Chapitre 7
-Il y a quelque chose qui m'échappe; grogna Hermione au réfectoire du Ministère.
Ron engouffra un énorme morceau de blanc de poulet avant de taquiner sa femme:
-Che cherait bien la première fois. Qu'ech qui te perturbe?
-Dans l'affaire Lattrymoor; répondit-elle seulement en tournant sa fourchette dans sa purée.
-Ch'est lui le coupable! On est sûr! Cent pour cent sûr!
Quand Ron ne larguait plus de postillons c'était que la grosse quantité précédemment dans sa bouche venant d'atteindre l'œsophage.
-Mais pourquoi attaquer le Premier Ministre? C'est trop gros. Et comment a-t-il pu faire pour préparer la potion? Ce n'est pas à la portée de n'importe quel sorcier et MacGonagall m'a envoyé ses dossiers de BUSES et d'ASPICS, il a eu deux Médiocre en Potions. Et pourquoi avoir élaboré un plan aussi sophistiqué pour finir par attaquer Monsieur Rogue en plein Ministère, avec une aurore à côté? Je ne comprends pas…
-Tu as besoin de preuves? Je peux dépêcher une partie de ma faction si…
-Non Harry, merci, vous avez déjà beaucoup à faire avec les attaques des Sangs-Purs.
-Che vois pas pourquoi tu te prends autant la tête Mione; fit Ron avec cette fois une grosse touffe de salade dans la bouche. Lattrymoor a craqué dès qu'il a vu Rogue au Ministère. Pour faire sortir Rogue y avait pas trente-six moyens et au moins avec le Premier Ministre il était sûr de son coup, en plus c'était une cible facile pour un Auror. Pour la potion il a payé un expert sur l'Allée des Embrumes. Mystère résolu.
-Quel expert? On ne le trouve pas?
-Normal sur l'Allée des Embrumes; fit Ron en haussant les épaules.
-Non, non, ça ne colle pas. Il aurait pu suivre Rogue jusqu'à l'arrêt de transplanage, où l'attendre devant sa maison, le Ministère connaissait son adresse.
Khorine blêmit soudainement. Le Ministère connaissait son adresse. Ce malade avait déjà pu attaquer l'Impasse du Tisseur. Peut-être que Rogue avait été en danger.
-Vous voulez que j'interroge Rogue? lâcha-t-elle. Il le saurait si quelqu'un avait essayé de pénétrer chez lui.
-Fait ce matin; assura Hermione en reprenant un peu de purée dans sa cuillère. Mais il n'avait rien à déclarer. Personne n'a essayé de briser ses barrières de protection.
-Et une personne bizarre rôdant autour de sa maison? S'inquiéta encore Khorine.
-Il n'a rien vu.
La jeune sorcière hocha la tête et mordit dans son morceau de pain. Ça l'aurait rendu malade rien que d'imaginer Lattrymoor, les yeux fous rivés sur la maison de Severus, attendant dans l'ombre.
-Alors, c'était comment de parler à la chauve-souris des cachots?
-Ron; le réprimanda Hermione. Tout ce que j'ai à dire, c'est qu'il a répondu à mes questions.
-Il t'a appelé Miss Je-Sais-Tout? Gloussa Harry.
Hermione soupira puis devant trois paires d'yeux fixées sur elle, lâcha:
-Oui.
Ses trois amis lui sourirent, amusés. Elle haussa les épaules avant de les recentrer sur le problème Lattrymoor.
-Pourquoi est-ce qu'il n'a pas attaqué plus discrètement? Pourquoi est-ce qu'il a attaqué le Ministre de la Magie entre tous?
-Oui…; fit Harry. Je vois.
-On y réfléchira; assura Khorine. Et on pourrait réinterroger Lattrymoor?
C'était une question pour Harry qui hocha la tête:
-Je vais faire l'ordre de transfert pour Azkaban. Ça prendra la semaine habituelle.
Hermione hocha la tête, encore plus préoccupée qu'au début du repas:
-Merci… Je vais devoir démêler tous les fils de ce cas.
-Si t'as besoin de nous…; laissa entendre Ron alors qu'elle se levait.
Elle leur offrit à tous un sourire reconnaissant avant de les quitter.
Ron enfourna son dernier morceau de poulet et soupira de bien-être en mastiquant. Khorine réfléchissait en sirotant son verre d'eau et Harry la regardait, pensif.
-Khorine; l'appela-t-il.
Elle grogna vaguement.
-Tu sais que Rogue tient beaucoup à toi.
Elle recracha toute son eau par le nez et Ron s'étrangla avec le poulet. Il fallut plusieurs minutes pour qu'ils se calment.
-Rogue tient à qui? Lâcha Ron dès qu'il fut en mesure de parler.
-Il est venu dans mon bureau ce matin; expliqua Harry en remontant ses lunettes. Et il m'a demandé… il a exigé que Khorine passe la moitié de la semaine dans ses laboratoires.
-Et qu'est-ce que tu as dit? Demanda Ron près d'une Khorine plus muette que jamais.
-J'ai dit non.
Si Khorine avait recommencé à boire, elle aurait tout recraché:
-Mais tu es fou?
-Tu es un génie, mec.
-Finalement on a plutôt négocié. Ton contrat a été modifié pour que tu passes deux jours plein dans les laboratoires de Potions. Je trouve ça plus juste, ça te permettra de faire moins d'heures supplémentaires et tu auras plus de temps pour tes projets. Si tu es d'accord tu n'as plus qu'à venir signer l'addenda dans mon bureau.
Khorine hocha la tête, avec un petit sourire de remerciement.
-Mais comment tu as fait pour survivre? Demanda Ron en avalant la moitié de sa part de pudding.
-Je crois, que ça s'est bien passé; répondit Harry, songeur. Je crois… qu'il voit encore ma mère en moi.
Le sourire de Khorine se fana. Il y eut un silence. Et Ron qui adorait se moquer de tout et faire les blagues les plus idiotes, marmonna:
-Je me demande ce que je donnerais si Mione n'était plus là.
Il y eut un autre silence pesant. Khorine n'avait plus faim. Elle trouva la première excuse pour sortir de table et fuir. Elle souffrait. Ses amis lui avaient rappelé en seulement quelques minutes qu'elle était seule, que l'homme qu'elle aimait ne la regarderait jamais et que tous ses efforts avaient toujours été vains. Jamais il ne la regarderait, parce qu'elle ne pouvait pas rivaliser avec Lily.
Ses pas la dirigèrent vers le Département des Potions tandis qu'elle cachait toute sa souffrance derrière un visage neutre. Un peu comme Severus le faisait, se rappela-t-elle. Elle ferma les yeux sous le coup de la douleur et les rouvrit en entendant quelqu'un se moucher bruyamment. Qui…
Elle s'avança dans le long couloir en pierres noires, jusqu'au laboratoire d'Eric Donan. Il était assis par terre, en tailleur, et se mouchait dos à la porte.
-Eric?
Celui-ci sursauta mais ne se retourna pas.
-Je vais bien; hoqueta-t-il, vous pouvez partir.
-Ne faîtes pas l'enfant; lui rétorqua-t-elle en s'avançant.
-Laissez-moi!
Elle s'arrêta à ce cri, à quelques pas de son collègue.
-Si le type de management ne vous convient pas; dit Khorine lentement, vous pouvez en référer à Maître Lindsforth. Vous n'avez pas à subir votre hiérarchie, vous devez l'utiliser pour vous permettre de travailler au mieux de vos capacités.
Il y eut un silence qui en disait long, et plus encore lorsqu'Eric souffla:
-Il a détruit mes derniers prototypes. Et il m'a viré. Il a dit qu'il ferait savoir à tous les Potionnistes quel minable j'étais, et que je ne trouverai plus jamais de travail.
Khorine fit un pas en arrière, choqué allait trop loin.
-Rogue; lâcha-t-elle dans un grondement rauque, n'a en aucun cas le droit de vous virer, vous, moi, ou n'importe qui dans ce laboratoire. Ces décisions sont prises entre Rogue, moi et Lindsforth et personne ne vous virera. Personne! Eric vous n'êtes pas viré! Vous ne serez jamais viré! Vous êtes l'expert en potion d'obscurité le plus impressionnant, il est hors de question que le Ministère se sépare de vos services!
-Attendez… Je… je ne veux pas que vous vous battiez pour moi; répondit-il en se retournant les yeux rougis et sur son visage l'expression de la douleur telle qu'elle ne l'avait jamais vue.
Il semblait brisé. Cet homme qu'elle connaissait depuis des années n'aurait jamais pleuré, il était toujours le premier à faire exploser des chaudrons, à plaisanter et à tester les mélanges les plus fous mais il l'avait toujours fait avec un grand sourire confiant.
-Je… J'ai essayé de faire d'autres potions… Plus compliquées; avoua-t-il. Je me suis dit qu'on en aurait besoin. Je ne vous en avais pas encore parlé. Rogue a dit que j'aurais pu faire exploser la moitié du Département.
Khorine s'agenouilla devant son collègue et eut un petit sourire amusé:
-A quoi servirait les charmes lancés sur votre laboratoireet les sortilèges de défense que vous connaissez si vous ne faîtes rien exploser?
Une dernière larme glissa le long de la joue blême d'Eric, puis il hocha la tête.
-Vous n'êtes pas viré; répéta Khorine doucement. Je vais voir Rogue et j'enverrai un message à Lindsforth. Si vous vous en sentez la force, allez le voir et expliquez-lui la manière dont Rogue vous traite. Vous pouvez rentrer vous reposer pour aujourd'hui.
-Vous… Vous devriez prendre sa place; murmura Eric en retour. Diriger le laboratoire.
Elle l'entendit mais ne dit rien, se contentant de se relever en hochant la tête et de quitter la pièce. Elle allait parler avec Rogue. Mais d'abord elle devait se concentrer et…
-Spero Patronum; murmura-t-elle les yeux fermés.
«-Je suis fière de toi» avait murmuré sa mère juste avant que le sombral ne décolle et que Khorine ne fuit le château familial. Une douce chaleur se répandit dans son être et grandit au bout de sa baguette. Un grand loup aux poils d'argent apparut. Il s'assit sur son arrière-train et attendit. Elle lui annonça le message qu'il devait transmettre et son loup frotta sa belle tête chaude contre son genou avant de courir dans les airs et de disparaître au bout du couloir.
Et maintenant, trouver Rogue. Elle n'était pas aussi furieuse qu'en sortant du laboratoire d'Eric Donan, son loup l'avait calmée comme d'habitude, mais elle était sûre que le voir lui rappellerait à quel point l'homme était déplaisant. L'homme était… déplaisant… Et il n'était pas dans son bureau, ni dans le laboratoire attenant. En fait elle le trouva dans son laboratoire à elle, assis à son aise dans un fauteuil qu'il avait métamorphosé, en train de relire son cahier de laboratoire. Les flambeaux de verre éclairaient son côté gauche, laissant son œil couleur nuit et une partie de son visage dans l'obscurité. Il l'accueillit en relevant la tête de l'ouvrage.
-Lumare, avez-vous signé l'addenda de votre contrat?
Maître Lumare, Miss Lumare, était-ce trop demandé qu'il daigne la respecter? Après tous ses efforts? Après toutes ses souffrances?
-Rogue; lâcha-t-elle d'un ton beaucoup moins conciliant que lui, avez-vous essayé de virer un des potionnistes du laboratoire?
-Comme c'est touchant; grogna-t-il en réponse, de vouloir encore et toujours protéger ses petits camarades. Cependant, vous ne pouvez rien faire pour un incompétent comme Monsieur Donan.
-Je pense que si, Monsieur Rogue. Le choix des licenciements se fait avec le Directeur du Département, soit Maître Lindsforth, la première maîtresse de Potion de ce même département, qui se tient devant vous, et maintenant vous, qui devez remporter l'unanimité pour penser à renvoyer un de mes collègues.
-Parlez-moi sur un autre ton, Lumare; siffla-t-il.
-Appelez-moi par mon titre ou mon prénom si vous voulez être un tant soit peu respectueux; cracha-t-elle en retour.
Elle cilla aussitôt après, coupée dans sa colère. Venait-elle vraiment de lui proposer… Il y eut un silence… Severus Rogue observait son ancienne élève d'une manière calculée pour être soigneusement neutre, Khorine laissa entrevoir une partie de sa surprise, puis de sa douleur avant de se ne devait pas lui montrer, ce serait pire que tout…
-Dîtes moi, Khorine; siffla-t-il alors que le prénom semblait lui arracher les lèvres, pourquoi m'avez-vous demandé de venir travailler au Ministère?
… Parce qu'il lui avait fait pitié, en pleine dépression, noyé dans sa solitude, enfermé dans sa maison poussiéreuse, pleine de moisi et de vaisselles sales. Elle pouvait le lui dire, pour le blesser. Elle détourna la tête puis se redressa et le regarda, ses yeux océan scintillant doucement:
-Parce que vous méritiez mieux que de survivre dans votre maison miteuse pour le restant de vos jours. Vous êtes un héros de guerre et le meilleur Maître des Potions de Grande-Bretagne.
Gryffondore; pensa Rogue avec un mépris vaguement amusé.
-Et est-ce une manière de s'adresse à un héros de guerre, meilleur Maître des Potions de Grande-Bretagne?
Khorine se renfrogna, sa fidélité à l'égard de ses collègues reprenant le dessus:
-Ce sont mes collègues. S'ils sont restés jusqu'ici c'est pour une bonne raison, Maître Lindsforth et moi ne permettons pas à n'importe qui de franchir les portes du Département de Potions.
-On s'y tromperait; susurra Rogue avec un rictus sarcastique qui fut terni par l'arrivée de Maître Lindsforth dans le laboratoire.
-Severus, Khorine, voilà une fâcheuse situation! Pardonnez-moi Severus, j'aurai dû vous préciser comment se passait le processus de licenciement. Même si je ne pensais pas que vous l'utiliseriez aussi vite. Heureusement, plus de peur que de mal. Khorine, je compte sur vous pour faire valoir les capacités de nos équipes à l'avenir.
Il fixa un regard brillant d'amusement sur Khorine, puis sur Severus, et disparut. Cela ressemblait fortement au passage d'une petite tornade ronde et bienfaisante. Il y eut un silence, et Khorine se relaxa en se redressant un peu, amusée. Severus reprit:
-Ecoutez, Donan était un Serdaigle simplement doué à faire exploser son chaudron. Je doute que quoi que ce soit ait changé en quinze ans.
-Ecoutez; répondit Khorine sur le même ton, Eric s'est spécialisé dans la poudre d'Obscurité et a obtenu des variantes très prometteuses de poudre d'Invisiblité et même de poudre à gratter instantané ce qui lui a valu d'être connu de Fred Weasley qui me l'a chaudement recommandé. Il est normal que ses méthodes soient différentes. Son champ de recherche est inédit.
-Vous engagez un imbécile qui a eu de la chance.
-J'ai engagé un sorcier qui a des résultats, peu importe que ses procédés soient différents. Et je tiens à préciser que tous vos élèves médiocres en Potions ne le… Severus Rogue! S'exclama-t-elle soudain et elle fit un bond vers lui ses yeux étincelants violemment. Lattrymoor! Vous connaissez ce nom, n'est-ce pas? Il était un de vos élèves!
-Effectivement; répondit-il circonspect.
-Comment était-il en Potions?
Les lèvres serrées son ancien professeur de Potions réfléchit, puis délivra l'information si importante:
-Lamentable.
-Oui, oui c'est exact! Et il était votre élève, vous le connaissiez, et il vous connaissait. Est-ce qu'il a essayé de vous attaquer pendant qu'il était à Poudlard?
-Non.
Les yeux de la jeune fille étaient illuminés de l'intérieur, comme si elle savait déjà. A cet instant, il ne put s'empêcher de la trouver belle.
-Et est-ce qu'il avait des amis?
-Je ne prends pas garde aux annuaires de contact de chacun de mes élèves. Mais il travaillait souvent avec une autre Poufsouffle qui avait des… facilités… pour le noble art des Potions.
Si elle n'avait pas été aussi excitée par cette découverte, elle aurait probablement tout donner pour devenir cette Poufsouffle et que Rogue concède ses talents en Potions. Mais en cet instant précis, elle avait le début d'une piste.
-Comment s'appelait-elle?
Rogue dut réfléchir un moment, avant de prononcer:
-Typhaine Wilyfox.
Le nom était lâché et quelques secondes plus tard l'ancienne Gryffondor quittait le laboratoire, un merci excité flottant dans l'air derrière elle. Rogue soupira et se rassit. Si cela ne tenait qu'à lui, il l'aurait obligée à rester toute la semaine au laboratoire, à se consacrer aux Potions, seulement aux Potions, pour ne plus courir au-devant du danger avec Potter.
Khorine fonça vers Hermione dans un envol de cape pour lui faire part du nouveau nom de l'affaire, nouveau nom notoirement anti-Sangs-Purs. Les deux sorcières firent immédiatement le lien. Hermione envoya une note de service volante pour avertir Harry et pour lui demander de faire appel à un des Langues de Plomb legilimens lors de l'interrogatoire. La réponse d'Harry leur parvint rapidement, avec un post-scriptum pour Khorine qui devait toujours signer son nouveau contrat. Elle grogna puis quitta Hermione pour la journée afin de rentrer à son QG. Là elle signa le document et expliqua à Harry les dernières avancées de l'enquête. Ils travaillèrent de leur côté à reprendre tous les éléments des attaques avec un œil neuf et à vingt heures étaient encore submergés par les signalements et rapports. Harry soupira et remonta ses lunettes:
-Je te propose qu'on arrête là pour aujourd'hui. C'est la faction d'Aberswhyth qui est de garde ce week end. On pourra se reposer et informer toute l'équipe de nos avancées lundi matin.
-Parfait; soupira Khorine…
Ils rangèrent le bureau d'Harry de quelques coups de baguette et se quittèrent sur un:
-On se voit dimanche, à midi, Ginny va préparer sa spécialité!
-Hâte d'y être; lança son amie d'enfance avec un grand sourire.
