3.
Le lendemain, je dévorai beaucoup de poissons, je creusai une tanière sous mon arbre, apportai des pierres et des feuilles pour le sol, je partis explorer les territoires qui longeaient la rivière vers le soleil couchant. J'avais vu des reflets briller entre les arbres, des ombres noires. Je découvris qu'il s'agissait d'un énorme repère d'araignées géantes et fis prudemment demi-tour. Ce ne fut que sur le chemin du retour que j'entendis les cris, des… appels…
J'avais peur. Mon corps ne me répondait plus, je courais de toutes mes forces vers ces voix. Je courais, courais, courais. Mon épaule… mal… La forêt, les arbres, leur odeur, ces voix, elles appelaient, je les connaissais. Il fallait les retrouver. Il fallait… Je déboulai dans une clairière, et vis quatre humains, sorciers, au milieu. Je plantai mes griffes dans le sol, m'arrêtai, haletante. La sorcière cria, elle voulut avancer. Je baissai les oreilles, essayai de reculer. Mes pattes s'emmêlaient entre elles. Je gémis. Elle venait vers moi. Elle pleurait, il y avait un sourire. Ses larmes étaient pires, ses larmes…
Le corps de Ron retomba contre les dalles de la grande salle. Il était pâle. Il ne respirait plus. J'étais apathique. Aucune larme, je ne cillai pas, j'étais morte aussi. Hermione éclatait en sanglot tout à gauche, elle était accrochée à l'anneau d'un des piliers, ses chaînes cognaient contre les pierres.*
Je ne pouvais pas faire le moindre mouvement, les yeux éteints, je ne respirais plus, je ne pensais plus. La sorcière approchait, elle souffrait, il y avait ses longs cheveux touffus et miel qui flottaient. Elle tendit une main pour me toucher. Un des sorciers siffla quelque chose! Elle s'arrêta. Je ne bougeais pas. Elle tourna la tête, et puis me regarda à nouveau. Ses yeux, je les voyais encore et encore, une dizaine de souvenirs explosaient dans mon cerveau. J'étais incapable de faire fonctionner le moindre muscle. Je ne pouvais pas m'écarter. Je l'entendais hurler, supplier, se faire torturer, Rictusempra, Doloris, Doloris, Crucio, Doloris, Incarcerem et ils resserraient les liens et elle suffoquait. Ils lui arrachaient ses vêtements. Herm… Un des sorciers fit un pas vers nous, ses lunettes rondes scintillaient au soleil. Je ne pouvais pas. Trop. Souffrance. C'était… trop! Trop! Trop!
La porte s'ouvrit violemment, et c'était Harry. Mon cœur bondit de joie. J'entendais des explosions tout près, lui était sale, il tenait une baguette dans sa main.
-Khorine! On t'a cherchée partout!
Il fonça vers moi, j'étais incapable de parler. Il me détacha. Je m'écroulai au sol. Quelque chose se condensait dans ma gorge, je crois que je voulais pleurer, mais que je n'y arrivais pas.
-Allez viens, dépêche-toi, l'Ordre a envahi le quartier général de V… Voldemort! C'est bientôt fini, je vais te sortir de là.
Il me prit un bras et le passa autour de ses épaules. Ça bondissait en moi, c'était brûlant, je n'en pouvais plus, j'allais sortir, Harry était là. Harry, Harry, Harry… Nous quittâmes ma cellule, je réussis à mettre un pas dehors. Harry était là. Il me soutint dans le couloir, puis nous tournâmes à un angle, il y eut encore un couloir, je n'en pouvais plus. Mes jambes tremblaient. Nous entendîmes les bruits d'une course, dans le couloir suivant. Harry réagit rapidement, il ouvrit la première porte à notre droite, nous enferma dedans et la barricada. C'était une pièce vide, poussiéreuse, il y avait un balai brisé au fond. Je tombai à genou par terre. Harry m'y rejoignit.
-Harry; murmurai-je et je crois bien que j'aurais pu pleurer. Harry, Harry, Harry…
C'était ses yeux verts qui scintillaient doucement, son sourire, sa peau pâle, ses cheveux en bataille, ses petites lunettes rondes. Mes yeux se remplissaient de larmes.
-Je t'aime tellement; sanglotai-je avant de le prendre dans mes bras et de le serrer contre moi.
Je riais, et puis je sanglotais aussi. Les larmes coulaient enfin. Il referma son étreinte sur moi et me berça, il me berça, me murmura des mots que je n'entendis pas. Je me blottis dans le creux de son cou. Il me fallut de nombreuses minutes pour réussir à relever la tête et essuyer mes sillons de larmes. Mes bras étaient couverts de bleus et d'ecchymoses, j'avais du mal à les lever.
-Hermione? Ron? Miaulai-je au milieu de mes reniflements.
-Bien… Ils vont bien tous les deux.
… Son regard… était très doux… je ne l'avais jamais vu ainsi… Le Harry que je connaissais, il m'aurait serrée très fort, contre lui, il m'aurait posé, trop de questions, il y aurait eu cette flamme, dans ses yeux, il n'aurait jamais quitté, le couloir, il aurait combattu, combattu, des armées de mangemorts, juste, pour me faire sortir, plus vite… C'était Harry. Ce devait être lui. C'était lui, non?
-Harry; murmurai-je encore en élevant la main.
Elle tremblait, mais parvint jusqu'à son visage. J'effleurai sa peau, caressai sa mâchoire. Il ne bougea pas. Il souriait toujours. Je la laissai retomber. Mes doigts cognèrent les dalles du sol. Mes yeux, se vidaient, peu à peu, de toute lumière.
-Dobby est toujours avec vous? Prononçai-je une boule dans la gorge.
Il y eut un silence. Et quelque part, peut-être que, j'espérais…
-Non, on l'a laissé au Square Grimmault.
Je fermai les paupières, le souffle coupé. Il venait de me planter une baguette dans le cœur.
-Pourquoi? Chuchotai-je…
-Au cas où d'autres mangemorts reviendraient, il aurait pu entendre quelque chose d'important.
-Vous avez eu raison…
Je m'écartai. Dobby était mort. Je partis me réfugier contre un mur, me rouler en boule. Il n'était pas, mort, dans les cachots, de Voldemort, non, non… Il était mort sur la plage. Tout près. Près de la cachette. Notre cachette. Je devais, les, protéger. Mes yeux étaient vides, je m'engourdissais, je ne ressentais plus rien.
-Menteur…
Ma tête retomba contre le mur. L'image d'Harry se troubla. Rogue apparut à la place. Avec, un rictus de dégoût. L'ombre. Voldemort approcha. Nagini aussi. Il leva sa baguette.
-Endoloris!*
Je tressautai, secouée de spasmes, oreilles baissées. Je souffrais. C'était atroce. Un sorcier en noir hurlait, il y en avait deux trop prè feulement m'échappa, long gémissement, long… Je montrai les crocs, grondai, ma gorge se nouait, je convulsais. Et puis mes mâchoires se refermèrent, sur ma patte! Et je serrai très fort, très fort! Le sang gicla! Hermione hurlait! Ils s'écartaient, mes yeux fous roulaient dans leurs orbites, s'accrochaient aux silhouettes, ne les voyaient pas, il n'y avait pas de mur, je voulais me cogner. La douleur. Juste. Pas eux! Pas eux! Par pitié! Pitié! Un premier sort! Je roulai sur le côté, mes mâchoires se détachèrent de mon membre, mon sang et ma salive dégoulinaient. Je montrai les crocs. Il y eut un autre sortilège. Je feulai! Ils étaient quatre, devant moi, un seul, sa baguette. Je… Je fis demi-tour et m'enfuis en boîtant, en courant. J'avais mal. Un dernier sortilège me frôla. Et puis je fus trop loin, et puis j'atteignis le couvert des arbres, ma forêt, sécurité.
Je m'écroulai dans ma tanière. J'y restai prostrée…
J'y restai prostrée… Deux jours… Je n'avais plus, la force, de vouloir, me lever. Plus, la force… Des rayons de soleil, à l'extrémité de ma tanière. Puis les ténèbres. Encore la lumière. Les ténèbres. Au troisième jour je me tordis de douleur, crampes, à l'estomac. C'était atroce. Je geignais, me roulant dans tous les sens, ne bougeant plus, me recroquevillant, gémissant encore. La douleur… Ça n'arrêtait pas.
Je finis par me déplacer, jusqu'aux bords de ma tanière. Et je me traînai dehors. Je me traînai jusqu'à la rivière. Le soleil réchauffait. J'avais trop mal. Je luttai contre tout mon corps pour étendre ma patte pleine de sang séché, faucher ce que je pouvais dans l'eau. Malgré mon état, mes tremblements, un premier poisson sauta sur la rive. Je me jetai sur lui. J'arrachai sa tête, je gobai tout le reste, écailles et arêtes comprises. Puis je revins près de l'eau, et y balançai une fois encore mes griffes. Un autre poisson bientôt. Je me remplis la panse, jusqu'à ce qu'il fut impossible que j'ai de nouvelles crampes. Je m'effondrai de nouveau, laissai ma tête frotter contre les herbes vertes et la terre.
Peu m'importait qu'un autre prédateur approche. Je restai longtemps au bord de l'eau… Longtemps…
Claquements secs. J'entendais sa venue. Je la sentais. C'était une araignée géante.
Je fis un effort. Je me soulevai. Je boîtai dans la direction opposée, ma forêt. Je réussis à m'y cacher, avant qu'elle apparaisse. Puis je ne bougeai plus…
Je sentais… une odeur… nouvelle. Très ancienne. Un humain, un sorcier, dans la forêt. Je me tournai lentement dans cette direction. Il était loin. Ma truffe humait les parfums portés par la brise. Je connaissais. Il y avait des ténèbres avec cette odeur, de la haine. Mes babines se retroussaient sur mes crocs. Elle me faisait réagir. J'avançai d'un pas. M'arrêtai. Un autre pas. Je continuai. Ce fut très lent. Chaque pas. Je ne savais plus. Je devais avancer.
Je finis par arriver aux abords d'une clairière. Le sorcier en noir s'y trouvait. Il était à découvert, contre une souche d'arbre décapité. Il avait un grimoire dans les mains et il le lisait. Je ne savais pas comment je le savais, mais je le savais. Ses cheveux étaient noirs et graisseux, une peau jaune, des yeux noirs, des habits noirs. Un grondement sourd m'échappa. Il était avec les autres humains, la dernière fois. Il criait et sifflait, je ne pouvais pas comprendre. Il était aussi avec les mangemorts. Je m'en rappelais. J… Je ne voulais pas…
-Allez Rogue, joins-toi à nous, c'est gratuit la première fois; lança MacNair.
Je pendais par les bras, mes jambes étaient trop faibles, elles dégoulineaient de sang et de sperme. Je sentais… ma tête appuyée… contre mon bras… mes yeux vides… Ils allaient recommencer.
-Je ne suis pas une bête MacNair; ricana Rogue. Je ne touche pas les sangs-de-bourbe!
J'entendis l'autre.
-Pas comme si tu touchais quoi que ce soit!
Le traître les observa, m'observa depuis le couloir. Toujours… la même tête… de chauve-souris graisseuse! Une vague de haine m'envahit, pour mourir presqu'aussitôt. J'étais fatiguée… Il repartit. Les deux Mangemorts se tournèrent vers moi. Je fermai les yeux. Ils allaient recommencer. J'entendais sa voix dans ma tête. Je ne touche pas les sangs-de-bourbe. Je ne suis pas une bête MacNair. Je ne suis pas une bête… Je ne… suis… pas… une bête… Je ne suis pas une bête.*
L'homme en noir venait… de… tourner une page. Il attendait… Et je… savais… qu'il m'attendait… Il était là pour… m'achever… Je m'étais enfuie. Pas assez loin… Je ne pouvais pas… quitter sa… forêt. Je ne pouvais pas… fuir mes… souvenirs… Je m'allongeai dans l'herbe, veillant à pouvoir le voir, à travers les branches des buissons. Il était là. Je n'avais plus à bouger. Plus aucun effort. Je fermai les yeux. Je les rouvris. Je ne voulais pas qu'il parte… Je restai allongée ainsi, dans les herbes, toute la journée, à l'observer lire, parler à une autre créature, manger, penser, lire, lire…
Le soleil rougeoyait à l'horizon. Le vent était frais. Le sorcier se leva. Pas moi. Je le vis traverser la clairière et se diriger à l'opposée de la rivière et de ma tanière. Il disparut derrière des arbres. Je mis longtemps, pour réunir mes forces, pour parvenir à vouloir me lever. Puis mes pattes avant me portèrent, mes pattes arrières, je tournai en direction de ma cachette. Mes muscles tremblaient, j'avançais difficilement. Plus tard, j'arrivai jusqu'à mon arbre, ma tanière, je me glissai à l'intérieur, me roulai en boule, fermai les yeux, une léthargie sans cauchemar me gagna, je me laissai faire, j'étais fatiguée.
Lumière… Il y avait de la lumière. Beaucoup. Le soleil devait être… haut… dans le ciel… Je fixai mon regard aux éclats, à la lueur verte à la traversée des feuilles, aux ombres, trop d'ombres.
-Vas-y, Severus!
D'autres me tenaient, la tête, pour que je le, regarde.
-Legilimens!
Pénétration, brutale! Je criai, je souffrais! C'était noir, plein de ténèbres, il gagna mon esprit, mon esprit! J'hurlai! Je tombai… Bibliothèque. Je vis Hermione froncer les sourcils, tourner les pages d'un énorme grimoire, elle marmonnait.
-Je suis sûre de l'avoir lu quelque part, il faut que je le retrouve. Je suis sûre qu'il est là.
-Et tu cherches?
-Un des extraits du mémoire de Gnyörf le Sanglant, il date de 1354, je sais qu'il était là. Il doit être là.
-Hmm, c'est ça que tu cherches?
Il y avait le grimoire que j'utilisais, pile à la page qu'elle recherchait. Son regard s'illumina, je souris. Les ténèbres me déchirèrent la tête. Je percutai la pendule des Weasley. Au Terrier. Mme Weasley me serrait tellement fort dans ses bras. Je me blottissais contre la petite femme dodue, et je me sentais en sécurité. Du sang, dans ma bouche. La peur. Un ricanement. Je fus éjectée loin du souvenir. Dumbledore approchait, ses yeux azur, il me tendait un grimoire de Métamorphose. Douleur. On était sur le pont ouest avec Harry, Ron, Hermione, Ginny et Neville, Fred et Georges! On parlait de l'AD!
-La cabane d'Hagrid?
-Trop petit!
-La cabane hurlante?
-Non!
-La forêt interdite?
-Ça va pas la tête!
Ginny haussa les épaules. Georges ricanait. Les yeux d'Harry scintillaient, il y avait un sour… L'obscurité gonfla, dans ma tête, elle compressa tout, plus, respirer. La présence, fouillait, toujours, plus, profond. Elle ne trouvait pas! Et puis les images passèrent trop vite, toujours plus vite. MacGonagall dans son bureau, ses sablés écossais, Ombrage qui hurlait dans la forêt. Hagrid était relâché d'Azkaban. Sirius apparaissait dans la Cabane Hurlante, le phénix de Dumbledore, le message de sang sur le mur, Hermione qui riait, Harry volait, Rogue enlevait des points, Pattenrond ronronnait. Il ne trouvait pas. Je convulsais. On tenait mon menton pour que nos regards ne se quittent pas. Métallique, du sang dans ma bouche. Remus, le thé avec Remus, le Square Grimmault et sa poussière, Sirius, il nous souriait, Harry lui sautait dans les bras. Cachette? Où est… A lire, j'étais derrière les rideaux de mon lit, un grimoire et des parchemins près de moi, il était deux heures du matin. Douleur violente! Hermione dans les toilettes des filles! Kreattur sous l'escalier du Square Grimmauld. Sa trahison. Harry lui demandait quelque chose. Il m'obligea à approcher, à entrer, le souvenir. Il s'embrumait. Il n'entendit rien. Ce sale mangemort ne pouvait rien entendre. Je gagnais. Une vague de douleur intolérable me déchira. J'hurlai en me tordant à ses pieds. Personne ne me tenait plus le menton. J'avais gagné. Un filet de sang s'écoulait du coin de mon sourire. Je fixai Rogue une dernière fois. J'avais gagné…*
Je me traînai jusqu'à la clairière, j'avais senti qu'il était là-bas, l'homme en noir. Je m'écroulai derrière les buissons, la tête contre le sol, le museau et les yeux pointés dans sa direction, les pattes reposant les unes contre les autres. Il y avait du sang séché et des croutes douloureuses là où je m'étais mordue. De l'autre côté, mon épaule était brisée. Mes pattes arrières n'avaient plus de force, mais elles étaient, relativement intactes. Le sorcier avait plusieurs grimoires autour de lui, des parchemins, un pot d'encre, une plume noire. Il l'utilisait de temps en temps. Je restai immobile, soleil était brûlant sur la clairière, je voyais l'air onduler, l'homme avait jeté un sort et un brouillard sombre le coupait d'une lumière trop violente. Mon ventre grognait, mes boyaux commençaient à se tordre. Je me levai, vacillai, quittai ma cachette et boîtai plus loin, vers la rivière, la fraîcheur, le poisson. J'en mangeai quelques uns, puis un peu plus. Je m'arrêtai lorsque je n'eus plus l'énergie d'en attraper. Puis je repartis aux abords de la clairière et retombai dans l'herbe. Je l'observai jusqu'au soir.
Le lendemain je revins, parce qu'il était là. Et puis je le retrouvai le surlendemain, et encore le jour d'après, celui d'après, encore celui d'après. Il était là. Je passais mes journées à l'observer, le flanc exposé, respirant faiblement, parfois traversée par des… cauchemars.
Je convulsais contre les dalles.
-Legilimens!
Harry pendait à son balai, il allait lâcher, il allait mourir! Hermione torturée par Lestrange, j'entendais ses hulements, elle hurlait! Luna à terre, ses livres tombés autour d'elle. Neville tremblant, le regard rivé dehors alors que la pluie tombait. Ron, livide, la cuisine du Terrier venait d'exploser, le rire de Lestrange résonnait dans toute la maison!*
-Où sont-ils?!
Voldemort. Sa baguette. Un déchirement, sa présence noirâtre, nauséabonde. Il y avaiy des flashs, de souvenirs, de sang, partout, des cris, la douleur, des sanglots, des hurlements encore, douleur, la mienne. Il ne trouvait pas. Il ne…*
Je m'effondrai, au sol. Voldemort venait, de se, retirer, de, mon, esprit. Je pouvais, à, peine, respirer. Il s'éloignait. Nagini, aussi.
-Elle est à vous.
Les mangemorts, ils, ils approchaient. *
Il pleuvait, beaucoup, depuis, longtemps. J'étais assise, sur mon arrière-train, le pelage trempé, la truffe ruisselante d'eau, les pattes avant douloureuses, tremblantes, j'avais mal. Mes oreilles pendaient, de chaque côté de ma tête. Le sorcier était, protégé. Un bouclier de magie l'entourait, il lisait, ou s'arrêtait, il pouvait contempler la pluie, pendant des heures. La boue, plein, sous mes pattes. Lui était protégé, je distinguais son visage, au milieu des trombes d'eau, il était fatigué, et triste. C'était évident, quand il ne lisait plus ses grimoires.
En fin d'après-midi les nuages blanchirent, se dissipèrent. Le soleil disparaissait, il y avait quelques reflets violets dans le ciel. Le sorcier attendit qu'il fasse nuit noire pour se relever. Il prit ses livres, détendit élégamment ses longues jambes, puis se dirigea vers l'endroit où le soleil se levait le matin. J'étirai mes pattes, sans me faire trop de mal, m'ébrouai, et, je le suivis. J'avançais lentement, en boitant, je voyais trouble parfois, mais je sentais sa présence, et même aveugle j'aurais pu savoir où il se trouvait. Il avança, sûrement, dans le sous-bois. Il n'hésitait pas. Je me pris à penser que ce serait un honneur d'être tuée par un mangemort comme lui. Par lui.
Je voulais que ce soit le traître qui le fasse, pas Voldemort, pas MacNair, Rogue.
Des gouttes d'eau cascadaient encore, de la cime des arbres. Il fallut marcher longtemps avant que les derniers arbres ne s'écartent. Une nouvelle clairière apparut. Plus grande, c'était la fin de la forêt. J'avais peur. Je m'arrêtai brusquement, fis du bruit, des brindilles craquèrent. Le sorcier ne se retourna pas. Il marcha plus lentement, puis quitta la forêt. Il était à découvert. Ses pas foulaient l'herbe verte, sa cape flottait derrière lui. Il y avait son manoir, devant, de pierres grises, tout rabougri. Morne. Triste. Les portes s'ouvrirent toutes seules devant le sorcier, puis se refermèrent. L'habitat semblait usé, en fin de vie. Il penchait. Le ciel était gris. Les oreilles pendant mollement de chaque côté je fis demi-tour, je boîtai et finis par retrouver ma rivière, mon chêne, ma tanière. Mais je n'entrai pas, je restai au pied du chêne… J'avais envie de voir les étoiles. De les voir une dernière fois. Il y avait une montée tout près, un bon point d'observation. J'inspirai l'air frais du sous-bois, mes paupières se fermèrent, se rouvrirent. Je voyais convenablement dans le noir. Les premières étoiles commençaient à scintiller. J'avançai la patte, puis celle de derrière, celle de devant, de derrière, je continuai, je me glissai entre les troncs des arbres, respirant lentement, la douleur plus diffuse, puis je commençai l'ascension. Je me déplaçai lentement. Mes pattes tremblaient, j'étais épuisée, mes yeux scintillaient, je gémis doucement. Quand mes dernières forces m'abandonnèrent, je me laissai juste tomber dans l'herbe et la terre fraîche. Je perdis conscience ici.
