5.
La lumière, la lumière était pâle. Elle venait de ma droite, et il y avait une brise fraîche. Mes lèvres s'entrouvrirent, je respirais, je cherchais ma douleur sans la trouver. C'était presque incomfortable. J'ouvris les paupières, pour les plisser aussitôt. Le soleil était déjà haut dans le ciel… Rogue était là. Il lisait. Il avait de gros cernes sous les yeux… Je tentai un mouvement pour me redresser, pour faire quelque chose. Je ne réussis qu'à m'effondrer contre mes oreillers, pas de force, je tremblais. Rogue se tourna vers moi, son regard était sombre et neutre. Il me demanda de ne pas bouger puis appela son elfe de maison. Il apparut aussitôt.
-Que peut faire Cooky pour son maître, Maître?
-Apporte-lui son petit-déjeuner et veille sur elle tant que je ne serai pas revenu; ordonna Rogue d'un ton sec et bas comme s'il était tout de même fatigué.
Il se leva de son fauteuil, son grimoire refermé, et s'éloigna dans un envol de cape sans plus me témoigner d'attention. Il… reviendrait… Il partait?
-Maître, bien Maître.
L'elfe disparut, une seconde peut-être, et puis il revint avec un gigantesque plateau et une énorme assiette de bouillie d'avoine chaude, il y avait plein de fruits secs dedans. Je détestais la bouillie d'avoine. Ce n'était pas un repas de prisonnière. Je ne voulais pas guérir, je ne voulais pas aller mieux, je ne voulais pas retourner là-bas. Je perdais mon souffle, tressautant, des gémissements enroués m'échappaient, je voulais hurler mais je n'y arrivais pas! L'elfe se jeta sur moi pour me ceinturer, ses bras maigres cognaient contre les miens. Il me suppliait… de… me calmer… de… me calmer… Je finis grelottante sans plus de force au creux du lit. Le serviteur attendit un peu que nous retrouvions notre souffle avant de claquer des doigts pour me faire asseoir contre mes oreillers. Lentement il approcha le plateau et le laissa léviter devant moi. Il avait peur… je distinguais malgré le voile devant mes yeux ses oreilles qui tremblaient. Il n'y avait pas de quoi, je n'étais plus capable de rien, pas même de lever mon bras vers sa cuiller, ou de mâcher…
L'elfe approcha, ses longs doigts se refermèrent autour de la cuiller et il la planta dans la bouillie, c'était maladroit, il tremblait. C'était un elfe de mangemort. Pas la force de serrer les dents, la cuiller se glissa entre mes lèvres et la bouillie glissa dans ma bouche, dans ma gorge, je déglutis.
-C'est bien, Cooky remercie Miss, il remercie Miss, Cooky va continuer et donner la deuxième cuiller à Miss.
Il recommença, je n'eus d'autre choix que d'avaler, et puis il y eut la troisième cuiller, la quatrième cuiller, je déglutissais, les fruits secs rapaient contre mon œsophage, c'était tiède et le goût était infect. J'engloutis les trois-quart de l'assiette avant d'enfin pouvoir détourner la tête. L'elfe n'insista pas, il me remercia encore puis versa du jus d'orange dans un verre. Il l'approcha de moi. Pourquoi me nourrissait-il? Pourquoi? La boisson coula le long de ma gorge.
-Miss en veut encore? Elle peut, vous savez.
Je fermai les yeux et le serviteur reposa le verre sur le plateau ensuite il claqua des doigts et tout disparut. Les oreilles de l'elfe vibrèrent et il tourna sur lui-même, je l'observais me trouvant fiévreuse, la vision trouble et pourtant je décryptais ses expressions. Il ne savait plus quoi faire. Il tourna sur lui-même, ses grands pieds nus tapotant contre le sol froid, il regarda autour de lui. Une chaise en osier attendait, cachée près d'une armoire, il la fit approcher et, hésita encore, il me fixa, puis grimpa dessus. Ensuite ses deux mains s'accrochèrent au siège et ses pieds se balancèrent dans le vide. Si… lence… Je ne pouvais pas parler. L'elfe était perturbé, ses oreilles se levait et s'abaissait, l'une puis l'autre, puis les deux ensembles. Il finit par balbutier:
-Vous savez Miss, Cooky a l'habitude de s'occuper de blessés.
Je cillai, perturbée. Ne me parle pas.
-C'est vrai il faut une nourriture en bouillie et de la soupe et du potage, Cooky sait faire la purée aussi et la soupe de citrouille. L'ancien maître de Cooky aimait beaucoup la soupe de citrouille, même si l'ancien Maître de Cooky n'était pas souvent blessé, oh non il n'était pas blessé. Mais le maître lui est souvent blessé, il était souvent, parce qu'il n'est plus. Il fallait changer les bandages, il y avait du sang…
Cooky écarquilla les yeux et puis sauta au bas de sa chaise.
-Cooky doit vérifier les pansements de Miss!
Il rejeta les draps, j'avais beaucoup de fièvre et je fermai les yeux. Je ne sentis rien, je devais avoir perdu connaissance, lorsque je pus rouvris les paupières j'avais un flacon froid contre les lèvres et Rogue me retenait la tête. J'eus un faible mouvement de recul, Rogue me retint plus fort et ses doigts s'emmêlèrent dans mes cheveux.
-Ne luttez pas Lumare, cette potion va seulement permettre d'abaisser votre fièvre.
Cooky se tordait les mains derrière son maître. Rogue finit par se redresser et s'écarter. Il confia la fiole vide à son elfe de maison qui disparut avec. Ensuite Rogue s'installa à son bureau… Son… Depuis quand? Il n'y avait pas de bureau ce matin… Et là, des parchemins, des plumes et de l'encre, des grimoires et des carnets… Il était entre moi et la fenêtre. Rogue n'avait même pas à tourner la tête pour pouvoir me surveiller. Qu'est-ce qu… Pour… quoi? La fièvre commençait à baisser… Pas la confusion… Cooky me rappelait Dobby, vaguement, les yeux… J'étais épuisée. Je me rendormis. Cooky m'apporta le déjeuner et Rogue quitta ma chambre, il revint ensuite, Cooky avait changé des bandages. Dans l'après-midi il apparut soudain pour annoncer qu'il y avait des visiteurs.
-Pas maintenant; trancha Rogue d'un ton froid, elle n'est pas prête.
Cooky s'inclina. Les mangemorts durent être renvoyés, je n'étais pas encore guérie, je n'étais pas assez forte. Je n'aurais pas pu résister au prochain Doloris. Et je fus reconnaissante un instant, envers Rogue. Rogue. Je levai un regard voilé vers lui. Il comprit, il dût comprendre, parce qu'il inclina la tête, avant de se replonger dans l'étude de ses grimoires. Sale traître…
J'eus le droit de dîner et Cooky continua à s'occuper de moi et Rogue à s'éclipser pendant ce laps de temps. Je ne saisissais pas… Pourquoi… Et puis il revint ensuite. Il prit place dans son fauteuil, comme s'il me veillait. Je fronçai les sourcils et Rogue dût comprendre une fois encore, mais il ne s'expliqua pas, il ne dit rien. Ma tête chût contre l'oreiller, je sombrai dans le sommeil.
-Dis-moi où est caché Potter.
La potion commençait à faire effet, elle s'infiltrait en moi, elle brûlait légèrement et c'était agréable? C'était, une douce torpeur, elle m'envahissait, j'avais envie de me laisser aller, j'étais, bien?
-Il faut une clef.
-Donne-moi la clef…
Sa voix était sifflante, doucereuse, il fallait que je lui donne la clef.
-Elle est cachée.
-Où est-elle?
Il commençait à s'énerver. Voldemort. Je n'aimais pas vraiment ce nom, mais j'avais très envie de lui obéir, de suivre cette voix où qu'elle veuille m'emmener…
-Là où est caché Harry.
Un Doloris fusa de nulle part, j'hurlai de douleur, confusion, douleur atroce, je ne voyais plus rien, je bavais et je saignais et je sanglotais. Etait-ce moi?
-Rélève-toi.
J'obéis à la voix aussi vite que je pus, je lui avais déplu. Je voulais lui plaire, mais c'était Voldemort non…
-Tu es une prisonnière bien inutile, tu ne me sers à rien et tu caches les informations que je souhaite. Je veux que tu te fasses pardonner petite Lumare.
J'étais prête à n'importe quoi.
-Révèle-moi tous les secrets de Potter.
Une douleur aigue me transperça, interne, une part de moi avait peur, tellement peur. La voix s'éleva de nouveau:
-Tu veux me plaire, n'est-ce pas Lumare? Tu veux obéir à ma voix, tu veux me révéler ce que tu sais. Dis-moi Lumare, ce que souhaite connaître ton maître.
-Harry ne vous aime pas.
-Quoi?
Il sifflait et il n'était pas content. Je ne voulais pas lui déplaire, mais il y avait quelque chose au fond de moi, dans le brouillard, quelque chose d'important…
-Mais il aime Ginny, il en est vraiment amoureux. Il ne l'a révélé à personne, pratiquement, Ron en a fait une maladie au début. La mort de Sirius l'a dévasté et… et celle de Dumbledore. Il adore la tarte à la mélasse. Pas tellement les chocogrenouilles. Il n'aime pas les Potions, ni Rogue d'ailleurs, il pense que c'est une chauve-souris graisseuse mais ce n'est pas tellement un secret. Il souhaite devenir Auror. Son secret c'est qu'il veut être Harry, juste Harry. Il veut avoir une famille, et des enfants, plein de mini-Harry partout.
-Pourquoi cette imbécile déblatère n'importe quoi?
Voldemort n'était pas content. Pourtant j'exécutais à la lettre ses ordres. Il n'était pas très cohérent.
-Maître elle ne fait qu'obéir à vos ordres.
Un Doloris, il ne m'était pas destiné. Il n'y eut pas un cri, je continuais à révéler tous les secrets d'Harry Potter sans pouvoir m'arrêter:
-Il adore Hagrid, mais sûrement pas ses cours, il a pendu Molaire par les pattes une fois pendant une après-midi entière. Il a été élevé dans un placard à balai, il préparait les repas et il n'avait pas de cadeau de Noël. J'ai déjà dit qu'Harry n'aimait pas les chocogrenouilles. Il aime les Noëls à Poudlard. Il ne l'avouera jamais mais il porte souvent les pulls que Mme Weasley lui tricote. Il…
-Assez!*
Un ricanement m'échappa, je convulsais et des filets de sang s'écoulaient d'entre mes lèvres. La main glacée de Rogue contre mon front…
Une moldue devant moi, à genou, ses habits déchirés, ses blessures sanguinolentes, des sillons de larmes. Elle me fixait, hagarde. Ma baguette était dans ma main, elle était fixée droit sur elle.
-Un autre Doloris.
-Endoloris; prononçai-je aussitôt.
La moldue se tordit de douleur. On aurait dit une crise d'épilepsie avec du sang en plus, et des hurlements. La voix, Voldemort était satisfait, il tournait autour de moi, Nagini ondulait contre les dalles.
-Assez; demanda-t-il et je cessai.
La femme mit un peu plus de temps avant de se recroqueviller. Elle sanglotait et me suppliait d'arrêter. Elle avait les cheveux auburn d'Hermione.
-Que penses-tu du massacre des moldus, Lumare?
-C'est une atrocité; répondis-je sans ressentir quoi que ce soit de concret toute envelopée dans ce brouillard accueillant.
J'aperçus du coin de l'œil le rictus de Voldemort, presque un sourire, je faisais plaisir à la voix. Il me demanda de lancer le Crucio, puis deux autres Endoloris, ce n'était plus qu'un amas de chair d'os et de sang quand il me demanda de l'achever.
-Tue-la!
-Avada Kedavra.
Le sortilège de mort zébra l'espace entre elle et moi, il se ficha dans son dos, et elle mourut. Je rendis ma baguette à Voldemort.*
Les lueurs de l'aube par la fenêtre…
-Non! Non! Non! Non! Non! Non! Non! Non! Non! Pitié! Non! Je n'ai pas fait ça! Par pitié, non, non, non!
Je sanglotais et je me cognais contre le mur et j'hurlais toute ma douleur et toute ma haine et je l'avais tuée!
-Je l'ai tuée! Je l'ai tuée! Je l'ai tuée! Je l'ai torturée et elle criait, elle criait, elle me suppliait et je ne pouvais rien faire, je ne faisais rien, elle me suppliait!
Je bavais, sanglotant sans cesse les mêmes mots, l'épaule tapant contre les briques, encore, encore, encore. Non, non, non, non, non, non, non! Non! Non!*
Rogue, me, retenait. Il agrippait mes poignets, je tressautais sous lui. Du sang, et des cadavres. Je fermai les yeux en gémissant, il parlait, ses mots murmurés doucement. Je n'entendais pas. Tout était confus. J'étais confuse. Je ne voulais pas. Rogue était là, ses mains froides, son gros nez, ses yeux si sombres, comme la nuit, les ténèbres, les ombres partout. Je les avais tué, Hermione pleurait, ses yeux révulsés, du sang, trop, il éclatait sur les murs, des os craquaient, des hurlements, la lumière du jour par la fenêtre, une potion encore coulant dans ma gorge, je me débattis, je fus incapable de bouger. Je n'avais plus de force, Cooky enlevait mes bandages plein de sang, il reniflait et il y avait de grosses larmes dans ses yeux gobuleux…
Je respirais lentement. Rogue m'apporta des soins, Cooky aussi, Rogue resta à son bureau, il s'y tint toute la journée, et toute la nuit suivante, et celle d'après également. Il ne me tuerait pas. Tous les jours les mangemorts se présentaient à la porte du manoir pour me ramener là-bas, mais Rogue refusait de les laisser entrer. Ils devenaient furieux, Cooky dit qu'ils tambourinaient à la porte, Rogue ne prenait même pas la peine de descendre les voir. Ma fièvre baissait… Mes blessures avaient cessées de saigner et quelques unes cicatrisaient déjà… Les oreilles de Cooky vibrèrent lorsqu'il me l'annonça. J'allais mieux.
-Déshabille-toi! Allez! Plus vite, voilà, doucement maintenant, commence par le pantalon, voilà. Non, laisse la culotte! Par Salazard il faut tout t'apprendre!
La giffle fusa dans l'air, je n'essayai même pas de l'éviter, elle claqua contre ma joue et résonna dans toute ma tête. La voix n'était pas contente.
-Reprend! La chemise maintenant, comme ça, prend ton temps, lèche le sang sur ta lèvre. Hmm, regarde-moi.
J'obéissais à chacun de ses ordres et des lueurs vicieuses naissaient du fond de ses yeux pour se propager à tout son visage, il luisait dans la semi-obscurité. Il se leva, il approcha et je continuai à défaire ma chemise en le regardant.
-Arrête; gronda-t-il en retenant mes poignets et en plaquant sa bouche contre la mienne.
Je gémis de douleur, il n'en appuya que plus, MacNair pressait ses lèvres contre les miennes et se mit à les mordre, il grognait et sa langue entrait dans ma bouche e-et… Une horreur sans nom vibrait derrière le brouillard, délicat brouillard, je ne voulais pas voir au-delà, j'étais terrifiée.
-Défais mon pantalon la Sang-de-Bourbe. Maintenant, dépêche-toi; gronda MacNair contre ma peau.
Son sexe était déjà gonflé dans son pantalon.
-Plus vite!
J'obéis et j'eus son pénis dur entre les doigts.
-A genou putain, je veux que tu me suces. Maintenant!
Le brouillard se déchira, panique, je reculai. MacNair me retint par la nuque et me balança par terre. J'étais à genou, la tête entre ses jambes.
-Maintenant! Suce-moi sang-de-bourbe! C'est un ordre!
Je voulais plaire à la voix… Alors je retins la base de son sexe et mes lèvres se posèrent sur le gland violacé et je léchai les veines gonflées quand il me l'ordonna et je le rentrai en entier dans ma bouche quand il me l'ordonna et je suçai plus vite quand il me l'ordonna, plus fort. A un moment je n'eus plus rien à faire. Il me tenait la tête et la faisait aller et venir sur son sexe. Je devais juste me concentrer, pour ne pas m'étouffer. Son sperme finit par gicler dans ma bouche.*
Je me redressai violemment dans le lit, pour vomir tout mon dîner. Je… ne… Mon estomac se contractait, il y avait cette odeur… Je régurgitai encore, luttant pour trouver de l'air, je sentais la bouillie chaude sur les draps au-dessus de mes jambes. J'étais malade, ce goût immonde dans ma bouche.
-Tourne-toi, les mains contre le mur.*
Je vomis de la bile, parce qu'il ne restait rien d'autre. Des larmes s'amoncelaient dans mes yeux, j'avais de la fièvre, Rogue me retenait les cheveux. Il était là. Il me fit prendre de l'eau et la recracher, il fit disparaître les draps, j'avais froid et de la fièvre, j'étais trempée de sueur. Sa cape, il l'enleva de ses épaules pour m'en couvrir. Elle portait son odeur. J'étais furieuse.
-C'était… votre… potion. Votre… faute!
Rogue était blême à la lueur de la lune. Il ne dit rien. Je me rendormis.
Je n'avais plus de fièvre au réveil, et je ne me rappelais que vaguement de ce qui s'était passé, de ce que j'avais vu, mes cauchemars, il restait juste la cape noire de Rogue dans laquelle j'étais pelotonnée. Il était là, comme d'habitude, à son bureau. J'étais réveillée, il le savait, mais il ne se tourna pas vers moi. Ce fut Cooky qui apparut pour vérifier mes bandages, m'apporter le petit-déjeuner et changer mes draps. Il eut du mal à m'arracher la cape de Rogue. J'avais eu du mal à la lâcher.
Je me sentais un peu nauséeuse mais j'avais faim, je ne devais pas manger, Cooky était heureux de voir que je guérissais. Il approcha la cuiller de porridge, Rogue se leva et sortit de la pièce, le couvert passa entre mes lèvres et j'avalai.
Dans l'après-midi, Cooky annonça de nouveau à Rogue que MacGonagal était à la porte… Cette fois il lui ordonna de la faire entrer. Je me pétrifiai de panique.
J'étais sufisamment guérie.
On allait me ramener à Voldemort.
J'avais le teint d'un cadavre et les yeux fous quand MacGonagal entra dans la pièce.
Elle n'eut pas un regard pour Rogue, elle murmura mon nom et ses lèvres pincées se courbèrent vers le bas, ses yeux sévères s'adoucirent, elle s'approcha de moi. Ma directrice de maison… C'était cruel…
-Comment allez-vous Miss Lumare?
Elle fronça juste un peu les sourcils, et sa voix sonnait exactement comme la vraie. Ils avaient réussi à me rendre folle…
-Vous n'êtes pas réelle; murmurai-je peinée. Vous n'êtes pas réelle. Vous n'êtes même pas réelle. Vous lui ressemblez pourtant…
Elle écarquillait les yeux à présent, sa peau ridée un peu plus blême.
-Vous perdez votre temps; continuai-je, je ne vous dirai jamais où ils sont. Vous devriez me tuer tout de suite… s'il vous plaît… s'il vous plaît…
Je finis par le chuchotis d'un murmure. MacGonagal leva le bras, la main et l'avança doucement vers moi. Je la vis arriver vers mon front mais je tressaillis tout de même lorsque nos peaux se rencontrèrent. Sa paume était fraîche, ses doigts fripés, ils sentaient les sablés au beurre, le savon au romarin, mon front brûlait encore de fièvre.
-Miss Lumare; soupira-t-elle et puis elle se tourna vers Rogue. Vous m'aviez dit qu'elle allait mieux!
Le traître ne formula pas la moindre réponse de derrière, et je ne me retournai pas pour le voir, j'étais bien trop occupée à détailler MacGonagal. Ses robes étaient bien coupées, vert sombre, une broche retenait son col haut, il y avait une grosse pierre d'un rouge Gryffondor en son centre et des entrelacs d'or et des charmes de protection autour, je les sentais vibrer dans l'air.
-Ecoutez-moi bien, Khorine… Voldemort a été tué. La guerre est finie. Nous sommes entrés dans son quartier général il y a un mois de cela, M. Potter et vos amis avaient semble-t-il détruits des Horcruxes, tous, et…
Panique. Fureur, ma voix grondait, rauque, gonflée de rage:
-Comment vous savez ça?
J'avais caché le secret. J'avais caché les Horcruxes avec mes amis. Ils ne pouvaient pas savoir! Personne n'était entré dans mon esprit! Personne! Pas même Rogue! Il n'avait pas la clef! MacGonagal n'avait pas donné la clef! Je n'entendis pas ce qu'elle dit, je ne savais pas qu'elle parlait, je ne sentis pas ses mains sur moi, non, non, non, non, non, non… Mon nom, susurré, doucement, des yeux sombres et profonds comme la nuit. Je cillai, c'était étrange, Rogue ne touchait personne, pourtant il avait sa main agrippée à mon épaule intacte. Mon regard perdit de sa brume, le traître finit par me lâcher. Mais il resta tout près.
-M. Potter a expliqué à quelques uns des membres de l'Ordre ce qu'il savait des Horcruxes.
C'était violent. Cependant j'étais trop épuisée pour être furieuse. Je me contentai de détourner la tête, Rogue fixait MacGonagal plutôt que moi, comme s'il allait m'en protéger.
-Il l'a révélé à quelques membres de l'Ordre. Severus le savait du professeur Dumbledore.
Rogue crispa les poings, il ne montra rien qu'un visage neutre, il était plus près de moi et je le voyais. Dumbledore… la douleur était enterré sous des monceaux d'autres. Je clignai des yeux et un bref ricanement me secoua:
-Ce n'est pas… une preuve… du tout… Je ne vous crois pas… Dumbledore n'aurait jamais…
-Khorine, Severus est de notre côté, il a toujours été du côté de la Lumière.
-Je ne suis pas encore folle; sifflai-je, déjà essoufflée.
Et puis je penchai la tête, me demandant si c'était possible tout de même, que je sois devenue folle, silence, je me tournai vers Rogue au visage vidé de toute expression, et je parlai –c'était facile aujourd'hui de parler-:
-Elle ne peut pas croire ça, n'est-ce pas professeur? Après les tortures, la potion, les moldus… le sang… tout ce sang…
-C'est fini, c'est fini; un pauvre sourire inhabituel écorcha les traits ridés de MacGonagal… C'est fini… C'est fini…
Je fermai les yeux, je ne voulais pas la voir souffrir. Quand je les rouvris elle semblait toujours aussi triste, égarée. J'avais été l'une de ses élèves préférées… Elle ne nous avait pas protégés, aucun de ces prétendus adultes ne l'avait fait.
-De… Demandez-moi… Posez-moi n'importe quelle question Khorine, je vous répondrai.
Je lui adressai un pauvre sourire, un peu narquois j'essayai, et puis obéis. Je demandai quel objet elle avait confié à Hermione en 3ème année. Rogue ne pouvait pas savoir. Elle répondit. Elle répondit la bonne réponse. J'étais fatiguée. J'essayai de poser d'autres questions, plus dures. Elle savait. Elle ne pouvait pas lire dans mon esprit, non? Si? Je n'en pouvais plus. Alors je posai ma dernière question. La dernière.
-… Où sont cachés mes amis?
Un petit rictus se forma au coin de mes lèvres. Je venais de demander la clef. Ce devait être elle, me disant où ils étaient. Voldemort était incapable de répondre à une question dont il cherchait lui-même la réponse.
-Je ne l'ai jamais su Khorine… Mais je peux demander à vos amis.
Non? Je la vis tirer sa baguette de sa manche, je restai pétrifiée.
-Expecto patronum.
Un chat s'envola, nimbé de clarté, son patronus. Je tremblais, je me relevai contre mes oreillers, ma main, agrippa les draps, l'autre pendait, l'autre agrippait, j'haletais, j'avançai à trois pattes, regard perdu. J'arrivai au bout du lit, me retins au pilier, de bois, dur, je fixais encore, la sorcière, vieille, sorcière, aux yeux plein de tristesse, son minuscule sourire, ses cheveux gris en chignon, une tache de vieillesse, sur sa silence… Je, restai, immobile, complètement, immobile, longtemps… Tout ce temps… Jusqu'à ce que trois sources de lumière apparaissent dans la chambre, devant moi. Un cerf, un chien, une loutre. Je ne bougeais pas, ne respirais pas.
-Khorine, si tu savais comme tu nous as manqué! Tu peux pas savoir! Et tu…
-Tu vas te taire oui; il y avait des larmes aussi dans la voix d'Hermione. Elle n'a pas besoin de ça! A pleurer comme tu le fais! Va manger des chocogrenouilles!
-Tu dis n'importe quoi!
-Nous étions; murmura le cerf d'une voix brisée… Nous étions cachés à la Chaumière aux coquillages. Près de la tombe de Dobby.
Je n'entendis pas le reste, quoi qu'aient pu dire la loutre et le chien, le cerf se tenait droit devant moi, il ne bougeait pas, son regard doux me fixait. Je perçus que je prenais appui contre le lit et que j'utilisais mes jambes faibles, que j'avançais vers le cerf. Tout bourdonnait. J'entendais: «Nous étions cachés à la Chaumière aux coquillages... Nous étions cachés à la Chaumière aux coquillages... Nous étions cachés à la Chaumière aux coquillages». Mes doigts froids rencontrèrent son encolure. Ils descendirent lentement, remontèrent, je le caressais, les mots résonnaient. Nous étions cachés à la Chaumière aux coquillages… Je souris, puis violemment je serrai le cou du cerf de mon bras valide et j'éclatai en sanglot!
-Harry, Harry, Harry, Harry, Harry, Harry! Tu m'as tellement manqué. Je voulais vous protéger, j'ai toujours voulu vous protéger, je voulais que… vous… restiez… en sécurité. J'aurais fait n'importe quoi. Ils n'ont jamais su, tu dois me croire! Pleurai-je tout contre lui, convulsant de douleur. Je voulais… je… J'avais besoin, que vous soyez en vie… Vous deviez rester… en vie… S'il vous plaît… Dîtes-moi que vous… allez bien… Qu'on a réussi… Que vous… êtes vivants…
De la morve s'écoulait de mon nez et tellement de larmes de mes yeux qui roulaient le long de mes joues. La fièvre me brûla le front, je sanglotai de joie, je me cachai contre le cerf, je sentais sa tête de lumière contre mon dos, je sentais le chien blotti contre ma jambe et la loutre sur mon épaule.
Quand je n'eus plus assez de force pour sangloter, je n'en eus plus assez pour tenir debout, mes jambes vacillèrent et le cerf m'entraîna doucement à m'agenouiller. Je rouvris mes yeux embués de larmes, il commençait à s'effacer, le chien contre mon genou aussi. Je ne voulais pas qu'ils partent, je ne pouvais pas les voir partir.
-Miss Lumare… Miss Lumare…
On m'appelait, je ne me retournai pas, sauf lorsque ce fut Rogue. Je m'accrochai à son regard de ténèbres alors que les patronus disparaissaient.
-Retournez dans votre lit; ordonna-t-il d'une voix froide.
-Vous n'êtes pas avec eux; marmonnai-je en secouant la tête. Vous n'êtes pas avec eux?
-Non.
-Et… Et… ils sont vivants?
Rogue soupira.
-Oui.
Il était assez près pour que je réussisse à agripper le bout de sa cape, douce sous mes doigts. Leurs patronus n'étaient plus là. Rogue grogna un peu et m'aida à me relever, à me glisser sous mes draps. J'étais épuisée, je ne réalisais pas encore, mais j'étais libre aussi…
-Il est temps qu'elle retrouve ses amis; siffla Rogue et je l'entendis malgré l'état vers lequel je glissais.
Retrouver… mes… amis…
-Non; murmurai-je de la peur dans les yeux.
Je les relevai, vers Rogue. J'avais peur. Une main se posa sur mon épaule, j'eus la force de sursauter et de me retourner. MacGonagal m'observait des larmes au coin des yeux. Je n'avais encore jamais vu quelque chose d'aussi bouleversant. Elles allaient bientôt inonder ses joues et couler le long de ses rides.
-Cela ne vous ferait pas plaisir de retrouver Messieurs Potter, Weasley, et Miss Granger?
Je secouai la tête, très vite, lentement, lentement.
-Doloris! Susurrait Voldemort
Hermione hurlait! *
-Non… Non…
Harry étendu, la joue contre le sol, un filet de sang quittant son nez pour tomber goutte à goutte contre les dalles, ses lunettes étaient cassées, ses yeux verts éteints.*
-Préférez-vous rester dans le manoir de Severus?
-Ils sont vivants? Ils sont vivants, n'est-ce pas? Suppliai-je étendue contre mes oreillers.
Plus aucune force, aucune force, la panique revenait, je ne savais plus le vrai, le faux. J'avais déjà oublié. Lorsque ma vue se raccomoda aux alentours… longtemps plus tard… MacGonagal tenait sa broche à la main, celle avec une pierre couleur Gryffondor, il y avait ce rouge mais pas sang, le sang était écarlate, la pierre était rouge Gryffondor…
-Tenez, prenez ma broche. Voici la preuve que tout ce que vous avez vu dans cette chambre est réel, ne la perdez. Vous vous souviendrez que vous avez vu les patronus de vos amis, qu'ils vous ont dit où ils étaient cachés et qu'ils sont vivants.
La broche fut glissée dans ma main, elle vibrait un peu de magie, comme un ronronnement…
-Ils sont vivants? Demandai-je apaisée mes yeux se fermant tous seuls.
-Oui, vivants. Reposez-vous, Severus et moi avons à discuter, nous revenons dans quelques instants.
Cooky fut appelé pour veiller sur moi, dernière chose dont je fus consciente avant d'être rattrapée par la fatigue et le sommeil.
