Chapitre 5

Le lendemain Khorine se réveilla dans son lit, le front un peu chaud. Elle se frotta les yeux et partit se laver, les yeux rouges et dans le vague. Lorsqu'elle parut dans le salon avec une longue chemise propre le petit-déjeuner l'attendait ainsi qu'un Rogue particulièrement revêche.

-Mangez.

Elle ne se le fit pas dire deux fois. Elle avait faim. Rogue grignota quelque chose du bout des lèvres. La sorcière lui fit remarquer qu'il ne mangeait rien, du muffin plein la bouche.

-Ce ne sont pas vos affaires. Tout en vous rappelant que vous avez plus important à penser.

-Il faut prendre des forces pour être en forme; s'entêta la Gryffondor.

-… En forme de quoi? Fit Rogue d'une manière si dubitative que Khorine ne put s'empêcher d'éclater de rire, postillonnant son muffin partout.

-Les manières des Gryffondor ont toujours été déplorables; se plaignit Rogue en observant les dégâts.

Ce qui fit redoubler son hilarité. Rogue la fixait de son regard insondable et elle se sentait bien, sans qu'elle ne puisse l'expliquer. Aujourd'hui, avec cet homme, elle se sentait bien. Son gros nez luisait à la lueur du soleil, ses cheveux étaient graisseux, ses joues creusées, il avait des cernes et sa peau était blafarde. Il semblait plus vieux, fatigué et maigre qu'une année auparavant et c'était la guerre dehors. Mais ici, dans ces appartements et auprès de lui, elle était en sécurité. Les tortures dans les cachots des Malfoy étaient un vague souvenir atroce.

Après le petit-déjeuner il lui ordonna de le suivre et la conduisit jusqu'à la pièce mystérieuse. La lumière blanche qu'elle avait entraperçue venait de gros bâtons plaqués au plafond et de petites pierres blanches et lumineuses au niveau des murs. Il n'y avait pas de cheminée pour s'éclairer, seulement ce blanc éclatant. Un gigantesque tableau occupait tout le milieu du laboratoire, avec assez de place pour une dizaine de chaudrons de chaque côté.

Au milieu de la pièce Rogue s'arrêta brusquement et se tourna vers elle dans une envolée de cape. Le silence se fit. Son regard commença à briller, d'abord une petite étincelle, puis un feu tout au fond de ses prunelles. Son maître des potions revenait.

-Très bien Miss Lumare. Que pouvez-vous me dire de l'Embrouille-Méninge?

-Elle est composée de poudre brune, de bile de tatou et d'épines de porc-épic, tout comme l'Aiguise-Méninge. Sauf que l'ajout des ingrédients est inversé! Répondit la Gryffondor comme si elle l'avait lu hier dans son grimoire de potions.

-L'Embrouille-Méninge classique peut-être, mais ici nous ferons une potion très différente.

Khorine écarquilla les yeux à ces mots et un frisson d'anticipation la parcourut. Elle allait vraiment faire une potion, avec un génie comme Rogue, exactement comme avant. Celui-ci expliquait d'une voix basse et mesurée quels ingrédients utiliser, lui posait des questions puis complétait ses réponses. Tout son être était englobé d'une aura sombre et lumineuse, il semblait le seul maître d'un savoir disparu. Elle l'écoutait, comme autrefois, subjuguée, les yeux noirs brûlaient de l'intérieur. Il fit léviter trois chaudrons jusqu'à eux. Trois? Rogue l'emmena dans la petite salle attenante, une Réserve en tout point semblable à celle qu'il avait eu dans les cachots et ils revinrent avec les ingrédients dont ils avaient besoin. Ce furent les heures les plus heureuses de Lumare, depuis des mois. Elle le sentait. Etre là, juste là, exposée aux vapeurs du chaudron, à la chaleur des flammes, entendre la potion bouillonner et surtout savoir Rogue près d'elle, occupé avec deux chaudrons en même temps. Elle n'était pas fatiguée, ses jambes ne tremblaient pas, son souffle restait posé. Elle avait récupéré des forces et resta debout et concentrée toute la matinée, et après déjeuner, la moitié de l'après-midi. La potion de Rogue était beaucoup plus compliquée que l'Embrouille-Méninge classique. C'était fantastique.

-Eteignez les flammes sous votre chaudron, maintenant.

Elle lui obéit aussitôt.

-Cette base devra reposer jusqu'à demain six heures.

Khorine grogna un peu pour la forme, Rogue ne fut pas dupe. Ensuite il lui ordonna de ranger sa paillasse et pendant qu'ils étaient occupés Khorine posa toutes les questions qui lui étaient passées par la tête pendant la préparation. Pourquoi est-ce qu'il avait créé une nouvelle Embrouille-Méninge? Pourquoi utiliser de la cornée de taupe, de la crinière de centaure et des feuilles d'absinthe? Comment est-ce qu'il savait que la potion était prête? Comment est-ce qu'il la testait? Il répondit plus ou moins à ses questions, grognant parfois, ou la fixant avec un rictus goguenard au coin des lèvres. Mais cela n'avait aucune importance parce que lorsqu'elle posait la question cette magnifique flamme naissait au fond de ses yeux et le brûlait de l'intérieur alors qu'il parlait. Alors sa voix devenait plus profonde, plus riche et c'était comme s'il lui ouvrait les portes d'un monde extraordinaire.

Après le laboratoire ils s'installèrent dans le salon pour lire et travailler dans un silence paisible. Trop paisible… Les bûches craquaient dans l'âtre, le soleil réchauffait le parc de Poudlard et scintillait à travers le vitrail. Khorine se reprit à penser à ce qu'elle avait vu la veille. Elle secoua la tête, soupirant. Ce qu'elle avait vu là-bas ne pouvait… Rogue se leva tout à coup.

-Que…

-Des invités; siffla-t-il entre ses dents. Surtout ne bougez pas d'ici. Vous m'avez compris Lumare? C'est un ordre.

Elle n'eut que le temps d'hocher la tête et de se recevoir un regard perçant de la part de Rogue avant qu'il ne fuse dans un envol de cape en direction de son bureau. La porte claqua derrière lui, Khorine se leva aussitôt et lança le sortilège du Teintaglass pour voir à travers la porte sans que l'autre côté ne soit modifié. Elle pouvait voir sans être vue. Et elle vit Neville entrer, du sang dégoulinant de sa tempe, avec Seamus et Dean chacun poussé vers l'avant par un homme et une femme à la mine patibulaire et drapés de noir. Mangemorts. Ses amis avaient le visage fermé et une lueur de rébellion dans les yeux.

-Rogue… On t'emmène de la mauvaise graine. Ces 3 traîtres à leur sang ont refusé d'obéir à mes instructions. J'aurais besoin d'une idée de sanction, une bonne sanction si tu vois ce que je veux dire.

Un sourire dérangeant apparut sur les deux visages face à Rogue. Celui-ci desserra dédaigneusement les lèvres:

-Et en quoi consistait exactement ces ordres Carrow?

Carrow? Son nom lui disait quelque chose. Sans une once de gêne le mangemort lui apprit qu'il voulait les entraîner au sortilège Doloris sur des premières années en retenue. Le cœur de Khorine se figea, glacé d'effroi. Rogue se contenta d'hocher la tête, et ses amis ne disaient rien leurs visages exprimant à présent tout le dégoût que leur inspiraient ces 3 mangemorts.

-Eh bien… Que pensez-vous de les envoyer… dans la Forêt Interdite? Proposa Rogue de sa voix traînante habituelle.

Ses amis sursautèrent.

-Avec ce lourdaud d'Hagrid? Ah ah, ils reviendront avec quelques membres en moins ça leur fera un bien fou! Lâcha la femme qui n'avait pas encore parlé.

Comment pouvait-on être aussi répugnante? Comment Severus pouvait-il garder un visage aussi neutre face à eux? Ils parlèrent encore, Khorine n'écoutait plus. La punition qu'avait proposée le nouveau directeur consistait à envoyer ses amis avec Hagrid, en qui ils avaient toute confiance, pour un voyage dans la Forêt Interdite sachant qu'ils ne risqueraient absolument rien avec lui. Elle n'y aurait jamais pensé, et les Carrow avaient adoré sa proposition. Les imbéciles. Comment avaient-ils pu être nommés professeurs de Poudlard? Elle sursauta violemment lorsque la porte s'ouvrit devant elle. Mais il n'y avait plus que Severus. Les Carrow, Neville, Dean et Seamus avaient disparu. Il la toisait de toute sa hauteur en silence. Elle ne disait rien non plus, blême.

-Vous êtes capable de rester plusieurs heures debout sans être essoufflée, vous avez suffisamment récupéré pour être renvoyée à Potter. Nous attendrons un jour supplémentaire pour finir l'Embrouille-Méninge et jeudi vous partirez.

-Q-Quoi? Lâcha-t-elle déboussolée.

-Jeudi matin, aux premières heures Minerva viendra vous chercher. Potter vous attend. Et vous avez encore un long chemin à parcourir.

Il disait tout ceci d'une voix terne, le regard éteint et le visage inexpressif. Après ce qu'elle devait avoir vu en se baladant dans le château, après ce qu'elle avait entendu dans son bureau et après tout ce qu'elle avait vécu dans les cachots des Malfoy elle devait le voir comme un monstre. Il était temps que la comédie cesse et qu'elle le laisse seul. Il n'était plus qu'un contre-temps à présent, elle était guérie, le reste viendrait avec le temps.

-D'accord; souffla-t-elle.

Elle n'avait pas protesté, elle n'avait pas essayé de rester. Il se détourna vers son fauteuil et reprit son travail administratif dans un silence morne. Khorine le suivit jusqu'à son canapé, incapable de trouver quoi que ce soit à dire. Elle sombra dans ses pensées une grande partie de la soirée… Elle retrouverait ses amis ça oui, ils risqueraient leur vie à nouveau tous les quatre et Rogue ne sera plus là pour la protéger. Mais pendant ce temps-là Rogue resterait à Poudlard, seul, entre ces murs lugubres où des élèves se faisaient torturer. Tous les enseignants le détestaient, les élèves l'exécraient, il n'avait personne…

Elle se leva vers une heure du matin, laissant son professeur près du feu, pour se réfugier dans sa chambre. Là elle travailla toute la nuit sur deux boutons qu'elle avait arraché à une chemise -Rogue comprendrait-. Khorine s'échinait à imiter le sortilège qu'avait utilisé Hermione sur les gallions de l'AD. Elle avait appris la formule, il fallait juste retrouver le bon coup de baguette. Et une fois réussi à la perfection elle rajouta d'autres sortilèges qu'elle avait lu dans un des nombreux et poussiéreux grimoires de la bibliothèque. De ceux qu'elles avaient failli rajouter sur les gallions avec sortilège de localisation, de transcription qui permettait d'envoyer des messages qui s'étireraient sur la tranche du bouton, d'incognitio pour que son aura magique soit indétectable.

Vers cinq heures du matin Rogue entra dans sa chambre à la volée, de gros cernes noirs sous les yeux. Khorine n'était pas mieux.

-Que faîtes-vous réveillée à cinq heures du matin? Grogna-t-il férocement.

-Je… faisais…; il ne la laissa pas continuer.

-Mon travail est censé être de vous ramener à l'Ordre en bonne santé! Vous priver de sommeil n'est pas la meilleure manière de me faciliter les choses Lumare!

Sans dire un mot parce qu'il semblait trop énervé pour l'écouter, elle lui tendit un des deux boutons magiques. Et puis elle lui en expliqua le fonctionnement.

-Pour nous contacter, peu importe le problème. Si le bouton chauffe et tremble soit vous êtes en danger et j'utiliserai le sort de localisation soit vous m'envoyer un message que je pourrais lire sur la tranche du bouton ici.

Elle tourna l'objet entre ses doigts fins et fit une démonstration.

-Corevelio; murmura-t-elle et le bouton sembla s'étirer et doubler de volume dans sa main.

Celui entre le pouce et l'index de Rogue vibra violemment un instant, il referma ses doigts dessus. Et puis Khorine leva sa baguette et traça à la surface de l'objet des lettres. Le regard sombre de Rogue perçut aussitôt en lettres dorées ces mots qu'elle écrivait: «La mort n'est pas la fin, c'est la soumission qui l'est. Nous ne cesserons jamais de les chercher, jusqu'à les avoir tous détruits. Et ensuite, vous serez libre je vous le promets ». Les mots tournoyaient, elle toucha le bouton de Rogue de sa baguette et prononça: «Nox et inrevelio» et tout disparu.

-Facile non? Demanda la jeune fille une flamme dans les yeux.

Rogue secoua la tête pour siffler dans un souffle:

-Ne faîtes pas de promesse que vous ne pouvez pas tenir.

-Je ne l'ai jamais fait et je ne le ferai jamais; répondit-elle fièrement. Alors… restez en vie. Restez en vie s'il vous plaît. Nous allons finir cette guerre.

Il y eut un lourd silence. Et Rogue fixait Khorine et Khorine le fixait et leurs yeux, océan contre nuit se mêlaient. Le monde aurait pu s'écrouler autour d'eux sans que le lien soit détruit. Il lisait toute sa force et sa soif de vie, elle voyait l'impassibilité du sorcier et la force glaciale qui émanait de lui.

A cet instant plus que jamais elle sentit son cœur brûler pour l'homme devant elle. Elle l'aimait! Et s'il lui fallait une nouvelle raison de vouloir finir cette guerre, il en était. Elle voulait avoir une chance de lui avouer combien elle l'aimait. Elle voulait avoir le bonheur de le savoir en vie. A cet instant elle vit un brasier violent incendier le regard de Rogue. Il trembla de tout son être et fit un pas, avant de s'arrêter. Il cligna des paupières et il était impassible à nouveau. Elle crut avoir rêvé.

-Très bien. Je garde votre bouton. Minerva vous a apporté des affaires, elles sont dans le salon. Je vous donne cinq minutes. Vous me rejoindrez ensuite au laboratoire.

Sa voix était glacée, hachée. Il se détourna dans son tournoiement de cape habituelle et alla s'enfermer dans le laboratoire. Khorine prit juste le temps d'enfiler un des trois jeans qui l'attendait et une chemise blanche et le rejoignit. Avoir de vrais vêtements sur le dos lui faisait bizarre.

Elle passa le reste de la matinée au laboratoire avec Rogue. Et quand ils eurent fini l'Embrouille-Méninge ils travaillèrent sur des potions de vitalité parce que: «Croyez-moi vous en aurez besoin Lumare». Ils passèrent la soirée ensemble dans le salon et Khorine était si bien qu'elle s'endormit sur le canapé. Lorsqu'elle se réveilla aux petites heures de l'aube elle avait une couverture sur elle et Rogue était endormi dans son fauteuil. Elle passa un long moment à le détailler et puis ses yeux se refermèrent et elle se rendormit. A sept heures, Minerva McGonagall toqua à la porte du bureau directorial et entra pour y trouver Severus et son élève assis près du bureau.

Ils se tenaient solennels et immobiles. La vieille sorcière eut un temps d'arrêt, interloquée.

-Vous êtes là, enfin! S'exclama la Gryffondor. J'ai cru que je resterai enfermée là-dedans toute ma vie!

Elle se leva et courut derrière Minerva. Rogue resta droit et sombre, fixant toute cette scène de derrière son gros nez.

-Avez-vous quelque chose à ajouter M. le directeur? Feula McGonagall.

-Rien. Mais n'oubliez pas ce que nous avons convenu. Partez à présent. Rejoignez l'Ordre. Vous transplanerez depuis mon bureau pour ne pas être vues.

Ce qu'elles firent. La vieille main douce crochetée autour du poignet de son élève comme pour la protéger et Khorine accrochée aux robes de son enseignante. Elle eut droit à un dernier regard de Severus. Elle y lut tellement de choses soudain, puis tout s'effaça, remplacé par les torsions, les couleurs aveuglantes et le crochet qui vous happait le nombril. Elle s'écroula dans une première maison étrange, mais Minerva la tenait toujours. Elles transplanèrent de nouveau et l'estomac de Khorine se soulevait monstrueusement. Là, dans cette nouvelle pièce délabrée Minerva s'assura qu'elle n'avait pas subi de sorts de traçage et autres, longtemps la baguette de la vieille sorcière tournoya autour d'elle. Et puis elle fut rassurée, elles échangèrent quelques mots. Khorine la prévint qu'elle allait vomir. Elles apparurent à deux autres endroits avant de finalement arriver jusqu'à une vieille chaumière cabossée au bord de mer. Là Khorine rendit tout son petit-déjeuner. Il y eut un silence très gênant. Avant que Ron ne se jette sur elle, qu'Hermione ne nettoie son vomi et qu'Harry et elle la serrent dans leurs bras. Il y eut un brouhaha de question et de sanglots et les adultes de l'Ordre les observèrent avec mansuétude.

-Merci professeur McGonagall; put placer Khorine entre deux exclamations.

Elle était tellement heureuse de les voir, tous. Spécialement Ron et ses tâches de rousseur, Hermione et ses yeux chocolat brillant d'intelligence, Harry et ses cheveux en pétard. Ses meilleurs amis…

Ils disparurent de la Chaumière aux coquillages avec Gripsec en plein milieu de l'après-midi et deux jours plus tard entrèrent dans Gringotts. Ils risquèrent leurs vies plusieurs fois, pour entrer elle, Harry et Gripsec sous la cape d'Invisibilité avec Mione en Lestrange et Ron en mangemort. Puis sous la cascade des voleurs, en étant éjecté du wagon pour une chute prodigieuse d'une centaine de mètres seulement arrêtée par l'Arresto Momentum d'Hermione, par le souffle du dragon, puis brûlé par tous les objets ensorcelés du coffre de Lestrange, par les sortilèges des gardiens de Gringotts. Lorsqu'enfin ils s'échappèrent sur le dos du dragon Khorine n'en pouvait plus. Elle tremblait de tous ses membres, le regard dans le vague, épuisée.

-Elle ne tiendra pas longtemps! Hurla Hermione depuis le cou du dragon.

Et puis soudain elle sentit la chaleur rassurante de Ron dans son dos, et ses bras qui l'entouraient. Et ils avaient la coupe de Poufsouffle. Khorine sourit, soulagée, et puis elle s'évanouit. Lorsqu'elle se réveilla il faisait froid, Ron grelottait autour d'elle.

-Ron est-ce que ça va? Murmura Khorine.

-T-T'inquète! T-tu nous as fait une de ces p-peurs… tout à l'heure…

-Désolée.

-Harry! Ne tarda pas à crier Hermione. On ne tiendra plus très longtemps!

-On gèle! Hurla Ron.

-Alors on saute!

-Maintenant, mais t'es malade!

-Notre joueur de Quidditch préféré aurait le vertige; se moqua Khorine.

Il grogna. La terre se rapprochait dangereusement tandis que le fleuve et les vagues se calmaient sous eux.

-On y va à trois! lâcha Harry. Un…

-Deux!

-Trois!

Harry et Hermione sautèrent, Ron garda ses ongles accrochés aux écailles du dragon.

-Ron!

-Je peux pas!

-Alors trois! Cria Khorine et elle le poussa avec elle vers les flots.

L'eau douce leur rentrait dans le nez et la bouche, ils hoquetaient à tour de rôle, mais le rivage n'était pas loin. Et malgré leur état à tous, ils parvinrent jusqu'à la terre. Arrivés là, ils étaient pitoyables, Khorine était à deux doigts de perdre connaissance de nouveau et ses trois amis étaient gelés. Harry prit la tête et ils partirent tous chercher du bois pour se faire un grand feu et se réchauffer. Harry et Hermione se chargèrent d'ériger des barrières de protection autour de leur campement. Khorine et Ron prirent soin du feu.

-Oh par Merlin! Soupira Harry une fois assis près des flammes.

Ils soupirèrent tous et Khorine lova sa tête entre ses bras. Elle la releva lorsqu'elle entendit le cliquetis de l'or contre les pierres. Harry avait sorti la coupe de Poufsouffle… Ils la fixèrent tous en silence. Ils y étaient parvenus. Le quatrième Horcruxe était devant eux.

-Comment est-ce qu'on va le détruire? Finit par demander Ron.

-Je ne sais pas; soupira Harry.

La monture de ses lunettes scintillait à la lueur des flammes. Il avait les traits tirés, le visage blême.

-Il nous reste Nagini à détruire, et cette coupe, ainsi que le dernier Horcruxe; murmura Hermione.

-Où est le dernier Horcruxe? Fit Khorine.

-Je ne sais pas; répéta Harry en soupirant.

Il y eut un lourd silence, aucun sourire victorieux ne passait sur leur visage. Ils étaient seulement épuisés et bien conscients qu'avoir la coupe sans pouvoir la détruire ne les avançait pas beaucoup.

-Est-ce que vous croyez qu'on peut retrouver Gripsec pour lui demander d'utiliser l'épée de Gryffondor une dernière fois? Proposa Khorine.

Hermione secoua la tête:

-On ne sait même pas s'il est encore vivant. Et même si c'était le cas, après l'attaque de Gringotts il se cache sûrement quelque part. On perdrait trop de temps à le chercher.

-Vous pensez que Lestrange va voir qu'il lui manque la coupe? Demanda soudain Ron comme si l'idée venait de lui traverser l'esprit.

Tous se turent, soucieux.

-Si Lestrange l'apprend… est-ce qu'elle l'avouera à V… Celui-dont-on-ne-doit pas-prononcer-le-nom?

-Espérons que non; soupira Harry.

Il y eut un nouveau silence où tous fixèrent le feu, maussades.

-J'ai faim; finit par grogner Ron.

-Tu as toujours faim; firent Hermione et Khorine en cœur, elles échangèrent un regard qui en disait long.

Cependant, au bonheur de tous, Hermione sortit de son sac deux boîtes de haricot.

-Mione tu es géniale!

Ils firent cuire les conserves et se passèrent assiettes, couverts et gobelets. Ron se dévoua pour aller chercher de l'eau dans le fleuve tout près. Ils mangèrent en silence ensuite, plongés dans leurs pensées. Khorine les observait à tour de rôle, tous les trois, Hermione, Ronald, Harry. Ils semblaient plus fatigués et pâles qu'avant, plus maigres aussi et soucieux. Mais ils étaient en vie, et elle était là pour les voir. Dans les cachots de Malfoy, au milieu de ses délires et de la douleur elle avait prié pour que ce jour arrive, qu'ils soient de nouveau réunis. Ils étaient ses meilleurs amis. Ils passèrent l'après-midi à se reposer, à réfléchir et s'interroger sur la suite de leur mission. Le soir, comme la veille, Khorine sortit le bouton de sa poche et murmura: «Corevelio» avant d'écrire en lettres de feu: «Est-ce que ça va?»… Elle attendit en se mordant les lèvres et les secondes s'égrainèrent, jusqu'à ce que l'objet vibre et qu'elle puisse y lire: «Evidemment». Elle soupira et rangea le bouton dans sa poche.

-Un message de MacGo? Demanda Ron depuis sa couchette.

-Rien à signaler.

Il tourna le bouton du son de sa radio et se replongea dans l'écoute de la fréquence de la résistance. Harry était de garde, Hermione lisait assise en tailleur sur son lit plus loin. A minuit Ron ronflait et Harry rentra dans la tente pour échanger sa place avec Khorine.

-Tu es sûre que ça va aller? Redemanda-t-il en remontant ses lunettes rondes.

-Ça va aller; lui sourit-elle.

Elle quitta la tente et s'installa confortablement près du feu. Cela ne faisait pas trois jours qu'elle avait retrouvé ses amis et c'était comme si elle ne les avait jamais quittés. Elle connaissait les soirées autour du feu à manger des boîtes de conserve, se disputer, réfléchir en silence, se lever pour les tours de garde,…

Une heure passa tandis qu'elle restait attentive aux bruits environnants, aux ombres passant entre elle et le croissant de lune, entre elle et la forêt plus loin. Elle se méfiait aussi de ce qui pouvait arriver du fleuve. Khorine sursauta violemment et sortit sa baguette lorsqu'elle entendit un bruit derrière elle. Mais ce n'était qu'Hermione.

-Merlin! Tu m'as fait une de ces peurs.

Son amie lui sourit, le clair de lune éclairait son visage et ses cernes.

-J'ai encore deux heures de garde je crois; fit remarquer Khorine.

-Je n'arrive pas à dormir; répondit-elle en haussant les épaules.

Mais à la lueur dans ses yeux Khorine sentait qu'il y avait autre chose. Elle ne dit rien et lui fit une place pour s'installer avec elle et observer la nature silencieuse autour d'elles.

-Tu sais; finit par murmurer Hermione, attendre tout un mois sans avoir de tes nouvelles a été une des plus grandes épreuves qu'on a dû traverser. Après l'attaque sur le manoir des Malfoy personne n'a compris pourquoi le professeur McGonagall ne revenait pas. Et ensuite, une fois que l'on a appris que tu étais trop blessée pour revenir nous ne pouvions pas penser à autre chose. C'était une succession de cauchemars toutes les nuits. Ron surtout s'en voulait beaucoup. Il a été le dernier à t'avoir vue.

-Je suis désolée; murmura Khorine.

-Est-ce que… Est-ce que tu pourras nous raconter?

-Non; sursauta Khorine.

Elle tourna la tête pour fixer la forêt plutôt qu'Hermione. Ses bras entouraient ses genoux. Hermione fixait l'épaule gauche de sa meilleure amie et les cicatrices rougeâtres qui lézardaient sa peau. Elle avait aussi aperçu les cicatrices à sa jambe et autour de son coude alors qu'elle se déshabillait.

-Qui est-ce qui t'a soigné? Demanda-t-elle soudain.

Khorine déglutit. Cette question… Elle ne voulait pas lui mentir…

-McGonagall vous a dit ce qui s'était passé.

-Madame Pomfresh et les elfes de maison? D'accord, mais pourquoi… Il s'est passé quelque chose le jour de l'attaque du manoir, non?

L'autre sorcière crispa les mâchoires, son amie était vraiment trop intelligente pour son propre bien.

-Oui; soupira-t-elle. Mais je ne peux pas t'en dire plus. C'est une question de vie ou de mort.

Elle insista sur ces derniers mots en se retournant vers Hermione. Son regard brillant d'intelligence se plissa.

-Je… comprends…; fit-elle en hésitant.

Après ces mots Hermione se tut et le rythme cardiaque de Khorine put se stabiliser et revenir à la normale. Les heures passèrent, elles ne réveillèrent pas Ron qui ronflait pour son tour de garde, se tenant l'une près de l'autre, partageant un secret informulé. Aux petites heures de l'aube, Hermione murmura lentement comme sortant d'une longue et sinueuse réflexion:

-Le bouton noir dans ta poche, il ne te permet pas vraiment de parler avec le professeur McGonagall n'est-ce pas?

Khorine se tourna vers elle, un petit sourire mystérieux aux lèvres:

-Non.

Puis elle se leva, il était grand temps de réveiller Ronald et de se reposer un peu.

-Tu sauras tout en temps utile, je te le promets.

Et sur ce, elle tourna les talons un peu à la manière de Rogue malgré l'absence de cape à faire voler. Hermione hocha la tête dans son dos. Elle saurait tout, et quelque chose lui disait que quelque soit leur allié ils en auraient besoin.