Chapitre 8
Le lendemain, la physionomie de Rogue était nettement moins sévère, il terrorisa même trois Poufsouffle qui passaient devant lui avec son demi-sourire si particulier.
Je souriais aussi en l'observant de temps en temps, dans la Grande Salle il resta un peu plus longtemps et il avala plus que sa tasse de café quotidienne. Il semblait apprécier les croissants, et il était l'une des rares personnes que je connaissais à ne pas se mettre de miettes partout en mordant dedans. Pas comme Ron…
-Mais Mione comment che chuis chensé faire? On a entraînement de Quidditch ce soir; postillonna-t-il sans s'arrêter de manger. Che peux pas finir la Métamorphose chi tu m'aides pas!
-Il fallait y penser avant; rétorqua ma meilleure amie en retroussant son nez devant les manières du sorcier roux. Je ne ferai pas tes devoirs à ta place. Alors soit tu annules ton entraînement… (cela entraîna des protestations venant de toute la table des Gryffondor) soit tu sautes le déjeuner pour travailler à la bibliothèque (seul Ron se plaignit à cela).
-Tu me demandes… de me priver de mancher! S'affola-t-il en enfournant dans sa bouche un énorme bout de pain au chocolat. Mione!
Au final Ron choisit de travailler le midi plutôt que de manquer son entraînement et bien sûr, en tant que meilleurs amis, nous le soutenions tous dans cette épreuve, cachant également des sandwichs préparés par Dobby du regard perçant de Mrs Pince.
Je ne sus pas ce qu'il s'était produit durant ce temps, mais après une heure de Métamorphose, une heure d'Histoire de la magie et deux heures de potions avec Slughorn, après avoir étudié à la bibliothèque jusqu'à dix-neuf heures, nous entrâmes dans la Grande Salle pour le dîner et Rogue fixait le vide. Il était assis sur son siège, droit comme un balai, ses yeux sombres paraissaient focalisés sur la table des Serpentard mais il ne les voyait pas. Il ne mangeait pas. Ses lèvres étaient serrées en une fine ligne.
Ron en était au fromage et j'étais perdue dans mes pensées, triturant ma viande, n'écoutant que d'une oreille les bavardages de Neville et Harry, lorsqu'une ombre se profila sur notre table.
-Miss Lumare…
Je cillai, relevai aussitôt la tête pour percuter un regard onyx glacial. Professeur Rogue!
-Vous viendrez dans mon bureau après dîner.
Je n'eus pas le temps de répondre quoi que ce soit il était déjà parti. Harry, Hermione et Ron ne furent pas les seuls à se tourner vers moi les yeux écarquillés.
-Il te demande de venir à son bureau?
-C'est même pas une retenue?
-Qu'est-ce qu'elle prépare la chauve-souris?
-Il semble que ce soit important. As-tu la moindre idée de ce que veut le professeur Rogue?
-Je ne sais pas; répondis-je à tous.
Mais j'étais inquiète. Très inquiète.
Au moins; pensai-je, aucune des personnes que je chérissais ne pouvait être en danger. Ma tante était morte, mes trois meilleurs amis juste en face de moi et Rogue venait de me parler. J'avalai mes quartiers de clémentine en réfléchissant, essayant de rassembler mes pensées. Lorsque je sortis de table, Neville me souhaita bonne chance, Seamus m'offrit une grimace de sympathie, mes meilleurs amis me fixèrent avec inquiétude.
-Je vous dirai; promis-je en inclinant vaguement la tête.
Avant de partir vers les cachots. Que mon départ fut remarqué ou non je n'y prêtai pas la moindre attention.
Je longeai les couloirs, descendit les escaliers hélicoïdaux qui menaient aux cachots, suivis des corridors, trop habituée pour hésiter sur le chemin à prendre. Puis je m'arrêtai devant la porte du bureau de Rogue, inspirai profondément, toquai.
Ce fut mon professeur qui vint m'ouvrir.
-Suivez-moi; grogna-t-il d'un ton sec.
Il me conduisit jusqu'à son laboratoire personnel avant de pointer du menton un manuel de potion.
-Chapitre quatorze sur les anti-venins, tous de couleur violette, sauf celui du scorpion, c'est… Lisez en attendant; s'interrompit-il violemment.
En attendant quoi? Je voulais demander, mais Rogue ne souhaitait clairement plus entendre un mot de moi, il était blafard, ses mains tremblaient; pourtant il s'évertuait à continuer son Filtre de paix. Je m'installai sur le tabouret en vieux bois que j'extirpai de sous la table et je me tins loin de Rogue mais face à lui. J'ouvris mon manuel.
-Professeur…
-En silence! Rugit-il aussitôt.
Je tressaillis. Jamais encore je ne l'avais entendu hurler, il venait d'hurler de rage.
Mais je ne pouvais pas lui obéir.
-S'il vous plaît, expliquez-moi... Vous me faîtes peur.
Il arrêta de broyer les feuilles de verveine pour relever vers moi son nez tordu et, fatalement, ses yeux noirs. Une déchirure de lumière les parcourait, ça n'avait rien à voir avec les flammes sous son chaudron. Rogue lâcha mortier et pilon et fit un pas vers moi, il s'arrêta, revint à sa paillasse pour continuer son travail.
-Vous… Vous saurez tout, ce soir, je vous prie de patienter; gronda-t-il sourdement.
Après ça il n'entrouvrit plus les lèvres que pour respirer, ses gestes se faisant à peine plus contrôler. Moi je m'obligeai à lire ce chapitre sur les anti-venins, relevant fréquemment la tête vers mon maître des potions.
Les minutes s'égrainèrent, plus d'une heure devait s'être écoulée. Et soudain le monde se figea. Mon cœur cessa de battre, Rogue venait de se pétrifier, le teint cadavérique, le regard fixé vers la porte de ses appartements.
-Levez-vous; sa voix n'était plus qu'un murmure.
J'obéis aussitôt, aveuglément. Il jeta un Evanesco sur son chaudron sans le regarder, éteignit les flammes, puis se dirigea vers la porte, ses yeux ne l'ayant pas quittée une seule seconde. Je l'y rejoignis et sa poigne se referma sur mon bras. Il me tira derrière lui jusque dans ses appartements, dans le salon, dans mon ancienne chambre. Rien n'avait changé, de minces rayons de lune filtraient jusque sur le lit et le mur près de moi. Rogue respirait, un masque d'une dureté terrifiante apparaissait sur son visage.
-Restez ici, jusqu'à ce que je vienne vous chercher. Ceci est un ordre, Lumare. Je ne vous conseille pas de l'ignorer.
Je n'eus rien le temps de rétorquer, il venait de se détourner dans un envol de cape et de refermer la porte. J'entendis ses pas décroître dans le salon… Je m'agenouillai pour regarder par le trou de la serrure, par chance il n'y avait aucune clef à l'intérieur. J'aperçus Rogue agiter sa baguette une fois, quitter mon champ de vision, puis revenir avec un livre et s'asseoir sur son fauteuil préféré, il agita une seconde fois la baguette. Je sus que le professeur Dumbledore était entré. Le feu craquait dans la cheminée, un silence pesant l'accueillit.
-Eh bien Severus, en voilà une manière de traiter votre jeune protégée. Messieurs Potter, Weasley et Miss Granger ont à peine pu patienter jusqu'à la fin de mon cake à la citrouille pour me faire part de leur inquiétude. Y a-t-il quelque chose que je devrais savoir?
-Bien sûr que non, Albus; rétorqua l'intéressé en refermant posément son grimoire.
Je n'apercevais que le bout du bras de Rogue sur son accoudoir gauche, je ne voyais pas encore le directeur, mais je les entendais tous deux parfaitement.
-J'ai encore un peu faim; avoua Dumbledore. Pourriez-vous me faire apparaître un gâteau au citron meringué? Avec un peu de crème? Vous pardonnerez volontiers (il venait de passer la table du salon, je le voyais) à un vieil homme comme moi ses petits caprices, n'est-ce pas?
-Tout ce glucose va vous monter à la tête; grogna Rogue avant d'agiter sa baguette.
Dumbledore finit par s'asseoir dans mon fauteuil et je pouvais détailler son profil droit. Les ombres dansantes du feu de cheminée creusaient des sillons sur la peau parcheminée du directeur, les lumières étincelaient prises au piège dans sa barbe, ses yeux scintillaient doucement.
Il enchanta assiette de gâteau et cuiller pour qu'elles volent jusqu'à lui.
-Je vous ai déjà dit et redit de ne pas utiliser votre magie, Albus! A moins que ce ne soit diablement important, ce qui n'était certainement pas le cas!
Un sourire naquit dans la barbe blanche de Dumbledore avant qu'il n'avale sa première cuillérée de gâteau.
-Prendre soin de mon vieux dos fatigué est, pour moi, diablement important mon ami. Ne sous-estimez pas le poids de mes nombreuses années.
Il avala une seconde cuillérée. Je distinguai la main de Rogue se crisper sur son accoudoir.
-… Vous devriez repeindre votre intérieur en violet betterave; affirma le directeur. J'ai toujours pensé que cette couleur vous allait bien au teint.
Rogue soupira.
-Comment progresse le sortilège?
Il y avait une tension sourde sur les dernières syllabes. Que je n'aurais jamais détectée si mon cœur et mon souffle n'étaient liés aux mots que prononçait Rogue.
-Oh cela, il n'a pas atteint mon coude; annonça-t-il comme si c'était une bonne nouvelle.
Rogue lui ordonna de le lui montrer et, étonnamment, Dumbledore s'exécuta sans protester. Il était bien trop occupé maintenant à manger sa tarte au citron meringué, avec sa crème, tout en gardant l'assiette en équilibre sur son accoudoir gauche.
La main et l'avant-bras que Rogue ausculta étaient atroces. Noircis, déformés, nécrosés, comme pourris de l'intérieur. C'était atroce.
Rogue lançait des incantations au-dessus, Dumbledore lâchait des suites de mots qui n'avaient vraisemblablement de sens que pour lui, je tremblais incapable d'en détacher mon regard.
Le monde tanguait, je ne me sentais pas bien. Pas bien du tout.
…
-Une joute polaire entre des ours à la réglisse et des pingouins au caramel. C'est givrant si vous voulez mon avis. Et vous savez bien…
-Je ne peux pas le faire; l'interrompit Rogue.
Cela coupa net Dumbledore. Il tourna la tête vers son espion, le regard perçant soudain fixé sur celui qui était agenouillé près de lui. Et Rogue levait la tête vers lui. Le silence grondait.
-Vous avez déjà accepté; lâcha finalement Dumbledore d'un ton sec.
Rogue secoua la tête, rangeant sa baguette, ses cheveux graisseux luisaient à la lueur des flammes. C'était douloureux. Il était crispé.
-Draco ne pourra pas vous tuer.
Ma respiration se bloqua. Le tuer… La mission de Malfoy…
-Ils n'enverront pas plus de trois mangemorts, n'importe quel auror pourrait en venir à bout. Ce n'est pas une fatalité… Vous aurez du temps, plusieurs années si je parviens à stabiliser ma potion.
-Je n'en discuterai plus avec vous, Severus. Ma décision est prise.
Je n'avais jamais entendu la voix de Dumbledore aussi polaire, jamais vu les yeux bleus derrière les lunettes en demi-lune aussi désapprobateurs. Je tremblais, j'avais la nausée mais je devais me forcer à regarder encore, encore.
-Vous avez un peu trop tendance à penser que tout va de soi. Mais je n'ai plus envie de le faire.
-Suffit; signifia Dumbledore sans élever la voix. Vous m'avez donné votre parole, vous êtes lié par Serment Inviolable, vous n'avez plus le choix et vous ferez ce que je vous ai ordonné.
Le Serment Inviolable… Mes oreilles bourdonnaient, je n'entendis pas la suite. Je n'entendais plus rien. Et soudain la poignée tourna dans la porte, elle s'ouvrit, je tombai à genou devant Rogue. Je voyais flou, mes bras me soutenaient à peine, je ne respirais pas, peu, il y avait encore un souffle d'air. Rogue me prit dans ses bras sans que je puisse protester et me porta jusqu'au canapé du salon.
Il tendit un verre d'eau.
Je le renversai les mains tremblantes. Le rendis à Rogue.
-Qu'est-ce que je… dois faire? Haletai-je. Dîtes-moi ce que… je dois faire.
-Vous calmez premièrement, Miss Lumare.
Je tournai un regard perdu vers le maître des potions impassible, sur le feu de cheminée, puis je me roulai en boule contre le dossier du canapé et me couvris les yeux. Merlin, Merlin, Merlin, Merlin, Merlin… Oh Merlin, Merlin, Merlin…
-Malfoy a reçu l'ordre de tuer le professeur Dumbledore; chuchotai-je. Vous l'avez vu tomber devant moi, il pleurait, il ne pourra jamais remplir sa mission. V… Voldemort va le tuer.
-Continuez; fut la réponse laconique que je n'entendis pas.
-Dumbledore n'a plus que quelques mois à vivre, il ne reste plus que quelques mois. Il va mourir. Dumbledore va mourir. Je ne peux pas… Il est la seule famille qui reste à Harry. Le seul qui reste. Je vous en prie il doit y avoir un moyen d-de le sauver.
-Il n'y a aucun moyen; siffla Rogue.
-Mais vous… Alors c'est vous; compris-je levant vers lui un regard horrifié.
Cette fois il ne dit rien, il me fixait sans plus rien montrer alors qu'avant que Dumbledore ne lui parle il… Rogue restait debout devant le canapé.
Il allait tuer Dumbledore.
C'était un mangemort, qui savait comment tuer, que Dumbledore utilisait pour sauver Malfoy, qui savait comment tuer. Meurtrier…
Il était pâle, presque malade, et il y avait ses cernes noirs, ses tremblements d'épuisement, sa potion mystérieuse qui bouillonnait depuis des mois, sa douleur celle qu'il cachait au plus profond de ses orbes sombres. Rogue était dans cet état depuis le début de l'année, toujours si sévère, si amer, si grave, si… Il avait dû souffrir, tellement souffrir.
Une larme coula le long de ma joue gauche.
-Dîtes-moi; lui murmurai-je en retrouvant son regard, ce que je dois faire.
-Vous attirerez vos amis dans les cachots le moment venu, près de ma réserve.
-Pourquoi?
-Vous verrez.
J'inspirai profondément avant d'effacer les larmes au coin de mes yeux. Je ne pleurerai pas devant Rogue.
-Je vais… y réfléchir; dis-je sachant qu'il fallait que je me lève et que mes jambes tremblaient trop pour me soutenir.
-Il n'y a rien…
-Je ne trahirai pas mes amis; sifflai-je en le coupant, à moins que ce ne soit pour les protéger, de vous, de moi, ou des mangemorts!
J'agrippai mes mains au dossier du canapé et par ce début de forte colère, réussis à me lever, réussis à contourner Rogue et à avancer vers la porte. Rogue ne dit rien. Je partis.
Mes jambes me portaient, peu, je vacillais, je devais me retenir au mur, j'étais malade, malade, malade! Tellement malade de cette situation! Comment Dumbledore pouvait attendre ça du maître des potions? De son espion? Celui qui avait trahi le Seigneur des Ténèbres pour le rejoindre?
Je croisai McGonagall dans les couloirs, nous étions après le couvre-feu et il me suffit de dire que je venais de finir une retenue avec Rogue pour qu'elle me laisse passer sans une punition.
Pourquoi Rogue avait fait ce Serment Inviolable?! Tenait-il donc si peu à la vie?
J'entrai dans la salle commune des Gryffondor et il ne restait plus que mes trois amis dans les fauteuils et un septième année ronflant dans un coin.
-Je sais ce que doit faire Malfoy. Je connais sa mission.
-Merlin Khorine!
Hermione bondit hors de son fauteuil, abandonnant un énième grimoire pour me rejoindre et me soutenir, me faire avancer jusqu'au canapé. Harry posa sa main contre mon front pour ma température, j'entrevoyais Ron figé, les yeux écarquillé voulut… Je repoussai toutes ces attentions.
-Vous m'avez entendue? Je sais ce que Malfoy prépare… C'est lui qui doit assassiner… Dumbledore.
Je ne pus distinguer leurs réactions. Le bruit de leur conversation ensuite me parvint de très loin, il parlait du Serpentard, de Dumbledore, il disait que Rogue m'avait donné cette information pour me tester qu'il faudrait révéler quelque chose d'insignifiant en retour et tenter de lui faire croire que j'avais confiance en lui.
-Je ne suis pas aussi bonne actrice; répliquai-je en fronçant les sourcils.
J'étais blessée, je ne savais pas pourquoi.
-Mais imagine qu'il pense que tu rejoindras les mangemorts! Il pourra te révéler leurs plans, on pourra sauver le professeur Dumbledore; affirmait Harry les mains tremblantes.
Harry…
ooo0oOo0ooo
Le lundi suivant, notre plan décidé, Ronald avait reçu une lettre de Fred et Georges. Ils venaient à Pré-au-Lard ce weekend dans un but top secret et nous donnaient rendez-vous au Trois-Balais.
C'était inattendu, Ron nous fit lire la lettre et il y eut de nombreux éclats de rire, ils avaient réussi l'irréalisable exploit d'écarter les nuages noirs au-dessus de nos têtes. Harry était un peu moins préoccupé, nous plaisantions toujours en entrant dans la salle de Défense contre les forces du mal. Rogue fit son entrée en claquant la porte. Harry marmonna une remarque sur les jumeaux Weasley, entraînant sûrement notre premier fou rire dans la classe de Rogue.
Son regard noir me percuta. Mon demi-sourire restait mais j'étais calme, Harry murmura autre chose et je lui répondis. Rogue intima le silence à tous ses élèves de sixième année, puis commença son cours.
A la fin des deux heures, je pris tout mon temps pour ranger mes affaires, Ron me fit des grimaces et des signes de tête particulièrement discrets, Harry hocha la sienne et Hermione me donna une dernière recommandation avant d'annoncer qu'ils m'attendraient dans le couloir.
Je dus attendre que tous les élèves soient partis pour rejoindre son bureau. Je murmurai:
-J'accepte.
Il ne releva pas la tête de ses parchemins, et je ne tardai pas à faire demi-tour et quitter la salle de classe. J'acceptais.
Les jours passèrent, Rogue était plus distant et moi aussi. Son teint était plus maladif de jour en jour. Je croyais qu'il ne me toucherait plus jamais, qu'il allait cesser, qu'il avait bien d'autre chose auxquelles prêter attention. Mais au détour d'un couloir alors que nous sortions de la Grande Salle, nous croisâmes Rogue. J'étais tout à droite de notre petit groupe, le maître des potions arrivait de l'autre côté, trop près, sa main frôla la mienne, puis il s'éloigna. Je m'interrompis en plein milieu d'une phrase…
-Ça va? Khorine? Demanda Neville en se tournant vers moi.
-Euh… qui pousseraient mieux au nord-ouest des serres?
-Ah! Acquiesça Neville les yeux brillants, Hermione et Ron secouant la tête devant la fatalité de sa passion pour la Botanique. C'est juste ça! Il leur faut plus de chaleur!
J'hochai vaguement la tête, préoccupée, et Neville n'eut pas besoin de moi pour continuer à parler des plantes dont il s'occupait avec le professeur Chourave.
Les examens de fin d'année approchaient, cela se sentait à l'opiniâtreté accrue d'Hermione à vouloir enfermer Ron et Harry à la bibliothèque avec nous.
Après le weekend où nous retrouvâmes les jumeaux Weasley nous eûmes droit à une grande leçon de morale sur les efforts que nous devions fournir pour nous offrir le meilleur avenir possible et –Ron surtout- fut traîné sans ménagement à une table de travail, une pile de livre de sixième année sous le nez.
-Travail! Grogna Hermione le regard sombre.
-Mais Mioneuh!
Harry ne se plaignit pas, je crois qu'il était autant motivé que moi, pour une obscure raison, à travailler et oublier le monde autour de restâmes à la bibliothèque jusqu'à dix-neuf heures (Ron ayant caché un exemple de l'Histoire du Quiddtich à travers les âges derrière un manuscrit concernant d'obscures guerres gobelines du XVème siècle).
-J'ai faim!
Ce cri du ventre ne pouvait provenir que de Ron. Hermione soupira, Harry protesta qu'il n'avait pas fini, je ne réagis pas bien trop occupée à finir de recopier un paragraphe concernant la métamorphose des os d'êtres humains.
Au final à peu près douze minutes plus tard il avait réussi à nous convaincre d'aller manger.
Je pris les trois manuels que j'avais utilisés, ceux d'Hermione et d'Harry également, les deux de Ron, puis m'enfonçai entre des étagères croulant sous les livres pour pouvoir les ranger. J'en avais plein les bras.
Un soleil rougeoyant éclairait encore le château, la bibliothèque qui se trouvait plein ouest. Je rangeai trois grimoires, dont celui sur le Quidditch, suivis une rangée concernant la Défense contre les forces du mal, tournai à une intersection, et stoppai immédiatement.
Rogue était là.
Mon professeur.
J'inspirai profondément, puis continuai à avancer vers lui, j'avais deux livres à ranger dans ces rayons. Pourquoi Harry avait-il du étudier cette matière aujourd'hui? Et utiliser les manuels de ces étagères précisément. Je réussis à ranger le premier à un mètre de Rogue. Puis avançai avec précaution, il semblait toujours plongé dans son grimoire et ses cheveux graisseux pendaient devant son visage, moi je voyais l'espace vide entre deux livres à quelques pas, très haut, très près de Rogue.
Je me mis sur la pointe des pieds, mes autres livres serrés contre moi; et réussis à le ranger! L'instant d'après Rogue m'attrapait par le poignet et me piégeait contre les étagères. Son livre était tombé, les miens nous séparaient. Il y avait une telle tristesse dans son regard…
Ses doigts se levèrent pour effleurer ma joue, je me retins de fermer les yeux.
-On va nous voir; chuchotai-je.
-Peu importe.
Il écartait mes grimoires de nous et me les fit lâcher. Ils firent un bruit terrible en heurtant le sol. J'étais sûre que Mme Pince viendrait. Elle nous trouverait dans cette situation compromettante et…
Ses caresses, contre mes tempes, mes pommettes, descendant jusqu'à ma mâchoire et son souffle se mêlant au mien, son corps chaud enfin contre le mien. Je me perdais dans les ténèbres de ses yeux.
-Pensez à votre réputation; tentai-je de le raisonner.
-De quelle réputation parlez-vous Miss Lumare? Celle de bâtard grai…
Je l'embrassai aussitôt, violemment, quémandant sa langue, ma main déjà dans ses cheveux. Hmm, ses lèvres chaudes contre les miennes et son étreinte qu'il resserrait pour sentir mon corps tout contre le sien, notre chaleur se mêlant, nos souffles s'entrelaçant. Sa langue s'aventura entre mes lèvres et rejoignis la mienne, je gémis de plaisir et tournai la tête. Il la caressa, l'enroula autour de sa langue, frôlant mon palais pour me faire tressaillir de plaisir. Je faisais ce que je pouvais pour lui rendre ses attentions pour lui arracher des gémissements sourds. Chacun des siens me faisait vibrer.
Il serrait très fort. Je crochetai mes deux bras autour de son cou, mes mains se perdant dans ses cheveux et nous tournâmes la tête ensemble, nos lèvres se retrouvèrent aussitôt, nos langues aussi.
Il y avait tellement de douleur entre nous, en lui, en moi, la mienne me brûlait la poitrine.
Je ne voulais pas qu'il souffre, je ne voulais pas qu'il accomplisse cette mission, je ne voulais pas qu'il se sente seul, je ne voulais pas le voir aussi blême et épuisé!
Nous nous embrassâmes à en perdre le souffle et lorsqu'il fallut s'écarter pour respirer, les joues de Rogue avaient un peu plus de couleur et ses orbes noirs brûlaient profondément.
Il me garda piégée contre les étagères et finit par poser son front contre le mien. Je tremblai, fermant les yeux avec lui. Il était fiévreux.
-Rejoignez-moi ce soir, dans mon bureau; soupira Rogue.
Je ne pouvais plus parler, j'hochai seulement la tête et nos deux fronts bougèrent brièvement. Après ça… ses lèvres retrouvèrent les miennes. C'était doux. Il m'embrassa encore une fois, encore une fois. Encore une fois. Encore une fois.
Le sortilège de silence se brisa soudain autour de nous, des pas se rapprochaient. Je revins aussitôt à la réalité, Rogue s'écarta, je me dépêchai de ramasser mes livres pour fuir.
Oh Merlin… Je rangeai les grimoires qui restaient avant de rejoindre la table où m'attendaient mes amis.
-T'en as mis du temps! Grogna Ron en se tenant le ventre.
-Désolée; marmonnai-je.
Puis Hermione ne perdit pas l'occasion de se moquer de Ronald et de son gigantesque appétit, Harry corsa le tout en lui décrivant en détail un menu totalement imaginaire et Ron grommelait en m'accusant d'avoir pris tout mon temps uniquement pour le contrarier.
Le repas dans la Grande Salle fut extraordinaire, comme d'habitude, mais je n'avais pas très faim. Je repensais à mon professeur, son murmure, son regard et les flammes qui couvaient.
Je le rejoindrai ce soir, et je savais qu'il ne me forcerait à rien si je ne le souhaitais pas. Il ne m'obligerait pas à faire quoi que ce soit. J'avais confiance en lui.
Vers vingt-et-une heures, après avoir rappelé à mes amis que: «oui j'avais encore une retenue et que oui, bien sûr, je l'avais reçu après les deux heures de Défense de l'avant-veille» j'étais devant la porte du bureau de Rogue.
J'inspirai, toquai à la porte et finis par entrer lorsqu'il m'en donna la permission. Mon professeur était à son bureau, corrigeant des copies à la lueur des flammes, la lune scintillant derrière lui.
-Approchez Lumare; ordonna-t-il d'un ton sec, j'ai ceci qui pourrait vous intéresser.
Il indiqua un grimoire assez épais, je plissai les yeux en avançant, et particulièrement vieux. Dès que j'eus atteint son bureau, Rogue me le tendit. Il aurait pu le faire léviter, parce qu'il était vraiment lourd, et nos doigts se frôlèrent.
-Chapitre douze, vous verrez plusieurs sortilèges de boucliers plus puissants que le Protego classique.
Oh pour l'anatase, lorsqu'elle s'ouvrirait! Je lui souris avec reconnaissance.
-Merci professeur.
Il pointa la porte du menton pour me congédier et je ne m'en formalisai pas. Je crois que je m'étais tout simplement habituée à sa manière odieuse d'interagir avec l'ensemble des êtres vivants.
J'inclinai la tête et m'éloignai de son bureau, portant contre ma poitrine mon précieux et lourd fardeau, je n'avais plus que deux pas à faire pour sortir de la pièce…
-Lumare! Rest… Vous pouvez rester. Vous pouvez rester ici si vous le souhaitez.
Je me détournai de la porte les yeux écarquillés. Venait-il de m'affirmer d'un ton tout à fait péremptoire que je pouvais choisir de rester? Le visage de Rogue ne montrait rien, toujours aussi impénétrable, mais peut-être dans son regard, cette lueur d'incertitude…
J'hésitai.
J'avais le choix.
Rogue baissa son nez tordu vers ses parchemins. Il me laissait partir. Ce pourquoi, précisément, je fis le chemin inverse, déposai le grimoire sur son bureau et m'appuyai sur l'accoudoir de son fauteuil pour le forcer à relever la tête. Il était stupéfait. J'approchai plus encore, avant de déposer mes lèvres contre la douceur des siennes. Je fermai les yeux. Rogue lâcha sa plume.
Ensuite je m'écartai, un petit sourire aux lèvres.
-Je préfère le salon, professeur, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
-Aucun; grommela-t-il en se levant.
Il me porta mon grimoire, et nous étions bientôt installés dans le salon du professeur Rogue. Lui dans son fauteuil préféré, moi sur ses genoux parce qu'il avait insisté. J'avais mon livre dans les mains, lui en avait fait léviter un après s'être installé.
Il caressait mes cheveux et s'immergeait peu à peu dans sa lecture, j'étais en sécurité et lovée contre la chaleur de son corps. Ma tempe reposait contre son épaule, je me sentais bien.
Severus…
