Chapitre 12

Dès que Severus repartit pour Poudlard, le lundi matin, Khorine se mit au travail. Elle fit apparaître son essence magique, inspira et expira jusqu'à trouver son esprit apaisé et commença à main nue à dévider les cristaux de magie. Les oiseaux chantaient dans le lointain, le soleil la caressait à travers les fenêtres. Elle devait se concentrer sur sa respiration et ne penser à rien d'autre. Dès que son esprit s'égarait des décharges magiques lui brûlaient les doigts et les avant-bras. Aldwin gémissait à ces moments-là. Mais la sorcière continuait et les heures passèrent et les jours passèrent et tant qu'elle n'était pas chez des amis, chez son père, ou avec Severus, elle tissait et tissait encore sa magie.

En prenant le thé avec Hagrid elle voulut d'un Accio faire venir le bocal à cookies et celui-ci fusa à une vitesse affolante pour s'écraser sur la table. Elle faillit crever un œil à Hagrid et se prit des morceaux de céramique dans le visage et sur ses mains brûlées.

-Oh Hagrid je suis désolée!

Le géant enleva les morceaux de céramique de sa barbe puis alla trifouiller dans sa salle de bain pour sortir des bandages, une pommade et une grosse pince à épiler.

-Sacrément de force pour un Accio; fit-il remarquer en s'asseyant en face d'elle.

-Oui… je…

L'instant d'après il retirait le premier fragment du bocal de sa peau et Khorine serrait les dents.

-Je travaille…

Un nouveau morceau.

-Sur…

Trois filets de sang commençaient à se rejoindre sur sa main gauche.

-… ma magie… J'ai trouvé… comment la… libérer…

-Crockdur la sentit quand t'es entrée; grommela Hagrid. C'est dangereux.

-Je vais faire ah… attention.

oOo

Elle alla voir Albus pour lui demander conseil, pour l'aider à canaliser sa magie. Il ne dit rien, durant un long moment, puis:

-Il se trouve de bons conseils.

-Qui ça? Demanda Khorine feignant la surprise.

C'était peine perdue évidemment avec Albus, qui lui rendit un sourire en coin. Khorine s'empourpra. Après ça, le sorcier lui enseigna deux exercices pour contrôler ses flux de magie et elle les répéta matin et soir avant et après ses journées de tissage et sa magie grandissait et vibrait en elle et elle ne s'était jamais sentie aussi vivante, aussi consciente et en lien avec le monde. Sa magie ondoyait autour d'elle et réagissait avec la vieille puissance des Cairngorms, avec les enchantements de Poudlard, avec la magie du monde.

Neville et Ron fêtèrent leur cinquième anniversaire, et les mois s'écoulèrent et elle travaillait sur sa magie, tissait, s'entraînait à jeter des sorts, elle lisait des ouvrages sur les fondements de la magie, la théorie fondamentale et apprenait à comprendre ce qu'on avait greffer en elle. Elle était entourée de ses amis, de sa famille, Severus était à ses côtés. Deux années furent nécessaires à dévider tous les fils. Et plusieurs autres encore pour parvenir à contrôler l'extraordinaire puissance dont elle avait hérité.

Neville eut onze ans le 30 juillet 1991 et près d'un mois plus tard embarqua à bord du Poudlard Express avec Ron et Fred et Georges Weasley. Dès le soir de la répartition elle passa dans les appartements de Severus pour savoir…

-Alors? Demanda-t-elle en s'essayant à la nonchalance, retirant sa cape avec de lents mouvements.

-Te laisserais-tu tenter par un Firewhisky?

Elle hocha la tête en se mordant la lèvre avant de s'asseoir dans le fauteuil près de lui. Elle triturait ses mains sans s'en rendre compte. Le verre de cristal fut posé devant elle sur la table basse. Severus le porta à ses lèvres.

-La soirée s'est bien passée? Demanda-t-elle encore.

Il savoura sa gorgée avant de ronronner:

-Autant qu'il l'était possible.

Il jouait avec ses nerfs, foutu Serpentard.

-La répartition a dû être… intéressante cette année, n'est-ce pas? Ton filleul, Ron, Harry, mon filleul.

-Tout à fait.

-Par Merlin Severus; explora la sorcière, dans quelles maisons sont-ils?

Un ricanement échappa au directeur de Serpentard.

-S'il fallait encore prouver que tu étais une Gryffondor, ton tact, ta délicatesse et ta patience coutumières aideraient.

Khorine grogna en vidant la moitié de son verre avant de bougonner:

-S'il fallait prouver que tu venais de Serpentard, ta manière de me faire tourner en bourrique serait un excellent indicateur.

Un léger sourire satisfait apparut au coin de ses lèvres, à l'indignation de l'ancienne Gryffondor.

-De toute façon je le saurai; grogna-t-elle.

Et vida le reste de son verre, avant de croiser les bras et de bouder face au feu. Severus ronronna:

-Les renseignements que je détiens méritent salaire. Après tout, j'ai donné de ma personne pour supporter, durant toute une soirée, une Grande Salle remplie de cornichons frustes et braillards.

Khorine renifla mais elle ne put empêcher une petite lueur d'éclairer son regard:

-Et quel salaire demandes-tu pour ce grand sacrifice?

-Qui sait? murmura Severus.

La sorcière se mordilla un peu la lèvre avant de tenter sa chance et de s'approcher, lentement. Severus la fixait, le regard brûlant. Elle s'avança encore, jusqu'à atteindre son fauteuil et poser les genoux de chaque côté de ses jambes pour s'y asseoir. Elle s'accrocha au dos du grand fauteuil.

-Eh bien, des idées?

Les mains de l'homme sur les accoudoirs le brûlaient. Son souffle était court.

-J'en ai… quelques-unes…

Merlin qu'elle aimait le désir pur qui couvait dans ses prunelles, la noirceur infinie braquée droit sur elle. Elle caressa du bout des doigts une mèche noire qui lui tombait sur la tempe et la mit derrière son oreille. Le visage levé vers elle était pâle, si ce n'était la pointe de rouge sur ses hautes pommettes, deux sillons encadraient sa bouche fine et entrouverte, tentante. Il était ouvert devant elle, sans masque ni protection. Le pouvoir qu'elle détenait sur lui la faisait vibrer. Khorine s'approcha de son oreille et lui murmura:

-Décide-toi vite ou je me verrai contrainte de demander à Albus.

Les longues mains du potionniste s'agrippèrent à ses hanches.

-Un baiser, par réponse.

Un sourire étrangement lupin se dessina sur les lèvres de la sorcière.

-Très bien.

-Draco est à Serpentard.

-Tu dois être fier de lui; murmura-t-elle avant d'embrasser sa tempe droite.

Sa prise se resserra sur ses hanches.

-Potter est à Gryffondor.

Elle l'embrassa au coin des lèvres et ses yeux noirs de nuit s'obscurcirent davantage.

-Weasley est à Gryffondor.

Elle hocha la tête, avant de s'approcher de nouveau et d'embrasser ses lèvres. Il gémit.

-Neville est à… Gryffondor; souffla-t-il.

Khorine eut une exclamation de joie avant de fondre sur les lèvres du sorcier. Les bras de Severus se refermèrent sur elle, une main dans ses cheveux, amenant son corps svelte contre le sien, savourant ses lèvres pleines. Elle lâcha un gémissement et leurs langues se rencontrèrent. Un grognement échappa à Severus. Les mains de Khorine descendirent le long de son torse, plus bas, encore plus bas, jusqu'à sa ceinture qu'elle déboucla.

-Tu seras ma perte, sorcière; lâcha Severus à un souffle de sa bouche.

Khorine l'embrassa sur le bout du nez.

-Et toi la mienne; lui avoua-t-elle avant de lui ravir les lèvres et de défaire ses boutons de pantalon.

oOo

Aldwin avait bien grandi, et lui arrivait aux hanches. Sa fourrure était noire et épaisse. Il était plus calme et doux que sa mère. Sa patte était parfaitement guérie. Khorine lisait, assise sur le tapis face au feu, avec la tête d'Aldwin sur les genoux, lorsque Severus les rejoignit.

-Ne faîtes-vous donc que vous prélasser devant une cheminée à longueur de journée?

Aldwin renifla pour la forme et Khorine, sans lever les yeux de son grimoire, rétorqua:

-Si tu veux tout savoir nous avons passé les trois derniers jours dans la forêt. Et sans l'imminence de ton retour nous serions restés dans une clairière magnifique jonchées de fleurs sauvages, près d'un petit ruisseau plein de poissons.

-Serait-ce ma faute à présent? Ronronna Severus en s'approchant.

Un frisson se répercuta dans toute la colonne vertébrale de Khorine et elle releva la tête. Il lui ravit ses lèvres, étouffant son halètement de surprise. Puis il s'écarta, avec un petit air suffisant.

-Oui?

-Ma vengeance sera terrible; marmonna-t-elle sans bouger pour ne pas déranger son familier.

Le sorcier enleva ses robes de professeur d'un geste ample avant de revenir près du feu et de s'asseoir dans son fauteuil habituel. Khorine caressa Aldwin distraitement.

-Alors quelles sont les nouvelles du château?

-Ton filleul et Weasley ont pris Potter sous leur aile, ainsi qu'une Je-Sais-Tout Née-Moldue.

Khorine lui sourit:

-Oh je sais bien, Neville me raconte tout dans sa dernière lettre.

-Et t'a-t-il raconté la retenue qu'ils ont reçus pour avoir filé en douce, le couvre-feu passé, pour voir éclore un dragon dans la cabane d'Hagrid?

A son expression il ne doutait pas une seconde qu'elle était au courant, et qu'elle en était fière.

-Il faudra que je leur apprenne à être plus discret.

Severus grogna. Puis il se rappela quelque chose et sortit de sa poche de pantalon sa bague et la chaîne à laquelle elle était accrochée.

-La bague réagit bien à la présence de Quirinus et je le soupçonne de vouloir la pierre. Il a tenté de passer le cerbère à Halloween, j'en suis certain.

-Comme je te l'ai dit, Quirinus n'a jamais montré des signes de magie noire lorsque nous étions à Poudlard mais… mais il a pu y succomber par la suite.

-Je continuerai à garder un œil sur lui. Et en attendant, Potter fait aussi réagir notre détecteur et le garçon montre si peu d'habileté à manier sa baguette que je doute qu'il ait lui-même jeté les sorts.

Khorine se frotta les yeux en soupirant:

-Je ne comprends pas. Tous les maléfices que V… le Seigneur des Ténèbres a pu lui jeter auraient dû s'effacer. Pourquoi le détecteur réagit encore?

-Sa connexion avec le Seigneur des Ténèbres est peut-être plus forte qu'on ne le présumait.

Khorine soupira.

-Ce garçon est… Je l'ai tenu dans mes bras lorsqu'il n'était encore qu'un bébé. J'aurais voulu pouvoir le protéger…

Ils fixèrent sombrement le feu dans l'âtre. Khorine soupira…

-Nous ne pouvons que veiller sur eux pour l'instant et prier Merlin pour qu'il ne leur arrive rien.

Un ricanement échappa à Severus. La sorcière secoua la tête, puis elle sortit sa baguette et fit voleter jusqu'à eux du whisky Purfeu et deux verres. Ils trinquèrent en silence.

oOo

Après le passage devant Touffu, avoir survécu au filet du diable, à des clés enchantées, à l'énigme de Severus, à une partie géante d'échec sorcier et à la rencontre entre Harry et le Seigneur des Ténèbres, Khorine comprit que leurs prières ne seraient pas exaucées.

Lorsque Neville retourna à Poudlard pour sa deuxième année, elle lui donna quatre broches en forme du lion de Gryffondor.

-Portez-les toujours sur vous. Elles s'activeront dès qu'un sortilège sera lancé dans votre direction et le renverront directement à votre attaquant.

-Merci Khorine; chuchota Neville en les mettant dans sa poche.

Il l'embrassa sur la joue puis courut vers le Poudlard Express. La sorcière rejoignit Alice, Frank et les Weasley. Ils restèrent sur le quai en agitant les mains. Et le train finit par se mettre en branle, les enfants leur sourirent, et disparurent bientôt dans la fumée et le brouillard.

-Avez-vous vu Ronald monter dans le train? Finit par demander Molly.

-Ca ne me dit rien.

-Et quelqu'un a vu Harry? Je n'ai vu aucun des deux passer le mur.

-Allons Molly, je suis sûr que tu t'inquiètes pour rien; voulut la rassurer Alice.

Le groupe d'adultes se dirigea vers la sortie, passèrent le mur de la voie 9 et quittèrent King's Cross.

-Ils ont dû monter dans le train; répéta Arthur avant de gémir… Ma voiture!

Un glorieux espace vide se tenait là où devait être garée la voiture des Weasley.

-Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même Arthur Weasley! Tu lui as appris à la conduire!

Il se frotta les yeux.

-Nous pouvons transplaner jusqu'à Poudlard et voler à leur rencontre. S'il sait conduire ils pourraient arriver sans encombre jusqu'au château. Il est assez malin pour avoir cherché à suivre la ligne de chemins de fer. Ils ne se seront peut-être pas perdus; offrit Khorine.

-Oui c'est peut-être la…

-Monsieur Weasley? Interrompit-on. Propriétaire d'une… voiture… bleu ciel illégalement restaurée et modifiée dans le but d'en faire un objet volant non réglementé?

Deux employés ministériels en robes sombres se dressèrent devant eux. Arthur soupira.

-Que s'est-il passé? Demanda Alice.

-Vous allez nous suivre je vous prie. Une enquête a été ouverte. Pas moins de dix moldus l'ont aperçu un peu plus tôt dans la matinée.

-Ceci est un malentendu; lança Frank, laissez-moi retourner à notre division. Nous prendrons en charge cette affaire.

-Négatif. Nous avons ordre de le ramener au Ministère.

-Mais voyons c'est ridicule; lança Khorine. Comment aurait-il pu partir au volant de sa voiture pour retourner ensuite à King's Cross sans?

Les adultes passèrent une grande partie de la journée au Ministère, empêtrés dans les démarches administratives pour prouver qu'Arthur ne conduisait pas la voiture au moment des faits, qu'elle entrait dans une des catégories autorisées par le Ministère (restait à trouver laquelle) et qu'ils n'avaient pas idée de qui avait bien pu la voler. Au Terrier, autour de verres de bière maison chacun cherchait un moyen de clore l'enquête.

-Tu n'avais pas à payer pour le libérer de sa garde à vue; répéta Molly pour la énième fois.

-Je te l'ai dit, c'est bon pour mes impôts.

Khorine parcourait une vieille édition des juridictions du Magenmagot.

-Ah ah! Je lis ici qu'un aspirateur volant a été autorisé car la définition de balai pouvait l'englober… Est-ce que la définition d'un balai peut s'appliquer à une voiture?

-Ma voiture; se lamenta encore une fois Arthur.

Alice et Frank, la tête dans le feu, parlaient depuis quelques temps avec un de leurs collègues au Ministère. Molly avait le regard rivé sur l'horloge de sa famille où l'aiguille de Ronald penchait dangereusement vers «En Péril».

-Albus est prévenu; lui dit Khorine. Il a envoyé quelqu'un pour les retrouver. Les nouvelles ne devraient pas tarder.

Quand la nouvelle leur parvint, plus tard dans la soirée, les adultes soupirèrent de concert. Ils finirent la soirée d'une bien meilleure façon qu'elle n'avait commencé, et Alice la clôtura sur le pas de la porte en lançant:

-Et puis après ça, ils ne pourront pas faire pire!