3.

Le week end s'écoula… lentement… Le seul point positif était peut-être que je dormais mieux. J'étais moins fatiguée. Ce n'était pas le cas d'Harry.

Severus ne me regardait pas. Je me sentais vide, malheureuse, et trop réveillée pour l'ignorer. Au moins les cauchemars, la fatigue, laissaient un voile de fatigue, qui recouvrait tout, je n'avais plus à ressentir quoi que ce soit, plus à penser quoi que ce soit. J'aurais voulu retourner dans ce brouillard.

Le lundi matin je supportai difficilement le cours de DCFM, et je serrais les mâchoires en pensant aux deux heures de Potions de l'après-midi.

Rogue était cassant, mauvais, il n'y avait pas un chuchotement dans la salle. Ron et Hermione me jetaient des coups d'œil de temps en temps. Je m'obstinais à fixer mon chaudron.

J'avais mal. Je ne me sentais pas bien.

-Il va falloir qu'on parle; me marmonna Hermione.

-Dix points en moins pour Gryffondor, Miss Granger!

Elle ne cilla même pas.

-Vraiment; reprit-elle.

J'interceptai alors le regard de défi qu'elle lançait à Severus.

Je me sentis protégée. Quelque chose comme un sourire apparut au coin de mes lèvres. Nous reprîmes la confection de notre potion.

Puis, enfin, la cloche de la tour Nord sonna.

-Cessez tous de massacrer mes ingrédients, éteignez les feux sous les chaudrons. Vous déposerez une fiole de vos… potions par binôme. Pour la prochaine fois je veux trente centimètres de parchemin sur les effets de l'os de cœur de cerf dans les potions de guérison. Miss Lumare vous restez ici.

Tous les élèves lui obéirent, moi y compris, Ron me rappela qu'ils allaient près du Lac Noir.

-Je vous rejoins tout de suite; murmurai-je.

Ensuite ils partirent, la porte ne tarda pas à se refermer sur le dernier élève et je fus seule devant Severus. J'avais encore mal de son rejet de la semaine passée. Je ne me sentais pas bien. Je baissais les yeux.

-Regardez-moi Lumare! Tonna-t-il soudain.

Je tressaillis. Mais je ne parvins pas à lui obéir.

-Regardez-moi!

Il avançait. Il fut bientôt à quelques centimètres de moi, ses longs doigts froids autour de mon menton et ses yeux sombres rivés aux miens.

-Êtes-vous donc incapable de suivre mes ordres?

-Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous; murmurai-je.

Il y eut un silence, sa main se glaçait un peu plus contre ma peau.

-Vous auriez dû venir me voir et me demander de vous créer de la Nuit-Sans-Rêve…

-Non.

-Espèce de Gryffondor têtue! Lâcha-t-il en resserrant sa prise sur mon menton.

-Vous me faîtes mal; protestai-je.

Et sans prévenir, il m'embrassa. Ses lèvres compressèrent durement les miennes. Son souffle contre ma joue. Je fermai les yeux. Il m'embrassa de nouveau. Je m'accrochai à sa robe de sorcier. Il me retint par la hanche. J'étais entourée de sa cape noire, en sécurité, il ne pouvait rien m'arriver.

Quand nous nous séparâmes, j'étais à bout de souffle.

-Vous reviendrez ce soir, Lumare. Que je vous donne une retenue ou pas.

-Vous n'aurez pas besoin de me donner une retenue professeur; murmurai-je en secouant la tête. Je reviendrai ce soir.

Je m'avançai pour embrasser délicatement ses lèvres et je l'entendis soupirer. Il finit par lâcher mon menton, je pus m'éloigner.

-Allez-y; grogna-t-il.

J'inclinai la tête, souriante, et attrapai mon sac avant de quitter la classe de Potion. Mon cœur était prêt à exploser! Il ne me détestait pas!

Je rejoignis mes amis sous le chêne près du Lac Noir et à mon grand sourire Hermione sut, elle ne me posa aucune question.

Ce fut une bonne journée, le lendemain aussi, les cours s'avéraient passionnants.

Ginny et Harry se disputaient souvent, Hermione et Ron un peu, j'allais souvent voir Severus, une nouvelle semaine s'écoula…

-Les cours de la bourse à Gringotts ont augmenté de 1,16%; marmotta Hermione au petit-déjeuner… Les élections ministérielles sont dans un peu moins de deux mois.

-Y vont tous voter pour Harry; ricana Ron.

-Pas drôle.

-C'est possible! Je suis sûr que si tu te présentes tous les sorciers et sorcières d'Angleterre voteront pour toi.

Harry se prit la tête à une main et tomba dans un silence morose. Ron se prit un coup de coude d'Hermione, avant de grogner qu'il avait rien fait! Je replongeai ma tête dans ma tasse de thé. Ils allaient encore se disputer…

Mais une nuée de chouettes apparut dans la Grande Salle et une de leurs lettres tomba dans l'assiette de Ron, envoyant valser une pluie de miettes et un croissant loin de lui. Cela eut le don de l'arrêter.

La lettre était pour moi. Hermione me la tendit et annonça qu'elle était de ma grand-mère. Je ne voulais pas la lire.

-Oh allez Khor, c'est ta grand-mère quand même; lâcha Ginny.

Je fronçai les sourcils, Harry lui siffla de ne pas s'en mêler.

-J'ai bien le droit de l'encourager non? C'est pas tellement ce que tu fais là.

Hermione voulut intervenir mais Harry répondit vertement et le couple finit par se disputer. J'avais toujours la lettre dans mes mains, je ne voulais pas la lire.

-Hey comment tu parles à ma sœur!

-Ne t'en mêles pas Ron; cracha Ginny.

Mais ils commençaient à faire du bruit dans la Grande Salle, les étudiants et les professeurs se tournaient vers eux. Harry finit par quitter la table… Ginny le suivit quelques secondes plus tard.

-J'ai l'impression qu'y a du lait de chèvre dans la Biéraubeurre; glissa Seamus à côté.

Ronald grogna. Je soupirai…

-Mais Ginny avait raison, tu devrais ouvrir ta lettre Khorine.

-… Je ne suis pas prête à faire ça…; avouai-je dans un murmure.

Seuls Hermione et Ron entendirent.

-Je te la lis, si tu veux? Proposa Hermione.

J'acceptai et nous sortîmes dans le parc de Poudlard, profiter du soleil de ce samedi matin, lire cette lettre. Hermione m'apprit que ma grand-mère venait de rentrer en Angleterre, dans le manoir familial. Elle me dit aussi que les défenses du domaine avaient tenu, que seuls les jardins extérieurs avaient été détruits et brûlés. Elle me dit qu'elle m'attendait avec impatience aux vacances de novembre. Je ne voulais pas.

-C'est bien, vous allez pouvoir vous retrouver!

-Je n'irai pas; grognai-je.

-Attends je ne comprends pas, tu peux parfaitement…

-J'ai dit que j'irai pas! Criai-je et je me levai brusquement, arrachai la lettre des mains d'Hermione et partis.

J'étais tellement furieuse. Ils restèrent seuls au pied du chêne, je rentrai au château le regard brûlant de colère. Je partis me réfugier dans la salle sur demande. Je ne descendis pas pour le déjeuner. Le dîner fut maussade.

Je partis chez Severus ensuite, et me blottis tout contre lui sur le canapé sans un mot. Il ne me demanda rien, continuant sa lecture. Les bûches craquaient dans l'âtre.

Je me sentais bien ici, personne ne m'obligeait à faire quoi que ce soit.

Je ne voulais pas la revoir.

Elle faisait partie du passé.

Je l'avais libérée de ses souvenirs, je lui avais sauvé la vie, je lui avais fait mes adieux, et je l'avais oubliée. Je ne voulais plus me replonger dans le passé. Je n'avais pas besoin d'elle. Elle ne représentait plus rien. Elle ne m'avait pas aidé là-bas, pas une seule fois, jamais.

Elle faisait partie de mon passé.

-Severus; murmurai-je bien après le couvre-feu. Je ne veux pas retourner chez ma grand-mère.

-Pourquoi cela?

Je ne répondis rien.

-Ne faîtes pas l'enfant, Lumare. Pourquoi est-ce que vous fuiriez la seule famille qui vous reste?

Il referma son grimoire et m'aurait sûrement vrillée du regard si je n'avais pas la tête cachée dans le creux de son cou.

-Lumare?

-Ce n'est pas la seule famille qui me reste. J'ai mes amis, j'ai les Weasley… Je vous ai, vous.

Ses longs doigts se refermèrent sur mes épaules et m'obligèrent à m'écarter, juste un peu, juste assez pour que je plonge dans ses yeux obsidiennes.

-De quoi avez-vous peur?

-Rien.

-Ne me mentez pas.

Un silence. Je me sentais un peu nauséeuse.

-Vous ne… C'est que je… je ne peux pas… lui rendre ses… ses sentiments. J'ai peur… de me souvenir. D'avant.

-N'êtes-vous pas une Gryffondor? N'est-ce pas le courage imbécile qui vous caractérise? Vous ne risquez rien, la guerre est finie, les cauchemars vont disparaître, vous oublierez la guerre.

-Ne… me mentez pas; murmurai-je en baissant des yeux voilés.

Il lâcha une de mes épaules pour me relever le menton, et j'étais de nouveau dans ses yeux, et j'étais en sécurité. Il était pâle, figé comme une statue sévère, si ce n'était son regard brûlant et ses lèvres se mouvant à peine:

-Vous êtes jeune, une longue vie vous attend. Elle vaudra ce que vous en ferez. Il y aura d'autres combats, mais la guerre est bien finie, et vous avez survécu.

Les mots entrèrent en moi, résonnant dans mon esprit, j'en fermai les yeux. J'avais besoin de temps pour accepter cela. Severus me laissa me blottir contre lui de nouveau, m'assoupir, sombrer dans un profond sommeil.

Je me réveillai bien plus tard, dans un lit moelleux, emmitouflée dans des draps. Je cherchai aussitôt Rogue du regard, et il dormait dans un fauteuil à mon chevet. Je souris doucement, apaisée, son profil reposait contre le dossier, ses mèches grasses collaient au tissu, il semblait épuisé mais ses traits étaient détendus. Il y a quelques mois je l'avais vu déchiré même au plus profond de son sommeil.

Je me rendormis.

-Khorine? Lumare?

Des doigts froids frôlèrent ma joue, et je cillai. Severus était penché au-dessus de moi. Il avait un sourcil haussé, clairement moqueur.

-Il est plus de huit heures, Lumare; annonça-t-il sarcastique.

-C'est… trop tôt pour un dimanche; rétorquai-je en restant bien au chaud sous les draps.

-Levez-vous.

Je grognai bien sûr et protestai que nous autres Gryffondor, ne nous levions pas avant neuf heures et demie le week end, ce à quoi il répondit que nous n'étions qu'une brochette de cornichons feignants, ce à quoi je répondis que c'était sûrement vrai mais que c'était très agréable!

J'étais heureuse d'avoir fait une nuit complète, sans cauchemar.

Nous passâmes la matinée ensemble. Ce fut très agréable…

-Je reviendrai ce soir.

-Comme bon vous semble, Lumare.

Je l'embrassai, il me prit dans ses bras, puis nous nous séparâmes et je courus jusqu'à la tour Gryffondor. J'avais déjà envie d'y retourner.

Harry n'était pas à la table du déjeuner. Il s'était disputé avec Ginny et personne ne savait où il était. La sélection pour l'équipe de Quidditch de Gryffondor était prévue pour cette après-midi.

Harry n'y participa pas. Il refit surface peu avant le dîner, blême, les traits tirés, les yeux rougis, il y avait des traces de griffures sur son front.