Chapitre 3
-Peu importe de quel côté je suis ou de quel côté vous me pensez être. Le plus important est mon intention de vous garder en vie et de vous voir regagner un état satisfaisant pour être remise à l'Ordre; fit Rogue lentement.
Il avait l'impression d'apprendre à la Gryffondor à être une Serpentard. Ce qu'elle ne serait jamais, même en tant de guerre, cette petite idiote. Il y eut un grand silence. Khorine tenait toujours son troisième bol de porridge de la semaine entre les mains. Elle réfléchissait les sourcils froncés… Après avoir hurlé, menacé, balancé ce qui lui passait sous les mains il avait bien fallu qu'elle l'écoute. Et l'ancien directeur des Serpentard maniait les mots à la perfection, pour l'embrouiller encore plus… Elle finit par marmonner:
-Combien de temps?
-Deux semaines. Ensuite Minerva viendra vous chercher.
Elle fronçait les sourcils, son cerveau fonctionnant lentement, trop lentement, peut-être à cause des potions qu'il lui administrait toujours.
-Comment je sais… que vous ne mentez pas?
-Si je ne vous rends pas à elle dans deux semaines Minerva viendra pulvériser mon bureau et vous prendre de force; répondit Rogue avec un rictus particulier.
On aurait presque dit… de l'affection… Oui maintenant qu'elle le voyait… Cela lui rappelait avant, quand il était encore son professeur et qu'elle avait confiance en lui, il l'avait regardée comme ça en haut de la Tour d'Astronomie. Des mensonges encore…
-Je veux voir… le professeur McGonagall.
Rogue haussa un sourcil, surpris, elle ne faisait plus de difficulté pour s'ouvrir à la discussion.
-Et qu'aurais-je en retour?
Khorine aurait été tentée de lui offrir un des cailloux qu'elle avait toujours dans les poches mais elle ne savait pas du tout où pouvaient être ses vêtements. Elle portait une longue chemise blanche dont elle se refusait à identifier le précédent propriétaire depuis qu'elle s'était réveillée. Elle réfléchit…
-Je resterai tranquille pour 2 semaines.
Tranquille, un mot vague qui ne l'engageait à rien. Elle commençait presque à devenir Serpentard. A moins qu'il représente quelque chose dans l'esprit de la Gryffondor. Rogue soupçonnait que ce fut le cas, ce pourquoi il accepta d'un hochement de tête.
-Je convoquerai votre professeur dans deux jours, si vous êtes en état de marcher.
Khorine acquiesça, elle le devrait, coûte que coûte. Ses yeux lançaient des éclairs lorsque Rogue quitta sa chambre, il ne doutait pas qu'elle allait s'entraîner toute la journée.
Une fois Rogue parti, Khorine inspira profondément, essayant de faire le vide plusieurs fois. La façon dont Rogue se comportait était trop équivoque, ses sourires, sa présence qui ne devait pas être rassurante, il l'avait torturée Merlin! Il fallait qu'elle se concentre, qu'elle réussisse à se lever…
Elle inspira calmement et l'air de la chambre gonfla ses poumons. La sorcière ferma les yeux et se concentra sur son propre corps, les bandages autour de ses côtes, l'attelle à son bras droit pour elle ne savait quelle raison, les centaines de petits picotements au niveau de jambe que Nagini avait brisé, sa mâchoire encore douloureuse… tout le reste s'était effacé et avait disparu, les hématomes n'étaient plus qu'un vague souvenir jaunâtre, les écorchures avait cicatrisé, les articulations de ses épaules ne pulsaient plus et la douleur provoquée par le venin n'était plus qu'un douloureux souvenir. Elle pouvait se lever.
Khorine commença par se redresser. Il lui fallut du temps, elle joua des coudes malgré la souffrance, pour gagner des pouces de terrain, petit à petit. Elle était à bout de souffle lorsque son dos atteignit le montant du lit. Elle dut se reposer, frustrée mais incapable de faire plus tout de suite…
Ce fut long avant qu'elle ne parvienne à s'asseoir au bord de son lit, les deux mains accrochées au baldaquin. Son souffle était sifflant, tous ses muscles criaient d'agonie. Elle n'avait pas bougé de ce lit depuis plus d'une semaine et les tortures précédentes n'avaient rien arrangé. La jeune femme se reposa. Puis elle fit sa première tentative pour tenir debout. Elle s'effondra aussitôt à genou, sur celui qui la faisait souffrir, et vit trente-six chandelles. Son souffle était coupé. La sorcière eut juste l'énergie de tirer sur son bras valide pour remonter sur son lit et chercher de l'air, haletant lamentablement. Elle s'endormit au cours de l'exercice; plusieurs fois. A vingt heures quand Rogue reparut elle n'avait pas réussi à faire mieux que se tenir debout quelques minutes près de son lit. La jeune sorcière était épuisée. Elle mangea sa bouillie sans rechigner et lutta un instant contre la fatigue tandis que le mangemort lisait tranquillement un vieux grimoire au bureau près de son lit. A un moment Rogue se leva pour changer ses pansements et examiner sa jambe gauche. Elle ne pouvait y prêter attention, trop épuisée. Elle ne réagit pas, Rogue ne dit rien. Elle finit par s'endormir en présence du Mangemort, incapable de résister plus longtemps. Le lendemain Khorine s'entraîna toute la journée, ce ne fut pas suffisant. Elle ne fut en état de tenir debout que le lendemain, avec plusieurs potions de Vitalité.
-Tenez-vous; soupira Rogue en avançant son bras.
Khorine hésita de longues secondes avant d'accepter. Elle aurait été pitoyable à s'accrocher aux murs et elle aurait pu ne jamais atteindre le bureau directorial. La Gryffondor était blafarde mais en vie lorsqu'elle atteignit le siège de Dumbledore, ancien siège. Le portait du vieux sorcier ne représentait que sa caisse de bonbons au citron, ce dernier n'était pas là, comme s'il refusait de rester dans la même pièce que son meurtrier. Comment osait-il se tenir ici? Dès qu'elle n'en eut plus besoin elle lâcha le bras du mangemort. Ses cheveux gras et sa peau cireuse luisaient à la lumière du soleil, la pièce était brillamment éclairée, il l'observait avec une étrange fixité.
-Je vous laisserai une heure avec votre professeur, pas une minute de plus… faîtes en bon usage.
Avant qu'elle n'ait pu répondre quoi que ce soit, trois coups secs retentirent contre la porte. Rogue se déplaça dans un envol de cape pour aller ouvrir, puis s'éclipsa sous le regard torve du professeur McGonagall. La seconde d'après ses yeux perçants se posèrent sur la jeune lionne. Elle était tellement blême, tremblante, elle voyait tous ces bandages qui dépassaient. Le professeur s'avança les sourcils froncés par l'inquiétude et la porte se referma sur elle.
-Miss Lumare? Est-ce bien vous?
-Et… Vous? Comment est-ce que je peux savoir que vous n'êtes pas un mangemort sous… sous Polynectar? Finit-elle à bout de souffle.
Le professeur approchait. Elle évoqua son entretien d'orientation de 5ème année tandis que Khorine hochait la tête, des détails qu'elles seules pouvaient connaître et elle finit par une question:
-Quel métier vous intéressaient, en ces temps?
-Maîtresse des potions; lâcha Khorine.
Elle se rappelait de ce jour, de ses certitudes idiotes.
-Et à présent?
-… Je ne sais plus.
Mais cela n'avait aucune importance. Pour l'instant il y avait beaucoup plus important, comme le regard félin que son professeur vrillait sur elle, son chapeau noir en soie fine, son chignon tiré à quatre épingles, ses rides et son maintien sec, sa longue robe d'un bordeau sombre. Il s'agissait bien de sa directrice de maison, elle en était sûre. Au moins Rogue n'avait pas menti là-dessus.
-Qu'est-ce qui s'est passé? Je… je vous ai vu là-bas. Hermione m'avait prévenue que vous viendriez jusqu'à moi mais je… J'ai tenu aussi longtemps que je pouvais; explosa-t-elle soudain.
Elle avait tellement de chose à lui demander, des choses qu'elle ne comprenait pas, comment allait ses amis, ce qu'il s'était passé, pourquoi Rogue l'avait sauvée. La vieille McGonagall s'approcha et finit par faire léviter son fauteuil juste devant celui de la Gryffondor, elles étaient si proches que leurs genoux se touchaient presque et c'était tellement impromptu ce semblant de contact que Khorine y trouva du réconfort.
-Messieurs Potter et Weasley et Miss Granger ont atteint une des bases de l'Ordre grâce à l'elfe Dobby qui est malheureusement décédé en les sauvant.
Dobby… Alors… elle avait bien compris ce qu'Hermione avait marqué…
-Les membres de l'Ordre de disponibles ont aussitôt été tenus au courant de votre capture et vos amis ont su nous convaincre de l'importance de vous récupérer dans les plus brefs délais. Une attaque a été portée au manoir Malfoy le lendemain de votre capture. J'étais… responsable… de votre sauvetage.
-Et ensuite? Souffla Khorine. Que s'est-il passé? J'ai entendu une explosion.
-Oui. Une diversion. Cela m'a permis d'avoir l'aile Est libérée et de pouvoir atteindre les cachots. Seulement Rogue a été plus rapide; cracha-t-elle en retroussant ses lèvres. Il vous a enlevé devant moi. Bill Weasley a été gravement blessé durant l'attaque.
Lumare blêmit encore un peu plus si c'était possible. Les genoux de son professeur touchèrent les siens.
-Il est hors de danger, rassurez-vous.
-D'… D'accord… Et… Et Harry? Hermione? Ron?
-Ils vont bien… Cela fait une semaine qu'ils sont en sécurité dans une des cachettes de l'Ordre dont vous ignoriez l'existence.
Le soulagement fut si fort en cet instant, que des larmes perlèrent aux yeux de la survivante.
-Merci… Et… Et après?
-Je me suis précipitée à Poudlard comme vous pouvez vous en douter. Là où Rogue m'attendait. Il m'a promis que vous étiez en sécurité et qu'il veillerait sur vous jusqu'à ce que vos blessures ne soient guéries.
-Et vous le croyez? Demanda Khorine, abasourdie.
Son professeur crispa les mâchoires et détourna les yeux vers le soleil du midi qui scintillait derrière la verrière.
-Nous avons échangé un Serment Inviolable. Je suis certaine qu'il vous livrera à nous dès que vous serez guérie.
-Il y a… forcément un piège… Forcément.
McGonagall hocha la tête puis répondit:
-Oui. Mais je ne suis pas en mesure de le voir pour l'instant. Ses seules conditions sont que je n'en parle à personne d'autres qu'à vous ou lui.
Khorine secouait la tête.
-Vous avez vraiment négocié avec ce meurtrier?
-Je n'avais pas le choix; rétorqua sèchement son professeur en se redressant pour la fixer de ses yeux gris aux reflets dorés. Je n'avais pas le choix si je voulais vous récupérer en vie.
Khorine allait répliquer… Elle se contenta de secouer la tête et elles tombèrent toutes les deux dans le mutisme. Les minutes s'égrainèrent. Elle ne le dirait pas mais voir un visage allié lui faisait chaud au cœur, elle était heureuse de voir sa directrice de maison. Quant au professeur McGonagall, elle détaillait discrètement toutes les marques de tortures distinctes sur le corps de son élève. Après un long silence, Khorine murmura:
-Mais qu'est-ce qu'il veut? Pourquoi est-ce qu'il m'a sauvée?
McGonagall secoua la tête sans répondre, elle non plus ne comprenait pas. Ce ne pouvait pas être dans l'intérêt de Voldemort. A moins qu'il tienne à ce que Potter voit les blessures de son amie. Non… Ou peut-être qu'il l'avait conditionnée pour les attaquer, pour atteindre Potter en traversant toutes leurs barrières de protection. Non… Non, elle ne comprenait pas.
-Tout ce que je peux vous demander c'est d'être extrêmement prudente Miss Lumare. Ne lui faîtes jamais confiance.
Khorine crispa les mâchoires jusqu'à réveiller la douleur dans son os tout juste reconstitué:
-Ça ne risque pas.
La vieille McGonagall lui donna encore d'autres conseils puis se leva, elle avait une réunion avec d'anciens membres de l'AD, elle avait fait en sorte de lui gagner trente minutes pour souffler, loin de Rogue.
-Merci professeur; souffla Khorine en souriant.
-Courage; lui répondit son professeur avant de quitter le bureau directorial.
Ce sourire après toutes ces tortures alors qu'elle n'était qu'une enfant. Tous, Potter, Granger, Weasley, tous ses élèves n'étaient encore que des enfants. Albus et elle n'avaient pas su les protéger…
Restée seule devant le large bureau dorée Khorine soupira et se recroquevilla, la tête dans les bras. Il lui avait fallu toute son énergie pour rester assise, droite, aussi longtemps. Elle ne savait pas que sa faiblesse venait des ravages du venin de Nagini sur ses tissus pulmonaires et musculaires. Elle se sentait seulement fatiguée, très fatiguée, sans raison. La jeune sorcière ferma les yeux et sombra dans l'inconscience. Lorsqu'elle les rouvrit, une dizaine de minutes plus tard, elle avait un goût pâteux dans la bouche et se sentait observée.
Elle balaya la pièce du regard. Il n'y avait personne, personne, rien d… Elle sursauta violemment en croisant les yeux bleus de Dumbledore.
-Miss Lumare; la salua-t-il.
-P… professeur Dumbledore; répondit-elle alors que tous les autres directeurs ronflaient ou avaient disparu.
Il était le seul à la fixer depuis son tableau au cadre doré. Il lissa sa longue barbe argentée et attrapa un bonbon au citron qu'il goba. Khorine le fixa faire sans rien dire, une boule dans la gorge. Harry ne s'était jamais remis de sa mort, il avait été la seule famille qu'il lui restait. Et le directeur était le symbole de la Lumière, celui qui savait tout, le sorcier le plus puissant de leur siècle, le seul dont Voldemort avait peur. Comment ce sorcier avait-il pu se laisser tuer par quelqu'un comme Rogue?
-Vous semblez bien pensive aujourd'hui, Miss.
Elle n'avait pas beaucoup parlé à Dumbledore mais les rares fois où il était apparu pour lui adresser quelques mots, il ressemblait à cela. Khorine secoua la tête.
-Je ne comprends pas.
-Vous devez lire entre les lignes; répondit-il le regard pétillant.
-Je n'y arrive pas, ça n'a pas de sens.
-Alors, écoutez votre cœur; proposa-t-il en gobant un bonbon.
Khorine se renferma, les mâchoires crispées. Non.
-Non.
Il y eut un silence après ce non catégorique, et lorsqu'elle finit par relever la tête pour recroiser les yeux scintillant de l'ancien directeur ce fut pour cracher:
-J'aurais pu lui confier ma vie avant qu'il ne prenne la vôtre. J'ai eu ma leçon.
Le silence s'étira après sa déclaration et elle crut que la discussion était close. Elle reposa sa tête contre ses bras, se cachant dans l'étoffe blanche de sa chemise. Quelques minutes passèrent et puis soudain Dumbledore murmura:
-Il n'est pas trop tard. Suivez la lumière bleue.
Le temps qu'elle se relève pour lui demander ce qu'il voulait dire, il avait disparu.
-Quelle lumière bleue? Demanda-t-elle dans le vide.
Le silence lui répondit. Quelle lumière bleue? Il n'y avait que des bibliothèques et des vitrines courant sur les murs, avec une plateforme remplie de livres plus haut, un vieux tapis gris, rouge et or, des objets étranges et des scrutoscopes tournant. Mais elle ne voyait aucune… aucune… lumière bleue… Sauf… peut-être… Elle l'imaginait sûrement mais… Khorine se leva du bureau, difficilement, et un pas après l'autre se rapprocha d'un pan de bibliothè apercevait comme un faible scintillement entre deux rangées de grimoires. Elle ne l'aurait jamais discerné si Dumbledore ne venait pas juste de parler d'une lumière bleue… La Gryffondor s'agrippa à une étagère, reprenant son souffle, celle-ci se déverrouilla et pivota comme par magie. Un flot de lumière bleu illumina la pièce et une pensine apparut devant la Gryffondor.
-Oh… Merlin; murmura-t-elle…
Elle s'agrippa au bord de pierre, le souffle court, et fut aussitôt absorbée par la pensine. Son esprit fut attiré par le premier souvenir qui se présenta… Un soir de clair de lune… Rogue marchait seul dans les couloirs, il faisait sa ronde. Khorine le fixa, abasourdie, il était plus jeune, juste de quelques années mais il y avait quelque chose dans son air, quelque chose qu'elle connaissait, qu'elle avait vu lorsqu'il enseignait encore les potions. Le mangemort avait l'air attentif, pourtant il passa devant elle sans la voir. Harry leur avait parlé de ce qu'il s'était passé lorsqu'il avait plongé dans la pensine de Dumbledore. Alors elle ne s'en étonna pas et suivit le Rogue plus jeune. Il préparait peut-être un mauvais coup, ce souvenir était le premier à s'être présenté, il devait être important. Ils étaient dans les quartiers Est, près de la volière et de la tour d'Astronomie. Rogue n'hésita pas un instant avant de prendre les escaliers qui menaient au sommet de la tour. Il les montait rapidement, de son pas énergique, elle dut courir pour rester à sa hauteur. Et puis soudain, il s'arrêta. Et elle se vit!
Elle était là, assise sur la rambarde de la Tour à fixer le Lac Noir. Elle voyait ses cheveux noirs tournoyer avec la brise, elle était encore en uniforme malgré l'heure, et elle n'avait rien entendu. Elle voulut se prévenir, lui crier que le mangemort la fixait! Mais son double n'entendait rien, ce n'était qu'un souvenir. La Khorine du futur se tourna alors vers Rogue, pleine de rancœur, pour s'apercevoir qu'il fixait son double sans un mot, quelque chose dans les ténèbres de ses yeux paraissait presque adouci… Elle ne se rappelait pas qu'il lui ait enlevé des points en haut de la tour d'Astronomie… Khorine se demanda ce que cela signifiait, et puis elle se souvint. Oh!
-Miss Lumare!
Les deux Khorine sursautèrent. Rogue s'avança, un rictus fabriqué dévoilant ses dents jaunes.
-Pourriez-vous m'expliquer ce que fait une Gryffondor comme vous en dehors de son dortoir à cette heure de la nuit?
-Je…; son double se troubla avant de retrouver son aplomb. La prochaine épreuve au Lac Noir est pour demain mais Harry ne pourra pas tenir plus d'une heure sous l'eau! J'avais pensé à utiliser la Potion du Triton pour l'aider mais j'ai lu qu'elle avait des effets secondaires désastreux.
Comme escompté son professeur s'avança un peu plus sans lui ôter de point. Elle n'en avait même pas été étonnée, Rogue était comme un mentor pour elle, quoi qu'en dise Harry et Ron. La Khorine du futur crispa les mâchoires, connaissant la suite. Il l'avait insultée subtilement pour ne pas savoir contrer les effets indésirables puis il lui avait ordonné de le suivre et ils avaient passé la nuit le nez au-dessus de chaudrons. Harry avait pu l'avaler juste avant l'épreuve et ne pas se retransformer au plus profond du lac là où personne n'aurait pu le sauver. Elle lui en avait été tellement reconnaissante, même après les révélations de Croupton Junior, elle savait que Rogue n'était pas au courant, elle l'avait su, et elle s'était trompée.
Le souvenir se brouilla et donna le tournis à la Gryffondor alors qu'elle tombait dans un autre souvenir, un souvenir où Rogue était un étudiant! Elle aurait reconnu entre mille les cheveux gras, le grand nez aquilin et les yeux noirs brûlants. Il était si petit, en première ou deuxième année. C'était… C'était… Il avait une pile de livres dans les bras et marchait au côté de… d'une Gryffondor?! Elle avait les cheveux roux flamboyant et lui souriait! Le souvenir se flouta et elle vit Harry, non, c'était James Potter, et il y avait Remus oui elle le reconnaissait et Sirius et Pettigrew ce traître! Ils étaient à quatre contre Rogue! Les sortilèges pleuvaient, des gerbes de feu retombaient sur l'herbe verte du parc. Elle fut arrachée à ce souvenir pour retomber dans un autre où un Rogue enfant se tenait près de la Gryffondor qu'elle avait déjà vu, il avait une marguerite dans la main. Et puis elle vit James Potter et la Gryffondore. Elle sut immédiatement qu'il ne s'agissait de nulle autre que de Lily Potter, la mère d'Harry. Elle assista, dévastée, aux sanglots suffoqués de Rogue devant le cadavre de la jeune femme.
Ensuite passèrent dans un tourbillon des souvenirs de Dumbledore, le regard dur, les yeux scintillant de malice, sa main carbonisée qu'il avait tenté de guérir, la blessure qui s'étendait.
-Vous devrez me tuer Severus, quand le moment viendra, vous l'avez promis.
-Il ne vous est sans doute jamais venu à l'esprit que je n'avais plus envie de le faire!
-Vous n'avez pas le choix!
Ses mots résonnaient cruellement dans sa tête, se cognant contre les parois de son crâne pour se faire entendre encore. Elle entendait Dumbledore qui lui ordonnait de le tuer. C'était atroce, atroce. Elle aperçut dans un éclair Dumbledore basculer par-dessus le balcon de la tour d'Astronomie. L'instant d'après elle s'extirpait de la Pensine, suffoquant, tremblante de tout son corps, elle s'effondra sur les fesses au pied de la Pensine. Des larmes lui dévalaient les joues. Elle se recroquevilla contre la pierre glacée et pleura tout son soûl à l'abri dans le bureau du directeur… C'était trop dur… Trop douloureux… Elle manquait d'air, son souffle se bloquait dans sa gorge, elle étouffait au milieu de ses pleurs. La sorcière s'accrocha à la pierre, cogna son front contre le froid et se força à respirer, à respirer, plus lentement. Et au fur et à mesure que son souffle décélérait ses larmes glissaient sur sa peau et gouttaient jusqu'à la pierre.
-Je suis… désolée…; sanglotait-elle doucement. Je suis désolée… Je suis… tellement… désolée…
Lorsque Rogue revint à son bureau les poches de sa cape pleines d'ingrédients, il tomba sur son étudiante, recroquevillée et endormie contre sa pensine, les joues sillonnées de larmes. Une colère froide s'empara de lui.
-Lumare! Levez-vous! Immédiatement!
La Gryffondor s'éveilla soudain et son regard trouble se posa aussitôt sur Rogue.
-Levez-vous! Tonna-t-il une fois de plus. Qui vous a autorisée à fouiller dans ma pensine? Après tout ce que j'ai risqué pour vous garder en vie!
La Gryffondore était trop endolorie et trop fiévreuse pour parler.
-Répondez! Gronda-t-il en s'approchant.
Elle se redressa comme elle put à l'aide de son seul bras valide, ses yeux secs brûlaient, elle n'avait jamais vu Rogue aussi furieux contre elle. Contre Harry oui, mais jamais contre elle.
-Je…ai… Dumbledore; lâcha-t-elle avant que sa gorge ne se coince.
Le nouveau directeur tourna violemment la tête vers le portrait de Dumbledore, à s'en faire craquer les cervicales. Mais le portrait était absent et Rogue n'avait jamais été aussi furieux.
-Qu'avez-vous vu? Siffla-t-il le regard dangereux.
Elle déglutit.
-Tout.
Il approcha d'un nouveau pas rageur, se trouvant pratiquement nez à nez avec elle. Elle se mit à trembler comme une feuille.
-Précisez.
-J'ai vu… le soir où vous m'avez aidé pour la Triton, et des…des souvenirs avec Dumbledore et… et avec la mère de Harry.
La Gryffondor ne pouvait pas mentir. Elle n'était pas en état d'inventer quoi que ce soit ou de lui cacher la moindre information. La voir trembler ainsi devant lui l'arrêta. Sa violente colère s'en trouva refroidie, il cligna des yeux. Son étudiante savait tout. Elle savait tout. Si elle en glissait le moindre mot à Potter…
-Si vous mettez Potter au courant de ce que vous venez d'apprendre le Seigneur des Ténèbres l'apprendra d'une manière ou d'une autre.
-Je… Je ne lui dirai rien. Je vous promets.
Elle déglutit.
-Je prendrai de la Goutte du mort vivant avec moi, tout le temps. Si jamais je suis… capturée; haleta-t-elle, je ne laisserai personne lire dans mon esprit.
-Vous ne ferez rien de la sorte; aboya-t-il.
Elle cligna des yeux en relevant la tête vers lui. Ses sourcils étaient froncés, lèvres pincées, les joues vaguement rosies, c'était aussi très mauvais signe. S'il était entré ainsi dans sa salle de classe une année auparavant un silence de tombe l'aurait accueilli.
-Je vous donnerai une potion pour brouiller votre mémoire jusqu'à l'administration d'un antidote.
Les Gryffondor étaient beaucoup trop émotifs pour leur propre bien. Mais un rictus lui écorcha le coin des lèvres, il reconnaissait bien là son élève. Et sans qu'il s'y attende sa colère disparut d'elle-même. Il aida Khorine à se relever. Celle-ci tremblait encore, la mémoire pleine des nouveaux souvenirs et de tous les anciens qu'elle avait refoulé jusque-là. Ses heures de retenues où il lui avait donné des cours privés, ses cours de Potions où elle lui avait souri à l'évocation d'un ingrédient particulier, ses sorties dans la Forêt Interdite à la recherche de plantes rares qu'elle lui ramenait ensuite pour expertise, et tout le reste… Elle n'avait pas menti, elle lui aurait confié sa vie avant qu'il ne détruise celle du directeur. Et à présent elle se souvenait de tout. Il n'y avait rien à pardonner. Son mentor retrouvait simplement la place qu'il avait toujours occupé.
Il l'avait épargnée dans les cachots, elle en était sûre. D'une manière ou d'une autre elle était certaine qu'il l'avait sauvée. Elle haletait, accrochée au bras de Rogue. Il la laissa tomber dans un des canapés de son salon privé.
-Professeur; appela-t-elle levant des yeux incertains jusqu'à lui, vous étiez… vous étiez amoureux de la mère d'Harry?
Un sursaut de colère ressurgit dans les yeux de l'espion.
-Votre indiscrétion maladive n'a-t-elle donc aucune limite? siffla-t-il d'une voix basse.
La Gryffondor cilla, la tête lourde, elle avait compris la réponse.
-Est-ce que je pourrais avoir un peu d'eau? Demanda-t-elle sans transition sa tête bourdonnant d'une façon désagréable.
Rogue fit léviter sans un mot un verre d'eau et une fiole de potion.
La sorcière avala le tout sans regarder. Son mal de tête s'estompa presque immédiatement, ne resta plus que la fatigue. Elle vit son professeur se détourner d'elle pour s'enfoncer dans le couloir de droite et entrer dans une pièce bizarrement éclairée. La lumière qui s'en échappait était très pâle. Elle ne vit rien de plus. Lorsqu'il revint vers elle la jeune femme fixait un point droit devant elle, pensive et immobile, assise en boule contre un accoudoir. Sa main droite pendait de son attelle, de fines cicatrices et les éclats jaunes d'anciens bleus parcouraient sa peau, sa jambe droite était marbrée de gris et de vert. La guerre… laissait des traces… Lui pouvait bien en témoigner…
-Vous n'avez pas déjeuner, n'est-ce pas?
Khorine secoua la tête, puis la tourna vers Rogue. Il l'avait sauvée dans les cachots et après que Nagini l'ait mordue. Il avait toujours été de leur côté. Et elle l'avait traité de lâche. Elle avait perdu confiance en lui.
-Non; répondit-elle tout bas. Est-ce que… Est-ce que vous pourrez me pardonner un jour?
Rogue la fixa étrangement, d'un de ses longs regards sombres.
-Qu'avez-vous donc à vous faire pardonner Miss Lumare?
-Je ne croyais plus en vous; avoua-t-elle d'une voix éteinte et ses yeux étaient dirigés vers lui sans sembler le voir.
-Nous verrons cela plus tard, pour l'instant ne bougez pas.
Son professeur s'éloigna dans un envol de cape et quitta le salon pour revenir avec un plateau fumant de nourriture. Ils mangèrent en silence, Rogue très peu, Khorine du bout des lèvres. La purée de pomme de terre était chaude. La Gryffondor avait un goût de cendre dans la bouche. Elle se rendait compte de tout ce qu'elle avait perdu et de tout ce qui ne serait plus. Après le repas elle demanda à prendre un bain. Rogue lui indiqua une porte à droite le long du couloir principal, il lui indiqua qu'elle pouvait l'appeler si besoin.
-Et ma baguette… J'imagine qu'elle est perdue? Demanda Khorine.
Rogue grogna:
-Vous n'êtes pas encore en état de l'utiliser, je vous la remettrai quand je le jugerai bon.
-Vrai? Vous l'avez? S'anima Khorine avec joie.
L'espion hocha vaguement la tête puis la laissa entrer dans la salle de bain. Elle était aussi grande que celle des préfets! La porte se referma sur Khorine qui se tint au mur. Huit robinets d'eau s'ouvrirent simultanément et deux autres contenant des liquides violet et vert. La jeune fille les fixa en silence, ainsi que la gigantesque baignoire qui se remplissait d'eau chaude et de mousse, une senteur boisée et fruitée atteignait ses narines. Ce bain… elle en avait besoin! Les sortilèges que lui avait jeté Rogue pour la maintenir propre laissaient une désagréable sensation sur la peau et elle sentait ses cheveux devenir graisseux. Khorine eut quelque mal à se débarrasser de sa chemise de nuit puis à entrer dans l'eau sans mouiller son attelle. Elle était sur le point d'être embêtée par son bras lorsqu'une énorme bulle surgit d'un des robinets pour flotter jusqu'à elle et entourer l'attelle. La Gryffondor put alors la plonger dans l'eau en toute sérénité. Elle soupira de bien-être tandis que la baignoire continuait à se remplir en glougloutant. L'air était chargé du parfum des huiles moussantes et des vapeurs d'eau, elle se laissa couler complètement et lava lentement ses longs cheveux bruns. Ensuite de sa seule main libre elle se lava le corps, prenant tout son temps, l'eau délicieusement chaude lui léchant la peau. Les robinets se refermèrent sans qu'elle y prenne garde et après ses ablutions la Gryffondor resta simplement dans son bas, la tête contre le rebord en fermant les yeux.
Elle se sentait propre à l'extérieur… A l'intérieur s'était autre chose… Ce qu'elle avait dit à Rogue et ce qu'elle avait pensé de lui durant ces longs mois ne pouvaient pas s'effacer de sa mémoire. Malgré ce qu'il avait fait elle aurait dû lui faire confiance, il était son mentor, son maître de Potions. Ses considérations noires alourdirent ses pensées jusqu'à la plonger dans la somnolence, une somnolence bordée de souvenirs…
Elle avait été sommée de rejoindre les cachots de Rogue deux semaines après le désastre des cours d'Occlumencie d'Harry. Rogue l'y attendait, les bras croisés sur sa robe de sorcier noir, l'air revêche, les lèvres pincées.
-Dumbledore m'a demandé de…
-Je sais ce que Dumbledore vous a demandé! Et j'ose espérer que vous me ferez moins perdre mon temps que Potter; cracha son professeur de Potions.
-A ce propos Harry a vraiment bes…
-Votre précieux petit Potter ne remettra plus jamais les pieds dans mon laboratoire privé. Il est aussi dénué de talent pour l'Occlumencie que pour les Potions, je ne perdrai pas plus mon temps avec lui. Fin de la discussion.
-Mais…
Il la fit taire d'un lourd regard noir. Khorine comprit qu'il était préférable de se taire, et de toute façon elle serait parfaitement capable d'apprendre à Harry ce qu'elle comprendrait des leçons de Rogue. Espérant qu'il ne puisse pas lire son plan par Légilimencie elle se contenta de soupirer.
-Bien. Vous serez la seule Gryffondor que je tolèrerai j'ose espérer que vous vous en montrerez digne. J'attends de vous le plus grand respect, une obéissance absolue et une assiduité constante. Vous aurez plusieurs ouvrages de la Réserve à lire et j'ose espérer que vous n'attendrez pas nos séances pour vous exercer à la pratique.
-Oui professeur; répondit-elle une étincelle dans les yeux.
Rogue croyait en elle, il lui assenait tout ça pour la préparer à travailler, sachant qu'elle n'avait jamais reculé devant le travail qu'il lui donnait. Khorine avait confiance en lui, ses domaines d'étude étaient toujours passionnants.
-Effacez ce sourire idiot de votre visage Lumare, on ne pare pas une attaque de Legilimens en souriant!
-Oui professeur.
C'était plus dur à dire qu'à faire, elle était heureuse d'entendre qu'elle était tolérable d'après Rogue. Cela sonnait presque comme un compliment… Un compliment… Un… compli… ment…
Elle rouvrit des yeux lourds de fatigue et se prit à frissonner. L'eau tiède fit des remous autour de son corps, quelques bulles s'éloignèrent. Son front était brûlant de fièvre. Il fallait qu'elle sorte… Elle mit longtemps avant de réussir à se hisser hors du bain et à atteindre la grosse serviette blanche au bout de la pièce. Khorine dut se reposer plusieurs fois, et s'asseoir à même le sol pour s'essuyer, lentement, épongeant doucement les plaies et les hématomes. La bulle autour de l'attelle avait explosé lorsqu'elle avait quitté l'eau. Après ça elle put revêtir une culotte propre et une nouvelle chemise blanche.
La sorcière se traîna jusqu'au canapé du salon, sans croiser Rogue où que ce soit. Elle s'imagina qu'il ne voulait pas la voir ou qu'il avait juste mieux à faire et de nouvelles pensées moroses se frayèrent un chemin jusqu'à elle. Elle resta ainsi à ressasser ses pensées devant le feu toute la journée et une partie de la soirée. La sorcière était plongée dans une sorte de rêve brumeux où le temps n'avait aucune emprise. Elle fut réveillée par l'apparition soudaine de Rogue.
-Lumare; appela-t-il, qu'y a-t-il? Vous avez faim je suppose.
Elle n'eut pas le temps de nier qu'il était déjà parti pour revenir comme la dernière fois avec un plateau de nourriture fumante qu'il ne toucha que peu. Khorine porta un peu de pain à ses lèvres, se demandant pourquoi Rogue ne mangeait plus, si le poids de toute cette haine contre lui lui pesait. Son estomac se serrait à cette pensée. Elle en mangea encore moins. Rogue finit par siffler, excédé:
-Que vous arrive-t-il pour que vous soyez aussi terne et peu loquace?
Elle fronça les sourcils sous la critique mais n'eut pas la force de répondre. Rogue fut près d'elle en quelques secondes pour vérifier son pouls, sa température et son rythme de respiration.
-Lumare, ne me cachez rien! Je ne pourrais pas vous guérir si vous ne me dîtes pas tout.
-Ce n'est rien, je suis juste fatiguée. Vous n'êtes pas obligé de vous occuper de moi; répondit-elle avec quelques difficultés.
Il s'impatienta, la menaçant de terribles choses qu'il n'aurait jamais le cœur de lui faire mais elle resta atone. Alors il se tut et ils passèrent une grande partie de la nuit devant le feu de cheminée, lui à lire un grimoire de potions et elle à fixer le feu. Ce ne fut que bien plus tard, alors que tous les autres habitants vivants du château devaient être profondément endormis qu'elle demanda d'une voix fêlée:
-Vous ne me pardonnerez jamais vraiment, n'est-ce pas?
Rogue entendit parfaitement et se figea de stupeur, sans rien laisser paraître d'autre qu'un haussement de sourcil. Sa rechute soudaine n'était liée qu'à sa question! C'était d'une stupidité affolante, elle qui avait été si courageuse dans les ne prit pas la peine de relever son gros nez de son livre en répondant:
-Mon but et celui de Dumbledore était de vous faire croire, à tous, que j'étais du côté de l'ennemi. Je ne souhaitais qu'une seule chose, Lumare, perdre votre confiance.
-Mais j'aurais dû savoir.
-Ah oui? Ricana Rogue. Et au nom de quoi auriez-vous dû savoir?
Au nom de quoi? Au nom… de quoi? Elle ne pouvait être sûre de rien le concernant, seulement qu'en 6ème année elle lui avait fait tellement confiance qu'elle avait bien pu en tomber amoureuse. Cela remontait à si loin. Elle avait voulu enterrer ces souvenirs, ces sentiments indécents mais maintenant qu'il était vraiment l'espion du côté de la Lumière qu'elle avait connu elle se rappelait de tout. Et non seulement il ne pourrait lui pardonner sa faiblesse de ne pas avoir cru en lui mais en plus il en aimait une autre. Alors au nom de quoi aurait-elle dû savoir?
-Au nom de tout ce que vous m'avez enseigné, de toutes ces heures passées seuls devant des chaudrons fumants ou devant des grimoires, parce que vous êtes mon mentor et mon professeur; assena-t-elle une étincelle reparaissant dans ses yeux bleus éteints.
L'espion grimaça de tant de naïveté.
-Un piège, pour tout connaître du Survivant; rétorqua-t-il le regard étrangement fixe.
Khorine secoua aussitôt la tête ressentant comme de petites étincelles le long de son corps fatigué.
-Je ne vous crois pas. Ce que vous m'avez enseigné durant toutes ces années n'a pas de prix. Et vous m'avez toujours protégée. Vous m'avez protégée du Basilic, d'un loup-garou, des vapeurs toxiques de mon expérience sur la Triton, de la pomme empoisonnée de Malfoy, et le soir où les mangemorts sont entrés dans le château, et dans les cachots des Malfoy devant Vol… Le Seigneur des Ténèbres lui-même. Vous êtes mon mentor! Assena-t-elle le corps tremblant et tendu.
Cette gamine se rappelait bien, maintenant que Dumbledore y avait mis son grain de sel. Et il se trouvait qu'elle avait presque raison. Rogue referma son livre et s'approcha de la Gryffondor dans un même mouvement fluide. Il fut tellement près, bien avant que la sorcière ne pense à reculer, qu'il put lui prendre le menton. Ses longs doigts froids se retrouvèrent au contact de la peau chaude de la jeune fille.
-Méfiez-vous de votre mentor, Lumare. C'est un conseil qu'il vous donne.
-Vous ne parviendrez plus jamais à me faire douter de vous; lui répondit-elle. Je ne referai plus jamais cette erreur.
-Jamais? Demanda son professeur dont les yeux noirs brûlaient ceux de la Gryffondor.
Elle soutint malgré tout son regard et acquiesça. Les doigts froids de Rogue se réchauffaient à son contact. Elle voulait croire que cette vague de chaleur parviendrait jusqu'à son cœur et qu'il pourrait l'aimer quelque part, comme son élève au moins. Juste comme son élève. Elle finit par lui sourire, et la poigne de Rogue se desserra pour glisser jusqu'à sa gorge. Une décharge électrique se propagea le long de sa peau. C'en était perturbant. Les longs doigts d'homme de son maître s'arrêtèrent à sa carotide, sentant chaque battement. La respiration de la Gryffondor se fit plus profonde et ses yeux troublés retrouvèrent ceux de Rogue. Ils brûlaient d'une lueur voilée, son visage n'exprimait rien, ses lèvres étaient closes quand les siennes étaient ouvertes, il respirait lentement par son nez en étrave.
La situation fit monter le rouge aux joues de la Gryffondor.
-Qu'est-ce que vous faîtes?
-… Votre fréquence cardiaque est plus élevée de 20 battements que la normale. Vous devez avoir de la fièvre. Je reviens.
Sur ce il se leva et disparut par un des couloirs jusque dans la pièce à l'éclairage blanc. Il lui fallut plusieurs minutes pour se remettre de ses émotions. Puis il posa une fiole de Pimentine devant la fille, hocha vaguement la tête et la quitta sans un mot de plus.
Il avait manqué commettre un crime que même Dumbledore n'aurait pu lui pardonner.
