Chapitre 15

Elle se réveilla à l'infirmerie de Poudlard, ce qui lui rappela quelques souvenirs. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Et puis elle vit Severus sur une chaise près de son lit. Il était pâle, ses yeux cernés de noir.

-Sev…

-Pas un mot; siffla-t-il.

Effectivement. La douleur la crucifiait. Elle cligna des yeux, mais elle voulait savoir pour Sirius, les enfants. Elle ouvrit la bouche, se prit un regard noir, et la referma sans rien dire.

-Poppy a soigné ton poumon perforé; siffla-t-il entre ses dents serrées. Elle a pu réparer tes côtes. Cependant, elle ne peut rien pour ton oreille.

Khorine fronça les sourcils et voulut lever la main vers ce que Severus fixait. La douleur l'arrêta. Elle s'aperçut que ses bras et son torse étaient recouverts de bandage.

-Tu as perdu la moitié de ton oreille droite; lâcha Severus.

Elle cligna des yeux, fronça les sourcils, et les autres? Les enfants? Sirius? Il parut comprendre.

-Londubat, Granger et Weasley sont partis chercher de l'aide après ta… perte de connaissance. Potter s'est précipité vers Black. Il semblerait qu'il l'ait sauvé d'une centaine de Détraqueurs.

Khorine cligna des yeux.

-Les aurors ont arrêté Black… qui s'est mystérieusement évadé quelques heures plus tard.

Le sourire revint sur le visage de la sorcière tandis que celui de Severus s'assombrissait encore.

-Imbécile; lâcha-t-il dans un grondement sourd.

Elle tenta d'atteindre ses poings crispés mais la douleur lui coupa le souffle. Severus se leva brusquement.

-Te rends-tu seulement compte de ce que tu as fait?

-J'ai…; tenta Khorine.

-Pas un mot; siffla-t-il violemment.

-Severus je…

Il avança brusquement d'un pas, le visage déformé par la rage. Khorine se tut. Il s'arrêta, les mâchoires crispées, les yeux comme des trous noirs. Ses yeux qu'elle aurait pu ne jamais revoir. Quelque chose de très doux passa sur le visage de la sorcière. Severus détourna le regard.

-Imbécile; lâcha-t-il encore.

Puis il se détourna dans un envol de cape et quitta l'infirmerie. Khorine se retrouva seule, le goût du sang dans la bouche, bientôt assourdie par le silence. Severus… Ses paupières papillonnèrent, elles se fermèrent toutes seules… Elle s'endormit.

Lorsqu'elle reprit connaissance, une chaleur familière était lovée contre son flanc gauche et elle sentait la présence de Severus. Elle ouvrit un œil. Aldwin dormait tout contre elle, le museau sous son bras. Et Severus était là, assoupi sur sa chaise. Leurs lentes respirations comblaient l'espace, l'apaisait, elle sourit, se laissant bercer par leurs souffles et se rendormit.

Le lendemain, Neville et ses amis vinrent la voir à l'infirmerie, sous la surveillance acérée de leur maître des potions… Ils tinrent trois minutes avant d'être renvoyés de l'infirmerie. Khorine ne prit même pas la peine de protester. Mme Pomfresh vint changer ses bandages et après d'âpres négociations, principalement avec Severus, elle put sortir de son lit, et quitter l'infirmerie.

-Hors de question; siffla-t-il, que tu transplanes dans ton état.

Il lui maintenait le bras et elle s'appuyait sur lui pour réussir à marcher.

-Je ne suis pas à l'agonie Severus.

Un superbe regard noir l'empêcha de continuer. Il l'entraîna dans ses appartements, Aldwin sur les talons, et ces deux-là la couvèrent durant près d'une semaine.

Remus fut finalement autorisé à entrer dans les quartiers de Severus. Severus ne le lâcha pas d'un regard haineux alors que le sorcier s'approchait de Khorine. Elle le prit dans ses bras. Aldwin, allongé devant le feu tourna la tête vers eux.

-Est-ce que ça va? Demanda-t-elle doucement tandis qu'ils s'asseyaient sur les canapés du salon.

Remus soupira. Ils sentaient sur eux le lourd regard du maître des potions.

-J'ai démissionné… après ce qui est arrivé, je ne pouvais pas rester… J'aurais pu blesser les enfants. J'ai failli te tuer, et Sirius; sa voix se craquela.

-On ne t'a pas raté non plus; tenta Khorine.

Remus renifla misérablement. Il y eut un silence. Lorsqu'elle sentit Severus ouvrir la bouche, elle le devança:

-C'est un regrettable oubli. Mais nous étions obnubilés par la carte et les traces de Sirius et Peter. J'aurais pu te rappeler de prendre ta potion.

-Ne lui trouve pas d'excuses; siffla Severus en insistant sur chaque mot. Il a failli te tuer.

La tête de Remus ploya.

-Si Remus n'avait pas été là, on n'aurait jamais retrouvé Sirius et Peter à temps.

-Si Remus n'avait pas été là, Pettigrow ne se serait jamais enfui!

-Oui parce qu'on aurait laissé les enfants entre Sirius et Peter et qu'on ne sait pas ce qui aurait pu arriver! Sirius aurait pu être capturé et renvoyé à Azkaban à l'heure qu'il est!

-Ce qui ne serait pas un si grand mal.

-Severus! S'indigna la sorcière.

-Tout le monde ne partage pas ton inclination envers les parasites comme Black.

Khorine croisa les bras, clairement furieuse. Severus haussa un sourcil tout en continuant à la toiser par-dessus son nez en étrave. Remus les observait. Finalement Khorine lâcha:

-Vous êtes du même côté, il serait temps que tu t'en rendes compte.

-Cela reste à voir; siffla-t-il.

Khorine soupira, avant de se tourner vers Remus:

-Du thé? Ou un café peut-être?

Elle se comportait ici comme chez elle, Severus ne réagit même pas et Remus cligna des yeux.

-… Non, merci. Je vais peut-être…

-Quand est-ce qu'on se revoit? On ne peut pas arrêter nos sorties comme ça; lâcha-t-elle en s'approchant dans le canapé.

-Après ce qui s'est passé…

-Ne dis pas de bêtises. Et maintenant que tu n'es plus à Poudlard on va pouvoir changer de bar, l'Hellébore à Londres est vraiment sympa. Je transplanerai avec Hagrid.

Remus soupira, il baissa la tête sur ses mains jointes. Khorine les prit entre les siennes. Il y eut un mouvement indigné de la part de Severus mais Khorine l'ignora.

-Remus… C'était un accident.

Il releva des yeux malheureux et demanda:

-Et ton oreille?

-Ce n'est…; tenta-t-elle.

-N'essaye pas d'enjoliver. Montre-lui; grogna Severus depuis son coin du salon.

Elle jeta un coup d'œil à Severus, puis à Remus, soupira, et souleva les longues mèches de cheveux noirs du côté droit. Trois profondes griffures partaient de sa mâchoire et remontaient jusqu'au tragus, le reste de l'oreille externe avait été arraché. Les plaies cicatrisaient doucement.

-Je vais… Je vais vous laisser; murmura Remus en se levant.

Il tangua, blême. Khorine le rejoignit et avant qu'il ne puisse s'écarter, elle le prit dans ses bras. Il se figea. Khorine serra plus fort.

-C'était un accident, Remus. Je ne t'en veux pas; murmura-t-elle.

Il ne bougea pas.

-Neville m'a même dit que ça me donnait un côté plus cool.

Le front de Remus cogna contre l'épaule de la jeune femme. Il tremblait. Ses bras finirent par se refermer autour du corps de Khorine. Elle sentit son col de chemise se mouiller. Elle ferma les yeux. Elle ne savait pas combien de temps ils restèrent ainsi, enlacés, au milieu du salon de Severus. Mais celui-ci finit par se racler la gorge. Remus s'écarta, les yeux rougis.

-Je ne te mérite pas.

-Ne dis pas de bêtise.

Pour appuyer ses dires, Aldwin vint lécher la main de Remus. Il renifla et un minuscule sourire apparut, fugitivement. Il prit congé juste après. Lorsque la porte se referma derrière lui, Khorine se tourna vers Severus. Un masque froid recouvrait ses expressions.

Ils se fixèrent longuement.

Khorine finit par avancer vers lui, d'un pas. Il crispa les mâchoires. Elle s'arrêta. Il les desserra juste assez pour siffler:

-Combien de fois as-tu enlacé le loup-garou?

Il y avait une rage froide, mais, tout au fond de ses yeux de nuit, quelque chose se brisait. Khorine avança encore d'un pas, jusqu'à se retrouver à un souffle de Severus.

-Severus; murmura-t-elle en lui posant une main sur le cœur.

Il tressaillit.

-Ce n'est pas entre lui et un loup-garou que je me suis jetée…

Un infime soupir s'échappa d'entre ses lèvres. La colère disparut de son visage et il laissa entrapercevoir une telle souffrance que son cœur se serra.

-… Ce n'est pas lui que je retrouve toutes les semaines. Ce n'est pas lui qui porte mon détecteur de magie noire; qui connaît les elfes du manoir; qui m'a aidée à sauver Aldwin.

Elle sentait, à travers les couches de tissus, le cœur de Severus battre fort. Il la fixait, sans masque, avec cette faible lueur d'espoir. Elle inspira lentement, puis pris sa décision, le fixa droit dans les yeux, et murmura:

-Je ne te le répèterai pas, alors écoute-moi bien. Tu es et resteras le seul pour moi. Lorsque tu n'es pas là, je sens un manque dans ma poitrine, un vide, et je peux continuer à fonctionner mais tout devient fade, la nourriture, les rires, les gens. Quand tu es à mes côtés, je me sens si bien que je ne voudrais plus jamais repartir, le monde se colore et tout devient passionnant. Mon esprit est toujours, d'une manière ou d'une autre, lié à toi, je pense à toi en me levant, en préparant du thé, en coupant des ingrédients, en calculant des concentrations; et chaque moment passé avec toi emplit ma tête de tous ces petits détails qui font que tu es toi et personne d'autre. J'ai passé tellement de temps à tes côtés que je te connais par cœur. Je pourrais te reconnaître dans le noir, à la texture de ta peau, ou à ton odeur ou au tissu particulier de tes vêtements. Je connais ton aura dans ses plus infimes détails; la couleur onyx de tes yeux en hiver et d'un noir presque bleu en été. Je sais que tu prends ton thé sans sucre ni lait et que tu as un faible pour l'Earl Grey, que tu préfères le vieil Ogdens de quinze ans d'âge, vieilli en fût de chêne. Je sais que…

Il plaça délicatement sa main sur sa bouche et elle se tut. Un infime sourire se dessinait aux coins des lèvres de Severus et ses yeux la fixaient avec une douceur qu'elle ne leur avait encore jamais perçu. Les doigts de Severus vinrent caresser sa joue et se perdre dans ses longs cheveux noirs. Khorine pencha la tête, savourant le contact de ses grandes mains fines. Elle fermait les yeux… Severus se pencha lentement, et effleura ses lèvres du bout des siennes. Elle en frissonna. Ses mains partirent à la recherche de ses robes noires qu'elles agrippèrent. Ses lèvres revinrent sur les siennes, les enveloppant, doucement. Khorine se lova tout contre elles, ses doigts dérivèrent jusqu'aux cheveux fins de Severus. Un rire incongru s'échappa de la barrière des lèvres de Severus, bientôt happé par Khorine. Elle gémit. Il la maintint plus fort dans ses bras.

Lorsque leurs bouches finirent par se séparer, leurs fronts se rejoignirent. Khorine frissonnait de plaisir dans ses bras forts. Elle releva la tête pour regarder au fond de ses yeux de nuit, et murmura:

-Je t'aime Severus.

Elle replaça sa main tout contre son cœur et sentit ses battements. Ils se sourirent.

oOo

Dans les mois qui suivirent, ils parvinrent enfin à stabiliser leur potion de localisation des Horcruxes et partirent avec Albus les détruire. Grâce au jeune Harry, ils savaient que le venin de basilique était efficace. Ils trouvèrent le médaillon dans l'ancienne maison des Black, le diadème à Poudlard, la bague des Gaunt et empêchèrent Albus de la passer à son doigt, ils trouvèrent la coupe de Poufsouffle. Tous furent détruits. D'après leur carte, il en restait deux. Harry, et autre chose, qui se déplaçait sans cesse.

Lorsqu'ils ne travaillaient pas à localiser l'Horcruxe ou à trouver comment sauver Harry, Severus et Khorine créaient de nouvelles potions pour la guerre, et durant son temps libre Khorine cherchait Sirius avec l'aide de Remus. Lorsqu'ils finirent par le localiser, dans une grange moldue délabrée, à moitié transi de froid, Khorine le prit par une épaule, Remus par une autre, et ils transplanèrent devant le 12 Square Grimmault. Ils prirent soin de lui, repartirent chercher Buck, et les remirent tous deux sur pied et pattes. Après cela, tous les week ends, Remus et Khorine lui rendirent visite, des bières à la main. Et puis Emmeline eut vent de l'affaire par Khorine et insista pour se joindre à eux. Quelque part, Khorine en parla également à Hagrid, qui s'ajouta à leur compagnie. Sirius grogna qu'à ce train-là, il n'avait plus qu'à inviter tout l'Ordre dans son salon. Khorine répliqua que ce n'était pas une si mauvaise idée. Arthur et Molly, ainsi que Franck, Alice, Shackelbot et même Minerva finirent par faire des apparitions durant leurs réunions du samedi; et durant ces moments, il leur semblait que rien n'avait changé.

Lorsque Severus s'énervait de la voir partir une fois de plus chez Black, elle s'approchait, et posait une main sur son cœur. Il soupirait parfois mais la laissait toujours repartir.

Durant l'été de cette année-là, l'humeur de Severus se détériora soudain. Il devint volatile, la quittant parfois en plein milieu d'une discussion, refusant qu'elle le touche. Ses nuits devinrent plus agitées, il faisait de mauvais rêves, dont il refusait systématiquement de parler. Lorsqu'un jour il tressauta lorsqu'elle voulut lui prendre l'avant-bras gauche, elle se figea.

-Severus; murmura-t-elle les yeux agrandis d'effroi.

Il s'agrippa le bras gauche, serrant cruellement.

-Non.

-Elle se réveille…

Il se replia sur lui-même, comme un animal blessé:

-Sors d'ici.

-Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt?

Severus bondit à ces mots.

-Pourquoi? Pourquoi ne t'ai-je pas rappelé cette chaîne immonde qui me relie au Seigneur des Ténèbres? Pourquoi ne t'ai-je pas dit qu'il nous appelait, nous, ses fidèles? Qu'Il se réveille? Que bientôt, je m'agenouillerai de nouveau devant Lui, torturerai à Son ordre, tuerai s'Il le demande? Tu me demandes pourquoi ne t'en ai-je pas parlé plus tôt? Finit-il dans un grondement de tonnerre.

Khorine croisait les bras, les sourcils froncés, immobile devant toute cette rage qu'il lui crachait à la figure.

-Severus… Si tu ne veux pas y retourner, tu n'y retourneras pas.

Un ricanement mauvais lui échappa.

-J'ai une potion capable de détruire le cœur d'un sortilège de magie noire. Elle a marché pour ma jambe, elle pourrait marcher sur ta Marque.

Il y eut un silence. Lourd silence.

-Et si les informations que j'obtenais en tant qu'espion pouvaient sauver des vies? Et si je devais me sacrifier pour que cette guerre s'achève?

-Je ne te laisserai pas faire; lâcha-t-elle, hachant chaque mot. Il ne reste que deux Horcruxes avant qu'Il ne redevienne mortel. Nous Le tuerons avant qu'Il puisse en faire d'autres. Tu ne retourneras jamais à Son service. Nous pouvons effacer ta marque maintenant.

Un autre silence s'abattit sur la pièce. Ils restaient debout, face à face, se fixant à la lueur des flammes. Puis Severus lâcha:

-Je ne suis pas un lâche. Je ne fuirai pas devant mes responsabilités… La Marque disparaîtra de mon avant-bras lorsqu'il sera vaincu, pas avant.

Ses prunelles brûlaient d'un feu violent.

-Je sais; murmura Khorine.

Elle s'avança d'un pas, puis d'un autre, et lui prit le poignet. Il la laissa faire sans un mot. Bouton par bouton, elle défit la manche gauche de sa robe de sorcier, elle défit ensuite les boutons de sa chemise blanche, puis les releva. La Marque apparut, plus sombre que dans son souvenir. La peau de Severus semblait légèrement boursouflée sur ses bords, et des griffures la parsemaient. Elle la fixa intensément. Puis, avec beaucoup de douceur, leva l'avant-bras gauche de Severus et courba la tête. Ses lèvres se posèrent sur la peau meurtrie. Severus tressaillit.

-Que fais-tu?

Elle déposa un autre baiser sur la Marque. Quelque chose de sombre l'entourait, se dilatait, en sortait, mais c'était la peau de Severus qu'elle embrassait.

-C'est la marque de ton courage; chuchota-t-elle doucement avant de le regarder droit dans les yeux.

Ses lèvres embrassèrent de nouveau la peau meurtrie. Severus haletait. Elle lui sourit et le guida jusqu'au canapé, où elle se blottit contre lui tout en caressant sa Marque.

-Toi entre tous ne devrait pas; commença Severus…

Il fut interrompu d'un baiser sur les lèvres. Puis Khorine reporta son attention sur son avant-bras. Sa bouche effleura la peau sensible, frissonnante. Elle la lécha et un long frémissement parcourut Severus.

-Je ne te savais pas si sensible; murmura-t-elle cajoleuse.

Un grognement échappa à Severus et il renversa sa tête contre le dossier du canapé tandis que Khorine entreprenait de déboutonner sa robe de sorcier. Elle la lui enleva, fit de même avec sa chemise. Dès qu'il fut torse-nu elle entreprit d'embrasser chaque parcelle de peau dévoilée, commençant au creux de sa clavicule pour descendre, lentement, le long des bras, des avant-bras, léchant la Marque, revenant à son torse. C'était pure agonie pour Severus. Il haletait, s'abandonnant à ses lèvres, à ses dents, à ses mains, à son corps; s'abandonnant à elle, enfin; et liant son âme meurtrie à la sienne sans plus de retenue.