Chapitre 10
Ils avaient arraché les fragments de bois de son avant-bras et refermé la plaie béante, ils lui avaient fait boire plusieurs fioles de régénération sanguine, avaient soigné ses côtes cassées. Pour sa jambe ils avaient retiré les morceaux d'os brisés, avaient replacé les extrémités du fémur et lui avaient fait ingurgiter de la poussos ainsi que des somnifères pour lui éviter de souffrir. Malgré les bons soins des médicomages de Sainte Mangouste une infection s'était déclarée et Khorine souffrait d'une violente fièvre, couverte de sueur, brûlant de l'intérieur, gémissant de douleur. Ron se trouvait dans le lit d'à côté, vivant, inconscient. Aucune visite n'était autorisée. Il n'y avait que la souffrance. Partout. Un nom glissait d'entre ses lèvres parfois, parfois elle délirait et voyait ses amis dévorés par les flammes. Au bout du quatrième jour la fièvre baissa et Ron ouvrit les paupières.
Harry et Hermione les rejoignirent dès que les visites furent autorisées. Et il ne s'était pas passé quinze minutes que les portes de la chambre s'ouvrirent de nouveau, en grand, sur une haute silhouette drapée de noir. Severus Rogue venait d'entrer. Le sorcier se dirigea vers Khorine, ignorant tout le reste. Harry s'écarta d'un pas et Khorine fixait, stupéfaite, l'homme qui s'approchait et qui s'arrêta à dix centimètres de son lit. Son teint était gris cendre, de larges cernes s'étendaient sous ses yeux brûlants, ses cheveux gras pendaient le long de son visage plus émacié qu'à peine une semaine plus tôt. Khorine était en robe d'hôpital, un énorme bandage autour de son avant-bras gauche, un autre à sa jambe gauche cachée par les draps, des contusions, brûlures et coupures sur son visage et les parties visibles de sa peau.
-…
Un lourd silence recouvrait toute la chambre d'hôpital. Le regard brûlant de Severus détaillait tout son corps, chaque parcelle blessée, et une fureur sans nom gonflait, gonflait, ses lèvres fines ne formaient plus qu'une ligne serrée, ses mâchoires étaient contractées.
-Potter; siffla-t-il soudainement d'une voix rauque sans détourner les yeux de Khorine, encore une de vos missions à succès. Félicitations.
Tout le monde blêmit.
-Sur une faction de quinze vous n'avez perdu que sept aurors et vous n'avez que deux blessés graves qui se trouvent ici-même.
-Je…
-Ne pensez-vous pas que vous avez assez joué avec la vie de vos précieux amis? Cracha-t-il en se tournant vivement vers Harry. Khorine est une maîtresse des potions, elle n'a rien à faire sur un champ de bataille à risquer sa vie pour vos imbécilités. Ne…
-Severus! Le coupa-t-elle. C'est mon choix d'être sur le terrain et…
Ce dernier l'ignora pour s'avancer vers Harry de l'autre côté du lit.
-Regardez ce que votre incompétence a manqué de provoquer. Même votre père n'a rien causé d'aussi désastreux au cours de sa carrière d'auror.
-Laissez mon père en dehors de ça; réussit enfin à répondre Harry les mâchoires serrées.
Harry qui était si pâle, si fatigué, hanté par des cauchemars dévorés par les flammes.
-Vos derniers petits neurones viables vont faire un effort pour se connecter et vous allez signer les parchemins sur votre bureau stipulant que Khorine Lumare est relevée de ses fonctions d'auror pour ne se consacrer qu'aux potions. Vous allez le faire Potter.
Ses yeux noirs brûlaient le visage d'Harry, brûlaient comme les flammes du bar, de ses cauchemars. Rogue l'accusait pour tous ces morts. Rogue avait raison. Khorine était furieuse.
-Severus! Tu sors maintenant! Gronda-t-elle sans se rendre compte du tutoiement. Il y avait des espions dans les autres factions d'aurors, on ne pouvait pas être plus! Et avec un effectif aussi petit, réussir à contrôler tout le groupe de Victorin est une victoire!
-Vous appelez votre état une victoire, peut-être? Et comment allez-vous continuer à brasser vos potions avec un bras cassé? Avec des gestes que vous ne contrôlerez plus? Comment trouverez-vous l'endurance pour supporter des nuits entières de travail au-dessus d'un chaudron avec un corps brisé? Comment maîtriserez-vous votre respiration pour l'adapter à vos potions avec des côtes cassées?
-Peu importe! C'est mon choix! Harry n'y est pour rien!
-Vous osez me faire croire que si ces deux cornichons n'étaient pas aurors vous resteriez à votre poste?
-Eh bien non! Mais ils le sont et c'est moi qui ai choisi de les suivre! Cria-t-elle des larmes commençant à apparaître au bord de ses yeux fatigués. Et si je n'avais pas été là, Ron se serait vidé de son sang et aurait peut-être brûlé dans ce bar. Et si je n'avais pas été là, Harry aurait peut-être reçu un Avada!
Rogue la fixait, pâle, les bras croisés, puis se tourna vers Harry.
-Voilà ce que vous provoquez, Potter.
Puis il repartit dans un envol de cape. Les portes se refermèrent derrière lui et un silence de plomb s'abattit sur les occupants de la pièce. Hermione et Ron n'avaient pas sorti un mot depuis que le maître des Potions était entré. Ron était encore sous le choc, Hermione réfléchissait à plein régime. Khorine, elle, tremblait de colère et était inquiète pour Harry qui fixait le vide.
…
-Eh en fait Khorine, la chauve-souris t'appelle par ton prénom maintenant; fit remarquer Ron.
Les trois autres hochèrent vaguement la tête.
-C'est pas bizarre qu'il soit venu juste pour te faire travailler que en Potions?
Il y eut un silence étrange. Khorine soupira pour calmer sa colère:
-Harry? Appela-t-elle. Oublie ce qu'il a dit. Je ne veux pas être autre part qu'avec vous, dans notre faction. Je… Je m'ennuierai à faire des potions toute la journée, j'ai besoin d'un peu d'action…
Sa tentative d'humour tomba à plat. Le reste de la journée passa bizarrement. Ginny fit son apparition pour prendre de leurs nouvelles puis repartit travailler, Hermione et Harry les laissèrent se reposer. Deux jours plus tard, les deux amis pouvaient sortir. Khorine préféra rentrer chez elle plutôt que d'avoir à supporter la culpabilité écrasante qui pesait sur les épaules du Survivant dès qu'il la voyait. Elle boîtait et avança difficilement jusqu'au porche de sa maison. Quelques rayons de soleil réchauffaient son dos tandis qu'un vent d'avril balayait les fleurs de cerisier de l'allée. Son énergie magique était au plus bas. Elle se sentait fatiguée, parvint à ouvrir et fermer la porte et partit s'écrouler dans son canapé. Elle s'endormit là. Quelques heures plus tard une sonnerie la tira de sa torpeur. Un coup d'œil à l'horloge lui apprit qu'il était dix-neuf heures. Elle soupira. Harry était sûrement venu voir comment elle allait. Par Merlin… Elle était fatiguée… ne pouvait-il pas… La sonnerie retentit de nouveau. Elle s'obligea à se lever et boitilla jusqu'à la porte.
-J'arrive, j'arrive… Harry je…
Elle haleta, reconnaissant Severus Rogue devant elle. Rigide, revêche, il était sur son porche et ses yeux noirs étaient brûlants. Ses lèvres étaient pincées. Khorine mit un peu de temps avant de réussir à parler:
-Severus?
-Me laisserez-vous entrer? Demanda-t-il d'un ton rauque.
Khorine aurait dû le détester pour ce qu'il avait dit à Harry, elle aurait dû lui refermer la porte au nez. Mais elle était fatiguée. Elle s'écarta en s'appuyant sur sa jambe ressoudée et grimaça de douleur. Rogue le remarqua. Il l'observa boîter jusqu'au salon. Il prit le fauteuil, elle se rassit sur son canapé.
-Du thé?
-Ne soyez pas ridicule, vous êtes incapable de conjurer une tasse.
-Je peux très bien me lever et le faire moi-même; rétorqua-t-elle, irritée.
Il ne répondit rien et sortit sa baguette pour faire apparaître lui-même une théière fumante, deux coupelles et deux tasses. C'était extrêmement impoli. La théière voleta et versa délicatement le liquide chaud dans le récipient pour Khorine qui se logea ensuite au creux de ses mains. Ses mains avaient été froides, elle le sentait maintenant que la chaleur se répandait le long de sa peau.
-Vous avez encore une semaine d'arrêt. Je vous interdis de remettre les pieds au Ministère durant ce laps de temps.
-Sinon quoi? Vous allez me renvoyer? Grogna Khorine décidément irritée par son ton.
Elle n'était plus une écolière de onze ans. Il n'avait rien à lui ordonner, et rien à décider à sa place. En plus elle avait les cheveux gras, tressés maladroitement, les traits tirés, elle avait des cicatrices rougeâtres sur le front, la mâchoire et au coin de l'œil. Rogue la fixait de ce regard ardent qui la gênait. Elle porta la tasse à ses lèvres, les sourcils froncés.
-Khorine; s'éleva la voix rauque de Rogue, vous auriez pu ne jamais revenir.
Elle tressaillit à en renverser des gouttes de thé, ses yeux agrandis par la surprise. Que venait-il… Lentement, elle releva son regard vers lui. Severus la fixait, intensément, douloureusement. Il ne cachait plus rien derrière son masque de dureté. Il avait eu peur qu'elle ne revienne pas. Il était venu voir si elle allait bien, il lui avait interdit de revenir au Ministère, il l'avait visitée à l'hôpital, il avait l'air pâle et fatigué, il l'avait embrassée dans son laboratoire…
Tous ces détails sautaient au visage de Khorine qui restait, haletante, tremblante, le cœur tambourinant dans sa cage thoracique. Les orbes noirs de Severus étaient envoûtants, elle aurait voulu s'y perdre, elle aurait voulu…
-Le bar était en feu, un Feudeymon avait été libéré et il venait de brûler vivant mon coéquipier.
Sa voix trembla, puis elle ferma les yeux, et reprit:
-J'ai couru vers la sortie, j'avais des cendres plein la bouche. J'ai vu Harry avec Ron plus loin, et j'ai lu dans son regard que j'allais mourir.
Le visage de Severus exprimait plus que des mots son tourment.
-Alors je me suis arrêtée, je les ai regardés, j'ai regardé ceux qui s'enfuyaient, j'ai regardé les flammes, partout, et puis… Et puis j'ai pensé à toi. Et j'ai murmuré ton prénom. Je t'ai appelé. Je t'ai vu devant mes yeux et je ne sais pas pourquoi, je me suis tournée vers le Feudeymon et mon patronus est apparu. Et je pensais à toi. Ensuite les flammes ont disparu, il y a eu un craquement violent et le plafond est tombé. Je crois que…si je suis encore en vie… c'est grâce à toi; finit-elle dans un souffle.
C'en fut trop pour Severus qui se leva de son fauteuil, pour refermer violemment ses bras sur la jeune femme. Ce devait être la première fois qu'il s'autorisait ce genre de contact, il était rigide. Khorine n'y prêta aucune attention, se fondant contre son corps fin et logeant sa tête dans le creux de son cou. Elle était heureuse d'avoir survécu.
ooOoo
Il était revenu, tous les jours, préparant du thé et s'asseyant dans son fauteuil. Elle lui demandait des nouvelles du laboratoire, ils parlaient de leurs prochaines potions, ils finissaient par lire face à un bon feu de cheminée. Les blessures de Khorine se résorbaient ne laissant que de fines cicatrices sur sa peau, les cloques de sa jambe disparaissant. Quand il partait, il hésitait toujours avant de se pencher pour lui embrasser rapidement le coin des lèvres. Ses hésitations étaient touchantes, son contact -pourtant si bref- enivrant.
Ils étaient ainsi en train de lire au coin du feu, un samedi soir, lorsque Khorine sentit une chaleur désagréable contre sa cuisse; une vibration. Avec un halètement violent, elle comprit qu'il s'agissait de son gallion.
Elle le sortit aussitôt. Une lumière verte s'en dégageait ne laissant aucun doute. Harry avait des ennuis.
-Le square Grimmault est attaqué; souffla-t-elle d'une voix blanche avant de bondir sur ses deux pieds.
-Reste-là, je m'en charge.
-Hors de question; rétorqua-t-elle les sourcils froncés.
-Khorine; siffla le sorcier d'un ton dangereux.
-Nous n'avons pas le temps! Viens avec moi!
Et sans attendre, Khorine attira sa ceinture de potions d'un Accio puis courut en boîtant vers son pot de poudre de Cheminette.
-Cuisine du 13 Square Grimmault! Lança-t-elle avant de sauter dans les flammes vertes avec Severus.
Harry, Ginny, Hermione et Ron étaient déjà là.
-Rogue? Chuchota Ronald, incrédule.
-Un problème M. Weasley? Siffla-t-il d'un air peu amène.
-Pourrait-on se concentrer sur ce qui nous amène? Grogna Khorine, gênée soudain.
Harry secoua la tête à manquer d'en perdre ses lunettes avant de se reconcentrer. Quelqu'un essayait d'entrer. Kreattur l'avait senti et Harry et Ginny avaient aussitôt barricadé la cuisine avant de les appeler.
-Qu'est-ce qu'on faitalors?
-Le couloir est étroit, tout en longueur, on n'aurait pas l'avantage à six. Il faut les laisser entrer jusque dans le hall. Là on pourrait attaquer en trois groupes, un à gauche, un à droite, un au milieu; réfléchit Ron rapidement.
-Un auror dans chaque groupe; assentit Harry avec un hochement de tête.
-Il y a toujours une plante verte dans le hall, n'est-ce pas? Demanda Khorine. Potions 8 et 9?
Harry et Ron hochèrent la tête. Hermione et Ginny partagèrent un regard admiratif tandis que Rogue cachait son ressenti sous un masque neutre.
-Je dois juste vous dire; chuchota Ginny tout à coup, je suis enceinte.
Tout le monde sursauta; partagé entre l'envie de la cloîtrer dans une pièce à l'écart du danger, de la féliciter, ou de lui poser plein de questions. Et puis…
-Tu restes dans cette cuisine! Lâchèrent Harry, Ron, Hermione et Khorine simultanément.
Ginny allait protester, la porte d'entrée céda dans un craquement sec. Les trois groupes se formèrent aussitôt, moins Ginny. Hermione et Ron restèrent dans la cuisine, Harry se faufila jusqu'au salon, Khorine et Rogue entrèrent dans la bibliothèque. Ils entendaient les grincements des intrus sur le parquet. Ils étaient deux. Harry apparut devant eux, devant Victorin et un de ses hommes.
-Harry Potter; cracha Victorin, tu vas regretter d'avoir détruit la Voie du Plus Grand Bien.
Ronald apparut avec Hermione à leur gauche et ricana:
-C'est comme ça que vous vous appelez? La VPGB? De notre temps c'était l'AD pour Armée de Dumbledore, n'est-ce pas Hermione? Ça sonnait mieux.
Hermione hocha vaguement la tête, inquiète. Victorin et le sorcier blond qui le suivait étaient tournés vers Ron. Khorine s'avança discrètement vers le hall, décrocha la potion 8 de son compartiment et d'un tir parfait la fit s'écraser au pied de Victorin. La potion 9 fut jetée sur la Clusiacée en pot du meuble d'entrée. Les deux ennemis n'eurent que le temps de tourner la tête avant que la plante ne commence à pousser, se développer, à étirer ses tiges souples vers la source de la potion 9, pour l'étouffer. Severus observait sans faire mine d'attaquer et Khorine se jeta avec Harry et Ron dans le hall pour commencer le combat. Le sorcier blond fut stupéfixé en moins d'une minute tandis que Victorin paraît tous les sortilèges et combattait la plante en rage.
Un sortilège de magie noire se déversa d'entre ses lèvres pâles tandis que ses yeux verts brûlaient de folie. Le feudeymon explosa de sa baguette pour brûler la Clusiacée jusqu'aux racines. Harry, Ron et Khorine foncèrent aussitôt vers le danger, baguettes levées:
-Expecto patronum!
Un cerf, un chien et une louve s'ébrouèrent dans des gerbes de magie blanche avant d'attaquer le serpent de flamme. Khorine boîta vers Harry, et Ron les rejoignit pour lancer ensemble un Expelliarmus qui traversa les boucliers magiques de leur ennemi. Celui-ci perdit sa baguette et partit s'écraser contre un mur. Il fut stupéfixé comme son comparse et tout fut terminé.
Le combat avait duré moins de dix minutes. Ginny, Hermione et Severus n'avaient même pas eu à lever la baguette.
-Qu'est-ce qu'on fait? On les livre au Ministère maintenant?
-On va encore se taper des rapports à remplir; soupira Ron.
-Langage; claque Severus.
Le roux se renfrogna. Hermione le rejoignit et proposa:
-Allez vous occuper d'eux, on va s'occuper de trouver un gâteau et de la Biéraubeurre pour fêter la grossesse de Ginny!
-Attention, pas d'alcool pour toi Ginny! Lança Khorine concernée.
-Ça va! Protesta Mme Potter.
Severus accompagna les aurors, peu désireux de rester parler gâteaux avec Mesdames Potter et Weasley. Il avait à peine prononcé un mot depuis qu'ils avaient quitté en urgence le salon de Khorine. Sûrement le résultat d'une immersion brutale chez une armée de Gryffondor qu'il avait toujours détesté. Khorine s'étonnait qu'il soit encore à ses côtés.
Ils convoyèrent les deux sorciers inconscients jusqu'aux cellules du département des Mystères, signèrent des registres et Harry envoya une note à Aberswhyth. Ils rentrèrent pour trouver un énorme gâteau préparé, des boissons fraîches et deux femmes apparemment fières d'elles.
Tout allait bien. Rogue n'était absolument pas dans son élément mais il ne tentait pas encore de kidnapper Khorine pour l'obliger à rentrer. Celle-ci était prise dans une discussion inintéressante concernant les différents sorts de diagnostic à réaliser sur un fœtus avec Mmes Potter et Weasley. Severus s'était mis en retrait près de la bibliothèque et Potter ne trouva rien de mieux à faire que de le rejoindre.
Ce qu'ils se dirent fut, en premier lieu, noyé par le bruissement de la conversation des jeunes femmes, et puis le ton monta:
-Les souvenirs que… sélectionnés… pour… n'êtes pas le centre du monde Potter! Votre mère est morte!
Un lourd silence s'abattit sur le petit groupe. Toutes les têtes étaient tournées vers Rogue et Harry. Ce dernier était pâle, ses mains tremblantes autour de sa bouteille.
-Mais… C'étaient mes yeux que vous…
-Il suffit; siffla Severus d'une voix dangereusement basse et tous ses anciens élèves en frissonnèrent. Votre aveuglement filial est tout à fait typique de l'imbécilité chronique des Gryffondor, aussi je me dois de vous rappeler que votre mère a choisi James Potter et est morte avec lui il y a vingt-six ans. Entendez-vous M. Potter?
Harry recula d'un pas, inconsciemment. Un rictus désagréable apparut à la lèvre supérieure de Rogue et celui-ci se tourna vers Khorine:
-Nous partons. Maintenant.
La Gryffondor ne pensa pas même à protester. Elle posa sa bouteille, suivit Severus, et ils disparurent ensemble sans un mot de plus. Un lourd silence s'abattit sur les sorciers restant au square Grimmault.
Chez Khorine, Severus se tenait debout et rigide devant la cheminée tandis que les jambes de la sorcière avaient cédé et qu'elle s'était effondrée sur le canapé. Elle ne voulait pas aborder le sujet. Elle ne voulait pas parler de Lily Evans.
-Comment peux-tu être amie avec un décérébré comme Potter?
Khorine se mordit la lèvre pour ne pas répondre.
-Cet imbécile qui pense avoir réponse à tout. Qui ose…
Khorine ferma les yeux, elle était blême, le visage contracté pour réprimer ses larmes. Une coulée d'acide lui parcourait l'œsophage et tout son être était froid. Elle avait mal.
-Khorine; soupira Severus et il lui prit la main, la faisant sursauter et ouvrir les yeux. Je ne supporte pas de te voir souffrir.
La sorcière eut un pauvre sourire malheureux et ses yeux s'humidifièrent un peu plus:
-Ce n'est rien; murmura-t-elle d'une voix cassée.
Et elle aurait voulu lui dire qu'elle ne faisait pas le poids contre Lily, qu'elle comprenait, que ce n'était pas de sa faute à lui.
-Regarde-moi; ordonna Severus anormalement doux.
Ses yeux d'un noir de nuit, qu'elle adorait depuis des années, lui arrachèrent une larme de son œil gauche. Il ne pourrait jamais l'aimer comme elle l'aimait. Elle avait été aveugle et idiote. Harry avait raison.
-Je suis désolée. Je t'aime tellement ; haleta Khorine alors que deux larmes lui échappaient. Je sais que je ne suis rien par rapport à elle. Je ne t'en veux pas.
Elle avait baissé les yeux.
-Regarde-moi; lui ordonna encore Severus d'une voix rauque.
Elle lui obéit, elle vit dans ses profondeurs noires qu'il souffrait, elle vit ses lèvres fines trembler sur des mots qu'il n'arrivait pas à prononcer.
-Tu es… la… seule que…
Khorine secoua la tête et Severus s'arrêta.
-Ne le dis pas. Je ne veux pas que ce soit à cause d'Harry.
Et quelque part, qu'il ait essayé de lui révéler ce qu'il ressentait, lui, l'espion, l'ancien Mangemort, la terreur graisseuse des cachots, était déjà parfait. Khorine essuya ses larmes et lui sourit doucement.
-Je t'aime; conclut-elle.
Severus soupira et la laissa se blottir contre lui. Par Merlin, il aurait la peau de Potter!
FIN
