Chapitre 1 : La Genèse d'un Monstre
Introduction du Contexte de l'Univers
L'univers de The Boys est marqué par une réalité profondément troublante, où les super-héros, loin des idéaux de justice et de courage que l'on pourrait espérer, sont des instruments de pouvoir, de manipulation et de corruption. Au centre de cette dynamique, une seule entité tire les ficelles : Vought International, un conglomérat aux tentacules si profondément ancrées dans la société que la majorité des citoyens n'a aucune idée de l'étendue de son influence. Vought ne se contente pas d'exploiter les super-héros ; elle les façonne, les contrôle, et surtout, les transforme en produits de consommation. La société, éblouie par le charisme et les pouvoirs extraordinaires de ses champions, idolâtre ces figures sans se douter qu'elles ne sont que les marionnettes d'une entreprise avide de pouvoir.
Les super-héros, connus sous le nom de "supers", sont devenus des célébrités planétaires, commercialisés à travers des films, des séries télévisées et des produits dérivés, renforçant l'illusion qu'ils sont là pour protéger l'humanité. Pourtant, derrière ce vernis de perfection, se cache une vérité bien plus sinistre. Les supers, au lieu d'incarner des défenseurs de la justice, sont pour la plupart cyniques, arrogants et profondément corrompus. Ils n'agissent pas par altruisme, mais pour leur propre profit et celui de Vought. Leur pouvoir sur les masses est tel qu'ils sont souvent au-dessus des lois, ce qui les rend intouchables, même lorsqu'ils commettent les pires atrocités.
Vought International, elle-même, est bien plus qu'une simple entreprise. Avec des connexions profondes dans les sphères politique, économique et militaire, elle manipule les gouvernements pour servir ses intérêts. Par son contrôle absolu sur les médias, Vought façonne l'opinion publique, réécrivant les récits des événements pour présenter les supers comme des héros, peu importe les dégâts qu'ils causent. Chaque catastrophe est maquillée en un acte héroïque, chaque échec effacé de la mémoire collective. Les citoyens, pour la plupart aveuglés par la propagande incessante, continuent de vénérer ces idoles de pacotille, incapables de voir la main invisible qui les manipule.
Ce système de contrôle ne se limite pas aux frontières américaines. Vought a étendu son influence à l'échelle mondiale, et la présence des super-héros dans des pays étrangers est perçue par certaines nations comme une forme de colonisation moderne. La domination de Vought crée des tensions géopolitiques croissantes, particulièrement dans des pays où les gouvernements commencent à se méfier de l'omnipotence des supers et de leur potentiel d'intervention militaire déguisée. Si les États-Unis s'appuient sur les supers comme symboles de leur pouvoir global, d'autres nations, comme la Russie ou la Chine, voient en eux une menace. Dans ces régions du monde, des initiatives secrètes pour créer des anti-supers ou développer des armes capables de rivaliser avec les êtres les plus puissants de la planète commencent à émerger. Mais ces efforts restent bien en deçà de ce qu'a accompli Vought.
Pour les citoyens ordinaires, les supers sont des demi-dieux inaccessibles. Ils incarnent une perfection que la société tente désespérément de reproduire à travers le culte des apparences et de la puissance. Ceux qui osent critiquer ce système sont rapidement réduits au silence ou décrédibilisés, souvent par les méthodes sournoises de Vought. L'image publique des supers est sacrée, entretenue avec un soin méticuleux, et toute tentative de ternir leur réputation est écrasée par une machine bien huilée.
Cependant, une ombre grandissante plane sur cette adoration aveugle. Des voix s'élèvent, des récits émergent, exposant la brutalité et l'indifférence des supers envers la vie humaine. Des dissidents, des militants et même des anciens employés de Vought tentent de révéler la vérité. Mais pour l'instant, ces mouvements sont faibles et éparpillés, incapables de rivaliser avec le colosse qu'est Vought. Leur jour viendra peut-être, mais pour l'instant, la société est tenue en laisse par les récits héroïques qu'elle consomme, sans se poser de questions.
Hector, en grandissant dans cet univers, n'était qu'un simple rouage dans la machine. Fils unique d'un couple modeste, il ne se doutait pas que ses parents, aveuglés par la fascination qu'exerçaient les super-héros sur eux, allaient sceller son destin de la manière la plus cruelle qui soit. Sa vie fut marquée par des attentes écrasantes, des espoirs démesurés qui allaient le pousser à bout et finalement, le transformer en quelque chose de bien plus monstrueux qu'il n'aurait pu l'imaginer.
Hector Benoit n'avait jamais vraiment connu la paix durant son enfance. Ses souvenirs les plus marquants étaient ceux de ses parents, Jean-Baptiste et Madeleine Benoit, assis dans leur salon à regarder des émissions où les super-héros étaient mis en avant. Des figures héroïques, presque divines, défilant à l'écran, tandis que son père lançait des regards froids dans sa direction. Pour Hector, la maison familiale était un lieu d'attentes irréalistes et de jugements constants. Jean-Baptiste et Madeleine n'étaient pas seulement des parents exigeants, ils étaient obsédés par le monde des super-héros. En grandissant, Hector comprit que leur obsession n'était pas simplement liée à la fascination du grand public pour ces êtres surpuissants. Non, pour eux, c'était personnel. Ils voulaient que leur fils en fasse partie, qu'il devienne l'un de ces super-héros adulés par la société.
Ce qu'il ne savait pas à l'époque, c'est que, lorsqu'il n'était encore qu'un bébé, ses parents avaient eu recours au Composé V, une substance secrète qui conférait des pouvoirs surnaturels à ceux qui y étaient exposés. Jean-Baptiste et Madeleine avaient pris un immense risque, plaçant tous leurs espoirs sur cette injection qui, selon eux, transformerait leur fils en l'un des plus puissants super-héros que le monde ait jamais connu.
Les années passèrent et, à leur grand désarroi, rien ne se produisit. Hector grandissait comme un enfant normal, sans le moindre signe de capacités spéciales. À chaque anniversaire, à chaque rentrée scolaire, ses parents attendaient des manifestations de pouvoirs, une révélation soudaine qui prouverait que l'injection de Composé V avait fonctionné. Mais les jours devenaient des mois, puis des années, et Hector ne montrait aucune capacité hors du commun. Il n'était ni fort, ni rapide, ni capable de voler. Il n'était rien de ce que ses parents avaient espéré.
Pour Hector, l'absence de pouvoirs était quelque chose qu'il ne pouvait même pas comprendre. Il ignorait tout du Composé V. Ses parents ne lui avaient jamais parlé de cette injection, et pourtant, il sentait leur déception grandir au fil du temps. Jean-Baptiste était devenu distant, souvent silencieux, mais chaque conversation avec son fils portait une nuance de reproche. Madeleine, elle, était passée du rêve au dédain. Elle ne disait plus grand-chose à Hector, comme si son silence était plus accablant que les mots.
La pression était écrasante. Hector se souvenait des nombreuses fois où son père rentrait du travail, fatigué, mais surtout frustré. Jean-Baptiste Benoit, qui avait jadis été un homme d'affaires ambitieux, avait vu ses propres espoirs et projets échouer à plusieurs reprises. Son fils était censé être le renouveau de la famille, celui qui aurait dû les propulser vers une élite dont ils se sentaient exclus. Madeleine, quant à elle, ne parlait à Hector que pour commenter ses échecs ou pour le rappeler à quel point il était "normal", un mot qu'elle prononçait toujours avec mépris.
Dans ce contexte familial tendu, les brimades à l'école n'arrangèrent rien. Dès son plus jeune âge, Hector comprit qu'il était différent des autres enfants, mais pas dans le sens où il l'aurait espéré.
Au Québec, où Hector grandit durant ses premières années, il était souvent la cible de moqueries. Les enfants se moquaient de lui. Ce rejet constant fragilisait son estime de soi. Mais le pire arriva après leur déménagement en France. C'était censé être un nouveau départ, mais cela ne fit qu'aggraver la situation.
Dans sa nouvelle école, Hector fit la connaissance d'un élève nommé Antoine, un garçon charismatique et sûr de lui, mais cruel. Antoine, dont la famille avait des liens avec Vought International, considérait Hector comme une cible facile.
Hector affichait une fascination presque obsessionnelle pour la science. Cette passion, loin d'être admirée, devint une raison supplémentaire de le ridiculiser. Antoine l'appelait le "rat de laboratoire", un surnom qui se propagea rapidement dans l'école. Les brimades étaient quotidiennes, les moqueries constantes, et Hector, déjà fragile, s'enfonçait de plus en plus dans un sentiment d'impuissance.
Ses tentatives pour se défendre échouaient toujours. Hector n'avait pas la carrure ni le charisme pour riposter. Antoine savait exactement comment le blesser, non seulement physiquement, mais surtout mentalement. Chaque remarque, chaque insulte creusait un peu plus le gouffre de doute en lui. Ses journées à l'école étaient marquées par une solitude pesante. Il se réfugiait dans les couloirs, essayant d'éviter les groupes d'élèves qui pourraient l'attaquer verbalement ou physiquement. Il passait ses pauses seul, un livre de science à la main, tentant de fuir un monde qui ne lui laissait aucune place.
La science devint rapidement le seul échappatoire pour Hector. C'était dans cet univers de lois et de règles précises qu'il trouvait un réconfort. Contrairement aux pouvoirs des super-héros, qui semblaient arbitraires et injustes, la science offrait une certaine forme de justice. Si l'on appliquait correctement les principes, les résultats étaient prévisibles. Hector aimait cette clarté, cette logique implacable qui lui donnait un sentiment de contrôle dans un monde où il se sentait constamment impuissant.
Dès l'âge de douze ans, il passait des heures dans sa chambre, entouré de livres et d'articles scientifiques qu'il parvenait à récupérer de la bibliothèque locale. Son père, toujours désintéressé, voyait ces efforts comme une distraction futile. Pour Jean-Baptiste, la science n'était qu'un moyen pour les "faibles" de tenter de comprendre ce qu'ils ne pouvaient jamais contrôler. Si son fils n'avait pas de pouvoirs, alors il n'avait aucun intérêt à s'enliser dans des études complexes.
Mais Hector ne voyait pas les choses ainsi. Pour lui, la science n'était pas seulement un passe-temps ou un sujet d'étude. C'était une véritable vocation, un monde où il se sentait enfin capable. Alors que ses parents se désintéressaient toujours plus de lui, il se plongeait dans des lectures de plus en plus techniques, explorant des domaines tels que la physique nucléaire, la chimie et l'ingénierie. Il construisait de petits modèles à la maison, souvent avec des matériaux de récupération, et faisait des expériences simples mais fascinantes pour un garçon de son âge.
Un jour, après une journée particulièrement difficile à l'école, où Antoine l'avait humilié devant toute la classe, Hector rentra chez lui avec un sentiment d'échec pesant sur ses épaules. Il se rendit dans le garage, où il avait installé un petit laboratoire. Il se souvint d'un article qu'il avait lu sur la fission nucléaire, une idée fascinante qui combinait à la fois danger et potentiel infini. Bien sûr, Hector n'avait pas les moyens de recréer une réaction nucléaire dans son garage, mais il se mit à simuler des processus à l'aide de substances chimiques qu'il avait réussi à obtenir.
Cette expérience, qui aurait pu être anodine, devint un moment charnière. Alors qu'il manipulait les substances, une décharge d'énergie, minuscule mais perceptible, se produisit. La réaction chimique, bien que sans danger, fut pour Hector une révélation. C'était la première fois qu'il sentait qu'il avait un contrôle direct sur quelque chose. Ce n'était pas un pouvoir surnaturel, mais c'était une force qu'il pouvait comprendre et maîtriser.
Ses parents, cependant, restaient indifférents à ses succès scientifiques. Pour Madeleine, son fils était une déception, un être banal sans avenir dans un monde dominé par les super-héros. Jean-Baptiste, quant à lui, se noyait dans l'alcool et le ressentiment. Les affaires familiales n'avaient jamais décollé, et la famille, autrefois prospère, avait dû quitter le Québec pour la France, où ils espéraient un nouveau départ. Mais les dettes continuaient de s'accumuler, et la situation financière devenait de plus en plus précaire.
Hector ignorait tout du Composé V et de l'injection qu'il avait reçue bébé. Il ne comprenait pas la haine de ses parents envers lui. Pour lui, cette distance et ce mépris restaient inexplicables. Il continuait de chercher à comprendre pourquoi il n'était jamais à la hauteur de leurs attentes, sans savoir qu'il n'aurait jamais pu satisfaire leurs espoirs de faire de lui un super-héros.
Quelques années plus tard, Hector avait finalement trouvé un semblant de stabilité dans sa vie professionnelle. Après des études en ingénierie nucléaire, il avait décroché un poste d'ingénieur dans la centrale nucléaire de Golfech, en France. Le travail lui plaisait, car il représentait un équilibre entre théorie scientifique et application pratique. Chaque jour, il plongeait dans les détails techniques du fonctionnement des réacteurs nucléaires, fascinés par les processus complexes de fission et de fusion. Travailler dans un environnement aussi contrôlé lui offrait un répit face au chaos émotionnel qui avait marqué son enfance.
Golfech était une installation impressionnante. La centrale se dressait comme une citadelle moderne au bord du Tarn, entourée d'une nature sereine, mais toujours sous le spectre du danger potentiel. Les deux réacteurs à eau pressurisée, qui produisaient une énergie colossale pour alimenter toute une région, fonctionnaient sous des mesures de sécurité strictes. Hector avait une admiration particulière pour la précision et la rigueur que demandait le maintien de ces structures gigantesques. La moindre défaillance dans le système pouvait avoir des conséquences dévastatrices, et c'était là que son expertise entrait en jeu.
Son rôle consistait à surveiller les différents aspects du fonctionnement des réacteurs, en particulier le contrôle des barres de combustible nucléaire. Chaque jour, il analysait les données, vérifiait les systèmes de refroidissement et s'assurait que toutes les procédures de sécurité étaient respectées. Cependant, malgré cette routine quotidienne, Hector ressentait toujours une pression latente. Il savait que ses collègues ne le prenaient pas vraiment au sérieux, en particulier son supérieur, François Leclerc, un homme arrogant et cynique.
François Leclerc représentait tout ce qu'Hector méprisait dans ce milieu. Homme sûr de lui, charismatique, il avait gravi les échelons rapidement, plus grâce à son réseau qu'à ses compétences réelles. Hector, avec son approche méthodique et réfléchie, se sentait toujours en décalage avec Leclerc, qui prenait plaisir à l'humilier. Vanessa, une collègue d'Hector avec qui il avait entretenu une relation amoureuse pendant plusieurs mois, avait fini par rompre avec lui pour se mettre en couple avec Leclerc. Cela avait brisé Hector d'une manière qu'il n'avait pas anticipée. Ce n'était pas tant la rupture qui le détruisait, mais plutôt le fait qu'elle symbolisait, encore une fois, son incapacité à s'épanouir dans un monde qui ne lui accordait aucune valeur.
Leclerc n'avait pas tardé à le narguer publiquement, prenant un plaisir malsain à rappeler à Hector qu'il lui avait "piqué sa copine". Les railleries étaient constantes, et les autres collègues, avides de rester dans les bonnes grâces de Leclerc, suivaient souvent son exemple. Hector se repliait sur lui-même, dissimulant sa colère derrière un masque d'indifférence apparente. Mais chaque remarque, chaque humiliation ajoutait une couche de rage sourde, prête à exploser.
Ce jour-là, cependant, quelque chose changea. Hector ressentit une pression interne qui grandissait, bien plus forte que d'habitude. Sa journée avait commencé comme toutes les autres, mais une succession d'événements le poussa au bord du gouffre. D'abord, il avait surpris Vanessa et Leclerc dans un coin de la centrale, échangeant des gestes affectueux. Le regard moqueur que Leclerc lui lança par-dessus l'épaule de Vanessa acheva de le déstabiliser. Ensuite, lors d'une réunion technique, Leclerc avait tourné en ridicule une de ses propositions d'amélioration, une humiliation publique qui fit ricaner toute la salle.
La goutte d'eau qui fit déborder le vase survint plus tard dans la journée. Alors qu'Hector surveillait les niveaux de radiation dans la salle de contrôle, un signal d'alerte apparut soudain sur l'écran. Un des réacteurs montrait une anomalie. Hector tenta de signaler l'incident à Leclerc, mais celui-ci était trop occupé à échanger des plaisanteries vulgaires avec Vanessa pour prendre la situation au sérieux. "Relax, Benoit, tu vois des problèmes partout", lui lança-t-il en riant. Mais Hector savait qu'il ne se trompait pas.
L'erreur humaine, cette même erreur qu'Hector s'était toujours juré d'éviter, fut commise par Leclerc. Distrait par sa conversation, il ignorait la procédure d'urgence et repoussa les contrôles de sécurité, refusant d'admettre que quelque chose n'allait pas. Quelques minutes plus tard, le réacteur 1 de la centrale entama une surchauffe incontrôlable. La température grimpait, les systèmes de refroidissement ne parvenaient pas à stabiliser la situation, et la pression dans les conduits commençait à atteindre des niveaux critiques.
Les alarmes retentirent soudainement dans toute la centrale. Les employés couraient dans tous les sens, la panique gagnant peu à peu les équipes. Hector savait ce qui allait se passer. Une explosion nucléaire était imminente. Si le réacteur cédait, la ville voisine et toute la région seraient plongées dans un désastre d'une ampleur inimaginable. Tout autour de lui, les ingénieurs tentaient de maintenir le système sous contrôle, mais le temps manquait.
Hector se tourna vers Leclerc, la colère déformant son visage. "Tu as provoqué ça !" cria-t-il, mais Leclerc, perdu dans la panique, ne réagit même pas. La chaleur dans la salle de contrôle devenait étouffante, la sueur perlait sur le front d'Hector, et il sentait sa frustration se transformer en quelque chose de plus dangereux.
C'est à cet instant que tout bascula.
La douleur fut la première chose qu'Hector ressentit. Une douleur intense, brûlante, déchirant chaque cellule de son corps. Ses muscles se contractèrent violemment, sa peau commença à s'étirer et à se déchirer sous la pression. Son corps, qu'il avait toujours connu comme fragile et vulnérable, se métamorphosait en quelque chose de monstrueux. Il sentit ses os se disloquer, ses membres grandir de manière grotesque, et sa colonne vertébrale s'allonger tandis que des plaques dorsales se formaient, tranchantes et écailleuses, le long de son dos.
Chaque respiration était un combat contre l'agonie, mais dans cette douleur, Hector sentit aussi une force nouvelle. Une rage incontrôlable, une fureur qui avait été enfouie pendant des années, jaillissait de lui. Sa vision devint floue, tout autour de lui se transforma en une scène de cauchemar. Il ne reconnaissait plus ses collègues, plus Leclerc, plus Vanessa. Tous lui apparaissaient comme des ombres insignifiantes, des êtres fragiles sur le point de céder sous sa nouvelle puissance.
Son corps atteignit rapidement une taille titanesque, dépassant les trois mètres de hauteur. Des écailles rugueuses recouvraient sa peau, et des plaques dorsales massives, semblables à celles d'un reptile préhistorique, fendaient l'air autour de lui. Ses mains, autrefois humaines, étaient devenues des griffes capables de déchirer le métal. Ses mâchoires, démesurément agrandies, se refermaient avec une force suffisante pour broyer de l'acier. Hulkzilla était né.
Hector, ou plutôt Hulkzilla, sentit le monde trembler sous ses pieds. Les réacteurs de la centrale, pourtant si puissants, semblaient insignifiants face à sa nouvelle forme. La rage le consumait. Il n'y avait plus d'Hector, seulement une bête enragée, ivre de pouvoir et de violence. Mais même dans cet état de fureur, une petite partie de son esprit tentait encore de comprendre ce qui se passait.
Sa première pensée fut : "Est-ce que c'est réel ?" Il avait entendu parler de super-héros qui changeaient de forme, mais cela… c'était autre chose. Son esprit, entraîné à rationaliser et à analyser, cherchait une explication scientifique à ce phénomène. Était-ce une réaction chimique déclenchée par les radiations ? Une mutation spontanée ? Les théories se bousculaient dans son esprit, mais aucune ne pouvait expliquer pleinement ce qu'il vivait.
Chaque seconde qui passait le rapprochait un peu plus de la folie. Il ressentait une puissance incontrôlable, une énergie brute qui demandait à être libérée. Son regard se porta sur les infrastructures de la centrale, sur les réacteurs qui continuaient de surchauffer. L'absorption de la radioactivité, qu'il n'avait même pas perçue, avait peut-être déclenché cette transformation. Tout ce qu'il savait, c'était que le réacteur devait être stoppé, et que ses griffes étaient désormais son seul outil.
Dans sa forme bestiale, Hector—ou plutôt Hulkzilla—perdit tout lien avec son humanité. Les souvenirs, la logique, et la rationalité qui avaient façonné sa vie jusqu'alors s'évanouirent, laissant place à une rage primaire. Chaque souffle, chaque mouvement était une expression de cette colère brute qu'il avait refoulée pendant des années. L'incident de la centrale avait été le catalyseur, mais la vraie cause de cette transformation se trouvait bien plus profondément enfouie dans son esprit : l'humiliation constante, le mépris, la solitude imposée par ses parents, par ses collègues, par un monde qui ne l'avait jamais accepté tel qu'il était.
Alors que son regard se portait sur la salle de contrôle, il aperçut les formes humaines de François et Vanessa, terrés dans un coin, pétrifiés par la peur. Pour eux, la créature monstrueuse qui dominait la salle n'était plus Hector, mais une abomination, un être de destruction. Leurs visages, déformés par l'horreur, lui étaient méconnaissables. Mais Hulkzilla, même dans son état de fureur incontrôlée, les reconnut. Il savait qui ils étaient. Et quelque chose, dans les recoins les plus sombres de son esprit, le poussait à agir.
Hulkzilla, dans toute sa rage incontrôlée, voyait désormais les hommes autour de lui comme des obstacles à détruire. Chaque personne dans la salle de contrôle devenait une cible, et tout d'abord, François Leclerc. Le supérieur hiérarchique arrogant, celui qui l'avait ridiculisé pendant des mois, celui qui avait pris plaisir à le diminuer, semblait minuscule à ses yeux enflés de fureur. Leclerc, autrefois si sûr de lui, ne pouvait plus masquer sa peur. Ses yeux s'élargirent d'horreur en voyant la créature gigantesque qui se tenait devant lui, des écailles rugueuses luisant sous les lumières vacillantes de la centrale.
Hulkzilla tourna son regard vers François, son esprit obscurci par la colère ne laissant place à aucune forme de pitié. D'un seul mouvement puissant, il abattit son bras droit sur lui. Le bras massif de la créature fendit l'air, et avant que Leclerc ne puisse réagir, il fut écrasé sous la force colossale de Hulkzilla, son corps réduit à un amas informe de chair et d'os brisés. Le sol se tâcha de rouge, le sang de François se mêlant à la sueur et à la poussière qui s'étaient accumulées dans la panique.
Vanessa, qui se tenait quelques mètres plus loin, hurla de terreur en voyant la scène. Elle tenta de s'enfuir, mais ses jambes la trahirent, paralysées par l'effroi. Elle se retrouva acculée contre un mur, incapable de bouger. Hulkzilla la regarda, ses yeux reptiliens perçant les ombres de la salle, et il ressentit un étrange mélange de satisfaction et de désespoir. Dans un recoin lointain de son esprit, l'ancienne conscience d'Hector tentait de se manifester, de stopper la destruction, mais la bête en lui refusait de céder. Il n'y avait plus d'Hector, seulement Hulkzilla, et la bête n'avait aucune pitié pour ceux qui avaient contribué à son malheur.
D'un bond rapide et féroce, Hulkzilla se jeta sur Vanessa. Ses griffes massives la saisirent, et dans un cri étouffé, elle disparut sous sa poigne destructrice. Un craquement sinistre résonna, le dernier souffle de Vanessa se mêlant aux bruits de la destruction autour d'eux. Sa mort n'apporta ni soulagement ni regret à Hulkzilla, seulement une libération temporaire de la rage qu'il portait depuis trop longtemps.
Mais la transformation de Hulkzilla n'était pas seulement un acte de vengeance. Alors que la bête poursuivait sa symphonie de destruction, les réacteurs de la centrale continuaient de surchauffer, et le danger d'une explosion nucléaire imminente grandissait. La température dans la salle de contrôle atteignait des niveaux critiques, les systèmes de sécurité ayant déjà commencé à tomber en panne les uns après les autres. Une catastrophe d'ampleur nationale, voire mondiale, semblait inévitable.
C'est alors que le corps de Hulkzilla, sans même que la créature en ait pleinement conscience, commença à absorber les radiations émises par le réacteur en surchauffe. Son corps, altéré par le Composé V et transformé en une machine à absorber l'énergie, s'alimentait de cette énergie dangereuse. Les écailles qui recouvraient sa peau semblaient briller d'une lueur rougeâtre, comme si elles concentraient toute la radioactivité de l'environnement dans un processus aussi instinctif que salvateur.
La chaleur irradiant de la centrale ne fit qu'alimenter la transformation, renforçant la créature à chaque seconde. Le monstre ne comprenait pas tout à fait ce qu'il faisait, mais il agissait par instinct, absorbant la radioactivité et stabilisant ainsi l'environnement autour de lui. Les réacteurs, désormais privés de leur énergie destructrice, commençaient à se calmer, les niveaux de radiation chutant de manière significative. Ce qui aurait pu être une catastrophe nucléaire fut, en fin de compte, contenu par la simple présence de Hulkzilla.
Cependant, pour les employés de la centrale qui avaient survécu aux premières minutes du chaos, la scène qui se déroulait sous leurs yeux était loin d'être rassurante. Hulkzilla, devenu une force brute de destruction, continuait à ravager tout sur son passage. Ses griffes déchiraient le béton, ses mâchoires broyaient les structures métalliques comme s'il s'agissait de papier. Les murs de la centrale, autrefois si imposants, étaient réduits en miettes sous la puissance démesurée de la créature. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter.
La rage d'Hector, catalysée par des années de frustration, d'humiliations et de brimades, ne trouvait plus aucune limite. Son esprit était envahi par un désir irrationnel de tout détruire, de tout raser, comme si la violence pouvait enfin le libérer de ses chaînes invisibles. Il n'y avait plus d'ennemis à abattre, plus de visages familiers à haïr, mais la destruction en elle-même était devenue un objectif. Chaque coup, chaque morsure, chaque cri de métal torturé apportait une satisfaction éphémère, un apaisement temporaire à la bête qui dévorait son âme.
Les tours de refroidissement s'effondrèrent sous la force de ses assauts, envoyant des tonnes de béton et d'acier dans les airs. Les câbles électriques crépitaient autour de lui, mais ils ne représentaient plus aucun danger pour son corps, maintenant renforcé par la radiation qu'il avait absorbée. Il n'y avait plus rien d'humain dans ses mouvements, plus rien qui rappelait l'ingénieur méthodique qu'il avait été. Seule la rage primordiale dictait ses actes.
Mais tandis que la destruction atteignait son paroxysme, une voix lointaine dans son esprit commençait à se faire entendre. Hector, ou ce qu'il restait de lui, luttait pour reprendre le contrôle, pour ne pas sombrer entièrement dans cette folie destructrice. La conscience d'Hector, enfouie profondément sous l'épaisse couche de rage et de douleur, tentait désespérément de faire surface. "Stop, arrête," se disait-il, mais la voix était faible, presque inaudible.
