Bonjour, bonsoir mes petits chats !
Me voila – EN RETARD, MILLE EXCUSES – avec ce quatrième volet du Kinktober ! Et j'annonce la couleur : c'est celui dont je suis la moins certaine XD. J'adore l'idée, j'ai kiffé l'écrire, mais en dépit de tout le fun que ça a été, je suis extrêmement critique sur mon propre travail: j'avais jamais écrit ces persos, et quelque part, je pense que ça se sent T-T. (et en plus, j'ai pas le droit de mettre un titre aussi long, NIQUE VOILA XD)
Du coup, je suis extrêmement preneuse de vos remarques et avis pour essayer de m'améliorer et d'améliorer le schmilblick !
Je vous laisse avec mes deux louloutes – et comme toujours, mon syndrome du personnage secondaire ou je m'éclate beaucoup trop à écrire ceux qui ne sont pas au premier plan XD.
Très bonne lecture !
Pour ceux qui tomberaient ici par hasard : cette fic fait partie de mon projet de Kinktober 2024, publié sur tout le mois d'Octobre 2024. Donc si vous appréciez le concept, hésitez pas à aller checker mon profil.
TRIGGER WARNING : … Ba… Du sang ? Obvious non XD ?
Les Figures Vampiriques à travers l'histoire : Comment séduire une vampire au XXIe siècle, une thèse par Himiko Toga.
Étape 1 : Trouver une vampire.
« Tu veux pas lâcher tes bouquins trente secondes et venir t'amuser avec moi ? Juste une soirée ? »
« Un double master, ça ne se prépare pas au bar ! » renifla Himiko en ajoutant un livre plus épais que son avant-bras à l'empilage dans les bras de son meilleur ami et colocataire, qui tourna trois fois sa langue percée dans sa grande gueule avant de protester :
« Sauf pour quelqu'un d'aussi intelligent que toi. »
Quelle manœuvre de bas étage ! La jeune femme se pencha à nouveau sur l'étagère du bas, notant la poussière qui lui assurerait la tranquillité totale dans sa consultation, et se maudit de n'avoir pas pris un pull en plus vu la température des archives publiques et universitaires à vingt heures passées. Elle n'avait même pas eu le temps de rentrer se changer après son cours d'option sur l'ancienne Mésopotamie et les légendes sumériennes, ni même de prendre la moindre petite pause : les archives fermaient l'accès au public à dix-neuf heures, aux universitaires à vingt-trois et elle devait absolument trouver de quoi étoffer le second paragraphe du septième chapitre de sa thèse. Et vérifier une hypothèse de travail, au passage.
« Bien tenté, la flatterie, mais ça ne prend pas ! »
« Ça ne prend plus, tu veux dire. À une époque, t'étais incapable d'y résister. »
« Moui, et à une époque, j'étais capable de te laisser fourrer ta langue entre mes cuisses, mais tout a une fin, mon loulou. Ha, le voilà ! »
Le second ouvrage s'écrasa sur la pile de livre avec une telle force qu'un nuage de poussière étoila le regard de Tôya, de l'autre côté, ponctué d'un éternuement retentissant. Ce qui ne l'empêcha pas de plaisanter derechef :
« C'est de ta faute, ça, quelle idée de préférer les femmes au final ! »
La taquinerie s'accompagna d'un clin d'œil salace à souhait et parfaitement adéquat avec le caractère de Tôya, qui s'amusait de conquête depuis trois ans déjà à un rythme effréné. Himiko avait cessé de compter les femmes qui venaient la voir, rouges de colère et preuves à l'appui, pour lui dénoncer la « tromperie de son mec ». Elle ne leur en voulait pas le moins du monde, et elle leur trouvait toujours un air terriblement mignon à prendre autant de soin, ou d'acharnement, pour tenter de la protéger, elle, une parfaite inconnue, des méfaits de son supposé compagnon. Puis c'était fun.
« T'avais qu'à pas en ramener autant à l'appart, des femmes, ça ne m'aurait pas donné tant d'idée ! Tu veux bien me déposer tout ça là ? S'il te plaît ? »
« Sérieux, rien qu'une soirée ? » insista le grand brun en suivant attentivement ses consignes avec un luxe de précaution que sa longue expérience rendait naturel. En dépit de sa désinvolture, de sa grande gueule et de son sérieux plus que discutable, il avait assez d'éducation pour traiter les ouvrages de sa meilleure amie comme la prunelle de ses yeux – éducation qu'Himiko avait soigneusement entretenu à grand coup de trousse sur le museau au moindre geste brusque sur ses précieux bouquins. Elle s'attela aussitôt à trier sa pile par sujet, puis par ordre chronologique d'écriture, en un système de tri rodé depuis sa dernière année de licence, si rôdé qu'elle n'y prêta qu'une attention distraite au milieu de sa réponse :
« Même pour une soirée. Je me rattraperais une fois mes masters en poche – si j'ai de la chance et que je trouve un taff qui paie, bien entendu ! »
« N'importe quel directeur de fouille serait un con fini s'il ne t'embauchait pas sur le champ ! Et c'est bien pour ça que je te propose une sortie maintenant, t'en auras jamais le temps quand tu auras les mains plongées dans la boue jusqu'aux coudes sur ton chantier de fouille ! »
« T'auras qu'à financer mes recherches et m'autoriser à sortir le soir, monsieur le futur PDG. » chantonna Himiko, air éculé s'il en était, mais elle ne se lassait jamais de la grimace de dégoût sur le nez de son meilleur ami lorsqu'elle évoquait le futur que lui préparait son père. Tôya cracha son habituel « Plutôt crever. » et elle lui tapota le bras, amusée :
« Même pas pour moi ? Pour mes recherches ? »
« Si vraiment t'es à la rue à ce point, je considérerais l'option de dealer pour te les financer. Promis. »
« La chose la plus mignonne que tu m'aies jamais dite ! »
« Tu veux que je reste ? »
Le changement de sujet et de ton, si vif, la sortie de son comptage de cahiers et de livres pour la faire dévisager son meilleur ami, un brin perdue. Derrière l'habituel air moqueur, un peu arrogant, qui lui servait de bouclier au même titre que ses innombrables piercings et tatouages, elle perçut une touche de sollicitude dans la chaleur du regard du brun.
« Je fais si pitié que ça ? »
« Meuf, t'as pas idée. T'as des cernes qui ressemblent à un maquillage de mauvais film en noir et blanc, l'air de pas avoir vu une brosse à cheveux depuis l'année passée et on dirait que t'es à deux doigts de tomber en morceau. »
« Toi, t'as encore traîné avec Hawks. » l'accusa Himiko, trousse ouverte et son ordi en train de s'allumer, sourire aux lèvres. « Y'a que lui pour te foutre des tournures aussi dramatiques dans la bouche ! »
« Que tu fasses pas confiance à mon sens de la dramaturgie me vexe. » renifla Tôya en croisant les bras, nez indigné levé en l'air et sa meilleure amie éclata de rire :
« Pardon mon très cher, je retire mon accusation ! Et je te remercie pour ta proposition, c'est gentil, mais ça ira, c'est juste la fin du semestre qui est un peu rude. File t'amuser ! Et interdiction de baiser dans mon lit ! »
Il lui tira la langue – percée, elle aussi et en préparation pour un projet de tongue split – avant de lui déposer un baiser sur la joue et lui rappeler qu'elle pouvait l'appeler à tout moment, juste par habitude. Ils savaient l'un et l'autre qu'elle allait rester là jusqu'à la fermeture, avant de se traîner chez eux pour s'endormir sur le canapé, mais elle le chassa d'un coup de pied au mollet et s'assit devant ses piles de bouquins, sourcils froncés, prête à commencer. Un brin désarçonnée par la poussière qui s'envola du livre qu'elle ouvrit en premier, étouffant à souhait.
Bon. Les Figures Vampiriques à travers l'histoire, donc.
Himiko Toga était une jeune femme brillante.
C'est ce que l'ensemble du corps enseignant chargé de la former pour l'obtention de son master de sciences pour l'archéologie, doublé d'un master de recherche en archéologie des périodes historiques, affirmait et répétait à loisir sur ses bulletins et lors de ses entretiens. C'était ce que ses professeurs de fac avaient également affirmé lors de sa licence d'histoire, au diapason de ses profs de lycée et collège. Il n'y aurait guère eu que son école primaire pour dissoner quelque peu dans ces louanges, mais ça, personne n'allait s'y attarder. Et ladite école avait eu de fort bonnes raisons d'émettre quelques réserves.
Avant ses huit ans, Himiko avait déjà analysé et compris que sa passion absolue dans la vie était l'organisme au niveau macroscopique et plus particulièrement, le système vasculaire des êtres vivants. Petits rongeurs, oiseaux, crustacés en tout genre et insectes à multiples carapaces, elle avait réalisé sans doute plus d'expérience et de vivisection sur sujet vivant que la plupart des scientifiques de renoms en fin de carrière; et si la masse de connaissance phénoménale qu'elle en tirait la ravissait, son enthousiasme était loin d'être partagé.
À l'aube de ses dix ans, personne ne savait comment faire pour renvoyer la gamine sur un chemin décent. Sa maîtresse avait hurlé au scandale en la découvrant barbouillée de sang devant une colombe, ses parents ne cessaient de dissimuler couteaux et ciseaux à la maison – comme si une bonne paire de main ou une simple pierre ne suffisait pas – et le directeur de l'école ne savait plus quel discours adopter pour convaincre la gamine devant lui qu'il fallait absolument qu'elle arrête de décimer la faune voisine de l'école. Que ce n'était pas bien. Et Himiko, avec ses grands yeux d'or et ses couettes haut placés, était toujours si angéliquement attentive qu'il se contentait de la renvoyer en soupirant.
À onze ans, Himiko fit la rencontre de sa vie.
Non pas un garçon ou une fille, mais un simple livre que lui prêta bien gentiment une maîtresse nouvellement arrivée dans son école primaire et visiblement décidée à ne pas ostraciser davantage la gamine. Elle avertit la petite Himiko que la lecture risquait d'en être ardue, mais qu'elle-même l'avait adoré et que le style un peu mâture et sombre pourrait sans doute agréablement la surprendre — si différent des livres sucrés où l'on cantonne d'ordinaire les enfants. La maîtresse ne réalisa donc absolument pas la conséquence dramatique de son acte lorsqu'elle lui tendit, avec un sourire, un exemplaire merveilleusement gothique tout de noir, rouge et doré entremêlé, illustrations comprises, de Dracula.
L'univers d'Himiko fut soufflé. Littéralement. Et elle voua séance tenante le moindre atome de son âme à la créature fabuleuse décrite dans les pages de son ouvrage, dont la vie même s'entrelaçait de ce même sang qui la fascinait. Elle dévora le bouquin dans les deux jours, emprunta à la bibliothèque municipale l'entièreté des livres sur le sujet, terriblement frustrée de n'avoir accès qu'à ces contes pour enfants abrutissants, vu son âge, et se promit de ne surtout pas en rester là. Les maigres informations contenues dans les livres d'images lui permirent cependant de réaliser qu'elle avait bien plus de chance de rencontrer un vampire dans son habitat naturel, à savoir tombes et caveaux et elle alla demander avec le plus grand sérieux au documentaliste, du haut de ses onze ans :
« Comment je peux faire, pour aller explorer des tombes ? »
« Explorer des tombes ? Mais pourquoi faire ? »
« Y rencontrer des gens. »
Ledit documentaliste se méprit visiblement sur ses intentions et lui fit cette grimace niaise que les adultes ont face à des rêves d'enfants qu'ils considèrent bien trop irréalistes, l'amertume de leur propre vie corrodant jusqu'à leur sourire :
« Pour ça, ma petite, il faut être archéologue. »
« Eh bien, je serais archéologue. »
Le changement fut spectaculaire. Himiko cavalât sans efforts aucun en tête de classement dans la totalité de ses classes, enquillant le long chemin jusqu'à son master d'archéologie comme s'il s'agissait d'une promenade et le moindre instant qui n'était pas consacré à ses cours, elle lisait. Elle lut dans leur version originale John Polidori(1), Sheridan le Fanu(2), Goethe(3), enchaîna sur les classiques entre deux bouquins plus contemporains initialement destinés aux ados, dévora toute l'œuvre d'Anne Rice – et fit même, les jours de flemme, une entorse par Twilight et Vampire Knight, pour le fun. Entre tout ça, elle collectionna les éditions de Dracula en y dépensant l'entièreté de son salaire d'étudiante bossant dans un fast-food, vola des magazines sur le sujet et sur son temps libre, élabora des thèses reliant l'ensemble de ces ouvrages aux découvertes archéologiques à travers les âges. Elle démonta au passage certaines théories des plus fumeuses et s'acharna à étudier chaque rumeur de présence vampirique avec un zèle méthodique, patient, ne lâchant l'affaire qu'une fois certaine qu'il n'y avait là rien de concret. Elle recouvrit les murs de sa chambre de poster de couverture de livres, mit un point d'honneur à adopter un style gothique adapté à sa passion et se fit connaître sur les forums internet, de manière totalement anonyme, comme l'experte la plus prolifique sur le sujet. Le tout sans jamais cesser ses expériences et vivisections en tout genre.
Oui, Himiko Toga était une jeune femme brillante, passionnée, et si vampire il existait, elle était la plus indiquée pour réussir à en dénicher un.
Pour l'heure, son hypothèse de travail tombait à l'eau et avec elle, un énième espoir d'arriver à trouver la tombe d'un authentique vampire.
« Non, le chevalier d'Éon était un espion, mais certainement pas un vampire. » grommela Himiko en fermant son troisième ouvrage et une fatigue plus vieille qu'elle lui fit enfouir son regard dans ses paumes, désespérée pour un peu de repos. « Connards de français. »
« Un brin exagéré, non ? »
Himiko sursauta si fort que le stylo qu'elle tenait à la main vola, tirant un glapissement étonné à la femme adossée contre sa table de travail, visiblement aussi surprise qu'Himiko de cette réaction.
« Oh pardon ! Je suis désolée, je… Je vous ai pas entendu arriver, je suis vraiment désolée... » s'éparpilla Himiko,
« C'est à moi de vous présenter mes excuses, je ne me suis pas annoncé ! Alors que c'était visible que vous étiez complètement plongée dans votre session de travail, vraiment navrée… Et en plus, je vous ai fait saigner ! »
« Mmm ? » fit Himiko, distraite par le visage adorable en train de la dévisager avec attention. De grands yeux brun pailleté d'un peu d'ambre, des joues rondes à donner envie d'y croquer et un sourire à se damner, avec une douceur telle qu'Himiko dût froncer les sourcils pour se reconcentrer sur ce que la jeune femme lui répétait, toujours aussi délicate :
« Vous saignez. Votre doigt. »
Et effectivement, quand elle trouva la force de se détourner de l'expression un brin amusée de la brune, elle remarqua à son tour le minuscule point de sang. Presque imperceptible sur l'arrondi de son index, là où le métal de son stylo avait dû l'écorcher, et Himiko fronça davantage les sourcils :
« Saloperie. »
« Tenez, j'ai toujours des pansements sur moi. Et puisque c'est ma faute... » lui sourit une fois de plus la jeune femme et même si le pansement Pokemon qu'elle lui donna était un peu exagéré, pour une écorchure aussi ridicule, Himiko l'accepta avec plaisir. Par égard pour le matériel universitaire, d'une part, mais surtout, pour avoir le plaisir de sentir les doigts fins s'occuper d'elle, aussi légers sur sa peau que le sourire en face d'elle se faisait doux.
« Voilà. Au moins, vous n'en avez pas mis sur vos documents ou vos livres. » la consola la jeune femme avant de tendre la main, des nouvelles fossettes sublimant son sourire. « Ochako Uraraka, enchantée. »
« Himiko Toga, de même. » souffla-t-elle en serrant une main douce, fine, à la peau délicieusement chaude.
Enchantée, elle l'était réellement, tant Ochako était… mignonne. Indubitablement mignonne, avec sa tenue sage et ses expressions vives, visiblement très heureuse de faire la connaissance du rat de bibliothèque tout de noir vêtu qu'était Himiko présentement. Déterminée à ne pas laisser passer l'occasion, si occasion il y avait, celle-ci s'éclaircit la gorge en priant pour retrouver un timbre de voix correct après cette soirée de mutisme :
« Désolée pour ma sortie si… franche. »
« Au moins, vous n'avez pas peur de vos opinions ! Mais je vous rassure, toute la France n'est pas remplie de connards. » glissa la brune, son sourire s'étirant davantage devant le léger embarras d'Himiko.
« Vous y êtes déjà allé ? »
« Mmm. » acquiesça Ochako, un plissement de malice au coin du regard que toute la fatigue du monde n'aurait pas empêché Himiko de trouver magnifique. Et Tôya qui lui avait dit qu'elle avait l'air pitoyable avant de partir ! C'était bien sa veine !
« Et dans le reste de l'Europe ? »
« Bien sûr, j'ai dû faire tous les pays au moins deux fois, pour étayer certaines parties de ma thèse – ou de ma précédente thèse, que j'ai dû abandonner y'a un an. C'est un peu pour ça que je suis venu, d'ailleurs, j'aurais voulu te… enfin vous emprunter un livre, on m'a dit que... »
« Déjà, si ça te va, on peut se tutoyer ? » et comme Ochako acquiesçait, l'air soulagé, Himiko lui désigna la place en face d'elle. « Installe-toi, il te faut lequel ? »
« Un paragraphe bien particulier ! » s'enthousiasma la brune en déposant ses affaires en vrac, avec la délicatesse de les disposer dans les espaces laissés par le matériel d'Himiko, comme un négatif de son espace de travail. « Chapitre treize de « Les liens entre le marché de l'art et la société versaillaise pré-révolution ». »
Ah. Troisième pile sur sa droite, donc, et Himiko commença à déplacer un à un les ouvrages, avec résignation face à l'état du bouquin :
« C'est… celui-ci… Par contre, je te préviens, les feuilles ont tendance à coller entre elles en raison de la finesse du papier et tu me confirmeras, mais je pense qu'un peu de moisissure est en train de s'installer... »
« Oh, génial. » persifla Ochako avec le dédain propre à tout universitaire à l'annonce d'une suspicion d'attaque d'humidité, quelle qu'elle soit. Usant de tout le luxe de précaution nécessaire à la manipulation d'un ouvrage fragilisé, Himiko le lui tendit, incapable de s'empêcher de détailler la manière dont le mouvement d'Ochako dévoilait une parcelle de sa gorge sous son chemisier, ce creux ô combien émouvant où s'esquissait le début de la poitrine.
Le regard de la brune accrocha le sien, quand Ochako la dévisagea subitement. Prise la main dans le sac, Himiko n'eut d'autre choix que de rougir légèrement, relancer sur autre chose en priant pour que le sourire moqueur sur les lèvres en face d'elle ne soit pas trop sévère :
« Donc, tu travailles sur... »
« L'implication des inégalités économiques sur les différentes sphères culturelles dans le siècle contemporain. Du coup, je suis bien obligée de faire un point histoire au passage. »
« Oh. Pêchu. » s'amusa Himiko, surprise de la précision du thème qui avait dû valoir à la brune un paquet de discussions âpres avec son professeur de thèse. « Ils ont accepté ça ? »
« Je ne leur ai pas laissé le choix. Et toi, ta thèse ? »
« Après la tienne, ça va sembler ridicule, mais je travaille sur la figure Vampirique d'un point de vue mythologique, toutes époques et cultures confondues. » renifla Himiko en essayant de ne pas trop mettre d'emphase sur sa phrase.
« Rien de ridicule ! Mais très… spécifique ; ça t'es venu comme ça, cette passion pour les créatures surnaturelles ? »
« J'ai lu Dracula à un âge un peu trop jeune, et je dois bien avouer que c'est devenu toute ma vie. Littéralement, puisque je passe mon diplôme d'archéologie dans le but de tomber un jour sur une tombe de vampire – ou mieux, un vampire vivant. »
« Oh. » commenta la brune en tournant la page de son livre, l'air de ne pas trop savoir comment rebondir après une sortie pareille.
« En fait, » déploya Himiko, ravie de pouvoir s'étaler un peu plus sur le sujet, « je m'intéresse à l'émergence de ce mythe d'un point de vue sociétale et j'étudie aussi ses implications dans la société actuelle. »
« Il y en a ? » glissa Ochako, prenant tellement de court la blonde avec sa question qu'elle fronça les sourcils :
« De ? »
« Des implications dans la société actuelle ? »
Toujours ce sourire amusé, un brin taquin, mais si doux qu'il était impossible de s'en offusquer. Himiko aurait tué pour avoir le droit de l'effacer du bout de la langue, une pensée plaisante qui l'obligea à se racler la gorge une fois de plus pour s'éviter un écart :
« Bien sûr ! Rien que dans la mode, par exemple, et je ne parle même pas de tout le courant esthétique gothique qui s'y appuie lourdement. Même les romans contemporains de romantasy ! »
« Y'en a peu avec des vampires... » releva très justement Ochako en notant un truc au passage sur son cahier et Himiko sentit son énergie remonter en flèche devant la perspective de débattre de sa thèse :
« Précisément ! Il y en a peu parce que l'époque des vampires est passée – merci Twilight ! Comme la figure vampirique est devenue extrêmement commune durant un certain laps de temps, le marché culturel et sociétal a quelque peu saturé et désormais, c'est devenu presque « ringard ». Bien évidemment, c'est parfait pour réinterpréter le mythe – je pense par exemple au faux documentaire What we do in the Shadow, et à la série télé qui a suivi, qui ont été… Quoi ? »
« Rien, rien ! C'est juste… Ça me rappelle à quel point on est passionnée de nos sujets. C'est attendrissant. »
« Attendrissant », mais qui parlait ainsi ? À part un ange tombé du ciel ? Songea Himiko, définitivement sous le charme, trop pour répondre correctement et elle fit une grimace qui pouvait passer pour un acquiescement. Si l'on mettait de côté le flou béat de son regard sous le sourire d'Ochako quand celle-ci désigna sa règle de l'index :
« En tout cas, ton sujet est passionnant, et je comprends pourquoi tu y consacres ta soirée ! Et au passage, est-ce que je peux t'emprunter ta règle une seconde ? »
« Je te retourne le compliment ! » rétorqua Himiko sans prendre la peine d'accepter pour la règle, qu'elle tendait déjà machinalement en faisant mine de ne pas remarquer que la façon dont elle offrait l'objet allait obliger Ochako à effleurer ses doigts au passage. C'était minable, de profiter comme ça, certes, mais elle aurait fait bien pire pour s'offrir le plaisir de sentir la peau de la brune sur la sienne.
Mais au lieu de la douceur qu'elle s'attendait à y trouver, un éclair d'électricité statique grésilla sans crier gare entre leurs mains, et Ochako tressaillit vivement, retira la sienne à une vitesse presque inhumaine, sourcils froncés, alors qu'Himiko la contemplait bêtement frotter vigoureusement son index. Déconcertée, elle voulut s'excuser – peut-être avait-elle accroché la peau d'Ochako de ses bagues, ou bien avait-elle été trop brusque – mais en ouvrant la bouche, une vague odeur de chaud, un peu écœurante et épaisse, lui nappa le palais, une odeur de… de cramé ? De peau brûlée ? Ça n'avait aucun sens, ses bagues n'avaient aucun produit chimique dessus, c'était même pas du vulgaire plaqué piqué en supermarché, Tôya avait claqué une fortune de la carte bancaire piquée à son père pour lui offrir assez de bague en argent pour qu'elle puisse en changer chaque jour de l'année, si elle le voulait, et…
Un frisson lui remonta le long de sa nuque, au moment où son esprit achoppa sur la matière qu'elle portait en ornements, un frisson en forme d'intuition irrésistible.
« Pardon, je suis allergique à l'argent. Ça me fait de l'eczéma de manière assez prodigieuse, et j'ai… j'ai pas fait attention. Pourtant, vu ton style, j'aurais dû me méfier. » sourit Ochako, toujours aussi adorable en désignant de la main l'alignement de bagues sur les mains d'Himiko. Avant de se faire faussement grondeuse, par pure taquinerie : « Je te rassure, c'est le seul point commun que j'ai avec ton sujet d'étude ! »
« C'est pas courant, une allergie à l'argent. » se contenta de souligner la blonde, regard fixé sur le léger gloussement échappant à Ochako :
« Ça coûte cher, surtout ! » s'amusa celle-ci, ignorant courtoisement qu'Himiko retenait son souffle dans l'espoir de contenir son excitation et la certitude qui s'ancrait en elle.
Une certitude sotte, sans doute, ridicule au possible parce que toute la science et la rationalité du monde étaient là pour l'écraser d'un dédain infini, mais on ne passait pas les trois quarts de sa vie à étudier les vampires pour ne pas être en alerte face à quelqu'un réagissant si violemment au contact de l'argent pur.
Et elle était sûre et certaine que c'était de l'argent pur, Tôya lui avait bien assez cassé les ovaires de discours interminables sur sa générosité – volée, bien entendu – pour qu'elle puisse se tromper. Et puis… il y avait la goutte de sang de son écorchure, qu'elle-même n'avait pas réalisé avant qu'Ochako attire son attention dessus, pour mieux faire disparaître d'un pansement ce qui aurait pu constituer une source de distraction évidente…
Et puis merde. Elle n'était pas en doctorat en raison de sa rationalité.
« Oh, tu n'as pas que ça comme point commun avec un vampire ! » relança-t-elle d'un rictus soigneusement calculé pour que la brune morde à l'appât, comme le script social le voulait.
« Moi ? » releva donc Ochako, visiblement amusée de l'idée. « J'avoue que l'allergie à l'argent est un énorme point commun, d'accord. »
« Ça, ta pâleur qui n'a pas l'air de tenir de ton teint naturel – on sait que dans certaines légendes, les vampires supportent le soleil, à faible dose, mais ce n'est pas assez pour avoir l'air de revenir de vacances sous les tropiques. Et ta vivacité. »
« Ma vivacité ? »
« Mmm. Tu as des gestes élégants, rapides, comme une danseuse ou une gymnaste professionnelles. »
« J'ai été très bonne danseuse durant des années, ce qui explique sans doute cela. »
Ce qui explique sans doute cela, singea mentalement Himiko, hallucinée de ne pas avoir réalisé plus tôt à quel point le vocabulaire de la jeune femme tranchait de manière policée, délicate. Elle fit mine de hausser les épaules, énumérant sur ses doigts ses déductions :
« Danseuse de haut niveau, de nombreux voyages en Europe, une thèse plus complexe que tout ce que ma promo a jamais pu produire, comment tu trouves le temps de faire tout ça ? »
« Quand on sait où le chercher. » sourit Ochako - ce qui était bien une réponse de vampire.
« Et, » ajouta Himiko sans rebondir sur la dernière réponse, « tu as su je ne sais pas comment que je saignais, alors qu'il n'y avait qu'un minuscule point de sang sur ma plaie. »
« J'ai peut-être juste une bonne capacité d'observation. » suggéra la brune, sans décourager Himiko le moins du monde dans son idée. « Tu demandes tout le temps aux gens que tu viens à peine de rencontrer s'ils sont des vampires ? »
« Seulement les femmes les plus sexy. Je peux te faire passer un test ? » enchaîna Himiko avec un aplomb qui tenait plus du culot pur et dur qu'autre chose, à ce stade, mais Ochako répéta avec un froncement de sourcil circonspect :
« Un test ? »
« Un test vieux comme le monde, et promis, totalement indolore ! Tient, montre-moi si tu te reflètes là-dedans ! »
Himiko fit glisser son miroir de poche sur la table, aussitôt ouvert par les doigts fins d'Ochako qu'elle ne se lasserait décidément jamais de regarder. Ou d'imaginer enfouis dans une certaine partie de son anatomie… Se concentrer, peut-être. Surtout vu qu'Ochako faisait un simulacre de test, en passant juste les doigts devant comme si ça suffisait, et Himiko rouspéta, par pure comédie :
« Nan, nan, nan, tu me fais ça bien ! Miroir contre la joue et tu te tournes pour que je puisse voir ton reflet ! »
Sous un rire, Ochaco s'exécuta de bonne grâce, quoiqu'avec assez de simagrées pour qu'il soit très clair qu'elle trouvait l'idée absolument hilarante. Rira bien qui rira la dernière.
Himiko l'observa donc avec attention placer soigneusement son miroir, se tourner, laisser échapper un gloussement devant le ridicule de sa position. Qu'elle tint pourtant avec patience et bonne humeur, jusqu'à ce que la blonde se recule dans sa chaise, bras croisés et sourcils haussés devant la mimique de connivence de sa camarade :
« Allergie à l'argent, mon cul. »
Ochako haussa les sourcils, interrogative, jouant si bien la comédie qu'Himiko se délecta de pouvoir lui susurrer au-dessus des livres, déjà follement éprise de la naïveté toute travaillée de sa camarade :
« Démasquée. »
« Démasquée ? Mais je me reflète très bien dans le miroir ! »
« Bien tenté, ma puce. »
« Pardon ? » s'offusqua Ochako, surprise du sourire que lui adressa Himiko, plus proche du rictus de victoire qu'autre chose – qu'elle jouait bien sa comédie indignée, qu'elle était douée, dans son jeu d'actrice ! Du génie, qu'Himiko aurait aimé saluer à sa juste valeur si elle n'était pas présentement occupée à moduler sa voix pour éviter de crier de joie, quand elle cracha entre elles :
« Le mythe que les vampires ne se reflètent pas dans les miroirs date de l'époque où ces derniers étaient composés d'une couche réflective d'argent poli, ce qui n'est plus le cas de nos jours. J'ajouterais que très peu de personnes savent que les vampires sont allergiques à l'argent, dont la racine latine Argetum signifie « brillant » et fait référence aux rayons du soleil, qui leur étaient mortels. D'ordinaire, pour la culture populaire, ce sont les loups-garous qui redoutent l'argent, la faute à Hollywood.
Alors, tu vois, le seul fait que tu fasses spontanément le lien entre ton « allergie » et la nature vampirique, c'est presque une confirmation à lui tout seul. Mais connaissant l'étendue de ta culture, vu ta thèse, ça peut passer comme une simple connaissance. » s'amusa la blonde, et elle se pencha par-dessus la table jusqu'à ce que sa main se faufile le long des doigts fins d'Ochaco, prenant soin de ne pas toucher la peau de la brune avec ses bijoux. D'un tapotement de l'index, elle attira l'attention sur la surface lisse du miroir – lisse, brillante et dénuée de toute trace.
« En revanche, un truc qui n'est pas un mythe, c'est l'absence de chaleur corporelle. Une simple bouillotte de poche peut donner le change pour les mains, mais pour la respiration, c'est une autre affaire. Et ton souffle a pas embué mon miroir une seule seconde. »
Le temps d'un battement de cœur, dilaté par sa peur presque panique que ça ne soit qu'un coup de poker ridicule au possible, Himiko se suspendit à la recherche de cette fraction de latence dans la réaction d'Ochako. Cet interstice entre réalisation et réponse travaillée, là où sa conviction s'effondrerait ou se cristalliserait, selon la réaction de sa camarade. Mais au lieu d'un instant de flottement, suivie d'un rire nerveux ou d'une moue gênée, Ochako perdit toute retenue – oh, à peine un instant, rien qu'un instant, mais un instant auquel Himiko accordait toute son attention, prête à le graver sur ses prunelles.
Sans doute déstabilisée à l'extrême par l'assurance d'Himiko ou par sa technique absurde de miroir, le visage de la brune se déforma d'une grimace de pure surprise. Comme un filtre snapchat ou tiktok effacé un instant par un geste trop brusque pour l'intelligence artificielle, ses yeux bruns se voilèrent de rouge d'un coup, éblouissants dans la mauvaise lumière de la bibliothèque universitaire. Et dans sa bouche entrouverte de surprise, un éclat de lumière révéla une paire de canines démesurées pour une humaine, dont l'acéré s'infiltra dans l'âme d'Himiko en soufflant tous ses espoirs et ses rêves. À quoi bon, puisqu'elle en avait un devant elle, de rêve ?
Puis le visage d'Ochako reprit subitement une apparence tout à fait normale, désormais familière, alors que la brune rougissait légèrement, figée dans une douloureuse attente. Qui ne dura guère plus d'une poignée de seconde, le temps que l'adrénaline reflue assez de l'organisme d'Himiko.
« JE LE SAVAIS ! » hurla-t-elle en tapant férocement du poing sur la table, triomphante – et immédiatement reprise par un cœur de « SHHHH ! » féroces dont elle se ficha royalement. « J'avais raison ! »
« Tais-toi, par pitié ! »
« Transforme-moi ! »
« Quoi ?! » souffla Ochako, et qu'elle ne proteste plus convainquit davantage Himiko de sa toute nouvelle conviction. Ça, et l'empressement de la brune à rassembler ses affaires, horriblement gênée, au point de fourrer tout ce qu'elle pouvait dans son sac avec une rapidité qu'Himiko jugea un peu trop fluide. Trop vive. Danseuse, mon cul.
« Fais de moi une vampire ! » réitéra-t-elle, rendue extatique par cette perspective au point d'oublier toute retenue. « Je te jure, je dirais jamais rien à personne, transforme-moi ! »
« N'importe quoi ! Je dois partir, j'ai été ravie de te rencontrer, vraiment, mais je dois y aller ! Bonne soirée ! » jeta Ochako, zippant férocement sa trousse qu'elle bourra dans son sac du même geste et puisqu'elle se levait, prête à partir, Himiko se jeta par-dessus la table au mépris de toute convenance pour cadenasser ses mains autour du poignet de sa camarade. Affreusement consciente qu'elle n'avait qu'une poignée de seconde pour convaincre Ochako, elle chuchota, désespérée :
« J'ai travaillé sur vous toute ma vie, je ne peux pas laisser passer cette occasion, je t'en supplie ! »
Son regard croisa celui d'Ochako qu'elle savait désormais dissimulé d'une illusion, et elle s'y laissa tomber. Emportant avec elle toute l'urgence de sa demande et les espoirs d'une enfant encore enfouie dans son âme, avec toutes ses heures passées à attendre cette femme dont la peau semblait de glace entre ses doigts, puisqu'elle avait saisi exprès un endroit éloigné de toute source externe de chaleur.
« Si tu as vraiment travaillé sur nous toute ta vie, alors tu sais que ce que tu me demandes est une malédiction. » scanda tout à coup Ochako dans un murmure. Étrangement la voix était la sienne sans l'être, avec un phrasé un peu plus appuyé, un ton qu'Himiko avait déjà entendu quelque part. Gion, se rappela sa mémoire, le quartier des geisha de Kyoto lors de ses seize ans et de l'expédition dans laquelle elle avait accompagné Tôya, pour l'aider à supporter son père. Une manière de parler en forme de reliquat du passé, délicat et ouvragé.
« Je m'en fous. »
« Tant mieux pour toi si cela ne te rebute pas, mais je refuse d'infliger ça. À qui que ce soit. Bonne soirée ! »
(1) John Polidori : Écrivain italo-anglais dont la nouvelle Le Vampire (parue en 1819) a popularisé le thème du vampirisme dans la littéraire de l'époque.
(2) Sheridan le Fanu (irlandais) : Son court roman Carmilla (1872) a posé les base de la figure de la femme vampire.
(3) Goethe (allemand) : Son poème La fiancée de Corinthe est l'un des premiers évoquant le concept de vampire – un siècle avant Dracula, puisque le poème est paru en 1797.
