall se crispa de douleur tandis que les murmures grossissaient. Khorine fixait toujours son regard sur la présidente du Magenmagot et n'osait se tourner vers son ancien professeur de potions. Lui, la dévorait du regard.

-Expliquez-vous Albus; lança Archibald Pontrick.

-J'étais mourant. Severus m'a tué à ma demande, afin d'obtenir la grâce de Lord Voldemort et de devenir le nouveau directeur de Poudlard.

-Il a… Il vous a tué… sur votre demande; répéta la présidente du Magenmagot.

-Tout à fait; acquiesça Dumbledore ses lunettes en demi-lune captant l'espace d'un instant un éclat de soleil.

Il attendit de longues minutes que l'information atteigne chacune des personnes présente dans la salle avant de reprendre:

-Il était impératif que Severus devienne le nouveau directeur de Poudlard afin de protéger les élèves.

-Plusieurs étudiants ont témoigné avoir été torturé par Severus Rogue! Lança une femme aux cheveux d'ébène et au visage bouffi.

-Exact… Il avait pour ordre de maintenir sa couverture, à n'importe quel prix, pour le plus grand bien.

Le vieil homme en parlait, comme s'il s'était agi de la pluie ou du beau temps. Cela rendait Khorine incroyablement triste.

-On ne peut pas croire un bout de toile peinte! Lâcha un sorcier chauve et gras d'une cinquantaine d'année.

Khorine cilla. Elle sortit de sa manche la lettre de Dumbledore et la maintint au-dessus de sa tête:

-Ceci, est la lettre que Dumbledore m'a léguée. Vous y trouverez toutes les preuves de l'innocence du professeur Rogue.

La jeune femme avança, la grâce et le pouvoir brut irradiant de sa personne. Elle tendit la lettre à la présidente de l'assemblée qui la reçut, la déplia, et la lut à haute voix. De nouveaux flashs d'appareils éclatèrent, la voix chevrotante était la seule à percer le silence magistral de la salle. Rogue était fidèle à Dumbledore.

-Faîtes examiner la pièce à conviction!

Un expert apparut rapidement, il ouvrit sa mallette de laquelle jaillit une table de travail possédant tous les outils nécessaires. Au bout d'une dizaine de minutes à examiner le parchemin sous tous les angles, il murmura un sort et une faible flamme sortit de sa baguette pour lécher la pièce à conviction. La flamme vira au vert.

-Madame la présidente du Magenmagot, messieurs et mesdames les membres du Magenmagot, cette lettre n'a été falsifiée en aucune façon. L'auteur en est bien le signataire et il l'a exécuté de son propre gré.

-Impossible!

-Rogue est coupable!

-C'est un meurtrier!

-Meurtrier!

Khorine se tendit plus encore, terrible et menaçante, et aboya:

-J'appelle maintenant à témoigner notre dernier témoin. Harry Potter!

Le nom de l'Elu fut chuchoté par une centaine de bouches et chacun se suréleva pour voir s'avancer le Garçon-qui-a-Survécu. Le Garçon-qui-a-Survécu… En moins de dix minutes, il réussit à démontrer que la guerre n'aurait pas pu être gagnée sans Rogue. Il le démontra si bien, que plus aucune accusation ne s'éleva des bancs du Magenmagot. La présidente de l'assemblée annonça qu'il était temps de voter et Minerva, Khorine, Harry, Hermione et Ron virent avec soulagement de nombreuses mains s'élever, lentement, en faveur de l'abandon de toutes les charges pesant sur Rogue. Il y eut des nouveaux flashs. Rogue fut libéré de ses chaînes et un auror s'avança pour lui tendre sa baguette. Khorine n'entendait pas les murmures mauvais de la foule, une félicitée sans pareil bourdonnait dans ses oreilles.

Alors, enfin, elle se risqua à se tourner vers Severus Rogue et tomba aussitôt au fin fond de deux lacs noirs. Le sorcier l'avait fixée sans y croire, les mots ruisselant sur lui, la Gryffondor de nouveau à ses côtés, écervelée, négligente, crédule. Elle ne devait pas être vue à ses côtés. Il avait sa baguette entre les mains. Il était libre.

-La matinée a été pleine d'émotions jeunes gens, que diriez-vous de rentrer au quartier général? Proposa le professeur McGonagall.

Les quatre Gryffondor acceptèrent et Rogue suivit sans un mot. Ils se séparèrent sitôt le pas de la porte franchit, les quatre jeunes d'un côté, Minerva et Severus de l'autre. Ce qu'ils se dirent, nul ne l'entendit, mais lorsque la porte de la bibliothèque se rouvrit, Minerva semblait bouleversée et Rogue traversa le couloir, ouvrit la porte principale et quitta le quartier général sans se retourner.