Chapitre 4
Khorine pour ne pas s'encombrer la tête avec des questions sans fin à propos de l'espion, se décida à s'entraîner autant qu'elle le pouvait. En deux jours elle avait recouvré assez d'endurance pour tenir debout près d'une heure. Au soir elle demanda à Rogue à sortir:
-S'il vous plaît, je pourrais travailler mon endurance, et je sentirai l'air frais.
-Dois-je vous rappeler; commença-t-il alors d'une voix doucereuse, que si la moindre créature vivante vous voit ma couverture sera détruite?
-Je serai prudente! Vous n'avez qu'à me jeter un sortilège d'Invisibilité.
-Non. Je n'ai pas survécu aussi longtemps en suivant les avis de sorcières imprudentes comme vous. Vous resterez ici jusqu'à ce que vous soyez reposée et guérie.
Khorine soupira mais se dit qu'elle ne pourrait rien obtenir de Rogue, il faudrait qu'elle se débrouille seule si elle voulait sortir. Ce même soir, après dîner, son professeur lui retira l'attelle qu'elle avait au bras droit. Elle le déplia très lentement avec d'infinies précautions et ne l'entendit pas craquer. Il semblait qu'il soit remis et que les os aient été correctement réparés.
-Soyez prudente lorsque vous l'utiliserez; demanda Rogue tout en faisant disparaître l'attelle blanche.
-D'accord, merci! Est-ce que je pourrais réutiliser ma baguette maintenant?
Le directeur hésita, plissant les sourcils en la fixant, puis lui signifia que c'était hors de question et qu'elle n'en avait pas besoin dans l'immédiat.
-Vous pourriez me faire confiance un peu! S'indigna la Gryffondor.
-Je vous fais confiance pour rester encore une semaine ici, tranquille et en sécurité; grogna Rogue.
Après cela Rogue repartit s'asseoir dans son fauteuil de cuir sombre, celui qui semblait être son préféré, pour lire tandis que Khorine se remit à fixer le feu. Seulement ce soir ses pensées ne virevoltaient pas vers ses amis, les Horcruxes ou les cachots où elle avait été torturée. Elle cherchait un moyen de récupérer sa baguette pour ensuite parvenir à quitter les appartements de Rogue et se balader dans le château…
Le lendemain une fois que Rogue eut quitter son bureau pour une réunion du corps professoral, Khorine se faufila jusqu'à la chambre du bout du couloir, sa chambre. Verrouillée bien sûr. Elle avait pensé à ça. Son seul espoir résidait dans la magie sans baguette.
-Alohomora; murmura-t-elle les deux mains au-dessus de la poignée. Alohomora!
Une brève étincelle virevolta autour de ses mains, rien de plus, et elle haletait déjà.
-Allez… Il faut que ça marche; grogna-t-elle attentive toujours au moindre bruit qui pourrait indiquer le retour de son professeur. Alohomora! Alohomora!
Ses sorts ne marchaient pas, elle n'était pas encore assez puissante. Mais soudain, alors qu'elle ne s'y attendait plus, la porte s'ouvrit d'elle-même. Etait-ce… un piège… ou son sort? Ou Poudlard qui lui ouvrait la porte? La Gryffondor entra prudemment et finit par se tenir dans la chambre de Rogue! Un grand lit à baldaquin se tenait au milieu de la pièce, imposant, aux couleurs de Serpentard, une large armoire occupait une partie du mur de droite ainsi qu'une cheminée et à gauche se tenait un grand bureau face à une fenêtre. Elle pouvait voir une partie du parc, un saule et le Lac Noir qui scintillait. La vue était belle, quant à la chambre elle était… propre. Le lit était fait, l'armoire fermée, le bureau rangé, aucun vêtement ne traînait, aucun parchemin, aucun livre.
Elle fouilla le bureau en premier et se prit une décharge en ouvrant le premier tiroir mais le vague coup d'œil qu'elle put y jeter avant qu'il ne se referme lui indiqua que sa baguette n'y était pas. Elle essaya le deuxième tiroir sans perdre de temps, souleva les paperasses recouvertes de l'écriture en patte de mouche de Rogue, puis passa au troisième tiroir. Et là sous une pile de parchemin elle finit par trouver un étui à baguette en bois de cerisier, sa baguette se trouvait à l'intérieur. Elle étouffa un cri de joie avant de la saisir à pleine main. Un frisson de magie la parcourut entièrement.
-Oh Merlin, ça fait du bien de te revoir!
Après cette découverte elle se sentait assez puissante pour concevoir une réplique de sa baguette qu'elle glissa dans l'étui. Puis elle referma le tout et prit soin d'effacer toute trace de sa présence avant de quitter subrepticement la pièce. Rogue ne se trouvait pas dans le couloir juste derrière la porte et elle soupira de soulagement. Bon… prochaine étape: quitter le bureau de Rogue. Avant tout elle se jeta un sortilège d'Invisibilité, elle sentit comme un œuf qui s'écrasait sur son crâne puis vérifia dans le miroir que tout avait fonctionné. C'était parfait, il n'y avait que ses halètements qui pouvaient la trahir. Ensuite elle traversa le bureau directorial sans qu'aucun des tableaux ne semblent conscients de sa présence et se tint devant la porte.
-Alohomora; murmura-t-elle.
La porte s'ouvrit aussitôt et la gargouille descendit toute seule jusqu'au couloir du 5ème étage.
C'était une victoire!
Khorine s'arrêta un peu le temps de reprendre son souffle, puis se lança à la découverte du château. Elle sillonna tout le 5ème étage, passa devant la tapisserie de Barnabas et ses trolls ainsi que devant la Salle sur Demande. Elle se reposa un moment à une fenêtre puis continua son chemin jusqu'au 4ème étage, elle parvint jusqu'à la tour Est, puis se dirigea vers la salle de Défense contre les Forces du Mal. Ce qu'elle entendit la figea de terreur, des cris provenaient de là-bas, des cris stridents. Elle se força à rester immobile, et les cris continuèrent, en plein jour, dans la classe. La cloche finit par sonner et les cris se turent, la porte s'ouvrit et des étudiants aux teints verts en sortirent. Elle eut juste le temps d'apercevoir deux formes recroquevillées au sol avant de devoir se plaquer contre un mur pour laisser les autres sortir. Un dernier groupe quitta les lieux, transportant deux élèves de Poufsouffle tremblante, et Khorine jeta un nouveau coup d'œil à l'intérieur de la salle. Un homme trapu s'y tenait encore, sa silhouette lui rappelait quelque chose, elle se rappelait de lui, cette ordure était au département des Mystères! C'était un mangemort! Comment est-ce qu'il pouvait ne serait-ce qu'oser faire cours?! Elle était dans une telle fureur qu'elle allait entrer pour l'attaquer, lorsqu'elle se fit bousculer par derrière. Elle recula aussitôt, paniquée. C'était Seamus qui avait trébuché sur elle et qui regardait maintenant autour de lui d'un air méfiant. Il fut bientôt rejoint par Neville et Dean. C'était sa promotion qui arrivait! Les Gryffondor de son année! Elle reconnut les têtes familières et sourit de bonheur. Seamus sembla oublier rapidement ce qu'il avait heurté. Elle l'entendit parler avec les autres de la corvée de l'AMA, du prochain chapitre sur les sortilèges de flammes et brûlures. Ils se demandaient qui seraient le prochain cobaye. Malfoy et plusieurs Serpentard arrivèrent à ce moment-là, Khorine préféra s'éclipser avant de mal réagir aux insultes qu'ils leur lançaient. Elle attendit une dizaine de minutes dans un coin avant que les couloirs ne soient de nouveau déserts. Les cloches de la tour Nord sonnèrent. Elle se sentit seul, soudain, oppressée. C'était la première fois qu'elle sentait à quel point l'atmosphère était lourde et menaçante. C'était le château où avait été assassiné Dumbledore, le château dirigé par un mangemort, envahi par les mangemorts, sous la coupe du Seigneur des Ténèbres. Elle se demandait comme ses amis pouvaient résister dans des conditions pareilles.
-Courage; murmura-t-elle. Courage.
Elle s'avança plus loin dans l'école, faisant des haltes régulières pour se reposer et finit par atteindre le hall donnant sur la grande salle. Des chaînes pendaient le long du mur, là où deux années plus tôt se trouvaient les interdictions d'Ombrage. Un petit garçon se tenait accroupi un anneau de métal à chaque poignet. Il devait être en première ou deuxième année, un Gryffondor d'après son écusson. Cette vision fit si mal à Khorine qu'elle en eut les larmes aux yeux. Pourtant le jeune sorcier restait calme, une moue fâchée et le regard féroce. Elle sentit des gouttes d'eau couler le long de ses joues, elle dut partir en courant pour ne pas exploser en sanglot près de lui. Oh Merlin… Oh Merlin… Comment pouvait-on laisser faire ces atrocités? Merlin… Elle se recroquevilla dans son coin pour pleurer et attendit là le temps de se calmer. Un premier coup de cloche résonna à travers tout le château, puis un deuxième, il y en eut douze à la suite. Rogue n'allait pas tarder à rentrer dans ses appartements pour le déjeuner, il ne la trouverait pas. Mais elle n'avait aucune envie de rentrer. Elle ne pouvait pas rentrer tout de suite, pas après ce qu'elle avait vu. Elle devait parler… à quelqu'un… et il n'y avait qu'une personne à savoir qu'elle était là hormis Rogue.
Empruntant les passages les moins utilisés par les élèves elle parvint à éviter le flot de ceux qui ne tarderaient pas à se diriger vers la Grande Salle. Elle les vit seulement de loin, et en rang. Ils étaient en rang, elle ne l'avait pas remarqué jusqu'alors mais les élèves étaient rangés par deux, plus ou moins bien selon les maisons et le mangemort qu'elle avait déjà vu dans la salle de Défense contre les Forces du Mal se tenait tout en haut des escaliers magiques pour fixer l'ensemble des étudiants. Poudlard ne lui en parut que plus glauque. Khorine se dépêcha de prendre un nouveau couloir, s'éloignant des élèves et des mangemorts pour s'avancer vers le bureau du professeur McGonagall. Elle eut la chance de la croiser dans les couloirs, à une vingtaine de mètres de son bureau.
-Professeur; chuchota-t-elle. Professeur!
La vieille femme se retourna et ses yeux de chat fouillèrent le couloir à la recherche de la voix.
-S'il vous plaît, je dois vous parler.
McGonagall hocha lentement la tête puis se détourna pour retourner posément vers son bureau. Arrivée là elle attendit quelques secondes avant de refermer la porte. Khorine ne se rendit visible que lorsqu'elle fut dûment verrouillée. Elle prit plusieurs grandes goulées d'air, et s'agrippa au fauteuil en face du bureau du professeur.
-Miss Lumare! Que faîtes-vous ici?
-Je devais vous parler.
-Et j'imagine que Severus n'est absolument pas au courant de l'endroit où vous vous trouvez.
La Gryffondor eut l'audace de lui sourire:
-Non.
-Il sera furieux; la prévint-elle.
Mais la Gryffondor n'avait pas la tête à ça, elle n'était pas venue pour parler de Rogue et McGonagall malgré ses paroles ne semblait pas aussi furieuse qu'elle aurait dû.
-Je suis sortie des appartements de R… du professeur Rogue. Je me suis promenée dans le château. J'ai vu la salle de Défense contre les Forces du Mal! J'ai entendu les cris! Je suis passée devant les chaînes près de la Grande Salle! Comment est-ce que vous avez pu laisser faire ça?
Son professeur de Métamorphoses secoua tristement la tête et ne répondit pas.
-J'ai vu des mangemorts, d'autres mangemorts dans le château; finit Khorine à bout de souffle.
-Asseyez-vous; lui demanda son professeur avant de faire de même. Les choses… ont changé, Miss Lumare.
Khorine lui obéit et se tint droite et tendue sur son fauteuil alors que les larmes lui remontaient aux yeux. Elle revoyait ce petit garçon seul, accroupi, les joues rouges et le regard fier. Ce n'était qu'un enfant! Elles eurent une longue discussion sur les changements de Poudlard, des professeurs encore en poste, de la disparition de l'ancienne professeure d'Etudes des Moldus pour laisser place à une Mangemort du nom d'Alecto Carrow, des châtiments réservés aux élèves, de l'Infirmerie qui accueillait des blessés graves. Un peu avant quatorze heures McGonagall dut se lever, elle avait une classe à donner. Elle ordonna à son élève de se rendre invisible le temps qu'un elfe apporte un plateau déjeuner puis de manger.
-Et vous?
-Ne vous en faîtes pas pour moi, Miss Lumare. Mangez, retournez auprès de Potter et finissez la mission qu'Albus vous a confié. Nous ferons de notre mieux jusque-là.
Comment savait-elle… Khorine n'eut pas le temps de lui demander son professeur quittait déjà la pièce. Elle fut seule dans le bureau de l'écossaise, un plateau fumant de purée et de saumon avec un muffin au caramel, une pomme et un grand verre d'eau. La Gryffondor avala rapidement la purée, le poisson et l'eau, mais fourra muffin et pomme dans sa poche. Puis elle se lança un sortilège d'Invisibilité et quitta le bureau du professeur de Métamorphoses.
Elle voulait aller dehors pour profiter de l'air pur. Mais au lieu de passer par le passage secret derrière le grand tableau de Norbert Dragonneau elle retourna près de la Grande Salle, là où le jeune Gryffondor était attaché. Elle l'y trouva assis à grignoter un croûton de pain. Les mangemorts n'étaient nulle part en vue, ils devaient avoir cours à cette heure. Ainsi elle s'avança et sortit de ses poches le muffin et la pomme qui redevinrent visibles. Le sorcier sursauta aussitôt.
-De la part d'une Gryffondor qui n'en aura pas besoin.
Le petit hésita, sûrement moins longtemps qu'il n'aurait dû, avant d'attraper le gâteau et d'en croquer un petit bout. Il fut rassuré par le goût et apprécia pleinement d'avoir ce gros muffin dans les mains. Il le dévora rapidement. Pareil pour la pomme dont il ne resta plus rien. Khorine attendit qu'il ait fini avant de quitter le hall et de sortir par les Grandes Portes. Son ombre était visible malgré son sortilège ce qui l'obligea à rester dans l'ombre du château mais elle respira à plein poumon et resta longtemps assise dans l'herbe face à la forêt interdite. Elle sentait le vent s'engouffrer jusqu'à elle, rasant les murs avant de s'envoler en tourbillons, elle entendait les bruissements d'herbe et des feuilles, les clapotis le long des berges du Lac Noir,… Elle se sentait vivante ici, elle se sentait libre, aussi libre que lorsqu'elle était avec Harry, Hermione et Ron, dans leur tente, perdus mais déterminés à survivre et à accomplir la mission que leur avait confié Dumbledore.
Elle ne s'était pas rendu compte à quel point vivre entre quatre murs l'avait privé de ces sensations et de cette liberté.
Rogue devait être furieux en ce moment-même. Plus elle appréciait d'être dehors, plus elle laissait le temps passer, et plus la colère de Rogue semblait violente pour un coin de son esprit. Elle lui avait désobéi délibérément. Elle avait refusé de le laisser l'enfermer dans ses appartements. Pour un sorcier comme Rogue se faire ignorer de la sorte devait être inacceptable, surtout après tout ce qu'il avait risqué pour la sauver. Khorine déglutit. Ses remords commençaient à lui gâcher le plaisir d'être dehors, et la brise commençait à se glacer.
Elle dut bien finir par se relever, redoutant la réaction de Rogue, trop Gryffondor pour éviter l'affrontement. Elle se retourna une dernière fois pour admirer le soleil déclinant à l'horizon et les orangés des nuages alentours, puis se détourna et passa les grandes portes.
La jeune sorcière dut faire plusieurs pauses pour se reposer et être extrêmement prudente en croisant des professeurs, des élèves, des fantômes qui remarquaient sa présence elle en était sûre mais ne laissaient rien paraître. Enfin elle fut devant la gargouille et celle-ci se leva d'elle-même, tournant lentement pour laisser apparaître un escalier en colimaçon. Khorine sauta sur la première marche, inspirant profondément. Elle était essoufflée, son cœur battait la chamade sous l'appréhension. Il lui fallut encore traverser le petit couloir de pierre et elle fut devant la lourde porte gardant l'entrée du bureau et des appartements du directeur. Elle attendit un moment derrière, inspirant, écoutant les bruits de l'autre côté, redoutant que Rogue soit avec quelqu'un ou qu'il soit tout seul. Aucun son ne filtrait et elle allait finalement se résoudre à actionner la poignée lorsque la porte s'ouvrit violemment. Rogue se trouvait là, blême de fureur, son regard brûlant la transperçant déjà sans la voir.
-Entrez! Immédiatement! Hurla-t-il.
Khorineobéit aussitôt. La porte se referma dans un claquement effroyable. Elle bondit en arrière et recula encore de quelques pas avant de redevenir visible. Le regard de Rogue se verrouilla sur elle. Tout son être frémissait de fureur, ses mâchoires étaient crispées, son cou tendu et ses yeux la foudroyaient.
-Vous avez osé quitter ce bureau! Gronda-t-il d'une voix tonnante comme l'orage. Le seul endroit de Poudlard où vous étiez encore en sécurité! Et pourquoi? Pourquoi? Pour prendre l'air comme une gamine inconsciente que vous êtes!
-Je… J'ai été prudente! Personne ne m'a vue! Rétorqua Khorine sentant des larmes perler au coin de ses yeux.
-Prudente? Tous les tableaux du château vous ont senti et la moitié des fantômes de Poudlard! Si qui que ce soit n'avait entendu que leurs murmures entre eux! Ou si vous aviez été découverte! Ne vous rendez-vous pas compte des conséquences?!
La fureur l'aveuglait, il marcha vers elle. La pauvre sorcière recula, terrifiée, avant de se heurter à une étagère pleine de livres. Elle geignit, l'instant d'après Rogue l'agrippait au col.
-Vous auriez pu mourir aujourd'hui! Vous rendez-vous compte de ce que vous avez fait! Lui hurla-t-il au visage.
-Je voulais… juste…
Il l'interrompit en lui arrachant sa baguette des mains et en la balançant à l'autre bout de la pièce. Il la fixa de ce regard terrible qui lui donnait l'impression de s'être faite gifler, l'impression de sang dans la bouche.
-Et que serait-il arrivé exactement si vous aviez été découverte? Tout le monde se serait posé des questions. Pourquoi Potter n'est pas avec elle? Qui l'a amenée ici? Le Seigneur des Ténèbres n'aurait pas tardé à en être informé et combien de temps pensez-vous qu'Il aurait mis à comprendre mon rôle? A me convoquer pour mieux me torturer, m'arracher les renseignements les plus précieux avant de me tuer? Combien de temps? Finit-il par hurler.
A ces mots, Khorine blêmit, muette.
-J-je ne voulais pas…
-Bien sûr que vous ne vouliez pas sombre idiote!
La sorcière tressaillit. Une larme roula le long de sa joue, et une autre de l'autre côté. Rogue referma ses lèvres exsangues à cette vue. Il finit par inspirer fermement, se tenant l'arête du nez d'une main, l'autre encore fermement agrippée à la chemise blanche de son élève. Lorsqu'il parla de nouveau sa voix était égale, basse et traînante comme d'ordinaire. Ce changement si soudain fit que Khorine eut du mal à l'entendre:
-Très bien. Vous faîtes si peu cas de ma couverture et de ma sécurité que je ne vois pas l'intérêt de perdre mon temps à vous concevoir l'Embrouille-Méninge.
Lorsqu'elle comprit ce qu'il avait dit, elle geignit:
-Non. Non je vous en supplie.
Ce fut à elle d'étendre ses petites mains pour agripper sa robe de sorcier.
-S'il vous plaît je ne le referai plus. Laissez-moi vous protéger; murmura-t-elle les yeux plein de larmes.
Rogue se sentit chanceler à cette vision. Il soupira. Ce n'était pas professionnel. Il multipliait ses chances de se faire tuer avec une gamine aussi inconsciente à ses côtés. Mais il était trop tard. Il ne voulait plus l'éloigner de lui.
-… Très bien; grogna-t-il juste avant qu'elle ne saute dans ses bras pour pleurer contre son torse.
Il posa maladroitement une main dans ses cheveux, l'autre sur ses épaules, et la laissa pleurer aussi longtemps qu'elle le voulut. Il sentait ses tremblements qui vibrait contre son propre corps, ses inspirations étouffées, ses bras qui l'entouraient. Ce contact, aussi franc, aussi complet, il n'y avait plus goûté depuis… depuis Lily. Sa seule amie, la seule qui se soit souciée de lui et la seule qu'il ait aimée toutes ces années. C'était…
Il sentit les jambes de la jeune fille trembler contre lui. Pas étonnant après la journée de marche qu'elle avait eue. Il la conduisit au canapé dans le salon sans qu'elle veuille le lâcher, ce qui était grotesque. Puis ils s'assirent face à la cheminée et Khorine finit par relever un visage marqué par les larmes vers lui. Elle ne dit rien, le fixant de ses yeux bleus plein de douceur. Rogue esquissa un rictus attendri malgré lui.
-Vous vous reposerez cette nuit. Demain nous commencerons la préparation de l'Embrouille-Méninge. Et je vous préviens, vous ne resterez plus seule un seul instant. Je m'arrangerai toujours pour garder un œil sur vous de manière à ce que votre petite fugue ne se répète pas.
Il s'attendait à ce qu'elle proteste, Khorine hocha simplement la tête. Elle était trop fatiguée pour autre chose. Et, sans bien ressentir l'ampleur de ce qu'elle faisait, elle déposa sa tête contre l'épaule du directeur de Poudlard et ferma les yeux. Rogue se raidit violemment. Khorine ne le sentit pas. Sa tête reposait déjà de tout son poids contre Rogue, sa respiration était profonde. Elle s'endormit dans les secondes qui suivirent.
