Chapitre 7

Cinq ans plus tard Khorine participait à son 1er congrès de Potionniste en tant que Maîtresse des Potions. Elle y entra au bras de Flincus, un jeune potionniste d'une trentaine d'année charmant mais collant.

-Ta conférence est à quelle heure?

-10h30. Si tu veux bien m'excuser.

Elle s'éloigna de lui sans attendre sa réponse et partit se perdre dans la foule de potionnistes. Des gens passionnés comme elle, comme son vieux maître, comme… Comme beaucoup d'autres. Elle ferma les yeux, inspira profondément l'odeur de renfermé, de capes poussiéreuses, d'anciennes vapeurs de chaudron. Etait-elle à sa place ici? Etait-elle à sa place?

-Khorine! L'appela une vieille voix caverneuse.

Elle se retourna aussitôt pour apercevoir dans la foule Archibald Fonduchaudron, son professeur.

-Maître; répondit-elle en souriant et en le rejoignant.

Il lui prit les deux mains et les pressa gentiment. Les yeux du vieil homme scintillait de malice;

-Vous n'avez pas trop abusé de vieil Ogdens cette fois, n'est-ce pas?

La jeune fille grogna:

-Nan.

Il lui adressa un de ses rictus goguenards, puis se retourna pour appeler:

-Monsieur Prince!

Khorine aperçut une silhouette sombre se diriger vers eux. A son regard interrogatif son maître lui sourit:

-Un potionniste brillant si tu veux mon avis.

Le nouvel arrivant parvint à se faufiler jusqu'à eux et apparut en pleine lumière. Khorine eut un choc si violent qu'elle hoqueta. Ce visage creux, ces cernes, ce nez… quoique, et ses cheveux… mais ils étaient châtains, et ses yeux brûlaient mais ils étaient noisette pas noirs.

-Maître des Potions Sebastian Prince je vous présente la maîtresse des Potions Khorine Lumare, mon ancienne apprentie la plus travailleuse, la plus…

-Ca va; grommela-t-elle en détournant un instant le regard de l'inconnu.

Elle ne put le quitter bien longtemps. Il la fixait également, d'un regard… fascinant… il brûlait.

-Enchanté; entendit-elle et cette voix traînante ne pouvait provenir que d'une seule gorge, n'être modulé que par une seule personne.

Elle en était sûre, elle connaissait Sebastian Prince depuis longtemps.

-Hmm… Eh bien, je vais vous laisser, vous m'avez l'air d'avoir beaucoup à vous dire; fit Archibald sans qu'elle n'entende grand-chose.

Elle était perdue dans sa contemplation.

-Votre maître ne tarit pas d'éloges à votre sujet; entendit-elle et cette voix… cette voix qu'elle connaissait…

-Oui.

Il y eut un silence entre eux, alors que le brouhaha était intense tout autour.

-Vous donnerez une conférence ce matin si je ne m'abuse.

-C'est exact.

-Espérons que vous serez plus loquace lorsque le moment viendra.

-Espérons. Veuillez m'excuser.

Khorine tourna les talons et s'enfuit. Elle traversa la grande salle des buffets, passa devant l'amphithéâtre pour se ruer dans les couloirs de l'aile Ouest déserts. Elle avait besoin d'être seule, elle avait besoin d'air, elle n'arrivait plus à respirer. Ce fut Flincus qui l'atteignit en premier.

-Est-ce que ça va?

-Oui… j'ai seulement besoin d'air…

Il s'approcha et sa large main d'homme se posa sur sa joue. Il l'amena à le regarder dans les yeux, qu'il avait très sombres.

-Ça va aller, regarde-moi.

Elle se calma lentement, plongée dans des yeux noirs comme la nuit. Il finit par l'embrasser et leurs lèvres se lovèrent l'une contre l'autre, se connaissant et se reconnaissant, sachant par cœur la texture, la force et la douceur des lèvres adverses. En rouvrant les yeux elle aperçut deux prunelles lançant des éclairs, une flamme si vive qu'elle sursauta, puis tout disparut. Elle retourna dans la salle des buffets quelques temps plus tard ave Flincus. La journée se poursuivit, les conférences commencèrent, au cours de la sienne elle exposa ses progrès sur l'AlteraLingua qui permettait de parler avec plusieurs personnes dans des langues différentes pour quelques dizaines de minutes. Elle fut applaudie par toute sa communauté et en descendant de l'estrade serra de nombreuses mains. Etait-elle acceptée par ses confrères? Avait-elle accompli ce pourquoi elle avait travaillé si dur? Etait-elle heureuse? Ces questions tourbillonnaient dans sa tête alors que le temps s'écoulait. Et ces yeux… ces yeux brûlants qui la perturbaient et qu'elle voulait éviter… Elle les évita toute la journée, conversant avec qui le voulait, sauf Sebastian Prince. Et suite au buffet de clôture, elle salua tous les potionnistes qu'elle connaissait et Flincus lui fraya un chemin parmi la foule. Elle serait sortie sans encombre si une poigne puissante ne lui avait cloué le bras pour la tirer hors de la salle par un couloir dérobé.

-C'est tout? C'est tout ce que vous avez à me dire? Siffla Prince de sa voix glaciale. Après plus de cinq années de séparation vous ne me connaissez plus?

Elle avait eu raison! Une colère froide incendia le regard de l'ancienne Gryffondor.

-Vous m'avez abandonnée! Vous avez disparu sans un mot, sans un moyen de vous contacter! Vous m'avez abandonnée! Qu'est-ce que vous croyiez que cela changerait de revenir maintenant! Hein?

Il avait blêmi à l'accusation et la fixait, presque hagard. Il lisait de la haine dans ses yeux.

-Lumare…

-Je ne veux plus vous voir; cracha-t-elle.

Et sur ce elle donna un violent coup pour qu'il lui lâche le bras. Il ne lâcha pas, ses doigts glacés étaient enfoncés dans sa peau.

-Non; gronda Severus. Non. Vous ne comprenez pas. Il fallait…

-Lâchez-la! Perça une autre voix.

Flincus courait vers eux, le front plissé et la main sur sa baguette. Il serait incapable de la sortir bien sûr et il n'aurait pas tenu bien longtemps face à l'ancien Mangemort, mais il courait au moins pour lui venir en aide.

-Dégagez! Siffla Rogue le regard étincelant.

-Lâchez-moi! Haleta Khorine furieuse.

Le temps que Flincus arrive jusqu'à eux, baguette en main, Khorine avait sorti la sienne.

-Je vous conseille vivement de me lâcher; cracha-t-elle. Nous n'avons plus rien à nous dire.

La fureur dans ses yeux fut balayée soudain et lorsqu'il se tourna vers l'ex-Gryffondor il n'y avait plus rien. Plus d'émotion, de sentiment; un désert asséché d'un marron vaseux et rien d'autre. Il fut contraint de desserrer sa poigne et Khorine se détourna de lui dans un envol de cape sans un regard en arrière. Flincus la suivit juste après et Severus resta seul dans le couleur damassé. Elle… partait… Elle avait trouvé quelqu'un… Mais… Il ne l'avait pas abandonnée… Non, elle devait comprendre… Severus sortit du congrès, hagard.

Khorine pendant ce temps transplanait avec Flincus jusqu'à sa maison dans le Nord-Est de l'Angleterre près des falaises. Le vent tourbillonnait violemment ce soir, elle tenait son bras là où la poigne de Rogue avait laisserait sa marque.

Elle l'avait revu… Au moins une fois… Oh il était en vie, c'était tout ce qu'elle voulait savoir.

-Merci de m'avoir raccompagnée. J'aimerai être seule ce soir.

-Tu es sûre? Imagine que ce malade revienne?

-Ma maison porte autant de protection que Poudlard je devrais m'en sortir; répondit-elle sans le moindre sourire.

Une ombre venait masquer son front et elle repensait à cette journée, à Severus qui l'approchait, ce feu dans ses yeux, sa jalousie en voyant Flincus, sa poigne elle la sentait encore sur son bras. Il la laissa après un rapide baiser au coin des lèvres, elle ne releva pas perdue dans ses pensées et l'ancien Serdaigle disparut dans la nuit. Khorine finit par refermer la porte et se retrouver seule chez elle. Elle attrapa une bouteille de biéraubeurre et s'écroula dans son fauteuil.

-Inflamare!

Les bûches dans la cheminée prirent feu d'un coup. Elle rangea sa baguette et porta le goulot de la bouteille à ses lèvres. Quelques temps plus tard deux bouteilles d'un litre gisaient au pied du canapé et Khorine voyait flou une troisième bouteille dans les mains. Elle ne disait rien, ne bougeait pas, elle fixait le feu tristement et noyait son chagrin dans sa bière. Pour la tirer de son marasme de tristesse il n'y eut que de violents coups cognés contre sa porte.

-Lumare! Ouvrez-moi!

-Non; chuchota-t-elle.

Et puis de toute façon elle hallucinait, ce n'était pas possible qu'il l'ait retrouvée. De plus elle avait truffé le périmètre de son jardin avec de nombreux sortilèges de repousse-intrus, personne ne pouvait cogner contre sa porte et spécialement pas lui.

-Si vous ne m'ouvrez pas maintenant je défonce la porte! Ouvrez-moi!

C'était n'importe quoi. Mais elle aimait sa porte. Alors elle se releva et tangua dans le salon, elle entendait les coups et le tonnerre de sa voix, elle se retint aux murs du couloir et au petit miroir en triangle pour avancer. Une large trace de main y resta, elle continua. Et puis finalement elle ouvrit la porte. Rogue manqua de trébucher, il se contenta d'avancer d'un pas et se retrouva nez à nez avec son ancienne élève. Il empestait le whisky, jusqu'à brûler le nez de Khorine.

-Vous puez le whisky!

-Toujours mieux que votre bière de collégienne; grogna-t-il.

Elle le voyait flou et avait une très nette envie de vomir.

-Pourriez-vous dégager de ma propriété maintenant? Lâcha-t-elle avec autant de mépris qu'elle pouvait.

Le résultat n'était pas fameux, elle ne buvait pas beaucoup et tenait encore moins l'alcool. Elle se tenait au chambranle de la porte comme son unique bouée dans ce monde qui tanguait. Rogue eut un geste vers elle, elle recula violemment.

-Khorine; sa voix se fit suppliante. Ecoute-moi. J'ai… une nouvelle identité… une maison… un laboratoire et des clients…

-Félicitations; cracha-t-elle et elle voulut lui refermer la porte au nez.

Il la bloqua d'une main et malgré la résistance de la sorcière l'ouvrit en grand. Il entra. Khorine recula d'un pas. Au milieu des vapeurs d'alcool une pointe de panique s'immisça. Il était entré chez elle. Rogue claqua violemment la porte derrière lui.

-Tu ne comprends pas. J'ai travaillé pour toi toutes ces années; et elle lisait dans ses yeux marron une détresse et une douleur si profondes qu'elle en eut le cœur déchiré.

Sur ce visage qu'elle ne connaissait pas il y avait les traits de Severus. Il y avait ce masque neutre qui se fissurait, des larmes qui apparaissaient aux coins de ses yeux noisette. Des larmes, elle les voyait apparaître. Rogue tremblait violemment. Sa main se tendit de nouveau vers elle, elle n'eut qu'un léger geste de repli avant qu'il ne l'agrippe par le bras.

-Khorine. Tu ne sais pas ce que j'ai vécu pour arriver jusqu'ici, pour te retrouver, pour t'offrir ce que tu méritais.

Ça n'avait aucun sens. Rogue ne lui avait jamais parlé comme ça. Il ne l'avait jamais tutoyée, jamais dit qu'il tenait à elle d'une quelconque manière. Comment est-ce qu'il pouvait apparaître d'un coup et briser tous ses efforts pour l'oublier?

-Non.

-Ecoute-moi; l'odeur du whisky se déversait d'entre ses lèvres exsangues. Tout ce que j'ai fait à partir de ta première année… quand tu m'as supplié de t'enseigner les Potions… je l'ai fait pour toi. Je suis parti pour toi, je suis revenu pour toi. Khorine…

Il haleta et sa main gauche se tendit vers la joue de la jeune fille. Ses doigts longs et froids effleurèrent sa peau et ils en frissonnèrent tous les deux. Rogue agrippa ses cheveux, la paume contre la mâchoire de la sorcière.

-Khorine; murmura-t-il encore.

Son autre main quitta son bras pour se glisser de l'autre côté de son visage.

-Je ne t'ai pas abandonnée. Je ne t'abandonnerai jamais. Tout ce que j'ai fait…

-Assez! Cria Khorine tentant de lui échapper.

Elle recula et il avança avec elle, jusqu'à la cogner contre le mur de l'entrée.

-Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai attendu ce moment; continua-t-il sans prêter attention aux coups qu'elle lui envoyait.

Khorine se débattait, elle voulait qu'il la lâche.

-Lâchez-moi!

-Ne m'écoutes-tu pas! Siffla Rogue furieux en la maintenant par la mâchoire et les cheveux.

-Vous êtes parti sans un mot! Et rien de ce que vous pourrez me dire ne remplacera ce que vous avez fait! Rien du tout! Hurla-t-elle à s'en vriller la tête.

Ce fut comme un coup pour Rogue, qui cligna des yeux. Il fixa Khorine qui avait une tête de moins que lui, dont le visage se détachait d'un brouillard d'alcool. Malgré tout ce qu'il avait dit, tout ce qu'il avait traversé, il y avait la même haine que ce matin dans les yeux de la sorcière.

-Tu ne m'as pas attendu.

-Tu m'as abandonnée! Alors tu peux revenir sous une nouvelle apparence avec toutes tes publications, ta maison, ton laboratoire, je m'en…

Rogue écrasa ses lèvres des siennes, l'empêchant de finir sa phrase. Elle voulut protester, Severus garda sa bouche collée contre la sienne, durement, violemment, les alcools se mêlant, pour ne jamais la laisser s'échapper. Khorine était furieuse, sa tête tournait, son cœur explosait, elle manquait d'air. Elle se débattit, c'était impossible, elle brûlait et frissonnait en sentant son corps, ses lèvres, ses mèches qui frôlaient son visage. Elle tourna violemment la tête pour avaler une grande goulée d'air, pour respirer. Rogue l'obligea à la détourner pour l'embrasser encore. C'était tellement bon. Elle n'avait jamais ressenti ce qu'elle ressentait auparavant. Il l'embrassait pour la première fois. Elle avait l'impression qu'elle recevait son premier baiser, avec toute la fièvre, toute la passion, toute la possessivité de ces lèvres contre les siennes.

-Severus; murmura-t-elle lorsqu'il libéra sa bouche.

Ses yeux étaient flous, elle tremblait sur ses jambes. Rogue la fixait fiévreusement, l'alcool grisait ses facultés, le goût de ses lèvres était encore sur les siennes. Il distinguait le trouble chez Khorine, il sentait ses mains fines agrippées à sa cape et ce regard languissant, ses magnifiques yeux bleus accrochés à lui. Il ne la laisserait pas partir. Khorine percevait enfin la force et la détermination dans les yeux devant elle. Ils ne lui étaient jamais apparus aussi vivants, aussi dévoilés. Elle lisait en eux des choses qu'elle n'aurait même pas cru envisageable auparavant. Il ne lui avait jamais rien montré qui pouvait le lui laisser penser… Jamais… Pas comme ça. C'était tellement tangible aujourd'hui. Sa poigne ferme, son corps chaud, ce regard qui l'enveloppait et la retenait. Et elle savait qu'elle l'aimait. Elle savait qu'il était le seul qu'elle voulait, le seul qu'elle avait toujours voulu. Mais elle ne savait si elle lui pardonnerait un jour…

Ses jambes lâchèrent prise, Rogue la rattrapa de justesse. Malgré ses nombreux verres il réussit à l'amener jusqu'au salon à droite et à l'allonger dans son canapé. Il s'agenouilla devant elle.

-Severus je… Je ne sais pas si j'arriverai à te pardonner… Je ne sais pas…

Rogue reçut le coup en clignant des yeux.

-Je comprends.

Il se leva, ses jambes lui semblèrent fragiles et tremblantes alors qu'il semblait maître de ses mouvements devant Khorine.

-Où est-ce que vous allez? Murmura-t-elle paniquée.

Cela se lisait dans ses yeux, il y avait cette lueur terrifiée à l'idée qu'il l'abandonnât de nouveau.

-Où vous voulez.

Khorine se tendit, déchirée entre le désir de le garder et le désir de rester seule. Mais elle ne voulait pas qu'il parte.

-Restez; demanda-t-elle.

Il sortit sa baguette pour faire voler un des fauteuils qui s'écroula devant lui et puis sa main tressauta en rangeant sa baguette. Khorine fermait les yeux, une main pendante de son côté. Il la prit délicatement et l'enferma dans la sienne. Le feu crépitait dans la cheminée. Khorine sentait les longs doigts fins refermés autour des siens, cela lui procura une sensation de sécurité et de chaleur qu'elle n'avait jamais expérimenté de cette façon. Elle gémit un peu et se roula en boule. Une cape fut déposée sur son corps pour qu'elle n'ait pas froid, et puis elle s'endormit. Rogue veilla auprès d'elle jusqu'aux premières lueurs de l'aube, détaillant amoureusement chaque particularité de son visage. Il finit par s'écrouler sous la fatigue et l'alcool pour sombrer dans le sommeil.