Chapitre 14

-B'jour; marmonna Khorine en se réveillant, les yeux bouffis, les cheveux plus en bataille que jamais et encore entièrement nue.

-Khorine; répondit Severus d'un ton soigneusement neutre.

La jeune femme n'y prit pas garde et se rapprocha encore un peu plus de l'homme pour l'embrasser sur la joue. Il resta interdit. La fixant. Celle-ci se frotta les yeux:

-Bien dormi?

N'obtenant pas de réponse, elle cligna des yeux puis les dirigea dans sa direction. Il était blême, avec d'énormes cernes sous les yeux et il la dévisageait comme si elle avait basculé dans la folie.

-Tout va bien? Demanda-t-elle encore sans s'écarter du corps chaud du maître des potions.

-Tout va bien; répondit-il atone.

-Tu n'as pas l'air d'avoir bien dormi. Je suis désolée d'avoir pris autant de place dans ton lit, tu aurais pu me réveiller.

Devant l'air interdit du maître des potions, elle cligna des yeux, des pensées lui sautant au visage. Peut-être qu'il n'avait pas du tout apprécié qu'elle envahisse son espace, peut-être qu'il n'avait pas apprécié la nuit qu'ils avaient passée ensemble, peut-être qu'il allait la renvoyer… Le corps de la jeune femme se crispa aussitôt dans les bras de Severus qui ferma les yeux, il le savait…

-Est-ce que; osa Khorine avec courage, je te dérange? Ce n'était pas bien hiersoir ?

L'homme rouvrit les paupières, quelque chose d'indéfinissable au fond des prunelles.

-Penses-tu que tu serais encore ici si c'était le cas?

-Non; répondit-elle après avoir sérieusement réfléchi.

Cela arracha le fantôme d'un sourire à Severus. Et puis la Gryffondor reprit:

-Alors on pourrait recommencer, n'est-ce pas?

Severus parvint mieux à cacher son effarement cette fois-ci. Il hocha seulement la tête, et Khorine revint se blottir tout contre lui. Son associée ne devait pas penser clairement, elle ne savait pas ce qu'elle disait, ou alors elle voulait être polie et ne souhaitait pas recommencer, jamais, de sa vie. Severus ne devait pas espérer. Il n'espérait pas.

Ils finirent par se lever et eurent la journée entière pour expérimenter sur une potion de soin qui leur donnait du fil à retordre. Après dîner et quelques heures de lecture dans la bibliothèque, Khorine prit congé et rentra chez elle. Severus partit se servir un verre de whisky pur-feu. Il l'avait su.

Pourtant le lendemain, Khorine le frôla en passant le pas de la porte et lui adressa un sourire doux tel qu'il n'en avait jamais reçu par quelqu'un d'autre que cette femme. Severus resta stoïque. Il se trompait forcément. Trois jours plus tard, il n'en était plus si sûr, les mains agrippées aux hanches de Khorine qui le chevauchait. La sensation de se retrouver au-dessus de l'homme et de se faire pénétrer à son propre rythme était intense, et son regard onyx la brûlait et ses mains et ses grondements rauques et la peau marquée de cicatrices qui luisait de sueur à la lueur du feu... Severus eut un orgasme à couper le souffle et Khorine ne tarda pas à le rejoindre. Haletante, elle se laissa tomber près de son amant, qui ne tarda pas à l'amener à lui d'un bras possessif.

-Severus; marmonna Khorine dans un état post-coïtal, je partirai plus tôt que d'habitude demain. Je vais dîner avec un ami.

-Qui? grogna le maître des potions en resserrant sa poigne sur la jeune femme.

-C'est Yong, vous vous êtes rencontrés au bal du Ministère, il revient de son étude des forêts anglaises et...

-Non.

Khorine fronça les sourcils. Son état de bien-être intense s'évanouit, laissant place à beaucoup de prudence et d'attention. Elle étudia le visage de son amant.

-Ce n'était pas une question.

-Tu n'iras pas passer du temps avec ce jeune imbécile; rétorqua-t-il, une lueur de colère au fond des yeux et son bras toujours étroitement serré à sa taille. Nous avons du travail.

-Mais justement, il aura sûrement trouvé des spécimens rares et il en enverra d'autres de Chine.

-Nous avons bien assez d'ingrédients pour les dix prochaines années. La seule chose qui te pousse vers cet homme ce ne sont pas ses talents d'herboriste.

Khorine cligna des yeux, comprenant enfin. Severus était jaloux. Au point de vouloir l'empêcher de sortir.

-Yong ne m'intéresse pas, pas du tout. Je ne ferai jamais ça.

-Je ne sais pas ce que tu ferais ou pas, Magellus, mais il est hors de question que je te laisse batifoler avec ce chinois séducteur.

-Par Merlin; soupira Khorine, combien de fois devrais-je te le dire? Yong ne m'intéresse pas! Il n'y a que toi. Il n'y aura que toi.

-Voyez-vous ça; ricana Severus sans y croire.

La jeune femme posa doucement sa main sur le cœur de son amant et lui demanda:

-Fais-moi confiance s'il te plaît.

Severus renifla, rogue, sans répondre.

-Je ne veux que toi; continua Khorine en le fixant droit dans les yeux.

Ses yeux plus noirs qu'une nuit sans lune. Il soupira. Puis fronça les sourcils:

-Et s'il t'embrassait de force.

-Severus, Yong ne m'embrassera pas de force, cela fait des années que je le connais, et si pour je ne sais quelle raison il le voulait je n'aurais aucun mal à l'envoyer voler à l'autre bout du restaurant. J'ai combattu Voldemort, Yong est loin d'être aussi puissant; finit-elle avec un petit sourire en coin.

-Tu ne m'as pas…

Khorine l'interrompit, cajoleuse:

-S'il te plaît. Fais-moi confiance.

L'homme se renfrogna mais ne tenta plus de l'empêcher de sortir. Ainsi le lendemain, à dix-neuf heures, Khorine enfilait sa cape et une grosse écharpe. Elle avait hâte de revoir son ami.

-A demain, bonne soirée; lança-t-elle en souriant à Severus.

Il se trouvait dans l'ombre du couloir et hocha sèchement la tête. Khorine était prête à tourner la poignée de la porte puis se ravisa, elle revint vers Severus et l'attira à elle pour l'embrasser. Ses lèvres chaudes contre les siennes glacées, et les bras de Severus qui l'entourèrent aussitôt. Lorsqu'ils se séparèrent, le souffle court, Severus ne consentit pas à la lâcher et Khorine, perdue dans l'océan de nuit de ses yeux ne s'en rendit pas compte.

-Peut-être que… je pourrais t'inviter au restaurant un de ces jours; murmura-t-elle innocemment à l'oreille du maître des potions.

Il déglutit:

-Peut-être.

Et il la laissa partir. La porte se referma derrière Khorine. Elle n'était plus là. Severus resta longtemps dans le couloir, puis à un moment, s'en arracha pour aller s'effondrer dans son fauteuil, face à la cheminée, la tête dans les mains. Au milieu de la nuit il sortit de son immobilité pour faire voler jusqu'à lui une bouteille de whisky pur-feu.

Lorsque Khorine entra le lendemain matin elle trouva son associé assis dans son fauteuil un livre à la main, blême, de lourds cernes sous les yeux, les lèvres pincées.

-Severus; appela la jeune femme en s'approchant.

-Comment s'est passée ta soirée? lâcha-t-il d'un ton neutre.

Elle arriva jusqu'à son siège et s'assit en face de lui. Devait-elle ignorer son état?

-Bien, Yong nous a même offert des mues de botrucs! Je n'en ai jamais vu d'aussi bien conservées!

-Bien; lui fut-il répondu d'une voix atone.

Il tourna une page. Khorine déposa sur la table basse la bourse de soie gris perle remplie de mues. Le voir ainsi la peinait.

-Peut-être que tu voudrais venir avec moi la prochaine fois? Après tout, Yong et moi avons beaucoup discuté de notre partenariat concernant des ingrédients qui serviront à Prince Potions et al..

-Je n'ai pas de temps à perdre avec tous les fournisseurs que tu connais dans le monde; renifla Severus. Tant que ces articles sont de qualité je ne trouverai rien à y redire.

Khorine eut un petit sourire à ces mots. Son associé ne la regarda pas et tourna une autre page de son grimoire. C'était un des derniers tomes écrits par Paracelse, censé contenir des clés de fabrication d'antidotes. Et ils butaient justement sur les dernières étapes d'un antidote à l'antimoine.

-Severus; appela la jeune femme en souriant, est-il nécessaire de te rappeler les propriétés, fascinantes s'il en est, des mues de botrucs?

-Fluidifiant de la lymphe associé au crin de licorne, efficace en synergie avec le bézoard dans les antipoisons, stabilisateur de constantes vitales avec des zestes de yuzu et des griffes de griffon, capacité de ralentisseur du métabolisme humain et inhibiteur des cytochromes du foie, antagonisme de…; listait-il sans passion avant d'être interrompu par son associée.

-Severus… Les mues inhibent les cytochromes, stabilisent les constantes vitales, augmentent les capacités du bézoard…

L'homme cilla, ses yeux quittèrent les vieilles pages jaunies de son grimoire pour tomber sur la bourse de soie. L'instant d'après le maître des potions se dirigeait vers leur laboratoire, les mues dans la main, son associée riant derrière lui. Ils parvinrent à finaliser leur potion trois jours plus tard.

Le temps passait, agréablement.

Une froide nuit de début décembre les trouva comme à leur habitude dans le salon, à lire devant un bon feu de cheminée. Khorine, cependant, n'était pas aussi concentrée qu'elle l'aurait dû. Ses pensées revenaient sans cesse à un sujet qu'elle devrait aborder avec le sorcier, tôt ou tard. Plutôt tôt que tard. Qu'attendait-elle?

-Severus; appela-t-elle en se préparant mentalement.

L'homme finit son paragraphe, puis releva la tête avec sa grâce aristocratique coutumière.

-Je… Voilà, je…

-L'éloquence a toujours été une de tes premières qualités; ronronna le maître des potions avec un petit sourire sarcastique.

Khorine inspira.

-Je voulais te parler. Je voulais te parler des fêtes de Noël et peut-être du Nouvel An. Voilà je… j'aimerais les passer avec toi… et aussi avec mes amis au Square Grimmault. Et pour ça il faudrait que je leur parle de nous et aussi que tu acceptes de venir avec moi. Je sais que ça ne fait que quelques mois et que tu ne les apprécies pas particulièrement et je comprendrais que tu refuses. Mais autant en parler maintenant que je puisse répondre à leur invitation.

L'homme inspira profondément par son nez en étrave… Il voulait refuser. Cependant, qu'elle lui propose de l'inclure dans une fête de famille signifiait quelque chose, assurément; qu'elle veuille rendre officiel ce qui existait entre eux, quoi que ce fut, devait signifier quelque chose. Assurément.

-Nous pourrions envisager un réveillon de Noël chez tes… amis; lâcha-t-il finalement avec reluctance.

-C'est vrai? Demanda Khorine avec un grand sourire.

Elle allait pouvoir révéler à ses amis qu'elle était avec Severus! Et passer les fêtes avec tous ceux qu'elle aimait!

-Et le Nouvel An? Demanda-t-elle des étoiles dans les yeux.

-J'attends tes arguments.

-On mangera bien…

Face à son regard sceptique, la jeune femme continua:

-Il y aura Kingsley et d'autres membres de l'Ordre d'invités, pas seulement les Weasley, Harry et Hermione. Andromeda viendra avec Teddy, le fils de Remus et de Tonks, il doit avoir six ans et il est adorable.

Severus semblait loin d'être convaincu.

-Je… te devrais… une faveur; tenta-t-elle à bout d'arguments.

-Intéressant; susurra Severus un rictus au coin des lèvres.

Il étira sa longue main fine qui atteignit la gorge de la jeune femme avant de remonter lentement, en une caresse, jusqu'au menton qu'il maintint.

-N'importe quelle faveur? Ronronna-t-il d'une voix suave.

Ses yeux noirs brûlaient d'un désir à couper le souffle.

-N'importe quelle faveur; répéta la jeune femme le souffle court et les joues rougies.

-Nous verrons cela; répondit l'homme en s'éloignant, relâchant Khorine.

Elle lâcha un soupir déçu et se mordit la lèvre pour ne pas le rejoindre tout de suite. Il avait pris l'habitude depuis leur première fois de l'aguicher avec une sensualité inouïe avant de s'éloigner comme si de rien n'était. Il ressemblait à un chat avec une souris, ne la lâchant pas de ses yeux hypnotiques. Mais ce qu'oubliait le maître des potions, c'est qu'il jouait avec un dragon.

Ils continuèrent leurs lectures respectives quelques temps encore, puis la jeune femme déposa son grimoire sur la table en bâillant. Elle se leva ensuite, et vint s'asseoir avec une innocence toute étudiée sur l'accoudoir du fauteuil de son associé.

-Severus; murmura-t-elle, je crois que je vais rentrer, il se fait tard.

Elle se pencha ensuite vers lui et l'embrassa, doucement, au coin des lèvres, visant la joue évidemment. Les yeux couleur de nuit de l'homme brûlèrent. Elle lui sourit, avant de se lever. Severus la retint aussitôt par le poignet.

-Où penses-tu aller?

-Dormir.

-Il se fait tard; parut acquiescer le sorcier tout en la ramenant vers lui.

Elle suivit le mouvement qu'il lui imposait et revint sur l'accoudoir du fauteuil, le visage aussi ingénu que possible.

-Peut-être serait-il préférable que tu restes ici pour la nuit, les accidents de transplanage dus à la fatigue sont fréquents.

-Oh ne t'inquiète pas, je ne suis pas épuisée non plus, je peux rentrer au Square Grimmault. Je l'ai déjà fait en étant bien plus fatiguée que ça.

Un petit rictus agacé vint échouer sur les traits du maître des potions tandis que les yeux de la jeune femme scintillaient de malice.

-Mais; reprit la jeune femme, si tu veux que je te tienne compagnie encore un peu nous pourrions… faire une partie de bataille explosive.

-Une partie de bataille explosive? Répéta le sorcier en hachant chaque mot avec un air de pur dégoût.

-Ou une partie d'échec si tu préfères; murmura la sorcière tandis que sa main droite venait délicatement effleurer les boutons du col de la chemise de son associé.

-Nous pourrions aussi faire une partie de dames, ou jouer à la belote sorcière; continua-t-elle en effleurant l'angle de la mâchoire de Severus et remontant dans une caresse jusqu'à sa tempe.

Sa main redescendit effleurer la gorge du sorcier, près de la cicatrice laissée par le sortilège de Voldemort. L'homme la laissait faire, de longs soupirs sortant de son nez en étrave, les mains agrippées aux accoudoirs de son fauteuil.

-J'aimerais bien essayer un jeu de culture générale. Je suis sûre que je peux te battre en géographie, en géopolitique, et peut-être en histoire; reprit-elle tandis que sa main se posait au-dessus du cœur de Severus avant de caresser son torse puis son abdomen par-dessus le tissu de sa chemise blanche. Et peut-être en Art, je suis allée dans les plus grands musées du monde, sais-tu?

Ses doigts butèrent contre la ceinture de son pantalon et les ongles de Severus rentrèrent un peu plus dans le cuir du fauteuil. Mais la main de la jeune femme remonta bien sagement effleurer les flancs puis le torse du maître des potions. Assis, ainsi, en chemise et pantalon, son entrejambe offrait un spectacle intéressant, il n'avait pas de robe pour le couvrir et il semblait que les attentions de Khorine ne le laissaient pas indifférent. Comme l'homme s'interdisait tout mouvement, elle put défaire, un à un, les boutons de la chemise blanche du sorcier. La peau blafarde du torse de l'homme apparut peu à peu à la lueur du feu, ainsi que ses cicatrices. Les yeux de la jeune femme scintillaient et Severus la fixait intensément. Son corps était laid. Elle n'aurait pas dû l'observer de cette façon. Elle défit le dernier bouton et ouvrit la chemise en grand, un doux sourire aux lèvres.

-Tu es beau ; murmura-t-elle.

L'homme se rigidifia aussitôt.

-Ne me mens pas; siffla-t-il violemment.

La jeune femme releva la tête de ses observations, surprise, et plongea ses yeux saphir dans la tempête noire de ceux de son amant.

-Je ne te mens pas Severus; répondit-elle avec incrédulité. Je te trouve magnifique.

L'homme fronça fortement les sourcils mais Khorine l'ignora et avança ses lèvres vers la peau marquée. Elle embrassa le pectoral droit, lézardé par une cicatrice nacrée, et suivit la marque jusqu'au téton rose qu'elle mordilla. Elle darda ensuite le bout de sa langue et remonta vers l'aisselle et l'épaule droite si forte, marquée par la naissance des muscles de son bras. L'odeur de Severus l'enveloppait. Elle mordilla la peau séparant le torse de l'aisselle, puis parcourut la clavicule du bout des lèvres avant d'atteindre le creux du cou de Severus. Il s'était détendu au fil de ses pérégrinations et Khorine se risqua à répéter:

-Tu es beau.

Severus soupira.

-Tu dois être… bien fatiguée; lui répondit-il alors qu'elle était repartie explorer sa nuque de sa langue et les boutons de son pantalon de ses mains, pour dire… de telles absurdités.

-Tu devrais te regarder plus souvent dans un miroir; lui répliqua la sorcière avant de déboutonner son pantalon.

-Tu devrais t'acheter… des lunettes; haleta Severus alors que les doigts agiles de son associée caressaient délicatement son sexe.

-Tu devrais m'inviter à rester ce soir; répliqua-t-elle. En me disant explicitement ce que tu veux que nous fassions toi et moi.

Il la fixa. Elle lui sourit.

-Reste; grogna-t-il. Allons dans ma chambre.

Khorine eut un petit rire:

-C'est ce qu'on appelle une invitation romantique.

-Tu devrais le savoir petite Gryffondor; répondit-il en se levant d'un bond élégant. Je ne suis pas romantique.

Il lui prit ensuite le poignet et l'entraîna jusqu'à sa chambre. La porte se referma derrière eux.