5.

Ginny et Harry s'étaient quittés après une dispute à faire trembler les fondations de Poudlard.

A présent Harry paraissait soucieux, exténué. Nous essayions de le soutenir comme nous pouvions, tous, à notre façon, même Ron restait de son côté.

-Je ne ressens plus rien, à ma cicatrice; murmura-t-il finalement un vendredi après-midi devant la salle de Potions.

C'était… une bonne nouvelle?

Ron le prit extrêmement bien, Hermione et moi étions plus méfiantes.

Nous cessâmes de discuter en entrant dans la salle de classe. Severus était debout près du tableau, une craie ensorcelée terminant de noter les instructions pour la potion du jour. Je me demandais ce qu'il en penserait.

-Polynectar; murmura Hermione en s'installant.

-Non?

Si, étaient détaillées au tableau les dernières étapes de sa préparation. Et dès que la vingtaine d'élèves de septième année se fut assise, le professeur Rogue nous lança:

-Le Polynectar… qui vous permettra de prendre l'apparence de n'importe quel être humain une heure durant... Cette potion est bien trop complexe et longue pour que je laisse une bande de cornichons de votre genre gaspiller et mon temps et mes ingrédients. Le chaudron que vous voyez ici contient la base du Polynectar, tout ce que vous devrez faire durant ces quelques heures sera suivre les dernières étapes de sa conception. Les plus difficiles bien sûr.

Un rictus dévoila l'espace d'un instant ses dents jaunes.

-Le plus petit écart de dosage, la moindre erreur dans le mélange des ingrédients et vous rendrez au mieux cette potion mortelle.

Harry, Hermione, Ron et moi échangeâmes un long regard.

Notre professeur continua ses explications, nous signifiant bien que nous ne finirions pas à l'heure, et qu'il doutait qu'il y ait une seule personne dans sa classe capable de rendre un Polynectar potable.

-Hermione tu es un génie; chuchota Ron peu après.

Elle nous sourit. Il n'y eut bientôt plus que les bouillonnements des potions et le crépitement des flammes sous les chaudrons. J'essuyai la sueur sur mon front, relisant les instructions au tableau, les recoupant avec celles de mon manuel. Il fallait un demi-centimètre de plus de peau de serpent d'arbre du Cap. Je tournai douze fois dans le sens des aiguilles d'une montre.

Ron copiait allègrement tout ce que faisait Hermione, peut-être pas exactement dans le même ordre, Hermione et Harry devaient s'en sortir plutôt bien, nos potions avaient encore toutes la même couleur.

Deux minutes à attendre à ma montre avant d'ajouter la peau de serpent… Et soudain, une gigantesque déflagration! Je fus soufflée en arrière et Ron décolla littéralement du sol. Il retomba deux mètres plus loin en criant. Rogue arriva en courant.

-Weasley! 100 points en moins pour Gryffondor! Êtes-vous complètement demeuré ou avez-vous décidé de tuer toute votre classe? Lâchez ces œufs de doxys! Qui vous a dit de les utiliser dans cette potion?

-M-mais je…

-Un mois de retenue avec Rusard! Explosa-t-il encore.

-Mais j'ai pris les mêmes ingrédients que… que tout le monde.

Je vis le dos de notre professeur se raidir, il était furieux, Ron pâlissait à vue d'œil.

-En sept années d'enseignement vous n'êtes pas fichu de faire la différence entre des carapaces de gloméris et des œufs de doxys?!

-Je les ai…

-Suffit; siffla Severus entre ses dents. Relevez-vous. Ne vous avisez plus de toucher à un ingrédient. Vous attendrez la fin du cours à votre place. Les autres, continuez vos potions!

Je regardai ma montre, puis ajoutai précipitamment ma peau de serpent. Dix secondes de retard. Je devais tourner vingt-cinq fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Ron revint près de nous, tremblant. Harry lui tapa dans le dos, je lui donnai un petit coup de hanche. Il renifla puis resta morose jusqu'à la fin de la séance.

Il se prit un mois de retenue avec Rusard.

-J'y comprends rien; gémit-il en nous rejoignant dans le couloir, j'ai pris dans le même bocal qu'Hermione.

Mione lui tendit la main et il s'y agrippa. Harry restait silencieux.

-Je…; fit Mione en hésitant, j'avais senti des ingrédients bizarres dans le bocal et je les avais laissés.

-Voilà!

-Attends, les œufs de doxys étaient vraiment avec les gloméris? M'exclamai-je.

-Bah ouais! Rétorqua Ron. Bien sûr! Je m'serais pas amusé à aller les chercher ailleurs!

Hermione prit le temps de réfléchir et ce fut d'une voix très lente qu'elle répondit:

-J'ai l'impression que… oui… Pourtant le professeur Rogue ne ferait jamais une telle erreur. Peut-être un élève, en rangeant ses ingrédients? Je trouve cela étrange.

-Pareil; grommela Ron.

… Harry finit par proposer de passer aux cuisines, pour réconcilier Ron avec le monde entier. Il chatouilla la poire du tableau, Cooky apparut et nous eûmes droit à une énorme coupe de glace au caramel salé et à la nougatine pour quatre.

-Merhmm-ci!

J'eus le droit à un gigantesque sourire de la part de Cooky avant que l'elfe ne disparaisse.

-En ai marre! Grommela Ronald la bouche pleine. Tou'ours d'ma faute, aime pas les po'ions, on apprend rien ici. Dehors on aurait été traité en héros, on leur a tous 'auvé la mise et y nous remercient en nous laissant galérer à Poudlard 'omme n'importe quel élève de septième année!

Il reprit une énorme cuiller de glace et rajouta de la nougatine.

-Ron; soupira Hermione.

-Quoi? Est pas vrai? Vous aussi vous l'penchez! Per-hmm, personne nous a aidé, personne nous a protégé, on était toujours tout seul.

Ça avait été une après-midi difficile, nous le laissâmes se plaindre en engloutissant notre glace. Le soir venu je retrouvai Severus dans ses appartements.

-Votre ami est un danger public, tout comme sa sœur, je ne saurai que vous aviser de vous tenir éloignée d'eux.

Je m'assis dans le canapé, tout près de son fauteuil avec son dernier Potions magazine en main.

-Il a dit que les ingrédients étaient dans le même bocal que les autres. Et je le crois.

-Un Weasley dirait n'importe quoi pour échapper à une retenue; cingla Severus.

Je fronçai les sourcils. Mais je ne rétorquai rien, préférant me plonger dans son magazine pour ne pas risquer une énième dispute, j'étais fatiguée ce soir.

Je sursautai quand sa main froide vint soudain recouvrir la mienne.

-Khorine, si Weasley avait réussi à incorporer plus d'un œuf de Doxys l'explosion l'aurait tué, ainsi que la moitié des élèves de votre classe.

-Il est donc étrange que de tels ingrédients aient été laissés à notre portée; répliquai-je.

Severus m'annonça qu'ils étaient rangés deux étagères plus haut que les gloméris et ne se priva pas d'un autre commentaire sur l'intelligence des Weasley. Je soupirai, mais je ne retirai pas ma main de la sienne. Ses doigts froids se réchauffaient petit à petit, je les entremêlai aux miens et nous reprîmes nos lectures en silence. J'étais fatiguée, et je me sentais bien ici.

OooOooO

-Ah j'en ai une! Vous êtes prêts? Alors, quelle est la seule matière plus dure que le diamant?

-Ça n'existe pas; protesta Hermione.

-Si, si, je vous assure; persista Ron alors que nous marchions tous les quatre en direction de la cabane d'Hagrid. Je vais même vous donner un indice, vous en avez déjà vu.

-Un bézoard de pierre? Tentai-je. De la bouse de troll fossilisée?

-Faux!

-Des écailles de dragon? Fit Harry. Un bec d'hipogriffe? Ou la pierre philosophale?

-Faux!

-Ça n'existe pas; grogna Hermione.

Ron nous laissa nous creuser la tête tout le long du chemin, et ce ne fut qu'une fois sur le pas de la porte du demi-géant qu'il lança enfin avec emphase:

-Les cookies d'Hagrid.

La porte s'ouvrit à ce moment-là, révélant Hagrid avec un plateau de gâteaux fumants, un sourire heureux noyé dans sa barbe hirsute et des yeux pétillants.

-Entrez, entrez, z'avez senti que j'faisais des cookies?

-Quelque chose comme ça; répondit Hermione gênée.

Ron ricana tout seul et se prit plusieurs tapes sur la tête. Bien sûr nous nous retrouvâmes tous quelques minutes plus tard attablés devant un gigantesque cookie et un gros bol de thé. Hagrid nous parla des essaims de botrucs qui parcouraient la forêt en ce mois d'octobre, des petits d'Aragog qui partaient en masse vers le Sud –à son grand regret-, de nouvelles naissances parmi les Sombrals,… Ensuite il nous parla d'Olympe, la célèbre directrice de l'école Beaux-bâtons en France.

En trempant assez longtemps mon biscuit dans le thé, je réussis à en manger un quart. Ron dut en avaler la moitié à force de mordre dedans.

La conversation dériva ensuite tranquillement sur les cours, nos professeurs, la prochaine sortie à Pré-au-Lard… Nous ne lui avions pas encore dit pour Severus et moi. Je voulais encore attendre un peu, après tout, garder les secrets n'était pas vraiment son point fort…

Il fut triste en apprenant la séparation d'Harry et Ginny, et nous resservit tous en gâteau.

-Merci, mais je n'ai vraiment plus faim; tentai-je alors qu'il en déposait un devant moi.

-Baliverne, on a toujours de la place pour un cookie. Tu l'ramèneras dans ton dortoir sinon, au cas où t'aurais une petite faim. Tiens, j'vais vous faire un sac. Vous r'viendrez quand vous aurez tout fini, hein?

Nous échangeâmes de longs regards résignés, puis Hermione reçut dignement l'énorme torchon rempli de gâteaux. Nous partîmes quelques temps plus tard.

Le soleil se couchait à l'ouest. Le ciel était rouge et doré, aux couleurs de Gryffondor. Une légère brise soufflait venant des montagnes du Nord, la forêt bruissait doucement dans notre dos. Il faisait bon, les odeurs fraîches empruntées au Lac Noir m'en rappelaient d'autres, celles de la rivière à poisson près du manoir de Severus. Ces souvenirs de courses, d'escalades, d'hurlements de loup dans la nuit, je n'avais plus autant ressenti l'envie de me transformer depuis des mois.

Mais je me contentai d'inspirer profondément, les yeux dans le vague, et de suivre mes amis vers le château.

Le lendemain nous eûmes une interrogation surprise en Potions et une autre en DFCM, une pelletée de devoirs, le professeur Sinistra nous fit un discours sur notre avenir et les choix que nous devions faire cette année, Ron manqua de s'étouffer avec un banoffee pendant le dîner, Severus me parla de Potions, de plantes et d'ingrédients jusqu'à bien après le couvre-feu.

Il y avait tant de choses auxquelles penser, la marque d'Harry avait cessé de le brûler, il faisait des cauchemars, Ginny ne nous parlait plus, elle semblait abattue et triste, Ronald venait de commencer les entraînements de Quidditch en tant que capitaine d'équipe, MacNair rôdait souvent près des cachots de Serpentard, nous apprenions toujours plus de sortilèges, de techniques, de théories, les jours passaient si vite.

Et puis un jeudi soir, Ron articula entre deux bouchées de cuisses de poulet:

-Les vacrounch ont dans une sh'maine !

-Ne parle pas la bouche pleine; marmonna Hermione occupée à lire un énième grimoire de Métamorphoses.

Ronald avala bruyamment.

-On va tous au Terrier, hein?

-Je ne peux pas; répondis-je aussitôt en fixant mes petits pois plutôt que mes amis.

-Moi non plus, mes parents m'ont invitée à les passer en Australie dans le Queensland.

Ma première réponse passa plutôt inaperçue, Ron occupa le reste du dîner à se plaindre, moi à penser aux vacances. J'allais être avec Severus. J'allais revenir au manoir, retrouver Cooky, ma forêt tout près. J'allais me reposer et profiter vraiment de journées entières avec Severus.

Je n'étais pas assez souvent avec lui, peu importe que je passe mes soirées dans ses appartements, j'avais toujours l'impression que ce n'était pas assez, qu'il me fallait plus.

Le lendemain, le jour d'Halloween, après une nuit d'insomnie et de cauchemars je descendis dans la Grande Salle avec Hermione. J'avais l'impression que ça n'avait aucune importance, mes cauchemars, maintenant, que je ne devais plus faire beaucoup d'efforts avant de pouvoir enfin me reposer.

Je restai perdue dans mes pensées une bonne partie de la journée, sauf pendant l'interrogation en Histoire de la Magie, et ne revins brusquement à la réalité qu'en quittant notre salle commune pour le dîner. Des murmures, je les entendis le long du chemin, deux Serdaigle, un groupe de Poufsouffle, des Gryffondor de 3e ou 4e année. Ils parlaient de meurtre. Ils parlaient de Dumbledore. Ils disaient qu'ils avaient entendu le nom du salaud qui l'avait…

-Qu'est-ce que tu as dit? Sifflai-je dangereusement, agrippant l'élève par l'épaule.

La Gryffondor blêmit.

-Je… ai…

-Lâche-la; attaqua un autre.

Mes doigts se crispèrent sur l'élève. Des vagues de fureur me traversaient, j'aurais été incapable de desserrer ma prise.

-Répète; ordonnai-je.

L'étudiante tremblait, ce fut l'autre Gryffondor qui répondit:

-On vient d'entendre MacNair et Flitwick parler dans le couloir. Et on sait qui a tué Dumbledore, cette nuit-là.

Je sentis Harry arriver derrière moi. Et tous les Gryffondor sans exception blêmirent.

-Qu'est-ce que MacNair a dit? Hacha-t-il entre ses dents.

Le gros flambeau du couloir crépitait près de nous.

-Eh bah…, que c'était Rogue qui avait fait le coup. Et qu'ensuite il avait ensorcelé la directrice pour rester prof.

-Ils ont dit que c'était lui le meurtrier! Ce mec est dangereux, on devrait l'enfermer à Azkaban.

Ma baguette fut pointée vers le stupide gamin qui venait de parler avant même qu'il ait prononcé «Azkaban». Je tremblais de fureur.

-Khorine; murmura Hermione la main sur mon bras. Calme-toi.

-Il va le regretter; haletai-je. Il va le regretter…

Ma baguette tressaillait, l'étudiant paniquait devant moi.

-Où est-ce qu'il est?! Tonnai-je.

Ils s'écartèrent tous.

-Ce salaud de fils de mangemort! Où est-ce qu'il est?

-P-premier couloir, vers la Grande salle.

-Non! Khorine! Appela Hermione.

Il était trop tard, je fusais déjà, baguette au poing, si près de me transformer en louve, si près de lui déchiqueter la gorge comme son père!

-Khorine!

Je courais, bousculais les élèves, un voile de rage recouvrait ma vue, juste un flash aveuglant quand il fut au bout du couloir. Devant moi.

-MacNair! Hurlai-je.

Il se retourna aussitôt. Ma baguette était pointée vers lui, crépitante de magie. Lui analysait la situation, ses yeux de fouine brillaient à la lueur des torches. Le petit Flitwick s'avança.

-Miss Lumare, s'il vous plait… je vous prie de vous calmer. C'est un… mal entendu… sûrement. Pourriez-vous abaisser votre baguette?

-Ecartez-vous; sifflai-je. Ne m'obligez pas à vous faire mal.

Il tressaillit.

-Miss Lumare! Deux points en moins pour Gryffondor!

Je ne l'écoutais pas. J'avançais, les pas des élèves résonnaient dans mon dos, les appels de mes amis.

-Vous êtes allé trop loin, mangemort!

MacNair tira sa baguette. Il s'approcha.

-Vous faîtes erreur, je ne suis pas un mangemort; prononça-t-il lentement. Abaissez votre baguette, nous pouvons parler civilement vous et moi.

-Qu'est-ce que vous en savez du meurtre de Dumbledore? Vous étiez-là? Votre père vous a raconté?!

Un éclat métallique teinta le regard de l'ennemi.

-C'est assez.

-Je ne crois pas non; sifflai-je la baguette tendue. Vous avez insulté un héros de l'Ordre du Phénix pour la dernière fois. Vous qui vous êtes terré comme un lâche dans les jupes de votre mère jusqu'à la fin de la guerre!

Un silence pesant écrasa tous les sorciers et sorcières du couloir. Je risquais le renvoi, je n'avais pas encore fini, je voulais le blesser, le voir se tordre de douleur, je voulais attaquer. Le premier éclair violet fusa hors de ma baguette. Il ne l'évita qu'au dernier moment et…

-Non!

Hermione s'interposa. Face à moi.

-Arrête, Khorine, arrête! Regarde-moi; ordonna-t-elle.

Elle tourna mon menton vers elle et mes yeux suivirent. MacNair avait baissé sa baguette. Je rencontrai des orbes chocolat, Hermione. Je dus protester, quelque part, elle finit de toute façon par me faire abaisser mon arme, à me calmer. Harry et Ron ne tardèrent pas à approcher, le professeur Flitwick me demanda d'une voix blanche d'aller dans le bureau de la directrice. Je m'y rendis. MacNair suivait, je le sentais.

Au final, je ne sais comment, il ne resta plus que MacNair et moi à attendre devant la porte du bureau.

-Vous n'êtes pas sans savoir que Severus était un mangemort, n'est-ce pas?

Je n'y répondis même pas.

-Et qu'il a volontairement pris la marque.

-Erreur de jeunesse; sifflai-je.

Cela me valut un rictus moqueur particulièrement dérangeant chez MacNair. Ce visage, il ressemblait trop à…

-D'après mes souvenirs il avait à peu près votre âge.

La réflexion que MacNair devait être jeune me traversa l'esprit, rapidement, dans les 20 ans? Qu'est-ce qu'il essayait de faire?

-Il a payé sa dette; rétorquai-je entre mes dents. Vous qui n'avez pas participé à la guerre, vous ne pouvez pas comprendre.

Ses yeux étaient bleu, gris, son regard soudain métallique et froid.

-Je n'ai pas participé à la guerre? Je n'ai pas vu ce que faisaient les mangemorts entre eux? Ou écoutez aux portes leurs réunions nocturnes? Je n'ai pas entendu de cris dans le jardin? Je peux vous assurer Miss Lumare que vous faîtes une grave erreur en prêtant votre confiance à quelqu'un comme Rogue.

Je serrai les dents et ne répondis pensait qu'il était du bon côté, du côté de la Lumière! C'était risible. J'étais trop occupée à réfléchir pour avoir peur de ce qui allait se produire, de mon expulsion de l'école. Je me demandais si Severus était en danger ou non.

Le professeur McGonagall finit par apparaître derrière nous. Elle déverrouilla la porte d'un mouvement sec de la baguette et nous invita à entrer, le professeur Flitwick trottinait derrière elle. Le bureau était différent de celui de Dumbledore. Mais c'était la même pièce. Il y avait son tableau.

La situation fut expliquée à la directrice, j'accusai MacNair d'avoir délibérément imputé le meurtre de Dumbledore à Rogue, il nia. Flitwick voulut tempérer la situation en répétant que c'était involontaire. Je rapportai à McGonagall ce que j'avais entendu dans les couloirs, si cette rumeur en avait eu le temps elle se serait propagée dans toute l'école et par la suite dans le monde sorcier…

Il y eut un silence. La directrice fixait le vide, les mains croisées devant son visage, puis elle se tourna vers MacNair.

-Veuillez attendre dehors je vous prie. Vous aussi Filius.

… Ils partirent… McGonagall me réprimanda. Un peu. Elle retira 50 points à Gryffondor et me donna une semaine de retenue avec Rusard.

-Je ne suis pas renvoyée? M'étonnai-je.

-Non Miss Lumare, mais c'est la dernière fois que je me montre aussi clémente. Toute nouvelle agression que ce soit sur le professeur MacNair, sur un élève ou sur un autre professeur sera sévèrement sanctionnée. Est-ce clair?

-Oui professeur; murmurai-je.

Je ne savais pas quoi dire, mon esprit était embrumé, je me sentais juste protégée par McGonagall. Elle m'observait, avec inquiétude, je m'en rendis compte au bout d'un moment, qui avait été silencieux, sûrement.

-Je ne suis pas renvoyée…

-Non Miss Lumare.

Mes muscles se détendirent soudain, mon dos s'enfonça contre le moelleux de mon fauteuil. Je n'arrivais plus à réfléchir. C'était le contrecoup du stress, peut-être.

-MacNair est dangereux; me forçai-je à dire.

La directrice… ne répondit rien… Elle ne me croyait pas. Une moue triste m'échappa.

-Minerva, auriez-vous l'amabilité de rappeler le peintre? Il ne m'a pas laissé assez de bonbons au citron.

McGonagall soupira. Le portrait de Dumbledore lui adressa un regard pétillant. Comme le vrai. Pareil. Ils s'échangèrent quelques mots, je n'écoutai pas. Il était presque vivant. Est-ce que Severus avait déjà vu le tableau?

-Oui. Miss Lumare, il y a un autre sujet que j'aurais souhaité évoquer avec vous. Miss Lumare?

Je cillai et relevai la tête vers elle. Le ciel s'obscurcissait dans son dos, les premières étoiles apparaissaient.

Elle me parla de mon Animagus. Je refusai catégoriquement de me faire enregistrer comme une bête par le Ministère. McGonagall n'insista pas. A la place elle me dit que c'était d'autre chose dont elle voulait s'entretenir avec moi, mais qu'il fallait que je lui promette de garder secret tout ce qui allait suivre. Je lui donnai ma parole.

Alors elle me parla de Greyback, et de deux élèves qui s'étaient fait attaquer par lui et qui avaient survécu. Elle me dit que Severus leur préparait la Tue-Loup, et qu'ils passaient les nuits de pleine lune dans la forêt Interdite pour ne pas risquer d'incident.

-J'ai besoin que quelqu'un veille sur eux, que quelqu'un les guide et les protège. Mes élèves sont perturbés, ils ne m'écoutent pas, ni aucun de leur professeur. Il nous est apparu que vous êtes la personne la plus indiquée pour les aider. Bien sûr… vous êtes libre de refuser Miss Lumare. Ce qui vient de se passer avec le professeur MacNair ne doit pas influencer votre choix.

Bien entendu j' loups-garous, qui pouvaient comprendre ce que j'avais ressenti et ce que je ressentais! Oui, j'acquiesçai immédiatement. Cela aurait pu être de la manipulation si ça n'avait pas été le professeur McGonagall et si je n'avais eu autant envie de leur parler.

-Il s'agit de Mr. Arsène Moistytoffee un Serdaigle de 4ème année et… de Mr. Blaise Zabini, Serpentard, en 7ème année.

-Quoi? Attendez! Zabini? Il n'a pas pu se faire attaquer par Greyback, c'était l'un des leurs!

Je reçus un regard sévère en retour.

-Votre camarade est un sang-pur cela est vrai, mais pas un mangemort. Ne confondez pas les deux Miss Lumare.

-Il…

-Il aurait critiqué avec une virulence un peu trop marquée les coutumes des mangemorts. Ce qui a conduit à cet incident; elle croisa les doigts devant elle. Votre camarade s'est immédiatement réfugié à Poudlard où Mme Pomfresh, Severus et moi-même l'avons soigné de notre mieux. Vous ne devriez pas juger trop hâtivement, Miss Lumare.

Je me tus, fronçant les sourcils. C'était un gamin de riche, arrogant et prétentieux qui traînait dans les pattes de Malfoy depuis sa première année et qui ne se gênait pas pour faire partager ce qu'il pensait des Sangs-de-Bourbe et autres inférieurs.

-Mr Zabini a redoublé sa septième année, il est seul et perturbé par l'attaque de Greyback et par la perte de sa famille. Je pense qu'il a besoin de vous.

Je reniflai sans répondre, les yeux détournés pour ne pas voir la désapprobation dans ceux de McGonagall.

-La prochaine pleine lune tombera entre les premiers lundi et mardi des vacances d'automne. D'ici là j'aimerais que vous réfléchissiez à ce que je vous ai dit.

Zabini qui aurait besoin de mon aide? Risible.

-Aucun de vos deux camarades ne sait que je vous ai révélé leur condition. Ils n'attendent rien de vous, pour l'instant. Je vous demande seulement de ne parler de cette affaire à personne pas même à Messieurs Potter et Weasley ou Miss Granger.

-Oui; acceptai-je… Attendez, comment est-ce que je reviendrai à Poudlard, je ne reste pas pour les vacances?

-Le réseau de cheminettes pourrait être activé momentanément.

-D'accord… Et Severus vous a dit que je passais les vacances chez lui? Demandai-je sans réfléchir.

Je me rendis compte de mon énorme boulette une demi-seconde trop tard. J'écarquillai les yeux. Mais McGonagall se contenta de pincer les lèvres et d'acquiescer.

-Oui.

Merlin… Elle savait.

-Réfléchissez à ma proposition Miss Lumare. Ce sera tout pour ce soir.

Merlin…

Je me levai, encore abasourdie.

-Miss Lumare? M'appela-t-on et c'était la voix du professeur Dumbledore depuis le fond de son tableau. Ne pensez-vous pas que tout le monde ait droit à une seconde chance?

Je cillai. Zabini? Une seconde chance? Je sortis du bureau de la directrice et passai devant le professeur MacNair sans le voir. Mes amis m'attendaient au pied de la gargouille. Je leur dis que je n'étais pas renvoyée, mais que j'avais fait perdre 50 points à Gryffondor.

-Ouais, vive McGo! Y faut qu'on fête ça à coup de jus de citrouille! On va manger?

Harry soupira de soulagement. Hermione… plissa les yeux… Mais elle ne trouva rien à redire dans l'immédiat à part que le professeur McGonagall s'était montrée très généreuse, qu'elle aurait pu me renvoyer, que je ne devais plus jamais attaquer un prof.

-Mione, c'est bon! Souffla Ron.

-C'est très grave ce qui s'est passé aujourd'hui, tu ne dois pas…

Ils se disputèrent jusqu'à la Grande salle.

Des élèves vinrent me voir pendant le dîner, pour savoir si j'avais été renvoyée. Non. Ron les fusillait du regard. Ginny nous ignorait à quelques bancs de là.

Plus tard, j'entrai dans les appartements de Severus; pour me heurter à un regard glacial. Je n'étais qu'une imbécile, une gamine inconsciente, je devais dégager de ses quartiers, connecter mes deux neurones, réfléchir à la débilité profonde de mes actes!

-Vous me décevez beaucoup Miss Lumare; siffla Severus à la fin.

J'étais meurtrie, j'avais très froid. Je ne pouvais plus parler. J'essayai, de bouger mes lèvres, mon souffle était court, aucun son ne sortait.

-Sortez.

Je détournai les yeux, et lorsque je les relevai il y avait beaucoup de rancœur.

Il n'avait même pas essayé de comprendre.

Severus fronça les sourcils. Moi je tournai les talons et quittai ses quartiers.

Nous étions vendredi soir.

Je pris le passage secret des sœurs Crochu, à quelques couloirs des appartements de Rogue, cachai la cape d'Harry, déverrouillai un vieux grillage et arrivai à l'extérieur, près du Lac Noir.

Je me transformai en louve et courus vers la forêt.

J'y restai toute la nuit. Toute la matinée. Toute l'après-midi. Je rentrai dans la soirée, brisée de fatigue et passai une bonne partie de mon dimanche à dormir. Je ne refis une apparition dans la Grande salle qu'au soir du dimanche.

Je ne jetai pas un coup d'œil à la table des professeurs.

-T'as l'air d'un Inferius si tu veux mon avis; lança Ronald avec tact.

-Super sympa, t'en as d'autres comme ça? Grognai-je alors qu'Hermione lui donnait un bon coup de coude dans les côtes.

Je n'avais pas très faim. Je ne parlai pas beaucoup. Harry non plus. Je sentais quelque chose, en plus de son odeur habituelle…

Les cours reprirent le lendemain.

Je n'en pouvais plus. Des heures et des heures assise bien sagement à écouter nos profs, des devoirs qu'ils nous donnaient tous, du temps passé à la bibliothèque pour les rédiger, du stress des tests. J'avais besoin de vacances. De vraies vacances. Et j'avais besoin d'être seule. J'étais fatiguée.

Je séchai nos deux heures d'Histoire de la Magie, Binns ne notant de toute façon pas les absences, malgré le désaccord criant d'Hermione, et repartis dans la forêt.

J'eus envie, si fort, de rester là toute la journée. Je ne voulais pas aller en DCFM. Je ne voulais pas entrer dans la Grande salle, avec tous ces gens, tout ce bruit, Rogue à la table des professeurs.

Je retrouvai mes amis après leurs deux heures de cours et proposai d'aller manger un sandwich dehors. Les elfes nous préparèrent un petit pique-nique.

Il faisait bon, le soleil de cette fin de novembre réchauffait. La forêt allait bientôt se teinter de rouge et or, les feuilles tomberaient.

Hermione me traîna en cours l'après-midi. Harry et Ron me soutinrent dans cette épreuve difficile, avec un sourire goguenard pour le dernier et fatigué pour le premier. Il me rappelait Remus par moment.

Au dîner dans la Grande salle je touchai à peine à mon assiette. Rogue n'était pas loin, les élèves faisaient tellement de bruit, partout des bruits de mastications, des discussions, des cris, des couverts contre les assiettes.

Jeudi je séchai encore une heure d'Histoire de la Magie. Je subis le cours de DCFM et les deux heures de Potions. Mes gestes étaient lents, je ne regardais surtout pas dans sa direction. Mon chaudron n'explosa pas. Dès que la cloche sonna je remplis une fiole et quittai sa classe.

Au dîner je ne pus rien avaler.

-Je vais me reposer un peu dans la salle commune.

-Je t'accompagne; lança Hermione.

-Non, non, ça va. Je vais dormir un peu, et garder un canapé pour vous.

Ron hocha la tête en mordant dans une boulette de viande. Il aimait pas rester toute la soirée avec les fesses collées au vieux tapis de la salle commune.

Je m'extirpai de notre banc et quittai la Grande salle. J'étais encore très fatiguée et Rogue n'était pas là pour moi. Je me demandais même s'il allait encore me tolérer pour les vac…

Des bras, une étreinte, violente. J'hoquetai de panique, avant de reconnaître le corps qui me serrait ainsi, qui m'amenait jusqu'à une salle désaffectée pour me serrer encore plus fort.

-Sev'; soupirai-je.

Mon cœur battait encore violemment, le sang battait dans ma carotide. Il éleva la main jusqu'à m'enserrer le cou et le sentit. Son gros nez se perdit dans mes cheveux.

-Vous n'êtes qu'une imbécile Lumare; murmura-t-il et il me serra plus fort.

J'avais du mal à respirer. J'avais envie de me retourner, envie de le voir. Mais il m'empêchait de bouger.

-Vous avez interdiction d'approcher MacNair, est-ce compris?

Il… ne me croyait toujours pas. Je ne répondis rien.

-Lumare?

-Lâchez-moi; répondis-je.

-Je ne vous laisserai pas gâcher votre scolarité pour un imbécile pareil.

Je me débattis dans ses bras, il ne me lâchait pas.

-Lumare; gronda-t-il à mon oreille.

-C'est un MacNair, il est dangereux et il m'a dit que c'était une erreur de vous faire confiance. Je sais qu'il a fait exprès de propager des rumeurs sur la mort de Dumbledore! Il voulait vous faire renvoyer! Pourquoi est-ce que vous ne me croyez pas?

-C'est un idiot inoffensif Khorine. Et pour la dernière fois tu as défense de l'approcher.

Je me débattis. Il ne me lâchait pas!

-Je me fiche de votre défense, je n'ai pas à vous obéir, vous n'avez qu'à m'enlever des points ou me renvoyer, professeur. Laissez-moi!

Là il desserra enfin sa poigne et je pus m'écarter. Je me retournai vers lui. Furieuse.

-C'est trop demandé que vous essayiez de me croire. Vous pensez que j'attaque tout ce qui bouge parce que j'ai une baguette et que je sais m'en servir? Vous n'avez même pas essayé de comprendre. Vous voulez m'interdire de l'approcher? De quel droit?

Et sur ce je tournai les talons pour quitter la salle désaffectée en claquant la porte.

Comment est-ce que je pouvais aimer quelqu'un et me sentir aussi déçue par lui? Je fusai dans notre salle commune pour me rouler en boule dans un des canapés vides et je restai de sale humeur jusqu'à l'arrivée de mes amis.

-Vous pensez que MacNair n'a pas fait exprès de lancer des rumeurs sur Dumbledore? Leur chuchotai-je.

Harry haussa les épaules, les mâchoires crispées. Ron répondit:

-Je sais pas, mais j'ai pas aimé son petit sourire quand Flitwick t'a envoyée chez la directrice.

Hermione n'enchaîna pas sur le fait que j'aurais pu me faire expulser, elle resta pensive un moment. Puis Ron lui proposa une partie d'échecs, Harry se roula dans un coin pour dormir, j'allai chercher un livre d'Herbologie et nous passâmes une soirée calme, tous ensemble.

Le feu crépitait dans la cheminée, quelques élèves discutaient, il y avait les couleurs de Gryffondor aux murs. C'était paisible, chaleureux, si loin des cachots, des tortures, des mangemorts, de la guerre.

Si loin…