Chapitre 9
Panique. Au-delà des mots. Je me levai et ma chaise s'écrasa au sol.
-I-infirmerie! Lâchai-je et McGonagall sursauta et je me ruai hors de la classe de Métamorphose.
Je courus de toutes mes forces dans les couloirs, l'anatase était en train de brûler! Elle me brûlait la peau, l'air se dilatait dans ma poche et pesait contre mon cœur. J'avais peur!
Je fusai dans la première salle vide et refermai la porte, et me barricadai à l'intérieur, et apposai des sorts de barrière et de protection pour que rien, rien, ne sorte de cette salle.
Ensuite je tirai la pierre brûlante de ma poche et la balançai au milieu de la salle désaffectée. Un violent nuage de poussière s'éleva. Une fumée noire apparut. D'infimes vapeurs au début, qui enflaient, enflaient. L'air vibrait d'horreurs et de magie noire. Cette magie suintait hors de l'anatase, rampait entre les dalles du sol ou s'élevait en sinuant. Les esprits gémissaient, faiblement, non, de plus en plus forts, ils hurlaient!
-Save albi magicae clypeus… Save albi magicae clypeus, save albi magicae clypeus, save albi magicae clypeus, save…
Je formais des arabesques trop compliquées dans les airs et je ne pouvais me concentrer que sur elles, sur ma magie, sur ma baguette, je ne voyais pas la magie noire s'étirer, se dilater et grossir au-dessus de l'anatase. Et soudain, elle se précipita sur moi!
-Clypeum! Hurlai-je et la magie s'écrasa contre mon bouclier et poussai encore et encore.
Et je reculais! Je tenais mon bouclier, il le fallait, des volutes s'échappaient à droite et à gauche, des fantômes apparaissaient décharnés, mauvais.
-Save albi magicae clypeus! Sifflai-je, appelant ma magie de ma main libre.
Je dessinai la forme des doigts, ma magie fuit mon corps, se déversa dans l'énorme bouclier au-dessus de l'anatase. J'y arrivais! J'y arrivais! Le bouclier était assez puissant, il fallait juste, juste, repousser les forces du mal de quelques pas et refermer, refermer le bouclier!
Vite! Un premier esprit s'était échappé! Il hurlait! Il tournait en volant dans la salle! La magie noire explosait devant moi comme de l'électricité vive. Non! Pas maintenant! Pas déjà!
-Repulso! Hurlai-je de toutes mes forces.
Les ténèbres s'écartèrent, deux autres esprits sortirent de l'enceinte du bouclier. J'étais terrifiée!
-Repulso! Clypeum! Stupefix!
Ça ne fonctionnait pas, d'autres fantômes approchaient, les forces des ténèbres allaient m'échapper! Je n'avais plus de force!
-Repulso!
Allez, encore, une dernière fois, le noyau de ténèbres se rapprochait du bouclier. Un premier esprit se rua vers moi, me griffa toute la gorge et du sang, et de la magie m'échappèrent.
Je ne pouvais pas le combattre! Pas…
-Repulso!
Oui! Les ombres noires se tordaient sous mon bouclier de magie blanche. Je n'avais plus qu'à…
Deux fantômes plongèrent sur moi, me déchirant l'épaule, aspirant plus de vie. Je… Je tombai à genou. Je convulsais.
-Save albi magicae clypeus; haletai-je en formant les arabesques, les dernières.
Le sortilège échappa de ma baguette et collapsa le dernier intervalle libre. Les ténèbres étaient emprisonnées, elles ne sortiraient pas de la pièce, personne ne serait en danger à Poudlard!
Deux esprits me fondirent dessus, arrachant ma cape, un autre me fonça dans le ventre et déchira mon uniforme, ma chemise blanche en-dessous se teintait de rouge.
L'anatase vibrait et rougeoyait en s'élevant, elle s'élevait dans les airs. Je fus projetée à terre. Mes forces disparaissaient, ma magie me quittait, je… Je rampai vers mon bouclier, vers l'anatase e-et je fus attaquée, encore, encore, mais je le passai. Je réussis à entrer dans le bouclier.
Les esprits ne pouvaient pas m'y suivre. Ils ne pouvaient pas sortir de la salle. Les ténèbres grondaient et vibraient à quelques pas de moi. E-et… l'anatase…
-Ce soir…
La voix de ma mère, j'en fus pétrifiée. Même pervertie par les autres voix, les cris, les ténèbres, c'était sa voix.
-Rejoins D…raco ce soir… Ce soir!
Un liquide rouge poisseux m'échappait pour goutter au sol. Je… Je levai la baguette. S-si je jetais ce sort, j'étais morte.
-Dare… Dare hanc epistulam…
Le récipiendaire magique s'ouvrit devant moi, magie noire. Et je murmurai ma réponse avant de le projeter en plein sur l'anatase, il fut absorbé. Les ténèbres fusèrent sur moi. J'hurlai, roulai sur le côté mais pas assez vite, je fus percutée de plein fouet, corrompue par les ténèbres, et retombai hors du bouclier en convulsant. Les cinq esprits qui s'étaient échappés se trouvaient de ce côté!
Severus, Severus, pitié!
-Severus; sanglotai-je. Severus…
Douleur. Transperça le visage. Je ne voyais que du rouge, ça brûlait l'œil, je n'avais plus la force, plus de magie. Mon bras retomba, tressautant malgré moi. La porte claqua, j'entendis distinctement, et il entra. Ce ne pouvait être que lui. Je savais que c'était lui.
J'étais en sécurité.
J'expirai une dernière fois, puis perdis connaissance.
ooo0oOo0ooo
A mon réveil, le feu crépitait, la lueur tamisée ne me dérangeait pas, j'étais allongée sur un canapé qui sentait le vieux cuir. J'avais mal partout. Des endroits brûlaient, la douleur pulsait lentement.
J'inspira, expirai, inspirai…
-Khorine; appela Rogue.
J'ouvris les yeux.
-Tu n'es qu'une imbécile! Cracha-t-il. Une imbécile! Qui a dit que tu pouvais laisser s'ouvrir l'anatase? Et qui a dit que tu devais le faire seule?! Il fallait me prévenir! Par Merlin, j'aurais cru que tu avais suffisamment de jugeote pour me prévenir, pas comme les cornichons de ton groupe d'amis! A quoi pensais-tu? Pensais-tu même à quelque chose en t'enfermant dans une classe pour affronter des démons? Pour affronter une source de magie noire à l'état pur?! Par Merlin, tu aurais pu mourir !
Je ne l'avais jamais vu aussi furieux. Il avait des fioles dans les mains et crispait ses doigts blêmes dessus, elles n'allaient pas tarder à exploser. Ses orbes charbon lançaient des étincelles. Quant à sa voix… rauque, qui avait prononcé mon prénom, qui me tutoyait...
-J'ai reçu leur message; murmurai-je faiblement, et j'ai répondu.
-Ca ne justifie… Vous…
Rogue se tut, crispa les mâchoires, avant de s'avancer et d'apposer durement le goulot d'une première fiole comme mes lèvres.
-Buvez; commanda-t-il.
Et j'étais certaine qu'il me torturerait si je n'obéissais pas. J'avalais la première potion au goût infect, puis une fiole de Régénération Sanguine, une autre potion que je ne connaissais pas.
-Il n'y aura pas d'interactions de…
-Non; me coupa-t-il d'un ton sec.
Il se détourna et allait partir. Je le retins par la manche, et Rogue s'arrêta.
A présent je voyais mon bras tendu devant moi, entouré de bandages qui rougissaient de mon propre sang. Je sentais que les blessures s'étendaient sur l'ensemble de mon corps. Il y avait même une coupure fraîche qui me barrait la joue gauche jusqu'à la paupière inférieure.
Je réalisai alors vraiment que je serais morte si Rogue n'était pas intervenu.
Il m'avait sauvé la vie, de nouveau.
Je me sentais faible, et reconnaissante. Mes doigts tremblaient autour du tissu de la robe de sorcier, j'aurais été incapable de le forcer à rester.
-Sev… Professeur, ils attaqueront ce soir. Des mangemorts vont entrer dans le château. Et Draco va essayer de tuer le professeur Dumbledore…
Rogue restait détourner, je ne pouvais pas savoir ce qu'il pensait. Alors je réunis toutes mes forces, sentis les potions qui commençaient à faire effet, et parvins à me retenir à lui pour m'asseoir.
J'haletais. Rogue était penché vers moi et il était inquiet pour moi. La main que je ne retenais pas souleva quelques mèches de mes cheveux pour se poser sur mon front, prendre ma température.
J'avais très chaud. Je ne me sentais pas bien.
-Est-ce que vous savez seulement l'espérance de vie qui vous serait restée si je n'avais pas eu le temps d'extraire la magie noire de votre organisme? Susurra-t-il d'un ton glacial.
-J'ai perdu le compte du nombre de fois où vous m'avez sauvé la vie; rétorquai-je en savourant seulement le contact de ses doigts froids. Merci…
-Vous n'êtes qu'une imbécile! Explosa-t-il.
Mais il ne s'éloigna pas, et moi je tirai sur le col de sa robe de sorcier pour l'approcher de moi, couper court à ses récriminations, l'embrasser comme jamais.
Rogue ne s'écarta pas, au contraire, il prit les devants de ce baiser, malmena mes lèvres, domina ma langue, il y fit passer toute sa rage et sa colère, et son inquiétude, et sa douleur. Il ne resta plus que la douleur tandis qu'il me piégeait contre le canapé, ses genoux de chaque côté de mes jambes, que je n'avais plus de souffle et que lui me retenait contre lui comme si nos vies en dépendaient.
Quand nos bouches s'arrachèrent l'une de l'autre, Rogue retomba contre moi et me garda dans ses bras. Il m'étreignait si fort, j'avais à peine la puissance pour garder mes doigts accrochés à sa cape.
Je fermai les yeux. Nous restâmes ainsi. Sans bouger. Les minutes s'évaporaient. Je ne me serais écartée de lui pour rien au monde. Le sang se répandait sur mes bandages, il les rendait poisseux et glissant. Mais les potions me rendaient plus forte, j'étais capable à présent de marcher jusqu'à l'infirmerie.
Ce soir, je retrouverai mes amis et je leur demanderai d'aller dans la Réserve de Rogue pour me prendre des potions antalgiques. Je leur dirais que Pomfresh n'en avait plus.
Ma mission accomplie il ne me resterait plus qu'à prier Merlin pour que Rogue survive à cette nuit.
Je dus m'écarter en premier du maître des potions.
Sans lui dire que je perdais encore plus de sang. Il relâcha son étreinte à regret.
Nos regards, onyx et océan s'entrechoquèrent, se mêlèrent.
-Severus tu ne seras pas seul, jamais; promis-je.
Il me contempla longuement. Moi qui ne pouvais plus supporter de me vider de mon sang, je me relevai et vacillai pour rester debout. Rogue me soutint. Il me conduisit jusqu'à la porte de ses appartements. Un dernier baiser volé par lui, puis nous sortîmes, il me conduisit jusqu'à l'infirmerie. Mme Pomfresh hurla dès qu'elle me vit, Severus dut me lâcher, il dut quitter la pièce.
Nos regards s'accrochèrent une dernière fois, puis il disparut dans un envol de cape.
Le soir-même il tuait Dumbledore et quittait le château.
