Chapitre 10

La Bataille Finale, nous avions tellement soufferts pour y parvenir. Et Harry était mort. Son cadavre reposait dans les bras d'Hagrid. Il était si pâle, si frêle, trop jeune, c'était mon meilleur ami!

P… Pourquoi?! Des larmes traîtresses me brouillaient la vue. Et mes parents étaient face à nous, avec tous ces mangemorts, avec le Seigneur des Ténèbres. Je ne voyais pas Rogue.

Mon cœur se gonflait de douleur.

Neville avança, blessé, la lame des Gryffondor au poing, mais je n'entendais pas ce qu'il disait. Mes yeux ne quittaient pas le corps d'Harry. Plus rien n'existait.

Et soudain, un éclair blanc, H… Harry!

-Harry! Hurlai-je.

Il venait de sauter des bras d'Hagrid, et il était debout, et il était en vie! Des mangemorts transplanèrent aussitôt. Pas mes parents. Des sortilèges fusèrent vers notre groupe de survivants.

-Clypeum!

Ma magie s'écoula de ma baguette pour former un champ protecteur, un Bombacta s'y écrasa à seulement quelques centimètres de la tête de Luna. McGonagall échappa à un Avada.

-A l'attaque! Lança Neville en soulevant son épée.

Et nous nous jetâmes sans hésiter contre les mangemorts tandis que la dernière bataille entre Voldemort et Harry commençait! Les maléfices fusaient, je perdis Ron et Hermione dans la mêlée et continuai à me battre, à balancer des Stupéfix, des Expelliarmus, des Repulso, des Incarcerem, à chercher mes amis, à lutter contre les mangemorts qui restaient!

Le jour se levait derrière les montagnes d'Ecosse, le soleil rougeoyait.

Mes parents apparurent devant moi.

Mon père se tenait tordu, ses yeux fous et gris me fixant de derrière ses mèches sales, il était plus maigre et plus effrayant que dans mes souvenirs. La tresse-toujours-parfaite des cheveux auburn de ma mère pendait lamentablement sur son épaule, des mèches lui échappaient, elle était sale, elle tremblait, il y avait du sang sur son visage.

-Sale traîtresse! Cracha-t-elle. Démon, traîtresse à ton propre sang!

Sa baguette était levée et le soleil était rouge derrière elle et un nuage de poussière nous coupait des autres combats. Je souris pour toute réponse. Le premier maléfice fusa vers moi. Je l'évitai au dernier moment, lançai un Stupéfix, mon père contrattaqua. Il lançait des sortilèges de mort, ma mère de torture, ils allaient toujours plus vite, j'évitais, je courais, j'esquivais, la rage augmentait à l'intérieur de moi, elle me dévorait, la magie me brûlait les veines, j'allais… j'allais…

Je visai… mon père… Et j'invoquai un Feudeymon. La fournaise des flammes explosa soudain et fondit sur lui. Il ne put l'éviter. Mon père prit feu. Ses habits brûlaient, sa peau explosait, cloquait sous la chaleur. Il hurla! Mère resta pétrifiée d'effroi, trop près, des flammèches l'atteignirent et elle prit feu. Mère, Père, hurlaient devant moi en se tordant de douleur. La chair carbonisée, je sentais, la douleur, la haine. Un Avada Kedavra fusa des flammes, je le bloquai. Puis je distinguai la baguette de Père exploser. Mère vacilla vers lui, déjà mangée par les flammes, ils hurlaient! Ils transplanèrent soudain.

Je restai debout, stupéfiée.

-Khorine! Khorine! Khorine ressaisis-toi!

C'était Hermione.

J'étais restée les bras ballants au milieu du champ de bataille. Je cillai, resserrai mes doigts sur ma baguette.

-Hermione; chuchotai-je.

Elle ne m'entendit pas dans la mêlée, alors je m'accrochai à sa manche, et nous avançâmes ensemble. De plus en plus de mangemorts transplanaient, les derniers combats avaient lieu, nous stupéfixions nos derniers ennemis. Je balançai un Sectumsempra à l'adversaire de Ron qui s'écroula devant lui.

Ron tomba à genou. Nous fûmes toutes les deux auprès de lui. Et nous ne bougeâmes plus…

Un bouclier nous protégeait, Hermione l'avait lancée…

-Où… est… Rogue? Chuchotai-je la gorge nouée.

-Il est mort.

Mon cœur cessa de battre. Hermione continua:

-Il était dans la Cabane hurlante et il s'est fait mordre par Nagini, au cou, il y avait du sang partout. Et puis il a donné des souvenirs à Harry, des larmes, c'était… Il gargouillait des mots qui n'avaient aucun sens. Il a fini par sortir une potion violette et il l'a avalé, son bras est retombé et…

-Non.

-Pourquoi est-ce que tu…

-Non.

-Khorine? Qu'est-ce que…

Harry apparut en haut des marches menant à Poudlard. Seul, vivant. Je brisai le bouclier et me ruai vers la Cabane Hurlante. Non! Non! Non! Non, non, non, non, non, non, pas lui!

«Chapitre quatorze sur les anti-venins, tous de couleur violette, sauf celui du scorpion, c'est… Lisez en attendant…»

Un sursaut d'espoir me traversa les veines, je ne sentais plus mes blessures, plus ma fatigue, plus ma douleur, je n'avais plus de force, mais je courus vers la cabane. Merlin! Merlin par pitié! « Chapitre quatorze sur les anti-venins, tous de couleur violette, sauf celui du scorpion, c'est… Lisez en attendant… », «… Lisez en attendant…», «… Lisez en attendant…», «… Lisez…»

-Severus! Hurlai-je en défonçant la porte de la cabane.

Traces de pas dans la poussière, empreinte d'un gigantesque serpent, je me ruai à l'étage.

-Severus! Severus! Appelai-je encore et encore.

Il n'y avait pas de réponse. Quand j'entrai dans la pièce, je vis Rogue immobile et baignant dans son propre sang.

-Non…

Un pas. Je m'arrêtai. Il vivait, il devait… Je pouvais encore… Je courus jusqu'à lui et m'effondrai à genou dans un nuage de poussière. Il… Il… Son torse se contracta brusquement, il toussa de la poussière, du sang!

-Severus! M'exclamai-je ivre de joie. Je te conduis à Ste Mangouste, ne t'inquiète pas, je suis là. Je ne te laisserai pas. Tout va bien.

Je ne pouvais m'arrêter de parler et Rogue tourna la tête vers moi. Je la lui soutins, caressant ses cheveux en même temps, toujours tous ces mots se déversant d'entre mes lèvres. Les coins de sa bouche s'étirèrent, c'était un sourire, venant de Rogue ce ne pouvait être qu'un sourire.

Il tressauta, ne pouvait plus faire le moindre geste, il expira lourdement, ses yeux roulèrent dans leurs orbites et son crâne retomba dans mes bras…

Le sang pulsait faiblement à l'arrière de sa tête. Mes mains et mes bras étaient souillés de sang.

Je me concentrai, paniquée, et me levai, et je portai Rogue contre moi. Transplaner, transplaner, transplaner, visualiser l'endroit, un tour sur soi-même et ma magie qui m'échappa.

Ce fut violent, ça ne dura pas plus de trois secondes avant que je ne m'écroule à la porte de Ste Mangouste, moi par terre plutôt que Rogue.

-A l'aide! Hurlai-je. A l'aide! A l'aide! Quelqu'un! Il va mourir!

Des sorciers sortaient en fronçant le nez et s'écartaient et j'appelais encore plus fort et je suppliai Merlin et tous les médicomages et toutes les infirmières de le sauver! Je n'avais plus la force de le soulever. Je ne pensais même pas pouvoir me relever… Et enfin, une infirmière courut vers moi, une deuxième, un médicomage se rua dehors. La foule s'écarta, il y avait tous ces gens d'agglutinés.

Ils firent apparaître une civière et fient léviter Rogue jusqu'à elle. Je m'y accrochai, l'une des infirmières dut me soutenir jusqu'à l'intérieur. On me posa des questions, ce qui lui était arrivé, d'où je venais, s'il avait pris une quelconque potion; et tout ça en courant dans les couloirs. On me dit qu'on l'amenait dans une salle opératoire, il y eut une annonce par Sonorus, d'autres médicomages allaient venir.

-Vous devez lâcher cette civière, Miss. Miss. Vous devez la lâcher.

Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas. Les lacérations de sa gorge s'étaient rouvertes, son sang maculait la civière.

-Severus; sanglotai-je…

-Oh! Mais oui je le reconnais; lâcha une des infirmières qui courait, c'est Severus Rogue, c'est un mangemort!

Une tempête brûlante me dévasta les veines! Je balançai la civière contre un mur et hurlai mon sort de bouclier! Ils furent tous éjectés plus loin, je leur crachai de s'éloigner.

-Je tue le premier qui s'approche! Vous ne lui ferez pas de mal! Aucun! Dégagez! DEGAGEZ!

Mes yeux étaient ravagés de haine, j'étais sur le champ de bataille, mes parents brûlaient, les mangemorts hurlaient de rire et Voldemort aussi, et les trolls tombaient le crâne explosé devant Poudlard !

-Voyons Miss, personne ne lui fera de mal…

Je n'entendais pas les voix, j'hurlai des paroles insensées et… l'un d'entre eux sortit sa baguette.

-Expelliarmus!

Il s'écroula plus loin dans un craquement sec. Je m'accrochai plus fort à la civière, la baguette levée, tremblante. Sans ma haine, sans ma rage, sans ma terreur, j'aurais perdu connaissance.

-N'approchez pas! Hurlai-je. Vous ne savez rien! VOUS NE SAVEZ RIEN! Ne le touchez pas! Je… veux… McGonagall! Appelez McGonagall! Le professeur McGonagall, c'est elle! Amenez-la! Amenez-la!

J'hurlai des mots sans suite après, et tournais mes yeux fous vers ceux qui essayaient d'approcher. Mes doigts étaient scellés à la civière du maître des potions. Je le protégerai. Même si j'en mourais. J'en…

Elle apparut. Le professeur McGonagall. Elle resta très loin de moi, ses lourdes robes salies par les combats, digne, droite, inquiète, échevelée.

-Il est innocent. Je vous en fais le serment; haletai-je et chuchotai-je et je n'avais plus de force. Promettez-moi de le sauver. Sauvez-le.

Les yeux écarquillés, McGonagall me fixa, fixa Rogue inconscient, me fixa.

-Êtes-vous certaine de…

-Je vous expliquerai tout. Par pitié… sauvez-le. Promettez…

-Je vous promets Miss Lumare; énonça alors mon professeur de Métamorphoses,que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le sauver.

J'expirai enfin, mes genoux cédèrent et je perdis conscience avant même de heurter le sol.

ooo0oOo0ooo

A mon réveil j'appris que Rogue était vivant, qu'il était plongé dans un coma profond, qu'ils n'avaient eu d'autre choix comme le venin était remonté par la carotide jusqu'au cerveau et avait endommagé des tissus importants. Pour les régénérer les médicomages avaient dû provoquer son coma, et ils ne savaient pas quand il se réveillerait. Ils ne savaient pas. Mais il se réveillerait.

On m'apprit que je n'avais tué personne dans mon accès de démence à Ste Mangouste, McGonagall vint à mon chevet et mes trois meilleurs amis également. Je dus tout leur expliquer. Je n'oubliais pas le moindre détail sur le rôle de Rogue dans cette guerre. Je leur expliquai tout, leur énonçai les preuves que j'avais, mes souvenirs, la lettre cachée que Dumbledore m'avait léguée, le tableau même du directeur qui pourrait témoigner. J'y avais tellement réfléchi, au moyen de rendre à Rogue sa liberté sitôt la guerre finie.

Je les convainquis tous, de l'innocence de Rogue. Harry savait déjà. Les souvenirs que Rogue lui avait confié… Il savait. Il me promit de m'épauler et de témoigner au procès de Rogue.

J'insistai auprès de McGonagall, lui demandai de réunir les preuves, lui demandai de convoquer le Magenmagot. Je la suppliai. Ils avaient d'autres affaires plus urgentes à traiter. Rogue était encore dans le coma. Je répliquai que je donnerais ma vie pour sa liberté, qu'il avait déjà attendu dix-sept ans et qu'il serait un homme libre par justice à son réveil!

Ensuite je m'effondrai contre mes oreillers, la respiration hachée et une infirmière dut les prier de quitter ma chambre.

Harry, Ron et Hermione revinrent à mon chevet et restèrent toute l'après-midi qui succéda mon admission à Ste Mangouste. Ils parlèrent beaucoup, il y eut beaucoup de pauses pensives. Je pris la main de Harry, et celle de Ron, et nous reformulâmes le vœu de devenir Aurors.

Hermione ne savait pas encore…

Ils revinrent me voir le lendemain, et le surlendemain. Je restai trois jours en tout alitée. Le dernier jour le professeur McGonagall me demanda de me tenir prête pour le procès de Rogue.

-Oui; approuvai-je la détermination brûlant dans mon regard océan.

Mes amis vinrent me chercher, nous allions vivre quelques temps au Square Grimmault. Je souris, mais avant de partir, fis un détour par la chambre 395, au bout d'un couloir blanc immaculé du troisième étage. Rogue y reposait, lié à une poche de transfusion et deux poches de perfusion, blême sous des draps trop blancs. J'embrassai le bout de ses lèvres et lui promis de revenir chaque jour.

-La guerre est terminée, nous avons gagné Severus. C'est fini… C'est… fini… Tu ne seras plus jamais seul. Je viendrai te voir chaque jour, je te le promets.

Ensuite je retrouvai mes amis et ils m'installèrent au Square Grimmault. Nous dormions tous dans le salon. Et les cauchemars des uns réveillaient aussitôt les autres, si bien que nous passions la plus grande partie de nos nuits à parler, à boire de la Biéraubeurre en mangeant du popcorn, à nous rassurer, à travailler en vue du procès de Rogue.

Je crois que nous avions besoin d'un objectif commun, maintenant. Je crois que nous ne réalisions pas encore combien la guerre était finie.

Hermione était incroyable, elle retenait des textes de lois par dizaine, trouvait toutes les petites irrégularités qui nous permettraient de remporter le procès.

Pour le faire commencer, il ne nous fallut que l'appui du professeur McGonagall et la renommée du Survivant.

Il fut décidé qu'en vertu de circonstances extraordinaires le procès du mangemort reconnu Severus Tobias Rogue débuterait le 26 mai de l'année 1998.

Ce fut ainsi qu'en une seule journée, à nous quatre et avec l'aide du professeur McGonagall, nous obtînmes l'acquittement de Rogue, son nom et son honneur furent lavés, il fut disculpé de tous les chefs d'accusation qui pesaient contre lui. J'en pleurai de joie et serrai mes amis contre moi, et me laissai pratiquement étouffée par Mme Weasley, puis par Hagrid, et Mr Weasley tapa dans le dos de tout le monde en répétant «Ça alors, eh bien ça alors».

Severus était libre.

Hermione décida qu'elle entrerait dans une école de droit sorcier l'année prochaine. Harry, Ron et moi fûmes acceptés dans la filière Auror du Ministère qui commencerait début Septembre. En traitement de faveur ils créèrent une session de rattrapage des Aspics pour Décembre, avec des cours parallèles pour tout le premier semestre.

Il n'y eut que Ron pour ronchonner que ça ferait encore plus de boulot.

Les jours s'écoulèrent, lentement. Je passais mes après-midi à l'hôpital, observant sa cicatrice réduire et se nacrer mais Rogue devenait plus maigre, plus blême et plus fragile. Il se réveillerait, j'en étais certaine, et en attendant je lui racontais mes journées loin de Poudlard, les découvertes que l'on faisait avec mes amis en se baladant seulement dans le Londres sorcier et le Londres moldu, le changement de Ministre et de Ministère, le Chemin de Traverse qui se reconstruisait, Fred et Georges qui testaient déjà leurs nouvelles inventions… Parfois je lui tenais seulement la main. Je ne lui parlai pas des morts, ni du fait que Georges était défiguré et qu'il avait perdu un bras et la moitié de sa jambe. Je ne lui dis pas que mes parents étaient peut-être encore en vie.

Ginevra venait nous voir au Square Grimmault, elle passait du temps avec Harry l'après-midi quand j'allais à l'infirmerie et que Ron et Hermione sortaient de leur côté. Mais elle ne restait pas dormir. C'était… Elle ne pouvait pas tout comprendre… Elle n'avait pas vécu… ce que nous avions vécu… Nous préférions rester tous les quatre encore, juste un peu.

Il m'arrivait de rester à fixer le plafond le soir venu… Tous ces cadavres, tous ces hurlements… Parfois je me demandais ce qu'il adviendrait quand Rogue se réveillerait, parce qu'il se réveillerait! Est-ce qu'il voudrait me revoir? Est-ce qu'il m'embrasserait encore? Nous serions séparés de toute manière parce qu'il travaillait encore à Poudlard et que j'allais intégrer l'école d'aurors rattachée au Ministère de la Magie. Peut-être qu'il voudrait trouver quelqu'un d'autre après la guerre. Après tout, nous étions libres, il était libre. Je… Je me demandais…

Tout ce que je souhaitais… Tout ce que je souhaitais c'était qu'il soit heureux.

Oui, c'était tout ce que je souhaitais.

Je suppliai les infirmières qui passaient dans sa chambre de m'envoyer une lettre à l'instant où il se réveillerait. Et elles finirent par accepter. Je venais tout de même le voir chaque jour, et le mois d'août s'étirait lentement. Le 22 nous avions été invités dans l'atelier de Fred et Georges, ils nous avaient montré leurs prototypes pour le nouvel avant-bras et la nouvelle jambe de Georges. Il y avait plein de petits tiroirs, de petites réserves, de petits compartiments cachés dans les prothèses. Et même une cachette à pastilles de gerbe dans la jambe.

-Sait-on jamais! Nous assura Fred en se grattant le nez.

George le fixa un instant, perdu dans le vague… Nous l'observâmes tous avec inquiétude, Hermione n'allait pas tarder à tenter de le consoler… Pas le temps.

-Un gratte-dos! Lança Georges les yeux étincelants. C'est une excellente…

-… idée! Parfaitement frangin!

Hermione soupira de soulagement, je souris doucement, nous passâmes l'après-midi avec eux. Deux jours plus tard nous étions conviés à l'amphithéâtre principal de l'Université de Formation Aurorienne au cœur de la campagne anglaise. Hermione nous y accompagna et nous y transplanâmes tous ensemble. Des terrains d'entraînement s'étendaient de part et d'autre d'un gigantesque bâtiment de même architecture que le Ministère. Il y avait une cour à l'intérieur. Les pierres des murs, du sol, étaient noires et lisses. Ça me rappelait cette nuit, au Ministère de la magie, la nuit où Sirius était mort. J'agrippai la cape d'Harry au cas où et nous marchâmes ensemble jusqu'à l'amphithéâtre principal. Ici la pierre était incrustée de bois, un vieux bois. Les bancs et les pupitres en étaient faits, l'estrade face à nous également. Nous retrouvâmes Seamus à notre grande surprise, Abbott, Zacharias Smith, nous n'étions pas plus de quinze en tout.

Six professeurs nous fîmes face ainsi que le doyen, je cherchais Rogue en eux. Ils ne lui ressemblaient pas. Aucun. Un discours de bienvenue. Je cherchais Dumbledore dans le doyen face à nous. Mais il était… différent… Il était sec et strict, il avait un bouc noir bien taillé, un costume de sorcier sobre, noir, des cheveux tirés en catogan. Ce n'était pas lui. Il ne lui ressemblait en rien. En rien.

Nos premiers cours commençaient le 05 septembre, nous devions acheter nos fournitures d'ici là. Le professeur de Pratiques de combat, Elyas Montrouge, nous enjoignit finalement de le suivre dans une visite de notre université. Le professeur était massif, buriné, la partie gauche de son visage était ratatinée et brûlée, ses yeux jaunes étaient impitoyables.

-Ressemble un peu à Fol'œil, non? Murmura Seamus.

Ron grogna vaguement, nous nous levâmes et quittâmes enfin l'amphithéâtre.

J'étais… fatiguée…

A peine avais-je fait un pas dans le couloir qu'une chouette grisâtre me fonça dessus. Je sautai sur le côté, juste à temps, elle s'écroula par terre, battant encore des ailes, ses pattes s'agitaient, elle tressautait.

-Calme, calme… Chut, calme-toi…

Elle piaillait, elle tenait une lettre, chiffonnée dans ses pattes. Elle était à mon nom!

Montrouge lança un sortilège de stupéfixion, elle se pétrifia dans une position grotesque, mes doigts tremblèrent vers la lettre. Lettre que je décachetai, qui venait de Ste Mangouste.

Rogue était réveillé.

-Oh! Merlin! Oh! Oh Merlin!

-Alors le professeur…; commença Hermione.

Je courus de toutes mes forces dans les couloirs, serrant la lettre dans mon poing, ivre de joie. Ma cape claquait derrière moi, je fonçai dans un couloir du premier étage, réussis à trouver les escaliers noirs qui menaient au rez de chaussée et je… Les lourdes portes ébène s'ouvrirent au bout du hall et une silhouette sombre s'avança. Il peinait à avancer. Mon cœur cessa de battre. Il était cadavérique, trop mince, ses vêtements noirs flottaient sur son corps, il se retenait à la lourde poignée d'argent près de lui, il était là, il respirait difficilement, il était là, devant moi. Ses yeux onyx étaient ouverts et brûlants et rivés sur moi!

-Severus…

Il devait être à Ste Mangouste! Alors je rêvais? Ou je ne rêvais pas? Ou je rêvais? Je restai pétrifiée alors que mon être entier se mourait de le rejoindre.

-Monsieur? Monsieur, vous n'avez aucun droit de vous trouver ici! Ces portes ouvertes ne sont destinées qu'aux premières années!

Un auror, à sa gauche, me sortit de ma transe. J'avançai d'un pas, Rogue ne détournait pas son regard de moi. Je… Je…

-Miss? Vous devriez visiter les terrains d'entraînement à cette heure, et Monsieur… Vous ne semblez pas au meilleur de votre forme… Monsieur?

-Trois mois; murmurai-je un pas après l'autre m'approchant de lui… Depuis trois mois…

Je n'entendais plus ce que vociférait l'auror, Rogue était là, il tremblait de fatigue. Je ne pouvais pas le rejoindre plus vite. Mes jambes étaient si lourdes, tout mon corps, je ne pouvais que me forcer à avancer le pied gauche, le pied droit, le pied gauche, descendre les marches, approcher, approcher, approcher.

Je m'arrêtai. Séparée de lui par un souffle.

-Trois mois; répétai-je et ma voix se brisa.

Des larmes apparurent alors dans mes yeux océan et dévalèrent mes joues. Je souriais. Severus tremblait si fort.

Et puis je n'y tins plus et lui sautai dans les bras! Il les referma sur moi, dans un étau violent, douloureux, douloureux! Je cachai mes larmes dans le creux de son cou, sanglotant de bonheur.

-Tu… Tu m'as tellement… manqué! Tellement!

Je pleurais, ses doigts se plantaient dans ma peau et il me serrait à me briser les côtes. Ensuite ses jambes cédèrent et il s'écroula à genou avec moi. Il ne me relâchait pas.

-Severus, il faut retourner à Ste Mangouste; balbutiai-je des larmes m'échappant encore.

Elles gouttaient, gouttaient, m'arrachaient d'autres sanglots. Elles étaient restées enfermées trop longtemps en moi, je ne pouvais plus les retenir…

-Non; croassa-t-il d'une voix trop rauque.

-Tu ne tiens même plus debout; murmurai-je…

Il me serra plus fort pour toutes réponses et je me trouvai incapable de m'écarter.

Ce furent deux infirmières de Ste Mangouste qui vinrent nous trouver. Elles nous séparèrent.

Elles obligèrent Rogue à se relever. Il ne lâchait pas mon poignet. Il y avait l'auror de tout à l'heure qui nous observait près des portes.

Nous transplanâmes tous les quatre à Ste Mangouste, les deux infirmières tempêtaient près de nous, elles réprimandaient Severus nouvellement muet, le professeur McGonagall rejoignit notre petit groupe juste avant que nous n'entrions dans la chambre de Rogue.

Il se rallongea, je m'assis sur ma chaise habituelle, le poignet retenu toujours par ses longs doigts froids. Les infirmières s'affairèrent autour de lui, puis furent congédiées par McGonagall.

-Vous leur avez fait une belle peur, Severus! Quelle idée de s'enfuir de l'hôpital à peine être sorti du coma! Et pour… retrouver Miss Lumare?

Elle fixa sa main, et la mienne, resta muette un long moment.

Ce silence… Je fermai doucement les yeux, avant de me tourner vers Severus. Il ne regardait que moi.

-Je comprends… Vous lui êtes reconnaissant? C'est exact? Miss Lumare vous a sauvé dans la cabane hurlante, c'est elle qui vous a amené à Ste Mangouste, en manquant de tuer un de leur médecin d'ailleurs! Sans compter qu'elle s'est battue contre le Magenmagot pour qu'ils vous acquittent! Ah Severus! Vous êtes libre! Encore toutes mes félicitations Miss Lumare.

Elle l'annonçait le regard brillant, un sourire aux lèvres. Elle était fière d'une de ses lionnes de Gryffondor. Elle était heureuse pour Severus. Aucun de nous ne l'interrompit.

-Le médicomage Garrick m'a dit que d'ici une semaine vous pourriez entrer en rééducation, il souhaite prendre son temps et procéder par étape. Mais j'imagine que vous pourrez retourner à Poudlard dès le mois d'octobre! Et…

-Non!

McGonagall se troubla. Je… devais peut-être sortir.

-Je vais vous laisser…

-Restez ici; gronda Rogue en me retenant.

Sa respiration se faisait sifflante. Je me rassis sur ma chaise, l'observant avec inquiétude. Le professeur McGonagall devait montrer la même inquiétude alors qu'elle proposait:

-Et si j'allais chercher votre médicomage, vous n'avez pas l'air…

-Je ne… retournerai pas… à Poudlard.

-Severus, je peux concevoir que l'année dernière a été difficile mais en sachant de quel côté vous étiez réellement tous vos collègues seraient…

-Non! Cracha-t-il le regard brûlant. Je n'ai que faire de votre remord ou de ceux de nos collègues. Plus jamais… A Poudlard…

Il s'essoufflait, rigide, crispé, blême de fureur. Il avait dû tellement souffrir l'année dernière seul au château, dans le bureau de Dumbledore, dans la Grande Salle… Je restai perdue dans mes tristes pensées jusqu'à ce que McGonagall se tourne vers moi:

-Miss Lumare, raisonnez-le, il ne sera jamais mieux accueilli qu'avec tous ses proches à Poudlard, il ne peut pas nous tenir rigueur d'avoir douté de lui. Vous, sûrement,…

-Suffit; la coupa-t-il encore une fois, vous ne la retournerez pas contre moi!

Et il crispait ses doigts sur mon poignet.

-Par Merlin! Grogna McGonagall frustrée.

-Sortez!

-Severus!

-Sortez! Sortez d'ici!

Sa voix grondait de rage, ses orbes onyx brûlaient violemment, et je ne l'avais jamais vu ainsi. Ses jointures blanchissaient autour de mon poignet peu à peu privé de sang. Et je ne pus rien faire lorsque le professeur McGonagall se leva, quitta la chambre d'hôpital. Je n'avais pas su quoi dire, ni si j'avais quoi que ce soit à dire justement sur les choix de Rogue.

La porte se referma sur ma directrice de maison et Rogue tira aussitôt sur mon poignet pour me tourner vers lui. Je tombai à genou au pied de son lit. Une infime partie de la cicatrice à son cou dépassait de son col. Le reste était caché.

Je redressai la tête pour percuter son regard, son regard fiévreux, il me détaillait, chaque parcelle de mon visage, avec une passion quasi-insoutenable.

-Severus; protestai-je gênée.

Il caressa sur mon front une mèche de mes cheveux indomptables, puis ses doigts dérivèrent sur ma tempe, effleurèrent ma pommette et ma joue avant de remonter le long de ma mâchoire pour la redescendre.

Je ne pouvais pas parler. Le silence intense m'enveloppait, comme dans un étau de tissu moelleux.

J'étais heureuse qu'il soit en vie.

Il frôlait toujours mon visage avec cette sorte de révérence, ses doigts se réchauffaient à mon contact, tremblaient aussi. Il ne cessait de me fixer…

-Venez vivre avec moi; murmura Rogue. A Spinner's end.

Juste le temps que ces mots, ensemble, fassent sens, et je tressautai.

Quoi? Qu'est-ce que…

-Pardon?

Il répéta. Je ne pouvais… Je ne comprenais pas! J'avais cru… La fin de la guerre, il était libre! Pourquoiest-ce que…

-Mais je vis avec Harry, Ron et Hermione, à Sp… au Square Grimmault; répondis-je manquant de peu un lapsus. Je ne peux pas, c'est… Je vais commencer mes études d'aurors avec eux et… Mais je pensais que vous vouliez quelqu'un d'autre!

Ses émotions avaient peu à peu disparu de son visage, au fur et à mesure que ces mots décousus sortaient d'entre mes lèvres. Il n'y avait plus désormais qu'un masque, il ne voulait plus rien montrer.

-Vous voulez quelqu'un d'autre; lâcha-t-il et ce n'était pas une question.

-Mais non!

-Vous voulez quelqu'un d'autre que le bâtard graisseux des cachots! Siffla Rogue.

Ce qui me mit en colère.

-Je vous interdis! C'est faux! Mais je ne suis pas prête à vivre avec qui que soit d'autre que mes meilleurs amis!

-Vous n'êtes pas prête? Vous n'avez même pas envisagé cette possibilité, en trois mois de coma!

Il blêmissait et sifflait en serrant les os de mon poignet. Je ne devais pas l'énerver, ni lui causer de peine, Merlin il venait de se réveiller d'un coma! D'une vive secousse je me dégageai de sa poigne et me relevai.

-Lumare! Appela-t-il. Lumare!

Je sortis de sa chambre sans un mot, refermai la porte, puis je demandai à l'infirmière la plus proche où était le médicomage responsable de Rogue. Il se trouvait un étage en-dessous, à son bureau.

J'y descendis sans attendre, soucieuse, partagée. J'avais eu peur que Rogue ne me poursuive dans le couloir, mais il n'avait pas dû réussir à se lever.

Et maintenant je ne savais plus quoi faire, je ne savais plus ce que je voulais. Je traversai des couloirs d'un blanc immaculé, dépassai de nombreuses chambres, quelques infirmières et médecins puis descendis des escaliers, et parvins rapidement à trouver le bureau du médicomage Garrick.

-Miss… Lumare c'est cela? Oui? Vous venez sûrement d'apprendre la nouvelle. Bien. Entrez, entrez!

Ainsi je fermai la porte de son bureau et m'assis face à lui. Il était calme, mince, des cheveux gris courts et frisés, des yeux grisés scintillant d'intelligence, apaisant. Rogue allait le détester.

Je parlai avec ce médicomage, durant près d'une heure. Puis nous sortîmes ensemble pour nous diriger vers la chambre de Rogue.

Harry, Hermione et Ron attendaient juste devant. Un sourire éclatant m'échappa, je courus jusqu'à eux et je pris la main d'Hermione et d'Harry pour les serrer très fort, leur annoncer que Rogue était réveillé! Ronald grogna qu'ils savaient déjà, et que: «Montrouge ne m'avait pas à la bonne».

Je pouffai de rire, Hermione grogna contre son petit copain, puis je présentai le médicomage à mes amis. Une infirmière sortit à ce moment de la chambre de Rogue. Elle aperçut Garrick, se dirigea vers lui et ne marmonna qu'une seule phrase:

-Il ne va pas bien.

Elle secoua sa tête à coiffe blanche, puis s'éloigna.J'étais inquiète. Le médicomage s'en rendit compte.

-Allons-y; nous invita-t-il à entrer.

Rogue détournait la tête lorsque nous fûmes tous les cinq au pied de son lit. Il crispait les mâchoires.

-Monsieur Rogue, je suis le médicomage responsable de vos soins ici, Yohann Garrick. J'ai cru comprendre que vos anciens élèves souhaitaient vous voir.

Il ne reçut qu'un violent regard noir pour toute réponse.

Ce fut Hermione qui salua Rogue en premier, puis Harry et Ron l'imitèrent gauchement. Elle dit qu'ils étaient heureux d'avoir gagné le procès, qu'il pouvait sortir libre de Ste Mangouste et qu'elle espérait qu'il se rétablirait vite. Aucune réponse. Il se retenait de toute évidence de formuler des remarques dé silence s'étendit…

-Bien! Je vais parler de ses soins avec mon patient, je vous prierai d'attendre dehors si vous souhaitez encore le visiter; lança le médicomage d'une manière de dire que nous serions stupides de rester.

Nous fîmes tous demi-tour.

-Non! Pas Lumare!

Je me retournai vivement, Rogue était crispé, ses yeux rivés sur moi. Mes amis aussi me fixaient étrangement. Garrick hocha juste la tête.

-Euh… On t'attend dehors; marmonna Ron.

-Oui; répondis-je.

Ils sortirent ensuite, ne resta plus que le médicomage et moi auprès de Rogue. Il y avait une tension bourdonnante entre nous, quelque chose de profondément violent… Le médicomage choisit de l'ignorer et d'annoncer les étapes théoriques de la rémission de Rogue.

Comme le professeur McGonagall l'avait annoncé il voulait lui laisser une semaine de repos pour lui permettre de retrouver une hygiène de vie normale avant de commencer la rééducation de tous ses muscles qu'il n'avait pas usité durant ses trois mois de coma. Elle devrait prendre deux à trois semaines, puis Garrick envisageait trois séances par semaine jusqu'à sa rémission complète.

Rogue renifla à la fin de ce brillant exposé.

-Je vais vous expliquer, moi, ce qu'il va se passer; siffla-t-il. Dans trois jours je sortirai d'ici, dans une semaine j'aurais retrouvé la santé, et de toute ma vie je ne subirai plus une seconde… de votre indésirable présence.

-Monsieur…

-Non.

Cela suffit à faire taire le médicomage. Rogue ne semblait de toute façon plus avoir assez de souffle pour prononcer quoi que soit d'autre. Je ne savais pas où il avait trouvé l'énergie pour se disputer avec tant de gens, pour transplaner, pour me retrouver à mon université, ou simplement l'énergie pour rester conscient.

-Vous avez besoin de repos; annonça le médicomage.

-Exact; ricana Rogue en le congédiant d'un signe de tête.

Garrick hésita, observant son patient. Je lisais quelque chose d'étrange sur son visage, comme s'il parvenait à comprendre Rogue.

-Si vous quittez l'hôpital dans trois jours… il faudra que quelqu'un veille sur vous.

Silence. Pesant. Et Rogue se tourna vers moi.

Je retrouvai soudain la parole:

-Nous allons en discuter. Mais vous devez vous reposer, avant tout.

-Restez; me demanda Severus.

Je m'adoucis malgré moi, oubliant même qu'un autre sorcier se trouvait dans la pièce. Et j'inclinai légèrement la tête. Je pris un instant juste pour annoncer à mes amis que je restais à Ste Mangouste. J'eus droit aux grognements de Ron, aux regards perçants d'Hermione et à l'approbation d'Harry. Puis mes trois meilleurs amis transplanèrent au square Grimmault et je retournai dans la chambre de Rogue.

Je m'assis sur mon siège habituel et nos mains se rejoignirent.

Nous ne dîmes plus rien… Tout était calme dans cette chambre blanche, j'étais au chevet de Severus, il était sorti du coma et il voulait encore de moi…

Je fermai les yeux. Severus ne tarda pas à sombrer dans le sommeil. Il était épuisé.