4.

-Hors de question!

-Vous n'aviez pas dit que j'étais une Gryffondor têtue et bornée, et que je devais faire preuve de courage?

-Ce qui n'implique pas de passer vos vacances chez elle! Répliqua Severus le regard noir.

-Elle est «la seule famille qui me reste»; me moquai-je en l'imitant.

Mais Severus crispa les mâchoires, et resta mortellement sérieux:

-Je ne vous permets pas de partir. Pas cette fois. Vous resterez avec moi. Je ne vous permets pas de partir.

Il était revenu vers moipour m'obliger à reculer. Il me piégea bientôt contre le mur, son regard brûlant rivé au mien.

-Comment voulez-vous que je renoue avec elle si vous ne me laissez pas partir? Murmurai-je.

Il était furieux, livide, ses mâchoires violemment crispées, ses mains agrippées aux pierres. On aurait dit un volcan prêt à exploser.

-Vous resterez avec moi.

-Oui…

Nous restâmes immobiles un long moment. Il ne savait pas si je mentais. Ses bras tremblaient entre nous.

-Je ne vous laisserai pas faire autrement; me menaça-t-il au final.

-Je sais.

Je le savais, et je ne me risquai même pas à lui parler de l'invitation de Ron au Terrier.

oooOooo

J'avais peur qu'il trébuche sur les pierres du chemin. Il était si livide, les yeux voilés, ses cheveux bataillant mollement pour former les épis habituels.

-On est sûr qu'il est revenu, en fait?

Harry hocha une fois la tête.

-Seamus le tient d'une Serdaigle qui a entendu un groupe de premières années de Poufsouffle parler d'un géant qu'ils auraient vu dans le parc.

Je réussis à revenir à sa hauteur, pour lui adresser un sourire moqueur, bien qu'essoufflée.

-Quoi?

-T'es conscient qu'on aurait dit Ron là, avec ses réseaux d'informations tordus?

Cela eut le mérite de lui arracher un gloussement, puis il remonta ses lunettes sur son nez pour cacher son rictus douloureux. Ce devait être une autre migraine, pourtant il ne ralentissait pas. Ron et Hermione se trouvaient loin derrière.

-Harry? Ça va? Tu veux qu'on s'arrête un peu?

Un vague signe de la main et il stoppa. Je pus m'écrouler sur l'herbe. Harry resta debout.

Quant à Hermione et Ron ils se trouvaient encore tout près du château et flânaient main dans la main ayant visiblement abandonné l'idée de nous rattraper. Harry était crispé, les poings serrés.

-Tes potions fonctionnent? Demanda Harry subitement.

Pas besoin de préciser de quelles potions il pouvait bien parler.

-Oui, pour l'instant. Mais Mione m'a demandé de diminuer les doses, je devrais les arrêter dans quelques jours.

Il hocha la tête, fronçant les sourcils.

-Je sais; commençai-je avec précaution, qu'Hermione et Ginny n'ont pas arrêté de te le répéter mais il y a du stock à l'infirmerie, et Mme Pomfresh serait ravie de pouvoir t'aider… Il y a beaucoup d'élèves qui en ont pris depuis le début d'année et, quoi que j'aie pu en penser, ce n'est pas déshonorant.

-Je sais; s'agaça-t-il.

-Mais alors… qu'est-ce qui te retient?

Il y eut un silence, Harry serrait les mâchoires, la cabane d'Hagrid dorait sous le soleil couchant, Hermione et Ron étaient encore loin.

J'avais peur qu'il ne veuille rien me dire.

-Je ne fais pas de cauchemar.

-Quoi?!

-Je ne fais pas de cauchemar; répéta-t-il entre ses dents.

-Mais alors…

Il détournait le regard et je le scrutais, le sang disparaissant petit à petit de mon visage. Les traces de griffure étaient encore visibles sous sa frange.

-Il… Il est bien mort, n'est-ce pas? Bégayai-je.

-Oui!

Ses yeux verts retrouvèrent les miens, voilés, la panique brûlait par-dessous.

-… Je ne sais pas.

J'agrippai convulsivement la broche de McGonagall dans ma poche. Non. Pas ça.

L'ombre. Voldemort approcha. Nagini aussi. Il leva sa baguette.*

Voldemort. Sa baguette. Un déchirement, sa présence noirâtre, nauséabonde. Il y a des flashs, de souvenirs, de sang, partout, des cris, la douleur, des sanglots, des hurlements encore, douleur, la mienne. Il ne trouvait pas. Il ne…*

-C'est peut-être u-un résidu de magie noire. Peut-être qu'Hermione peut…

-Non.

J'étais glacée d'effroi, je flottais et mon corps ne répondait plus. Je me retrouvai dans les bras d'Harry sans savoir comment, à le serrer comme si ma vie en dépendait.

Je n'entendis que de très loin la voix de Ron, la main qui voulait m'arracher à Harry. Je resserrai convulsivement ma poigne, grelottant.

-Putain mec mais qu'est-ce que tu fous? Tu sors avec ma sœur!

-Ferme-la Ron.

J'étais hagarde quand il fallut se séparer. Je ne tenais plus sur mes jambes, je m'écroulai par terre. Hermione demanda ce qui se passait. Harry leur raconta…

Hermione rétorqua que c'était impossible! Qu'il n'y avait que sept Horcruxes! Que la cicatrice pouvait avoir une puissance propre, qu'on ne connaissait pas la protection exacte que la mère d'Harry avait utilisée!

Voldemort ne pouvait pas être revenu.

Je m'effondrai, au sol. Voldemort venait, de se, retirer, de, mon, esprit. Je pouvais, à, peine, respirer. Il s'éloignait. Nagini, aussi.*

-Harry… Harry… Harry…Hermione… Ron… Pitié.*

Voldemort éclata de rire, ouvrant grand ses mâchoires de serpent.*

Il me prenait le menton, ses doigts glacés s'enfonçant dans ma peau. J'étais à quelques millimètres de Voldemort, le sorcier le plus meurtrier de notre siècle, et ses yeux étaient rivés aux miens. Les ténèbres les rongeaient, il y avait des éclats rouge sang.

-Je ne vais pas te tuer tout de suite, Lumare… N'aie pas peur.*

Je me retrouvai devant le buste de Salazard Serpentard sans savoir comment. Et j'espérais qu'il soit là. J'avais besoin de lui. Les deux portes s'ouvrirent l'une après l'autre, j'entrai dans ses appartements et trouvai Severus à son bureau.

-Severus, je dois te parler; murmurai-je.

-Non.

-Mais; lâchai-je blessée, mais c'est important. C'est au sujet d'Harry.

-Je ne veux rien entendre à propos de ce gamin pourri gâté, et surtout pas venant de vous!

Je protestai en avançant, alors que lui se tenait toujours penché au-dessus de ses copies, le visage caché par un rideau de cheveux graisseux. Je ne comprenais pas. Je fis encore un pas, et Severus se leva brusquement. Sa chaise tomba en arrière. Il bondit vers moi, le visage enfin à découvert, les yeux brûlants de fureur. Il me plaqua contre le mur en quelques secondes.

-Je vous défends de le toucher ne serait-ce qu'un seul instant. Vous ne le prendrez pas dans vos bras, vous ne lui tiendrez pas la main. Vous êtes à moi, Lumare! A moi seul!

-Harry est mon; tentai-je de protester avant qu'il ne happe violemment mes lèvres…

Il les maltraitait, les torturait, les brûlait, volait mon souffle et une violente chaleur se répandait en moi. Ses mains piégeaient ma nuque et ma hanche. Il me maintenait contre le mur.

Il ne m'avait pas embrassée, de cette façon, depuis si longtemps… Je gémis sous le baiser, et y répondis enfin, nouant mes bras autour de son cou, me serrant plus contre lui. Sa poigne se raffermit. Ses lèvres ravageaient les miennes.

-A moi… Juste… Mienne…

-Sev… c'est important…

Il ne me laissa pas terminer et je finis par abandonner. Nos lèvres étaient scellées, nos corps l'un contre l'autre, il me protégeait, il ne pouvait rien m'arriver.

oooOooo

Je fus tirée de mon sommeil le lendemain matin par une caresse aérienne. Je grognai et m'emmitouflai plus sous la couette.

-Vos cours commencent dans moins de trois heures Lumare.

-Mais… je suis prête en vingt minutes…

-Et vos camarades de dortoir trouveront sûrement tout à fait normale votre absence.

-Elles… croiront que j'ai passé la nuit avec Harry? Plaisantai-je.

Je sus que ce n'était pas une bonne idée au moment où je sentis son corps se tendre près du mien. Je dus ouvrir les yeux, ensommeillés, Severus crispait les mâchoires.

-Bien; grinça-t-il.

Et il quitta le lit avant que j'aie pu le retenir.

-Severus…; tentai-je.

-Bien!

Je dus m'extirper du lit et le retenir par sa chemise blanche- son seul vêtement- pour le forcer à me regarder, à m'écouter.

-Severus écoute-moi, c'est important.

Ses yeux lançaient des éclairs dans la semi-obscurité mais il ne me faisait pas lâcher. Ses lèvres fines étaient pincées, tant que j'avais envie de les embrasser. Je ne le fis pas.

-Harry ne va pas bienet ça fait plusieurs mois. Je pensais que c'était des cauchemars mais… mais c'est sa cicatrice. Elle le brûle. On pense que…; ma gorge se noua, Voldemort pourrait revenir…

Il y eut un grand silence.

-Est-ce… Est-ce qu'il y a quelque chose que tu ne me dis pas? Demandai-je. Est-ce que ta marque a changé?

-Non.

Mais il recula son bras gauche quand je voulus vérifier. Il n'avait pas enlevé sa chemise de toute la nuit. J'avais peur.

-Il n'y a rien à voir. Le seigneur des Ténèbres est mort. Khorine… regarde-moi. Il ne reviendra plus. Jamais.

-Pourquoi vous ne me montrez pas votre marque?

Il crispa les mâchoires.

-Crois-tu que je puisse te mentir? Crois-tu que je puisse te cacher son retour s'il se produisait?

Ses yeux sombres brûlaient de l'intérieur.

-Non, Severus.

Il prit mon menton dans sa main. Elle était froide.

-Alors tu peux être assurée d'une chose Khorine, le seigneur des Ténèbres ne reviendra jamais plus.

Je quittai ses appartements peu après, cachée sous la cape d'invisibilité. Quelque chose n'allait vraiment pas. Je rentrai dans mon dortoir discrètement et attendis que mes amis se réveillent sans pouvoir fermer l'œil. Quelques heures plus tard nous nous retrouvions tous dans la salle commune et je leur exposai tout ce que Severus m'avait dit.

-Il a refusé de te montrer la marque? Redemanda Hermione, une fois de plus.

-Oui. Mais il ne ment pas, Voldemort ne reviendra pas. Je le sais.

-Comment est-ce qu'il peut le savoir, cette chauve-souris? Grogna Ron.

-Je ne te permets pas.

-Ronald Bilius Weasley! Surenchérit Hermione.

Il se renfrogna alors que nous entrions dans la Grande salle.

-Je lui fais pas confiance.

-Je lui fais confiance. Ça devrait te suffire; sifflai-je dangereusement.

-Hey, on parle pas d'un pari pour les Canons de Chudley là, alors pardon de ne pas croire sur parole un ex-mangemort.

Je rougis de colère. C'était donc ce qu'il pensait de Severus? C'était comme ça qu'il percevait l'homme qui m'avait sauvée la vie? Celui qui s'était échiné à nous protéger durant toutes ces années? Qui avait affronté la mort en face? Qui avait tenu tête à Voldemort? J'allais…

-Ron, ça suffit; lâcha Harry.

-Qu'est-ce qu'y a? Tu ne vas pas me dire que tu crois sur parole ce…

-Si.

Et Ron referma la bouche.

Nous nous assîmes au bout de la table Gryffondor, loin de toute oreille indiscrète. Personne n'avait très faim pour l'instant, même Ron.

-Si nous partons du postulat que le professeur Rogue dit vrai, nous pouvons faire plusieurs déductions. Déjà il se passe bien quelque chose avec ta cicatrice, et la marque des Ténèbres. Ensuite Voldemort est vraiment Rogue a choisi de ne rien te dire Khorine, ça signifie aussi que c'est sûrement dangereux.

-Super, comme si on n'avait pas assez risqué nos vies; grogna Ron en attrapant un croissant, il le mordit sauvagement.

-Quelqu'un essaye peut-être de réactiver la marque? Proposa Hermione.

-Est-ce que ta cicatrice te brûle quand tu t'approches de MacNair? Lâchai-je soudain.

Harry fronça les sourcils.

-Non. Je ne crois pas.

-Notre prof n'était pas un mangemort.

-Son père en était un; répliquai-je.

-Ça ne veut pas dire que…; Ron s'interrompit de lui-même Ginny approchait.

Elle avait quitté son groupe d'amies pour venir, apparemment furieuse, manquant de renverser un petit Serdaigle. Elle s'assit brutalement à gauche d'Harry et un silence l'accueillit.

-Ne vous arrêtez surtout pas pour moi.

Harry fronçait les sourcils et nous lui jetions tous des coups d'œil. Ne voulait-il rien lui dire? A quel point leur relation s'était détériorée?

-Qu'est-ce que tu viens faire ici? Finit par lâcher Harry.

-Passer un peu de temps avec mon petit copain, non? Ça ne se voit pas?

Aux flammes dans ses yeux elle n'était pas loin de l'explosion. Et je préférais autant ne pas être celle qui se prendrait un maléfice de Chauve-furie dans la tête.

-Hmm, c'est peut-être pas le bon moment, tu vois?

-Tais-toi Ron!

-Ginny, laisse-nous; siffla Harry.

-Pardon?! S'écria-t-elle assez fort pour que plusieurs élèves de la Grande Salle se retournent.

Elle était furieuse, elle se mit à crier et à accuser Harry de tout ce qui lui passait par la tête. Je ne comprenais pas comment ils en étaient arrivés là. Harry répondait plus sèchement que jamais. Les marques de griffures encore visibles sous sa frange. Je me perdis à les observer, j'étais fatiguée… et soudain, Ginny s'en prit à moi.

-C'est toi, hein? Tu la préfères! Je t'ai vu enlacer Harry dans le parc! Je n'en reviens pas que tu m'aies fait ça! Espèce de…

-Ginny! Rugit Harry.

Elle tressaillit, se tourna vers lui, vers moi. Quelque chose se mit en place dans ses yeux, je n'avais pas dit le moindre mot, elle me gifla de toutes ses forces. Ma tête vola vers la droite, souffle coupé, yeux écarquillés, je ne pouvais plus bouger. Le claquement résonnait dans toute la Grande Salle. Mes oreilles bourdonnaient. Ma joue brûlait, je ne pouvais plus respirer.

-Sale Sang-Mêlé, petit déchet, tu aimes ça hein?

-Non.

Première gifle, retentissante. Il reposa sa question. «Non». Il frappa si fort cette fois que du sang gicla. Des larmes m'échappèrent, mon souffle aussi, à la troisième baffe je commençai à convulser.*

Une main sur mon épaule.

-Dix points de moins pour Gryffondor, Miss Weasley. Et une semaine de retenue avec Mr Rusard. Vos enseignants osaient espérer que la primitivité des Gryffondor s'arrêtait à votre manque de manière et votre orthographe déplorable.

Je voyais trouble. Mais je savais qu'il était là.

-Pouvez-vous marcher? Bien, suivez-moi Miss Lumare.

Je lui avais saisi le bras. Je n'entendais pas ce qui se disait autour et je ne voyais pas mes amis. Je suivis docilement Severus qui m'entraîna hors de la Grande Salle, dans des escaliers, aux cachots, dans ses appartements. Il referma la porte… Mes yeux se remplirent de larmes à ce moment-là. Un premier sanglot m'échappa, puis d'autres. Je tombai à genou, pleurant, je ne savais pas, pourquoi. Elle m'avait frappée. Je devais être en, sécurité, à, à Poudlard. J'avais peur, j'avais mal. Les larmes mouillaient mes mains, mes vêtements, le tapis. Severus me releva pour m'asseoir sur ses genoux et me serrer dans ses bras. Je me cachai tout contre lui, dans le creux de ses robes noires. J'avais besoin de lui. Tellement besoin. Je voulais… Besoin de lui. Je m'agrippais à sa cape.

-Ne partez pas; suppliai-je.

-Je ne vais nulle part, Khorine.

-Ne partez pas…

Il me serra plus fort. Ne partez pas. Ne me laissez pas. J'ai peur. Elle m'avait frappée. Le fils de MacNair était à Poudlard. J'étais fatiguée. La cicatrice d'Harry le brûlait. Voldemort était… peut-être…Elle m'avait frappée.

-Votre cours de Métamorphoses commence dans dix minutes, voulez-vous que j'écrive un mot d'excuse à Minerva?

Je reniflai, l'esprit un peu embrumé.

-Vous avez cours?

-Pas avant dix heures.

-Je veux rester avec vous; murmurai-je. S'il vous plaît.

Severus accepta. D'autres larmes m'échappèrent. Je restai blottie contre lui. Loin du monde. Juste, auprès de lui.