Chapitre 2

Khorine resta contre le mur, tremblante et hagarde. Elle ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer. Rogue lui avait dit… Il lui avait dit… Qu'il ne lui arriverait rien… QU'elle était plus utile vivante. Elle n'était pas utile, en rien, pas dans cette guerre. Et à présent Rogue avait tous les renseignements, ce… Mangemort… il savait pour les Horcruxes, le médaillon qu'ils avaient détruit, et puis le Square Grimmault, la clairière. Elle serait la cause de leur mort, à tous ses amis. Des larmes acides lui inondèrent les yeux, dévalèrent le long de ses joues et gouttèrent partout; des sanglots secouèrent son corps et ses chaînes. Elle n'en pouvait plus, elle les avait trahis, Voldemort allait tous les tuer, à cause d'elle, elle, la douleur irradiait de toutes ses blessures, amplifiait, ses pleurs lui brûlaient les yeux et le front. Elle finit par perdre connaissance.

Lorsqu'elle se réveilla, les joues pleines de sang, de poussières, sillonnées de larmes, les yeux bouffis, le corps secoué de tremblements dus à la fièvre et à la douleur, Rogue, Nagini et le Seigneur des Ténèbres entraient dans les cachots. Une vague de peur la maintint éveillée.

-Chère petite Lumare; siffla Voldemort en s'avançant. Severus ne s'est pas montré trop dur avec toi, n'est-ce pas? Sais-tu qu'à cet instant mes mangemorts sillonnent toutes vos misérables cachettes pour retrouver tes amis? Pas un seul endroit ne leur échappera.

Khorine le fixa, muette de terreur. Non

-Etant donné ta collaboration dans cette réussite Nagini t'accordera peut-être la vie sauve. Qu'en penses-tu? Siffla-t-il à son énorme serpent.

Celle-ci se redressa jusqu'à atteindre sa main, puis glissa lentement jusqu'au sol. Rogue la fixait, impassible, elle le haïssait! Voldemort approchait. Elle s'en rendit compte dans un halètement de terreur. Tout à coup il fut face à elle, ses longs doigts glacés enfoncés dans ses joues.

-Une sorcière si prometteuse, gâchée par ses mauvais choix. Je trouve ton destin pathétique.

-Harry…; murmura-t-elle… «est mon meilleur ami» mourut au fond de sa gorge.

Les yeux rouges sanglants du Seigneur des Ténèbres se verrouillèrent aux siens.

-Harry Potter va mourir. Et tu vivras assez longtemps pour le voir… susurra-t-il. Tu devrais me remercier Sang-de-Bourbe je vais lui offrir une fin grandiose.

Une fin… grandiose… Et à ces mots, l'esprit de Voldemort lui perfora le crâne. Il entra dans son esprit, éparpillant sa noirceur partout, partout, c'était atroce! De l'extérieur elle se tordait contre les pierres, bavait, gémissait, le cou entouré par les doigts rachitiques de Voldemort. De l'intérieur la douleur vrillait tout ce qui existait, ses pensées se disloquaient, elle envoyait des souvenirs n'importe lesquels pour le faire cesser, pour se défendre, elle ne voyait plus rien, elle ne réfléchissait plus qu'à un moyen de fuir, fuir, fuir la douleur, fuir la noirceur qui lui dévorait le cerveau. Et soudain elle trouva refuge. L'endroit était sombre, c'était un voile noir, si fin, mais elle ne sentait plus la douleur. Il y avait des souvenirs qui défilaient, les siens, mais ce n'était pas elle qui les envoyait, elle était en sécurité. Ce n'était pas elle. Et soudain la torture cessa. La masse sombre et atroce s'extirpa de son esprit et Khorine put respirer de nouveau, de grandes goulées d'air. Le voile noir qui la protégeait s'effaça en même temps. Il n'y avait plus que les doigts gelés de Voldemort contre son cou fin.

-Ta peau est chaude… et pleine de sang; murmura Voldemort comme pour lui-même.

Quant à Khorine elle avait la sensation d'être en contact avec un cadavre. Un cadavre de serpent animé. Il finit par retirer sa main et à s'éloigner. L'air putride des cachots semblait moins poisseux, elle parvenait à s'en gonfler les poumons. Son esprit était concentré sur sa respiration, rien d'autre, inspirer, puis il fallait expirer. Si elle cessait d'y penser, tout tremblerait et se disloquerait comme un miroir brisé. Elle devait résister. Son esprit devait tenir. Il devait… coûte que coûte... pour Harry… pour Hermione et Ron, McGonagall qui arriverait. Elle arriverait… Khorine se releva, courageusement, prenant appui sur ses jambes en s'accrochant à ses chaînes.

-Impressionnant; lui accorda Voldemort en la fixant de ses yeux rougeoyant. Elle tient debout Severus, n'est-ce pas impressionnant?

-Très impressionnant Maître. Peu de sorcières en sont capables.

-Non…; répondit Voldemort pensivement.

Ce regard sanglant rivé sur elle faisait naître des frissons de terreur dans sa colonne vertébrale. Elle avait l'impression d'être face à un gigantesque serpent qui n'aurait pas réussi à lui briser les os en une seule fois. Il s'apprêtait à recommencer.

-Dumbledore me l'avait confiée après l'échec Potter. Mais je ne lui ai enseigné que les bases.

-Oui… un de tes rapports précisait qu'il y avait cette Sang-de-Bourbe… Tu as toujours été évasif concernant ses talents Severus.

Le Mage Noir se retourna lentement vers son serviteur, et Khorine respira plus fort, tendue dans l'expectative qu'il allait se faire torturer. Lui le traître. Mais rien ne vint. A la place Voldemort le félicita pour son rapport complet. Rogue s'inclina. Il y eut un instant de profond silence, que Khorine ne se risqua pas à briser, elle était encore trop occupée à penser à respirer.

-Et maintenant rentre à Poudlard. Je n'ai plus besoin de tes services pour l'instant; ordonna finalement Voldemort.

-V…ous n'êtes qu'un lâche; cracha Khorine tout à coup dans le dos de Rogue.

Celui-ci se retourna violemment, le regard brûlant, et avança à grand pas vers elle. Son visage exprimait une fureur sans nom. Khorine n'avait plus peur de rien, il n'y avait plus personne dans sa tête et elle haïssait Rogue au-delà des mots. La baguette de Rogue se retrouva enfoncée dans son cou avant même qu'elle s'en aperçoive.

-Prenez garde à vos paroles, Lumare; siffla-t-il de sa terrible voix traînante. Je pourrais vous regarder vous tordre de douleur pendant des heures et attendre que vous me suppliiez de vous tuer. Je pourrais briser votre esprit dont vous êtes si fière et vos jours ne deviendront plus qu'un cauchemar infini pire que la mort. Je pourrais…

-Suffit Severus; gronda Voldemort élançant sa main rachitique dans le champ de vision de Khorine pour toucher le bras de son serviteur.

Celui-ci recula lentement, les yeux étincelants. Cela sembla amuser Voldemort, un fin sourire sans lèvre étira le bas de son visage.

-Pas encore assez docile à ton goût Severus, n'est-ce pas? C'est intéressant…

Il y eut un moment de silence, glacé, Khorine sentait la menace grandir et elle se maudit d'avoir ouvert la bouche. Rogue fixait son maître, Voldemort fixait de ses yeux rougeoyant la Gryffondor toujours debout… l'air s'épaississait, plus dur à respirer… Et soudain:

-Tu as raison. Nagini rhajissini!

L'énorme serpent se cambra, la tête tournée vers son maître, puis la bougea lentement pour fixer son regard sur la fille. Celle-ci blêmit violemment. Non. Le gigantesque corps se mouva dans sa direction, glissant sur les dalles, lentement, ondulant, l'air était glacé.

-Non; gémit Khorine.

Puis le serpent atteignit sa jambe et s'enroula autour d'elle en grimpant, grimpant, grimpant lentement, son lourd corps entourant le membre fragile couvert d'ecchymoses, la grosse tête en avant dardant une langue fourchue. Le poids était atroce, les os de la sorcière se tassait pour le supporter. Et soudain, des crochets déchiquetèrent la peau de son épaule, le corps du reptile broya sa jambe, elle hurla! La… douleur… était atroce… Elle s'effondra par terre, relâchée par Nagini, hoquetant, plus d'air, atroce.

-Le venin fera bientôt effet; susurra Voldemort en caressant son serpent.

Khorine n'avait déjà plus conscience de rien d'autre que sa souffrance. Voldemort et Rogue finirent par quitter le cachot.

Ce fut une longue nuit qui l'attendit. Où elle délira, foudroyée par la douleur dès qu'elle bougeait, brûlante de fièvre et secouée de frissons qui déchiraient sa jambe en mille morceaux. Khorine voyait des corps sortir de l'ombre, des cadavres se décomposer, elle entendait susurrer Voldemort tandis que des milliers de serpent grouillaient à ses pieds. Le soupirail vomissait la nuit et des créatures rampantes qui sifflaient pour elle, yeux brillant de faim, crocs étincelants, leurs écailles frottaient les dalles, et ils piquaient, ils piquaient partout, son corps entier, le sang s'écoulait, éclaboussait la pierre.

Au petit matin la fièvre avait empiré, elle parlait aux murs, aux visages emmurés, leurs yeux gris et éteints la fixaient. Elle pleurait parfois, eau qui partait en fumée en touchant ses joues rouges brûlantes, elle hurlait quand la douleur était intenable, elle hurlait à plein poumon, jusqu'à s'écrouler contre ses chaînes et le mur. Elle perdait connaissance. Puis elle se balançait de gauche à droite, marmonnant, hagarde.

C'est ainsi qu'elle passa une grande partie de la journée, jusqu'aux premières explosions. La secousse se fit ressentir jusque dans ses chaînes. Elle hoqueta. Le monde se mit à tanguer et elle ne tarda pas à vomir. Pas une pensée cohérente ne parvint à déchirer le voile de douleur et de fièvre. Ensuite la porte s'ouvrit à la volée et Rogue apparut. Son cœur eut le temps de se soulever et de s'alourdir, la forçant à vomir une nouvelle fois. Elle s'évanouit avant que le mangemort n'ait fait un pas.

Dans ses bras elle se souvint vaguement d'ouvrir les yeux pour distinguer un chat tout au bout d'un long couloir. Un chat qui courrait en feulant. La voix de Rogue avait résonné avant qu'il ne s'éclipse par une porte dérobée. Khorine avait entendu les miaulements furieux, puis les imprécations et les coups. Tout s'était estompé, petit à petit,… Elle était retombée dans l'inconscience.

A un moment elle s'était réveillée, elle s'était sentie enveloppée dans un cocon de douceur. Elle avait déliré, puis s'était rendormie, pour se réveiller tressautant de fièvre et sentir des doigts froids et un liquide couler dans sa gorge, et retomber dans l'inconscience… Son état à mi-chemin entre l'inconscience, le délire et la douleur s'étira au fil des jours. Mais la douleur commençait à s'estomper, le venin à être éliminé de son organisme, elle passait le plus clair de son temps à dormir d'un sommeil agité de cauchemars. Il lui fallut près d'une semaine avant de pouvoir se réveiller en ayant des pensées cohérentes. Et lorsqu'elle y parvint, elle se retrouva dans un lit à baldaquin rouge et or, comme ceux de Poudlard, face à un bureau en bois sculpté où travaillait l'être le plus ignoble qui ait pu exister. Rogue était là. La haine lui fit tourner la tête, elle dut retomber contre ses oreillers de gros points noirs apparaissant dans son champ de vision.

-Ne vous levez pas aussi vite Lumare. Vous risquez de chuter et de vous briser autre chose; grogna Rogue tout en continuant d'annoter ses parchemins.

-Vous…; siffla Khorine qui retrouvait l'usage de sa voix.

-Je vous ai sauvé la vie; lâcha Rogue narquois.

Sa plume égratignait le papier tandis qu'il écrivait.

-Il y avait… un chat… McGonagall allait…

-Et comment vous auraient-ils sauvée du venin?

Ses pensées se bousculèrent, se cognant dans le noir de son esprit. Elle n'avait pas mal mais rien ne semblait avoir de sens, à part…

-Hermione. Elle aurait trouvé. Ou Pomfresh, l'infirmière de Poudlard,…

-Et où auraient-elles trouvé les ingrédients ? Comment auraient-elles trouvé les bons dosages?

Elle ne savait pas. Elle ne comprenait pas. Tout faisait partie d'un énorme danger, elle qui parlait à Rogue, dans une chambre qu'elle ne connaissait pas, sans baguette, le corps couvert de bandages. Le mangemort continuait à parler, et il voulait embrouiller ses pensées encore. Elle ne l'écouta pas, se bouchant les oreilles, recroquevillée contre ses oreillers. Lorsqu'elle rouvrit les yeux Rogue était parti, mais elle ne pouvait pas sortir du lit, un maléfice l'en empêchait. Elle ne tarda pas à s'endormir de nouveau sans avoir rien compris à tout ce que sa situation impliquait.

Elle avait faim, son ventre grondait et la tiraillait d'une manière atroce. Elle finit par gémir dans son sommeil, puis à se réveiller tout à fait. La sorcière ne pouvait pas quitter son lit. Ses lèvres craquelées s'étirèrent, depuis combien de temps n'avait-elle pas bu ou mangé quoi que ce soit? Rogue finit par apparaître à sa grande surprise, il portait un plateau avec un énorme bol de porridge, du jus de citrouille et des toasts. Khorine se rembrunit aussitôt, se roulant en boule en lançant un regard hostile au mangemort. Il allait la torturer en mangeant devant elle… Rogue posa le plateau sur son bureau.

-Vous ne pourrez rien avaler d'autre que de la bouillie pour l'instant. Votre estomac est fragilisé et votre mâchoire est en train de se ressouder. En attendant… prenez ceci…

D'un mouvement gracieux de baguette il fit tout léviter jusqu'à Khorine qui fixa son repas avec envie, et méfiance. Elle ne montra aucun signe qu'elle voulait y toucher.

-Lumare, ce n'est pas empoisonné.

Exactement ce qu'aurait dit un empoisonneur. Elle ne pouvait pas lui faire confiance. Rogue fronçait les sourcils, visiblement agacé. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu une émotion sur le masque cireux de son visage.

-Pourquoi; commença-t-il de sa voix traînante, aurais-je pris la peine de vous sauver du venin de Nagini et de soigner toutes vos autres blessures si je voulais vous tuer?

Khorine prit la peine de réfléchir à cette question. Le silence s'étira.

-Je ne sais pas.

-Alors mangez; ordonna-t-il.

La Gryffondor ne bougea pas. Et puis lentement, elle actionna son bras. Ses muscles la tiraillaient de partout mais elle réussit à agripper le bord du plateau. Elle le renversa vers le sol. Rogue immobilisa le tout avant qu'il ne s'écrase sur les dalles.

-Espèce d'idiote! Vous avez besoin de manger!

-Je ne vous fait… pas… confiance; s'essouffla la Gryffondor.

Le mangemort fit revenir le plateau vers lui, intact.

-Je ne vous demande pas de me faire confiance, seulement de rester en vie. Vous me faciliteriez grandement les choses en mangeant sans mon intervention.

La sorcière ne voulut rien entendre. Il fut obligé de l'immobiliser d'un sort avant et de lui donner la becquée. Il massait sa gorge pour que le porridge tombe jusque dans son estomac. Khorine était furieuse, elle ne pouvait rien faire. Elle s'épuisa à essayer de rompre le sort et lorsque Rogue la libéra enfin elle s'écroula sur ses oreillers. Sa respiration était hachée, elle fusillait son ancien professeur du regard.

-Qu'est-ce que vous me voulez? Finit-elle par cracher.

Le professeur Rogue, nouveau directeur de Poudlard, espion pour l'Ordre du Phénix et ancien mangemort, observa la jeune fille en silence. Son regard sombre détailla le corps frêle, la peau tannée par l'extérieur et recouverte de cicatrice, les longs cheveux ondulés qu'il avait dû laver lui-même à défaut d'appeler un elfe de maison, les bandages qu'il avait apposés, les yeux bleu océan de son ancienne élève. Qu'est-ce qu'il lui voulait?

-Votre rétablissement. Complet.

La sorcière écarquilla les yeux de stupeur.

-P-pardon?

-Vous resterez à Poudlard tant que je l'aurai décidé; l'informa-t-il d'un ton sans réplique.

Elle était bien à Poudlard alors. Et Rogue voulait la garder prisonnière ici. Ça n'avait aucun sens.

-A quoi est-ce que vous jouez? Grogna-t-elle, perdue.

Est-ce qu'il essayait de se faire passer pour un allié? Comment pouvait-il ne serait-ce qu'essayer après ce qu'il avait fait? Ce meurtrier! Traître! Il les avait tous trahi! Il avait tué Dumbledore devant Harry, tué Hedwige en plein ciel et il l'avait torturée pour livrer toutes leurs cachettes à son maître! Et Harry leur avait dit… Il leur avait dit que Rogue était le responsable du meurtre de ses parents, que c'était lui qui avait livré la prophétie au Seigneur des Ténèbres!

-J'ai une mission à remplir Miss Lumare; prononça-t-il d'une voix douce soudain. Pour Dumbledore.

Et alors qu'il prononçait ces mots, tout devenait clair pour Severus Rogue. Tout revenait à sa mémoire, les souvenirs de l'année précédente, cette nuit d'orage où Dumbledore était venu le trouver la main noircie, ses marmonnements indistincts en parlant de sa fin proche, des enfants qu'il fallait protéger. Il avait tout fait pour retarder l'inévitable. Il avait souffert de l'affaiblissement du vieux sorcier. Il avait été son seul allié dans cette guerre, le seul à réellement le comprendre. Il se rappelait de sa longue barbe blanche, ses tenues ridicules, ses lunettes argentées et son regard bleu pétillant de malice. Il y avait ces horribles bonbons au citron également. Une pitié qu'ils n'aient pas été oubliés sur son portrait. Oui… Il se rappelait…

La présence de cette gamine ravivait quelque chose dans sa mémoire; et ce dès qu'il avait recroisé ses magnifiques yeux océan.

Cette fois-ci il ne se préoccupa pas des répliques cinglantes de la Gryffondor et de tout ce qu'elle put lui jeter comme menace au visage, il avait trouvé; des éléments qui ne pouvaient être oubliés furent rappeler à sa mémoire et il sourit malgré lui en quittant la chambre de la petite furie. Il se souvenait.