11.

-Bonjour; miaulai-je au réveil tandis que les longs doigts de Rogue me caressaient les cheveux.

Je ne connaissais pas de réveil plus agréable. Je relevai juste la tête pour voir le petit rictus particulier qu'il m'adressait avant de retourner me blottir tout contre lui. J'embrassai sa pomme d'Adam et sentis sa peau nue contre la mienne sous les draps. Je sentis aussi les os de ses hanches contre ma cuisse et ses côtes contre mon avant-bras. Il continuait à entortiller ses doigts dans mes longues mèches brunes. Nous ne parlions pas, je me sentais bien, et je commençai à réfléchir et à m'inquiéter, je sentais ses os ressortir.

-Dis, tu mangeras un peu, tous les jours? Demandai-je en relevant la tête.

Ses mâchoires se crispèrent, ses yeux noirs s'accrochèrent aux miens.

-S'il te plaît?

Il voyait l'inquiétude dans mes iris bleus. Il garda sa main dans mes cheveux.

-Oui.

Après cela ni lui ni moi ne parlâmes, ni ne tentâmes de nous extirper des draps. Je somnolai contre lui, profitant de ses caresses aériennes. A dix heures je dus aller aux toilettes et en profitai pour me doucher, Severus grogna un peu, mais finit par se lever.

Deux heures plus tard j'étais dans le hall du manoir, avec mon sac et toutes mes affaires, et Severus m'ouvrait la porte. Il était crispé sur la poignée, il semblait avoir du mal à me laisser sortir lui-même. Je l'embrassai une dernière fois puis quittai le manoir, il faisait gris aujourd'hui et le vent fouettait la clairière. Cooky apparut juste avant que je ne transplane, il m'offrit un gâteau enroulé dans un mouchoir blanc.

-Cooky l'a fait pour Miss, Miss. Miss pourra le manger en pensant à Cooky.

Je lui souris doucement et l'embrassai sur le front.

-Merci.

Je transplanai l'instant d'après. Je fermai les yeux en sentant le soleil resplendissant de Loutry Ste Chaspoule. Marcher un peu dans les collines me fit du bien, puis trois coups à la porte du Terrier et Mme Weasley me serra contre sa forte poitrine. Elle me débarrassa de mes affaires, me dit que j'étais pâle et qu'il fallait me remplumer. Ensuite Harry, Ron, Hermione et Ginny dévalèrent les escaliers et m'amenèrent dans la chambre des garçons. Nous parlâmes pendant des heures. J'étais trop fatiguée pour un Quidditch ou un longue promenade dehors.

Au déjeuner je défis les pans du mouchoir blanc et découvris la pâtisserie que Cooky m'avait préparé. Une tarte au citron meringuée.

-Qui en veut?

Ron s'exprima aussitôt, grondé par Mme Weasley.

-Il vient du dernier elfe de maison de Dumbledore.

Il y eut un silence. Et je me dis que tout le monde en aurait une part. Je coupai la petite portion ronde en huit parts. Tout le monde mangea la sienne, puis Ron renversa une carafe d'eau, Hermione grogna, M. Weasley lança un Tergeo avant que sa femme ne gronde qui que ce soit. Nous reçûmes tous une généreuse part de salade de fruit préparée par Mme Weasley.

Nous sortîmes un peu dans le jardin pendant l'après-midi et j'appris que Ron et Hermione étaient enfin en couple! Nous discutâmes encore après le dîner, puis une bonne partie de la nuit. Ensuite je dormis comme un loir.

La journée du lendemain fut agréable, il y avait toujours autant de soleil, je n'avais pas froid, j'étais même en tee-shirt comme tous mes amis. Nous avions tenté un entraînement de Quiddith dans le jardin, qui s'était terminé en réparation de Nimbus à l'ombre d'un grand chêne. A un moment j'avais porté ma main à ma poitrine et je n'avais pas senti ma broche. J'avais blêmi, Ron avait grommelé contre les brindilles fissurées de son balai, ma main était retombée. Au déjeuner j'avais cassé un verre et pendant l'après-midi j'avais cru entendre un cri, peut-être, Ginny qui avait failli tomber sur Pattenrond.

Vers deux heures du matin j'avais hurlé, convulsant, broyée par la terreur, aveuglée de cauchemars.

-Severus! Severus! Pitié! Severus!

Les lumières, rien changé, voix, leurs voix, étincelle, yeux verts, rien. Le sang giclait, les sifflements, Nagini, Voldemort, le rire éraillé, Lestrange.

Mon coude sous le talon de sa botte. Gargouillis pitoyable. Tout, pus, répondre. Lestrange n'aimait, pas ça. Elle appuya plus fort contre mon coude, des décharges électriques.

-Qu'est-ce qu'ils font ? Répond ! Répond !

J'hoquetais. Elle hurlait d'autres questions. Elle m'écrasa le coude et mes os éclatèrent. J'hurlai !

-Endoloris !

Rien, ne sentis, de plus. Rien, plus. Rien.*

L'éclat de ses lunettes, sa voix, Harry…

Harry était étendu, la joue contre le sol, un filet de sang quittant son nez pour tomber goutte à goutte contre les dalles, ses lunettes étaient cassées, ses yeux verts éteints.*

Une chaleur, ma main. Elle vibrait, ombre, de… ses doigts froids contre miens, j'hoquetai.

-Sev…

Contre mon front, murmures, pas. J'hurlai de douleur, sanglots, sa poigne, et puis violemment contre lui. Je m'accrochai à lui, le tissu noir, je respirai son odeur, le bijou dans ma paume, sa main dans mes cheveux et son cœur contre mon oreille. Je tressautais, il me retenait contre lui, il me chuchotait d'autres mots, pour moi seulement. Voldemort sifflait encore. Je me cachai dans le creux du cou de Severus et il resserra sa poigne, il me berça, il me berça doucement. Je le sentis, il était là. J'avais le bijou de McGonagall, Severus était près de moi, j'étais au Terrier, mes amis étaient vivants… Je finis par perdre connaissance.

Le lendemain matin je me réveillai seule, fiévreuse, Hermione se pencha sur moi. Des cernes gris lui mangeaient les joues.

-Tu vas mieux? Est-ce que ça va?

Harry et Ron ronflaient à côté, Ginny était lovée contre le montant de son lit.

-Un peu… de fièvre; réussis-je à prononcer les tempes bourdonnantes, le front en feu.

Elle se dépêcha d'aller chercher une potion, qui avait toujours un goût à vomir. Je me retins comme je pus. La fièvre passa. Ce fut Hermione qui me posa des questions en premier. Elle voulut savoir ce que Rogue m'avait fait. Je lui dis que j'étais tombée amoureuse de lui. Ce qui la choqua. Et je lui révélai que c'était réciproque. Elle glapit à en réveiller nos amis. Je dus le répéter pour eux, qui firent des têtes absolument incroyables et manquèrent de s'étouffer. Ginny dut taper plusieurs fois dans le dos de Ron pour l'aider. Mais en fait, ils le prirent plutôt bien. Seulement quelques remarques sur le fait qu'il pouvait se servir de moi et que je devrais faire attention.

Le soir-même Hermione pleura dans son cauchemar, convulsa. Je la réveillai en premier et Ginny alla chercher Ron et Harry. Ron eut une crise pendant une sieste et ce fut Mme Weasley qui s'occupa de lui. Nous faisions du Quidditch, coursions les gnomes du jardin, lisions tranquillement dehors et partions parfois en exploration chez les moldus de Loutry Ste Chaspoule.

A peu près une semaine après mon arrivée au Terrier nous pûmes tous aller voir Fred à Ste Mangouste. Un bras métallique dépassait des draps, sa peau était translucide, il était maigre, ses cheveux roux ternis reposaient sur son oreiller. Il suffit qu'une des infirmières ouvre trop violemment la porte pour que je me transforme en louve et manque de lui sauter à la gorge. Harry s'interposa à temps. Il n'y eut pas de blessé. L'infirmière ressortit en tremblant. Nous entendîmes Fred rire, puis il parla un peu. Il s'arrêtait parfois, comme s'il attendait que quelqu'un continue sa phrase. Mme Weasley lui laissa un énorme bocal de cookie aux pépites de chocolat. Elle repasserait demain.

Je fis des cauchemars le soir-même. Severus fut appelé au Terrier. Puis il repartit. Ron grogna contre la «chauve-souris des cachots», Hermione lui donna un coup de coude dans les côtes, il reprit un croissant au beurre. Les jours se succédèrent, McGonagall vint nous rendre visite. Elle nous rappela que la rentrée à Poudlard arriverait dans quelques semaines. Je passai plusieurs après-midi au manoir de Severus malgré les regards de travers que me lançait Ron.

J'étais bien au Terrier… Les jours passèrent, Fred put sortir de Ste Mangouste, il resta longtemps assis dans le salon les yeux dans le vide ou à gribouiller sur ses carnets d'invention. La rentrée approchait, nous reçûmes tous nos lettres pour notre 7ème année à Poudlard. J'avais hâte d'y retrouver Severus. J'étais apaisée dans la maison des Weasley. Severus était grincheux ces temps-ci mais je sentais moins ses côtes au travers de ses vêtements et Cooky m'affirmait qu'il mangeait réellement tous les jours, un peu. Il me dit que c'était la rentrée qui mettait maître Severus Rogue dans cet état.

-Vous n'aimez pas l'enseignement?

Severus grogna.

-Au contraire, j'adore passer mes journées à dispenser des cours à une bande de cornichons arriérés.

-A se demander pourquoi vous avez choisi de retourner à Poudlard; répondis-je un minuscule sourire au coin des lèvres.

Il m'embrassa pour toute réponse, sans prévenir, insérant sa langue dans ma bouche de manière tout à fait possessive. Lorsqu'il me relâcha, j'avais le souffle coupé.

-Dans un an je pourrai consacrer mon temps à la recherche.

Et cela semblait le rendre heureux. J'hochai la tête, mettant de côté ma culpabilité de l'en empêcher tout de suite, puis retournai me lover contre lui et repris ma lecture. C'était un livre sur la Théorique des Potions. Etonamment il se révélait très intéressant… Je soupirai, confortablement installée.

Severus allait mieux, nous allions nous retrouver à Poudlard dans peu de temps. Plus rien ne pouvait nous arriver.