Chapitre 20
Je l'avais fait léviter jusqu'à sa chambre, complètement paniquée. Et m'étais ruée sur mon stock de potions. Il y restait une Cicatrix Partialis que je m'empressai de lui administrer avant de repartir en courant vers le laboratoire. Pas de RS! Je dus en préparer un chaudron, les jambes vacillantes, le souffle court, priant Merlin et tous ceux qui m'entendaient de le sauver. Je vous en supplie... Je vous en supplie. Je ferai n'importe quoi! N'importe quoi! Il doit vivre... A peine avais-je transvasé le filtre dans deux flacons que je me ruai à l'étage.
-Frigesco; lâchai-je pour tiédir le liquide brûlant.
Puis je m'agenouillai auprès de Rogue et les lui administrai. Il but, les yeux fermés, encore capable d'avaler. Lorsqu'il eut fini, j'éloignai de ses lèvres les flacons vides, qui allèrent se fracasser contre le plancher... Mes mains tremblaient trop.
Rogue n'entendit pas. Il haletait, luttait pour trouver de l'air quand sa poitrine se soulevait difficilement. Il... souffrait...
Petit à petit, les potions firent effet. Ses blessures se refermèrent, les érythrocytes se régénérèrent. Je le fis boire aussi, pour sa volémie. Avant de rester prostrée à son chevet. Je parvins juste à me hisser sur un fauteuil près de son lit et finis par attendre, la tête dans les mains. Il avait risqué sa vie à cause de moi. C'était de ma faute. Son teint paraissait cadavérique...
oo0oo
-Lumare...; appela Rogue dans un souffle.
Je relevai aussitôt la tête de mes mains, avisai le soleil qui se couchait par la fenêtre, puis ne me concentrai que sur lui. Ses yeux sombres étaient ouverts, et rivés sur moi.
-J-je suis désolée; couinai-je...
Mais sa voix rauque s'éleva de nouveau, il avait besoin d'eau. Je partis aussitôt, vacillant un peu sur mes jambes, avant de foncer vers la cuisine, de remplir une carafe, de prendre un verre et de remonter. Rogue se releva contre ses oreillers et but à petite goulée dans le verre d'eau. La pensée qui avait tourné dans ma tête une bonne partie de la journée revint me hanter. Je voulais le délivrer. Briser le contrat. Mais... quelque chose me retenait... Rogue était trop affaibli. E-et si briser l'entrave magique avait le même effet sur lui que sur moi, il souffrirait le martyr.
Avait-il suffisamment désobéi pour cela? Est-ce que cela valait le risque que je lui donne encore un ordre qu'il ne suivrait pas?
-Cessez... de vous tourmenter...; grogna Rogue. Ma situation est... acceptable.
-Mais le contrat; tentai-je.
-Non!
Il se tendit brusquement vers moi, avant de s'effondrer contre le matelas, la respiration sifflante. Rogue paniquait. Je m'empressai de lui promettre tout ce qu'il souhaitait, de ne pas toucher au contrat.
-B... Bien.
Ses yeux si noirs, m'ensorcelant. J'aurais donné n'importe quoi pour que ce ne soit pas lui. Pour qu'il n'ait pas abusé de moi et montré si clairement que je n'étais qu'un objet, un pion d'échec entre ses doigts fins. J'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir me réfugier tout contre lui, et l'embrasser, et lui demander pardon, et lui murmurer combien je l'aimais.
-Rep... Je vous prie de vous reposer, monsieur. Je vais préparer le repas.
Je ne me détournais pas encore, désespérément dépendante de son regard.
-Tout sauf du potage; grommela-t-il.
Ce à quoi je répliquai:
-Votre œsophage vient à peine de cicatriser, le potage semble tout indiqué au contraire.
-Lumare!
-Ce sera soupe de potiron. Et vous aurez peut-être droit à une deuxième assiette si vous insistez.
Sur ce, je réussis à m'y arracher, et à me détourner. Oh Merlin, ce besoin... J'avais failli perdre Rogue aujourd'hui. Le perdrai de toutes façons. Pourquoi ne pouvais-je me damner, retrouver ses bras, sa chaleur? Je voulais ses lèvres aussi, contre les miennes, nos souffles mêlés. Je voulais qu'il m'emprisonne dans son étreinte et lui appartenir, autant qu'il m'appartiendrait. Merlin, Merlin... Cela faisait tellement mal. Je revins à peine une heure plus tard avec mon potage, tiré d'une recette d'Augusta Londubat. Elle y avait annoté quelques pages, pour donner «plus de goût». Je me demandais si j'avais bien fait de suivre ses recommandations, si je n'avais pas rendu la soupe tout simplement imbuvable.
-Correct; grinça mon professeur en en avalant une nouvelle cuiller.
J'aurais pu le taquiner pour ce... compliment? Je me contentai d'un sourire un peu triste, avant de me replonger dans mon assiette. J'apportai des livres dans sa chambre, un peu plus tard. Et puis nous lûmes, les heures passèrent.
-Miss Lumare?
Son appel me tira de ma lecture. Je me forçai à présenter un visage vaguement ennuyé.
-Il est plus d'une heure du matin. Pourrais-je savoir ce que vous fabriquez encore dans ma chambre?
Masque de neutralité. Je n'imaginais que trop bien ce qui se trouvait derrière. Mais, je ne pouvais pas partir.
-Je vous veille, cela ne se voit pas? Et avant que vous ne protestiez, laissez-moi vous rappeler que vous avez frôlé la mort aujourd'hui, que votre organisme n'est pas stabilisé, que la moindre perte de sang peut-être catastrophique, que vous avez insisté pour que le contrat soit encore valide, et que c'est moi qui décide!
Je me tus un peu essoufflée, le regard noir, prête à en découdre. Rogue ne se contenta que d'un vague sourire narquois.
-Je vois.
Il n'avait pas l'air de vouloir argumenter. Je le fixai encore un moment, méfiante, avant de consentir à retourner mon attention sur mon grimoire. Il exposait les propriétés particulières de certains hémiparasites hétérotrophes, comme le gui, dans les potions curatives. C'était passionnant. Vraiment.
-Si vous devez rester... préférez au moins le lit au fauteuil.
Ces mots me pétrifièrent aussitôt. E...Est-ce qu'il venait... Qu'est-ce qui lui prenait? Il m'avait dit qu'il regrettait. Il regrettait! Alors pourquoi...
-Auriez-vous peur de moi? Ricana Rogue.
-Non.
Il m'offrait... Il m'offrait une excuse pour le rejoindre, pour l'approcher, pour le toucher. Mais je ne pouvais esquisser le moindre geste, la tête vaguement penchée et quelques mèches lui cachant mon regard déchiré par des émotions contradictoires. L'envie, le désir, l'amour, le doute et la peine, cette douleur violente. Je ne bougeai pas et Rogue me fixa en silence. Ses yeux sombres me transperçaient. J'étais incapable de bouger. Incapable de le regarder. Rogue finit par se détourner dans le lit, je relevai la tête, pour le voir se recroqueviller un peu sous les draps.
-Bonne nuit; murmura-t-il.
Je ne voyais que son dos, et ses mèches graisseuses étalées sur l'oreiller. Rogue... Q... Qu'est-ce que je risquais après tout? Je tentai une inspiration un peu tremblante, puis refermai doucement mon livre et le posai sur le bras du fauteuil. Je me levai ensuite, m'approchai, sans que Rogue ne semble l'entendre. Il ne se retourna pas. Pas même lorsque le matelas s'enfonça sous mon poids et que je refermai les draps sur moi. J'étais triste. Nous ne nous touchions pas encore. J'aurais voulu agripper sa chemise et le rapprocher de moi, respirer son odeur et me blottir contre lui. Mes doigts se refermèrent plutôt sur l'oreiller et je fermai fort les yeux.
-Je vous demande pardon... pour vous avoir ordonné de m'accompagner sortir et vous avoir conduit au Chemin de Traverse. J-je ne savais pas...
Je voulais qu'il se retourne et me cacher dans ses bras. Je n'enserrai l'oreiller que plus fort et Rogue ne bougea pas.
-J'ai failli vous tuer; gémis-je. Je suis tellement désolée...
Et puis Rogue me fit face. Mes yeux se levèrent vers les siens, ses orbes noirs et fiévreux, enfin. Ils m'hypnotisèrent.
-Miss Lumare; murmura-t-il. Je vais bientôt mourir.
Je tressaillis, foudroyée par la terreur et mon regard accrocha le sien. Il était vide, et Rogue se taisait. Non! Non, non, non, non, non, non, non, non! Il mentait! Il mentait! Il ne pouvait pas!
-Vous... mentez...
Ma voix se fissurait, et je l'accusais, et mes yeux se brouillaient de larmes, et je m'étais agrippée à sa chemise, et je le scrutais pour déceler le mensonge, mais son visage s'effaçait. Je ne voyais que des traits flous, deux tâches sombres et une peau blafarde.
Sa main, au contact de ma joue, effaçant du pouce les larmes roulant contre mes tempes. Je fermai les yeux. Toute à lui.
-Je ne me tuerai pas tout de suite; murmura-t-il.
Que... Il... Je rouvris les yeux, paniquée, essuyai les larmes pour retrouver Rogue, son visage si neutre.
-Vous n'avez pas le droit! Vous...
Un sanglot, étouffé. J'agrippai son col, les mains tremblantes, et me redressai assez vite pour le piéger en-dessous de moi.
-Je vous l'interdis, vous m'entendez Rogue! Je vous l'interdis! Vous n'avez pas le droit de...
Je voulais parler, le supplier de ne pas le faire.
De nouvelles larmes m'échappèrent, je détournai la tête crispée par la douleur. Mais je ne lâchai pas son vêtement, et restai sur lui, sentis ses hanches osseuses contre mes cuisses. Sa main, encore, vint me trouver, caresser ma joue.
-Vous êtes... tellement belle.
Il était fou. Rogue était devenu fou... Et il se redressa, sa main à l'arrière de ma nuque pour m'approcher de lui. J'essayai de résister, ses deux bras se refermèrent sur moi, et il m'embrassa de force. Ses lèvres glacées, pressées désespérément contre les miennes, son étreinte. Il me serrait contre lui, et nos corps l'un contre l'autre, c'en était douloureux.
-Arrê...
Sa bouche, encore, emprisonnant la mienne. Je gémis. Je ne pouvais pas lui ordonner d'arrêter...il n'obéirait pas. Une de ses jambes emprisonna mes hanches pour les abaisser vers lui, une de ses mains me retenant ensuite contre son torse, l'autre dans mes longs cheveux bruns. J'étais sur lui, dans son étreinte possessive, ses bras, sa chaleur. Et il était en sécurité. Chez moi. Hors de danger. Mon cœur explosait. Quelque chose de brûlant m'emplissait la poitrine et la tête. Je ne parvenais plus à... Les poumons en feu, nous dûmes séparer nos bouches. Mon regard voilé ne distinguait plus grand chose. Je ne pouvais plus penser, il y avait seulement, ce besoin, de le toucher, sa peau... Je m'inclinai, vers sa gorge, et mon souffle l'effleura, puis mes lèvres. Un gémissement lui échappa. J'embrassai encore enivrée par cette chaleur, ce désir, et ses bras qui s'accrochaient à moi. Ma bouche contre sa peau, la parcourant de baisers. Il gémissait. Et chaque son que je lui arrachais faisait vibrer mon corps entier.
-Khorine...
Il m'appela et je relevai la tête vers lui, nos halètements se mêlant, son regard sombre ancré à l'océan du mien. Je pouvais y lire tellement de chose aujourd'hui. Comme cette douceur tourmentée... Sa prise sur ma nuque se raffermit et je le laissai me ramener à lui. Ses lèvres contre les miennes. Ses yeux fermés.
-Ne me... quitte pas; murmura-t-il entre deux baisers.
Que...
-Khorine... Ne me quitte pas.
Ses yeux toujours fermés et ses traits contractés par la douleur. Je ne comprenais pas. Il m'embrassa encore.
-Je t'aime; soupira-t-il.
Sa gorge s'était nouée et sa voix, la voix du bâtard graisseux, celle qui pouvait être si blessante, doucereuse, emplie de dégoût ou de mépris, cette voix s'était brisée.
-Depuis ta... troisième année... Ou quatrième peut-être. Je ne voyais plus que toi.
Ses yeux sombres tout à coup, accrochés aux miens. J'étais pétrifiée. Je ne voulais pas y croire. Il mentait.
-Il fallait que je te voie. Chaque jour. Et les retenues, que je te donnais...
Il ne parvint pas à finir mais s'accrochait toujours à moi, me retenait contre lui.
-L'année que vous avez passé hors de Poudlard était... Je ne pouvais pas, te laisser, partir, une nouvelle fois. Alors je me suis proposé pour ton stage et je t'ai fait signer le premier contrat.
Il mentait, n'est-ce pas?
-Je savais que tu ne pourrais jamais... C'était seulement pour quatre mois. Et ensuite j'aurais disparu, j'aurais quitté Poudlard, j'aurais... Je n'ai pas pu. Lorsque tu es venue l'après-midi du dernier jour, tes bagages en main, prête à partir... Je ne pouvais pas. Mais tu as préféré...
Il ferma les yeux, un bref instant, un soubresaut le parcourut avant qu'il ne revienne chercher mon regard. Le sien ne reflétait que du désespoir.
-Tu es partie... sans savoir. Et je ne parvenais pas à venir te voir, à détruire notre contrat. Je savais qu'il le fallait. Et je savais que je te devais la vérité. Avec le deuxième contrat, j'ai seulement, gagné un peu de temps.
Il me retenait toujours contre lui malgré ses mots.
-Je ne t'ai jamais considérée comme un objet. Tu dois me croire. Je... t'aime.
Rogue avait fini, tremblant, et ses yeux sombres si impassibles habituellement étaient perdus dans une douleur sans nom. Sa poitrine se soulevait avec difficulté contre la mienne, je sentais ses os saillants, ses doigts agrippés à mes bras.
Il ne suffirait pas de quelques semaines et de mes plats douteux pour lui faire retrouver un poids correct et une bonne santé. Tout comme cela ne suffirait pas à apaiser sa souffrance et ses remords... Peut-être quelques mois alors, quelques années, ou quelques décennies? Je posai un regard océan très calme sur lui, qui se crispait. Il attendait sa sentence.
-... Vous êtes un imbécile, Rogue.
Ce fut tout. J'étais fatiguée. Alors, doucement, je roulai sur le côté, retrouver le moelleux du matelas, sans quitter son étreinte, et me blottis contre lui. Mes doigts se refermèrent aussi sur sa chemise, au cas où il aurait l'envie de s'enfuir pendant la nuit. Il avait semblé sincère, dans tout ce qu'il avait dit, et mortellement sérieux en parlant de son suicide. Ça ne devait pas arriver. Soupirant, j'amenai mon front brûlant dans le creux de son cou, et fermai les yeux. Nos jambes étaient entremêlées, ses bras autour de mes hanches... J'étais tellement bien.
-Je ne veux pas de votre pitié; siffla-t-il d'une voix cassée.
-Jamais; murmurai-je en embrassant sa clavicule.
Puis un bonne nuit s'échappa d'entre mes lèvres, et le sommeil me gagna. Je sombrai quelques instants plus tard, paisiblement...
oo0oo
Je n'avais pas pris d'Insomnia avant de m'endormir, et pourtant, cette nuit fut une des plus reposantes de ma vie. Si j'en venais à dormir plus souvent au creux de cette chaleur, accrochée à ce tissu, à respirer cette odeur particulière, m'étais avis que je n'aurais plus besoin de ma potion. Un soupir de bien-être m'échappa, et les caresses dans mes cheveux s'arrêtèrent, un bref instant, avant de reprendre. Etait-ce vraiment Severus près de moi? Ou avais-je rêvé? J'ouvris en grand mes yeux encore embrumés de sommeil et les levai vers... lui. Il se figea.
-Sev...erus?
-Oui; murmura-t-il.
Je ne pus empêcher un sourire heureux de s'épanouir au coin de mes lèvres. Malgré sa maigreur et sa pâleur, il était toujours là, près de moi. Je me frottai un peu les yeux pour mieux le voir.
-Les potions ont fait effet? Est-ce que vous allez mieux?
Rogue hocha vaguement la tête et... essaya de rassembler les morceaux de son masque d'impassibilité. Il s'était brisé lors de sa déclaration. Les souvenirs me revenaient petit à petit. Et avec eux des vagues d'émotions brûlantes qui me submergeaient le cœur; mon regard ancré au sien se laissa attiré par ses lèvres. J'en avais envie... maintenant...
-Je... peux? Demandai-je, doucement.
Je revins à ses yeux, magnifiques orbes noirs où vacillait cette lueur incomparable.
-Ne vous y croyez pas obligée ; lâcha-t-il sans parvenir à s'écarter.
-Dois-je considérer cela comme un oui? Murmurai-je en me rapprochant, levant un peu plus la tête.
Et je n'attendis pas sa réponse pour déposer mes lèvres contre les siennes. Mes paupières s'en fermèrent de plaisir, c'était indescriptible... Ce toucher délicat, et cette tendresse... venant de Rogue. Jamais je n'aurais cru... Je l'embrassai encore en soupirant, et il me laissa faire. Est-ce qu'il était possible que Rogue ait dit la vérité? Est-ce que... Etait-il possible qu'il m'aime? Moi? Avais-je réellement cet ascendant sur lui, alors qu'il avait toujours paru tout contrôler?
Mes mains se levèrent doucement, sans que nos bouches ne se séparent, jusqu'à sa chemise blanche. J'en détachai le premier bouton, le deuxième. Rogue soupira, libérant mes lèvres, et fermant les yeux. Je me relevai un peu, assez pour me placer au-dessus de lui et avoir accès à chaque partie de son torse dévoilée.
Durant notre premier contrat, je n'avais jamais voulu participer à ce que je voyais comme des tortures, même lorsqu'il m'amenait à ressentir du plaisir. Jamais je n'avais caressé sa peau, jamais je ne l'avais embrassé...
J'y remédiai de nouveau en me penchant un peu, déposant mon premier baiser au creux de sa clavicule. Puis je descendis, effleurai une première cicatrice. Elle était nacrée et étirée tout le long de sa poitrine maigre. Je l'embrassai délicatement. Rogue grogna, ses doigts agrippés à mes longs cheveux bruns.
Pouvais-je vraiment? Est-ce que je pouvais lui faire oublier, le monde, la haine des sorciers, tout ce qui n'était pas moi? Est-ce que ses orbes noirs pouvaient se voiler de plaisir par mes lèvres, mon corps? Il était si maître de lui en temps normal, si froid et distant...
Lentement, je détachai le reste de la chemise, embrassant sa peau et chaque nouvelle blessure qui apparaissait. Elles étaient trop visibles sur cette peau blafarde, et les os trop saillants. Je longeai doucement le sternum, puis dépassai les côtes et arrivai à son ventre creux. Mes lèvres, mes dents et ma langue, traçaient leur chemin, marquant le derme pour quelques instants. J'apprenais par cœur chaque cicatrice, chaque détail de ce torse. Et Rogue avait du mal à respirer, piégeant des mèches de mes cheveux entre ses mains tremblantes, les traits crispés. Je n'y avais pas fait attention, tant appliquée à ma tâche.
Et, à présent, confrontée à une fine ligne de poils noirs descendant vers son pantalon. Pantalon déformée par une... bosse... assez conséquente.
Je n'étais pas encore prête.
-Khorine... Ne vas pas... plus loin; lâcha-t-il d'une voix rauque. Ne vas pas plus loin.
Je relevai la tête vers lui, pour aviser les orbes embrumés par le plaisir, le teint rougi, les halètements.
-Je suis désolée; murmurai-je sans pouvoir le lâcher du regard.
Il gémit, et me ramena immédiatement à lui pour plaquer sa bouche contre la mienne. Nos corps entremêlés et son sexe tout contre mon entrejambe, il me fit entrouvrir les lèvres et nos langues se retrouvèrent. C'était bon... Nous nous séparâmes à bout de souffle, Rogue me serra contre lui.
-Petit démon; soupira-t-il.
… Je m'étais sous-estimée à ce qu'il semblait. Un sourire effleura mes lèvres, je me blottis un peu plus contre lui. Nous en profitâmes pour retrouver notre souffle. Et puis je dus m'avouer que j'avais faim, et que Rogue était alité à cause de ses blessures de la veille, qu'il devait récupérer.
-Vous avez déjà pris le petit-déjeuner au lit?
Il avait encore du mal à respirer.
-Jamais.
-Ce sera une première, alors! Vous avez faim?
Je ne pouvais pas voir son expression de là où j'étais mais j'étais presque sûre qu'il avait fermé les yeux en resserrant son étreinte.
-Très.
-Dans ce cas...
Je voulus me lever pour aller nous préparer ce petit repas, mais Rogue ne me laissa pas faire tout de suite. Il me ramena à ses lèvres, plusieurs fois, et puis garda son emprise sur mon poignet alors que je me levais. Son regard ne quittait pas le mien. Ses orbes sombres contre le bleu océan de mes yeux, il devait détailler ma peau un peu trop pâle aussi, mes cheveux ébouriffés, mes lèvres rougies par ses baisers. Mais il ne me lâchait toujours pas.
-Nos œufs brouillés ne vont pas se faire tout seuls; le taquinai-je.
Ce qui l'amena à... m'embrasser encore.
-Severus...; protestai-je.
Il desserra difficilement sa poigne, et je pus enfin m'éloigner. Cela semblait douloureux pour lui. Et il ne me quitta pas du regard tant qu'il le put. Dans le couloir seulement, je pus fermer les yeux, reposer ma tête contre le mur en soupirant. Il était... possessif... Tellement. Je m'en rendais compte à présent, tout comme je me rendais compte que cela allait être difficile. Très difficile. Mais il était trop tard pour reculer. Je l'aimais trop.
Doucement, je me détachai du mur, me dirigeai vers la cuisine. Alors, et ce petit-déjeuner...
