Chapitre 15
-Des résultats pour la potion de Mr Londubat?
-Pas pour l'instant Madame, mais j'ai quelques pistes intéressantes. Je sais maintenant que c'est l'empreinte de magie noire qui donnaient les résultats désastreux des autres potions.
Mac Gonagal hocha la tête tandis que nous marchions dans les couloirs de Poudlard. La première fois que j'y revenais en neuf mois!
-Vous aurez sûrement besoin de l'aide d'un expert; glissa-t-elle subtilement, un sourire en coin. Je pourrais en toucher deux mots à Severus.
Merlin, qu'allait-elle s'imaginer? Non... je ne voulais pas le savoir...
-Je n'ai pas besoin de qui que ce soit, encore moins du professeur Rogue; lâchai-je, piquée dans ma fierté.
Après tout, mes recherches avançaient bien, je parvenais à saisir les complications sans connaître toutes les caractéristiques de la magie noire, et c'était très bien comme ça. Je ne voulais pas que Rogue touche à mes travaux, ou le voir plus que nécessaire. Quelques fois dans la Grande Salle ou dans les couloirs étaient largement suffisantes. Je devais juste, savoir qu'il était au château, et me dire que je ne risquais plus rien. C'était ça...
-Je suis certaine que vous pourriez le faire sortir un peu de ses cachots et qu'il vous permettrait de trouver plus vite le moyen de soulager la souffrance de Mr Londubat.
Je crispai les poings... Elle ne parviendrait pas à me faire culpabiliser!
-Je ne tiens pas particulièrement à travailler avec le professeur Rogue, professeur! Grognai-je.
Nous nous arrêtâmes à la porte de ce qui devaient être mes appartements. Pas de portrait, ni de mot de passe, seulement un loquet ensorcelé. Personne pour me voir entrer ou sortir, je préférais... Mac Gonagal en profita pour m'examiner, j'étais prête à soutenir son regard, n'importe lequel, hormis celui empreint de tristesse. Ses yeux bleu délavé reflétaient de la tristesse.
-Je sais bien qu'il n'a pas dû être particulièrement tendre avec vous durant votre apprentissage.
Je me crispai à ce rappel.
-Mais depuis que vous nous avez quittés sa santé décline, il ne mange presque plus, ne sort plus de ses quartiers, ne... retire plus de points à Gryffondor.
Elle sourit un peu; et moi j'étais en train de comprendre ce qu'elle pensait... Elle pensait que Rogue m'appréciait, moi! Rogue! Par Merlin, c'était la chose la plus inconcevable qu'ait pu produire le cerveau de la directrice des Gryffondor.
-Ce dont il a besoin; continua-t-elle, c'est de...
-Minerva! Explosa la voix de Rogue.
Et il sortit de nulle part, se détachant soudain des ombres du couloir. Mac Gonagal n'alla pas plus loin comme il avançait vers nous, furieux.
-Puis-je savoir quelles nouvelles âneries vous proférez encore devant votre apprentie?
La directrice ne semblait pas choquée par son manque de respect, elle lui passait toutes ses sautes d'humeur, comme... elle me faisait penser à... au professeur Nigerus, lorsqu'il était avec moi.
-Je ne fais que...
-Des suppositions de vieille fille; siffla-t-il, venimeux, en s'arrêtant à quelques centimètres de sa personne, que vous garderez pour vous à l'avenir!
La rage l'aveuglait, il était insultant. Alors que le professeur Mac Gonagal voulait seulement l'aider.
-Severus! Protesta-t-elle, blessée.
Un rictus mauvais s'accrocha aux lèvres du maître des potions, il voulait lui faire mal.
-Ce n'est pas parce qu'Albus vous a dédaigné pend...
-Suffit! Crachai-je en me précipitant entre eux, la baguette soudain au poing, droit sur le torse de Rogue.
L'océan de mes yeux bleu était déchaîné par la rage. Il ne briserait personne d'autre. Personne! Mac Gonagal dut réagir, m'ordonner de ranger ma baguette, je n'entendis pas. Mes oreilles bourdonnaient, mon regard fixé sur la poitrine de Rogue qui se soulevait faiblement, puis sur ses yeux soudain éteints. Il recula de lui-même. Plusieurs pas.
-... demande de vous calmer! Tous les deux! Severus, vous viendrez me voir dans mon bureau à treize heures tapantes, nous devons parler! Quant à vous, Miss Lumare, ce sera huit heures dans mon ancienne salle de classe!
Elle nous renvoya ensuite dans nos appartements respectifs. Je ne tardai pas à entrer dans les miens, claquant la porte, emplie de colère. Je ne remarquai qu'à peine, le premier soir, les couleurs de Gryffondor du salon, de la chambre, la bibliothèque à peine moins fournie que celle d'avant. Comme un fauve en cage, je tournais en rond, grattant mes cicatrices férocement. Comment pouvait-elle croire que Rogue soit autre chose qu'un salaud de Mangemort, amer et aigri? Comment Mac Gonagal pouvait-elle ne serait-ce qu'imaginer que Rogue était encore capable d'apprécier qui que ce soit?!
Je ne voulais plus le voir, je ne voulais même plus savoir qu'il existait! Je retrouverais Ginny, je serais avec Mac Gonagal, en sécurité à Poudlard, je retrouverais le professeur Nigerus aux laboratoires et j'apprendrais enfin à devenir un Animagus. Ensuite, je partirai sans regret, sans un regard et sans une pensée pour Rogue qui pouvait s'enfoncer comme il lui plaisait dans le marasme de ses remords!
oo0oo
Le lendemain matin, sans avoir pris mon petit-déjeuner -pas faim-, je débarquai dans l'ancienne classe de Métamorphoses, sans avoir décoléré.
-Pourquoi êtes-vous aussi permissive avec Rogue? Attaquai-je aussitôt.
Mac Gonagal se contenta d'un sourire, franchement amusée.
-Bonjour à vous aussi Khorine.
Je me rembrunis, tout en marchant vers son bureau au bout de la salle.
-Bonjour; grognai-je.
Elle rangea quelques papiers, j'allais sûrement reprendre, lorsque j'interceptai son regard réprobateur. Pourquoi est-ce que moi j'y avais droit alors que Rogue...
-Je ne vous ai pas vue au petit-déjeuner, ce matin.
-J'avais du travail, des papiers à envoyer au professeur Nigerus; me défendis-je.
… C'était la première fois depuis... des années... qu'on me réprimandait au sujet de mes habitudes alimentaires. Cela me déstabilisa un peu, me calma aussi.
-Veillez à ce que cela ne se reproduise plus. Je veux vous voir au moins au petit-déjeuner. Le déjeuner et le dîner pourront se dérouler en dehors de Poudlard, mais je veux vous voir à notre table tous les matins, est-ce compris?
-Oui, professeur.
La vieille femme hocha la tête puis m'observa.
-Je souhaite aussi que vous passiez une heure dans mon bureau chaque soir, à travailler sur votre rapport de stage. Vous aurez cours du Lundi au Vendredi entre huit heures et midi dans cette salle, ce qui vous laissera tout le temps que vous souhaiterez pour travailler aux laboratoires Nigerus, quitte à y retourner après avoir écrit votre rapport de stage sous ma surveillance. Vingt-et-une heure, cela vous conviendra-t-il?
Revenir à Poudlard aussi tôt? Pour faire quatre allers-retours entre le château et les laboratoires dans la même journée? Ce n'était pas la meilleure des nouvelles.
-Bien sûr; relança la directrice, un nouveau sourire étrange aux lèvres, si retourner aux laboratoires aussi tard vous pose problème, vous pourrez préférer utiliser ceux de Poudlard. Ils sont tout à fait usuels.
De... Les laboratoires des cachots, rattachés aux classes de Potion? Elle l'avait fait exprès! Y avait-il la moindre possibilité de lui faire comprendre qu'elle se trompait? Que c'était impossible? Non, à en juger par son expression, elle semblait aussi malicieuse que Dumbledore devant un nouveau paquet de bonbons au citron. Et puis tous les Gryffondor étaient réputés têtus, notre directrice n'y faisait pas exception.
-Oui, professeur.
Je m'arrangerai quand même pour l'éviter. Je connaissais les horaires de Rogue, avec un peu de chance il ne les avait pas modifiés.
-A la bonne heure, veuillez prendre une chaise et vous asseoir face à mon bureau, nous allons commencer votre initiation. Le parcours vers votre Animagus sera long et difficile, vous devrez passer les différentes barrières érigées par votre esprit, sans les briser, sans vous perdre. Vous n'y parviendrez peut-être pas en deux mois, certains n'y arrivent même jamais.
-Je sais; murmurai-je.
-Cela ressemblera probablement plus pour vous à des exercices d'Occlumencie que de Métamorphoses... Pour cette première séance nous n'allons qu'étudier les bases de la méditation et de la relaxation, vous devrez faire le vide dans votre esprit, rien que le vide.
Jamais je n'avais...
- Vous allez vous détendre, Khorine, les mains sur les genoux, comme cela, et inspirer doucement, doucement... Fermez les yeux.
oo0oo
Je ne voyais jamais Rogue. Il ne mangeait pas dans la Grande Salle au petit-déjeuner, malgré sûrement les gronderies du professeur Mac Gonagal. Ne le croisais pas dans les couloirs, ni dans le bureau de la directrice lorsque je devais y écrire mon rapport de stage. Et nous parvenions à nous éviter lorsque j'utilisais les laboratoires des cachots. Je préférais cela.
Petit à petit, à Poudlard, je me détendais, les ombres et les cauchemars semblaient s'estomper. Cela faisait plus de deux semaines maintenant. Je n'avais pas encore osé me passer du somnifère que je m'étais conçu, mais je pensais en être capable, bientôt.
oo0oo
-Que voyez-vous, Khorine? Concentrez-vous.
Je fronçai les sourcils, les paupières fermées à l'extrême. Tout était sombre, sauf, au loin très loin...
-Une lueur... bleue...
Puis l'obscurité de nouveau. Des voix, des cris, du verre qui se brise, la peur qui ronge tout, remonte le long des murs du manoir pour les dévorer. Ou de la magie... de la magie noire.
-Professeur! Criai-je.
De très loin, sa voix.
-Quatrième défense... Les souvenirs. Rappelez-vous ce que... visualiser...
Il fallait que je visualise la lueur bleue, oui. Je ne devais me concentrer que sur elle. Oublier la rage de mes parents, leur haine, lorsqu'ils avaient appris que j'étais... à Gryffondor. Le bleu. Bleu. Bleu. La flamme bleue, vacillante, près de moi. Ne voir qu'elle, ne se concentrer que sur sa chaleur.
oo0oo
-Génial! Le mélilot gâté de Stonehenge n'interagit pas avec la magie noire!
Neville releva la tête d'un de ses herbiers, me souriant.
-Je te l'avais dit.
C'était un anti-coagulant aux propriétés extraordinaires, associés avec plusieurs autres ingrédients il permettrait une action rapide du baume et préviendrait tout risque de thromboses liées aux résidus d'os dans les artères et les veines.
Bien sûr il fallait encore trouver le moyen d'optimiser le fonctionnement du foie dans le traitement des déchets. Mais c'était la dernière ligne droite!
J'avais découvert comment éliminer les derniers résidus de magie noire dans un grimoire de la réserve de Poudlard. Grâce à la pierre de lune, bien sûr! Après avoir planché durant des jours sur les équations qui se rapportaient à la concentration de cet ingrédient, ses propriétés, ses effets secondaires, à quelles doses, j'en étais arrivée à avoir un résultat parfait.
N-nous étions tellement proches du but!
-Allez les petits génies, c'est l'heure du thé! Vous continuerez vos expériences plus tard; lança Augusta Londubat.
-Euh, je vais peut-être rentrer; proposai-je.
-Hors de question! Vous ne mangez déjà pas assez, un bon quatre-heures vous fera le plus grand bien. J'ai préparé ces petits sablés moi-même!
J'en avalai au moins huit avant de pouvoir enfin quitter la maison des Londubat. Et je dus quand même en emporter avec moi. J'arrivai à Poudlard avec une énorme boîte de gâteaux. Etant Samedi, je dus aussi manger mon dîner à Poudlard. Je n'avais pas faim, vraiment, avec tout ce que j'avais avalé à l'heure du thé. Mais ce fut à Mac Gonagal de me gronder.
-Reprenez un peu de purée, tout de même! Et un peu de porc, vous devez reprendre des forces.
Oh Merlin...
oo0oo
-Maintenant, vous allez vous concentrer. Ce n'est pas grave de paniquer. Vous êtes arrivée à l'une des dernières protections de votre esprit, l'une des plus puissantes. Vos peurs et vos cauchemars vont ressurgir en masse...
-Non... Pas aujourd'hui. J-je... Bégayai-je malgré moi, encore tremblante.
-Vous avez réussi à en sortir, Khorine! Et vous y êtes presque. Concentrez-vous sur la flamme.
Mac Gonagal voulait que j'y retourne, je devais y retourner. Parce qu'après cet échec je risquais de renoncer. Tous mes cauchemars... Je voulais ma fiole d'Insomnia, je voulais y échapper, y échapper! Pourquoi tous ces visages restaient gravés dans mon esprit? Pourquoi?! Pourquoi?!
-N'abandonnez pas si près du but. Allez...; murmurait l'animagus.
Il le fallait... Mes yeux se refermèrent, assise sur le sol d'où je ne m'étais pas relevée, les poings serrés sur mes genoux. Concentration. J'allais plus loin, toujours plus loin. Le chemin que je connaissais, guidée par la flammèche bleue. Je ne regardais qu'elle. Les cris, le sang, les ténèbres... Je ne voyais que la flamme. Je ne devais entendre que son faible crépitement. Qui... s'estompait... Il s'estompait, ainsi que sa lueur. Je la perdais! Il n'y avait plus que des ténèbres!
-Non! Non, non, non! S'il vous plaît. Je ne peux plus...
J'hoquetais, et tremblais, si faible... Je n'avais encore rien vu. Mais je ne supportais plus les ombres, plus la nuit, le noir et la peur. J'étais fatiguée, que ça cesse, cesse. Je ne pouvais plus...
-Qu'avons-nous là? Une Gryffondor dans les couloirs après le couvre-feu? Cela fera vingt points en moins.
Je savais qui était là. Je savais que c'était lui. Et je ne pouvais pas relever la tête. La flamme, où était ma flamme bleue? J'en avais tellement, tellement besoin...
-Regardez-moi quand je vous parle!
-Laissez-moi; sifflai-je dans un souffle. Laissez-moi...
Des pas, qui résonnent contre le dallage. La nuit noire dans le corridor. Aucune flamme. Seulement la lumière de la lune. Et son ombre qui se rapproche.
-Tout cela peut s'arranger, Lumare.
Non, non... Je le fixai aussitôt, les yeux écarquillés par l'horreur. Les siens brûlaient de ce feu sombre dévorant, son visage blafard et ses traits étirés en un rictus terrifiant.
-Je pourrais vous rendre vos points, vos petits camarades n'en sauront jamais rien.
-Non; couinai-je.
Et Rogue avança vers moi, et je reculai au sol sans quitter du regard mon pire cauchemar, sans pouvoir entendre autre chose que son ricanement mauvais. Le bleu, la flamme bleue, où... où... Il me fallait...
-Non? Une petite chose comme vous n'a pas le pouvoir de refuser. Une chose, qui m'appartient.
Ses orbes s'embrasaient, sa main tendue vers moi.
-Non! Le contrat a été détruit! Ne me touchez pas! Feulai-je.
Mais je heurtai le mur, et l'instant d'après sa main se plaqua contre ma bouche. Je me débattis aussitôt, rejetant sa main pour hurler à en réveiller tout le château. Quelqu'un! Quelqu'un! Venez, par pitié!
-Personne ne viendra. Vous êtes seule.
Il ricana:
-Comme vous êtes naïve de penser que le contrat que vous avez détruit était le vrai!
Non...
Les larmes et les hoquets, et sa main de nouveau, me faisaient asphyxier. Je ne pouvais plus respirer. Il me touchait! Il me relevait et me piégeait contre le mur. Non...
Les larmes dévalaient mes joues, je le fixais, brisée par la douleur.
-Vous êtes loin de moi depuis trop longtemps; susurra-t-il en me plaquant plus fort contre les pierres. Trop longtemps.
Son corps contre le mien, et son autre main qui descendait, descendait. J-je... ne me débattais même plus. Ses doigts froids, sous ma jupe, écartant mes jambes, touchant... Je pleurai. La main qui enfermait ma bouche s'écarta.
-Ne me... touchez pas; murmurai-je, le regard éteint...
-Mon petit jouet; susurra-t-il, que je briserai de mes mains.
Et puis ses lèvres, elles se rapprochèrent des miennes. Rien pour les éviter. Plus la force. C'était... fini.
-Khorine! Khorine!
On m'appelait. Rogue grogna, fixant les alentours mais sans me lâcher. De toute façon, personne ne viendrait.
-Répondez-moi!
Cette... voix... Et soudain, lui. Le professeur Rogue venait de quitter les ténèbres du couloir, courait vers nous, éclairé par les rayons de lune. Il se figea dès qu'il vit celui qui me retenait. Puis il me fixa, fixa l'autre. Je ne savais plus...
-Elle est à moi; cracha Rogue en raffermissant sa prise.
Mon professeur riva son regard au mien...
-C'est un cauchemar, Khorine. Rien n'est réel.
…
-Vous êtes en sécurité, dans la salle de classe de Métamorphoses. Le professeur Mac Gonagal est près de votre corps, elle attend que vous reveniez. Vous pouvez...
Rogue se pencha vers moi, susurrant à mon oreille:
-Encore un piège, petite chose. Il ment. Il t'a toujours menti.
-Ne me... touchez pas...
Il ricana, l'autre avançait dans son dos, alors qu'il ne se focalisait que sur moi.
-Si je m'écarte, il prendra ma place. Ton professeur, celui en qui tu avais confiance... Tu n'irais pas refaire deux fois la même erreur.
Mon regard tomba sur le professeur Rogue, blême, paniqué. C'était un mensonge... Rogue se fichait bien de moi ou de ce qui pouvait m'arriver.
-Exactem...
Ses yeux se révulsèrent soudain, il m'agrippa au col, parcouru de soubresauts, une lumière éclatante lui dévorant le ventre. Il hurlait, puis je fus rejetée au loin tandis qu'il convulsait atrocement. L'éclat qui le détruisait était insupportable, je me roulai en boule, les yeux fermés, forts. L'instant d'après, je me retrouvais effondrée sur le sol de la classe de Métamorphoses. Il y avait le professeur Mac Gonagal qui me serrait la main, serrait. Quelqu'un près d'elle, sa baguette qui s'éloignait. C'était Rogue... Je perdis prise à la réalité, mon corps s'affaissa, mes yeux vitreux toujours ouverts sur le monde, sans rien voir...
oo0oo
L'infirmerie, bien plus tard. Je le savais, parce que les rideaux blancs étaient tirés sur les ténèbres de la nuit. J'étais seule, aucun malade, pas de Pomfresh. J'avais la vague impression que... j'avais passé la journée ici. Ce qui voulait dire que je n'étais pas allée aux laboratoires de Nigerus e-et que l'Insomnia n'avait pas été préparée. Je n'avais pas de potion pour ce soir... Je me relevai. J'avais été pitoyable aux cours du matin, et faible, et Rogue l'avait vu, Mac Gonagal avait dû l'appeler en se rendant compte que je ne parvenais pas à revenir. C'était lui qui m'avait retrouvée. Il m'avait sauvée... Je n'avais plus d'Insomnia. Boire, je devais boire.
Je quittai aussitôt le lit, vacillante, ouvris les portes malgré mes muscles encore faibles, et quittai le château. Par un passage secret j'arrivai à la frontière Nord. Peu de temps après je pouvais transplaner, aux Trois-Balais.
-Fire-whisky!
-Je vous apporte ça tout de suite.
Quelle chance d'avoir encore ma cape sur moi, et quelques gallions dans les poches...
oo0oo
Je rentrai au château, bien plus tard que le couvre-feu. Mon cerveau bourdonnait atrocement, mon front brûlait, mais je parvenais à maintenir un extérieur discipliné, maîtrisé. L'alcool assommait ses consommateurs, offrant un sommeil sans-rêve particulièrement agréable. Je m'en étais rendue compte avant de parvenir à finaliser l'Insomnia. Et j'étais prête à passer outre les céphalées que cela entraînait et toutes autres répercussions sur ma santé. Je préférais mourir d'une hépatite, que sombrer dans les cauchemars et la dépression devant mes amis. Je soulevai la tenture du premier étage, représentant une scène de chasse, et longeai le corridor. J'étais dans la bonne partie du château, il fallait seulement parvenir jusqu'au troisième ét...
-Miss Lumare!
Je sursautai aussitôt, violemment, la baguette soudain en main, illuminée d'un Lumos et pointée vers... Rogue.
-Qu'est-ce que vous faîtes là? Grognai-je, un mal de crâne se propageant depuis ma tempe droite.
Je n'aurais pas dû me... retourner aussi vite... C'était douloureux...
-Mme Pomfresh m'a envoyé vous chercher.
Il approchait, son visage grisâtre par les ombres, d'instant en instant plus blafard. Je baissai un peu ma baguette, sur mes gardes pourtant. Alors qu'il était complètement crétin de penser qu'il pourrait m'attaquer. Il avait détruit le contrat, il avait dit qu'il me rendait ma liberté.
-Je ne reviendrai pas à l'infirmerie et Mme Pomfresh le sait. Qu'est-ce que vous faîtes ici?
Je le vis distinctement crisper les mâchoires et détourner un instant le regard, ce regard empli d'ombres.
-Que vous a-t-il dit? Demanda Rogue soudain.
L'alcool insinuait une douleur pulsatile dans chaque recoin de mon cerveau, brouillait ma vision, me rendait moins maîtresse de mon corps à trop forte dose et j'aurais aimé baragouiner quelques mots en titubant et puis partir en claquant des portes. Mais je n'avais pas assez bu pour ça.
Je savais de quoi Rogue parlait, et je... je ne comprenais pas pourquoi il avait attendu aussi tard pour me parler de ce qu'il avait vu dans mon esprit.
-Rien qui vous intéresse.
Je me détournai, je ne voulais pas en parler, pas à lui.
-Vous ne pouvez pas vaincre vos peurs en les ignorant, Lumare! Lança-t-il, et ses pas résonnaient dans mon dos.
Je crispai les mâchoires, me retournai, tandis qu'une tempête grondait sourdement à l'intérieur de mon crâne. La colère ou... la douleur...
-Je n'ai pas peur; lui sifflai-je.
Il avançait, je ne pouvais pas lui balancer un sortilège et m'enfuir, non? Alors j'attendis, la baguette tremblant dans ma main gauche. Rogue me dit qu'il voulait juste me raccompagner jusqu'à mes appartements. Je lui dédiai un regard mauvais, mais acceptai pour en finir. J'avais mal à la tête. Nous marchions dans les couloirs sombres, trop proches.
-Il m'a dit que le contrat détruit était un faux.
-La cinquième défense de notre esprit consiste à nous révéler nos peurs les plus profondes; murmura Rogue, tout ce que vous avez pu voir ou entendre n'était qu'un leurre. Il n'y a jamais eu qu'un contrat, celui que nous avons détruit.
Nos capes bruissaient doucement contre les pierres du couloir, sa voix apaisait. Je n'étais plus effrayée, ou en colère. Je finis par ranger ma baguette, et murmurer:
-Je sais...
C'était bien la seule chose dont je pouvais être sûre à tête reposée. Mais pour tout le reste, mon petit jouet, une petite chose, une chose qui m'appartient, que je briserai de mes mains... Ce que je ne pouvais révéler à personne, parce que j'y croyais vraiment, que ça ne pouvait qu'être vrai.
-Il y a autre chose.
Je crispai les mâchoires. Je ne lui dirai rien. Et qu'est-ce qu'il venait faire ici de toute façon? Venir contempler le spectacle pitoyable d'une gamine trop faible? Il ne dit plus rien, jusqu'à mes appartements, moi non plus. Ce devait sûrement être l'alcool mais je ressentais quelque chose d'étrange à... être si proche de lui. Une chaleur, par le whisky, qui m'étourdissait et me compressait le cœur. Devant ma porte, nous nous arrêtâmes, l'un en face de l'autre. Ce n'était pas arrivé depuis l'incident au forum des maîtres potionnistes.
-La peur ne se laisse pas ignorer, Miss Lumare; dit Rogue finalement. Vous ne pouvez pas choisir de ne pas la voir et continuer votre chemin. Elle grandira dans l'ombre. Elle se fortifiera, s'ancrera plus profondément.
-Je ne... Commençai-je, furieuse de cette leçon qu'il...
Il me coupa:
-L'ignorer ou la nier ne vous permettra pas de la vaincre.
Je voulais qu'il se taise! Qu'il se taise! Il ne savait rien! Rien du tout! Et il se permettait de me juger, de me fixer de ses yeux emplis de fièvre alors que tout était de sa faute!
-Et comment vainc-t-on ses peurs, Rogue? Une recette magique? Me moquai-je.
Mais c'était une perte de temps. Et j'avais déjà la main sur la poignée de la porte lorsqu'il répondit:
-En les affrontant.
Tiens donc, et qu'est-ce qu'il pensait que je venais faire ici?! J'avais refusé un stage dans les laboratoires de mon professeur et chez d'autres grands maîtres potionnistes uniquement pour trouver le moyen de détruire une fois pour toutes mes démons. Et je les avais affronté! J'étais revenue à Poudlard! J'étais venue vivre au même endroit que lui! Qu'est-ce que je devais faire de plus?! Qu'est-ce qu'il fallait que je... Que je...
-C'est très malin; ricanai-je, le regard glacé fixé au sien. Les affronter?... Très bien.
Et je le bloquai aussitôt contre le mur le plus proche. Rogue n'eut pas le temps d'esquisser le moindre geste que j'avais déjà un bras contre sa gorge, et le tenais par un morceau de sa robe de sorcier.
-Que...
Je sentais ses os saillants contre mon corps. Ses hanches osseuses contre mon ventre, ses genoux contre le bas de mes cuisses, ses côtes se soulevant rapidement, son épaule contre mon avant-bras... Il était si maigre. Ses robes épaisses ne le cachaient même plus. Son regard tourmenté balayait le mien.
-Qu'est-ce que vous avez, Rogue? Étonné que je suive vos conseils?
Pourquoi ne mangeait-il plus? C'était un grand maître potionniste et un héros de guerre libre. Pourquoi était-il en plus mauvais point que lorsque nous étions encore sous contrat?
-Ne faîtes rien que vous puissiez regretter; lança-t-il.
Un sourire déplaisant força son chemin au coin de mes lèvres.
-De quoi avez-vous peur, professeur?
Pensait-il que je voulais le tuer? Ou le combattre après mon année d'entraînement auprès d'Aurors expérimentés? Pensait-il que je chercherai à l'humilier? A me venger aussi cruellement qu'il était possible de le faire? Mais... Rogue ne se contenta que de son rictus, celui qui se rapprochait le plus d'un sourire, un doux sourire. Toute émotion reflua dans ses yeux et s'il avait un instant pensé à me repousser, il abandonna. Je pouvais lui faire tout ce que je voulais.
-Vous ne comptez pas vous défendre? Demandai-je en raffermissant ma prise.
Je lui bloquai un peu plus la trachée, mais Rogue ne réagit pas. Nous étions seuls dans les couloirs déserts qui ne menaient qu'à mes appartements, il était plus de deux heures du matin, personne ne viendrait.
D'aussi près, je pouvais me rendre compte que ses cheveux étaient toujours aussi graisseux, ils gouttaient sur le col de son vêtement. Et une mèche finit par se détacher du reste, pour tomber devant ses yeux... Je levai des doigts tremblants vers elle, puis l'effleurai pour la remettre en place. Je n'avais pas remarqué que je ne respirais plus, que mes yeux étaient figés et mes pupilles rétractés par la peur. Mon cœur se contractait douloureusement dans ma poitrine. Rogue ne semblait pas en meilleur état. Je le fixai, m'attardai sur ses lèvres fines, exsangues. C'était... c'était le seul moyen.
-Ne...
Je m'approchai lentement et Rogue n'avait plus de souffle. Il... Ma bouche effleura la sienne. Je reculai aussitôt, tendue, un regain de terreur me parcourant. Il échoua dans mon cerveau surchauffé par l'alcool. Je fermai les yeux sous la douleur, crispant les mâchoires. Mais lorsque je les rouvris, aucun nouveau danger n'avait surgi, Rogue n'avait pas bougé, ni tenté quoi que ce soit contre moi. Nos souffles se mêlaient.
-Vous avez bu; murmura Rogue en comprenant.
Il ne se défendait toujours pas...
Je penchai un peu la tête, les yeux plissés. Qu'il n'aille pas croire qu'il m'avait rendue alcoolique ou n'importe quelle bêtise de ce genre...
-Plus d'Insomnia, je devais bien trouver une alternative.
Rogue ne fixait que mes yeux, s'accrochait à eux, et marmonna:
-Une de vos créations...
J'hochai vaguement la tête.
-La Nuit sans-rêve n'avait presque plus d'effet, je n'avais pas le choix si je ne voulais pas mourir d'un empoisonnement. La digitale laineuse pose souvent problème à forte dose...
Je le piégeais toujours contre le mur, sa gorge toujours bloquée, et son corps contre le mien. Il fallait... continuer... Je pouvais y parvenir... Nos fronts se rapprochaient, brûlants tous deux, puis ses lèvres de nouveau. Ce contact si léger, ma bouche à peine courbée au contact de la sienne. Je reculai. J'avais du mal à respirer. Mes tempes pulsaient atrocement.
-Vous n'êtes pas obligée de...
J'étouffai son murmure d'un baiser plus prononcé. Nos bouches pressées l'une contre l'autre, nos lèvres réunies. Les siennes étaient sèches et craquelées. Je ne m'en étais pas rendue compte... Le bout de ma langue sortit presque par automatisme à leur rencontre, elles entrèrent en contact un bref instant, puis un autre, encore une fois. Sa lèvre inférieure tremblait contre la mienne, je la mordillai un peu, passai la langue dessus. Puis je m'écartai une fois encore, le souffle court. Les orbes de Rogue étaient voilés, et je ne sentais que maintenant une de ses mains, agrippée à ma taille. Pourtant je n'avais plus peur. Il n'agissait plus comme avant. Aucune menace, aucun mépris blessant, aucune...
Il... Je... l'embrassai de nouveau, plus passionnément.
Mes doigts se perdirent dans ses cheveux gras tandis que le bras qui lui avait barré la trachée servait à le rapprocher de moi. Puis je quémandai l'entrée de sa bouche qu'il entrouvrit aussitôt. Nos langues se retrouvèrent, et même sa soudaine étreinte ne put me faire reculer cette fois. Elles se mêlaient, nos lèvres, nos langues, contrant, se rencontrant, plus fort. Des gémissements étaient étouffés, les miens, ou les siens, et j'embrassais et embrassais encore, le souffle brisé, les poumons en feu. Lorsqu'il fallut mettre fin au baiser, je haletais difficilement, des étincelles couleur whisky explosant devant mes yeux, le front fiévreux. Rogue, tremblait. Nous nous accrochions l'un à l'autre. J'avais besoin de lui, ce soir. Pas envie de réfléchir... Juste...
-Restez dormir avec moi cette nuit; murmurai-je, s'il vous plaît.
-Oui; souffla-t-il...
J'ouvris la porte de mes appartements, me forçant à le lâcher, notant sans y prendre garde qu'il tenait un pan de ma cape jusqu'à arriver à ma chambre. Puis il me l'enleva, je fis de même avec la sienne, sa robe de sorcier, nos chaussures finalement. L'alcool et la fatigue se mêlaient cette fois, et je l'entraînai sans peur jusqu'au lit. Sous les draps, je me blottis contre lui, retrouvai l'étreinte possessive familière, fermai les yeux.
Merlin...
