LA BATAILLE DE POUDLARD
Comme venu des entrailles du château, un grondement sourd se mit à grossir. Le sol trembla, de manière imperceptible d'abord, puis avec une force croissante. Les blocs de pierre vibraient aveuglément et les murs s'effritaient. Accrochée au corps sans vie de Fred, prise entre les étreintes désespérées de Percy et de Ron dont elle n'était plus que vaguement consciente, Megan releva lentement la tête et pointa ses yeux noirs devant elle. À l'exception des deux frères Weasley, d'Hermione et de Potter qui se trouvaient à ses côtés, tous ceux qui se trouvaient dans un périmètre de trois cents mètres autour d'elle furent balayés par une puissante onde de choc qui fit voler en éclat les dernières fenêtres. Des corps furent projetés contre la pierre ou du haut des étages par les failles des murs explosés, des os se brisèrent et des cous se rompirent, dans les deux camps. Plus rien n'avait d'importance, maintenant. Fred était mort. Ils allaient devoir le lui payer.
Les hurlements de Hermione qui suppliait de Ron de partir tandis qu'une pluie de maléfices jaillissait de l'obscurité et s'abattait sur eux, les cris de Potter qui arrachait Percy au corps de son petit frère pour qui il ne pouvait plus rien, rien ne parvenait à Megan, qui se relevait en serrant les poings et se retournait vers la façade défoncée de l'école derrière laquelle des Mangemorts les attaquaient sans relâche. En proie à une folie meurtrière, elle abattit son bras, et des traits verts mortels traversèrent la brèche et trouvèrent, à trois reprises, une cible, anonyme. Le champ désormais libre, une monstrueuse araignée, de la taille d'une voiture, tenta d'entrer dans le château: l'un des descendants d'Aragog s'était joint au combat. Megan l'attaqua, mais ses sortilèges rebondissaient sur la peau de l'horrible créature. Il fallut que Ron et Potter se joignent à elle jusqu'à ce que le monstre soit projeté en arrière, les pattes agitées d'horribles secousses, puis disparaisse dans l'obscurité.
- Megan! s'écria alors Ron, dont le visage couvert de suie et de poussière était strié de larmes. Megan, tes yeux!
- Ils ont tué Fred, répondit-elle entre ses dents serrées. Ils vont le payer, Ron, ils vont le payer.
- Il a amené des amis ! s'exclama alors Potter.
D'autres araignées géantes grimpaient au flanc du château, libérées de la Forêt interdite dans laquelle les Mangemorts avaient dû pénétrer. Megan et les autres lancèrent sur elles une nouvelle floppée de sortilèges, jusqu'à ce que la plus imposante soit précipitée sur ses congénères qui roulèrent au bas de la muraille, hors de leur champ de vision. Puis de nouveaux maléfices volèrent au-dessus de leurs têtes.
- Partons d'ici ! MAINTENANT !
Potter poussa Hermione devant lui en même temps que Ron, puis se baissa pour saisir le corps de Fred sous les aisselles. Percy, comprenant ce qu'il essayait de faire, cessa d'étreindre le cadavre de son frère et l'aida. Ensemble, penchés le plus bas possible pour éviter les sortilèges qui volaient vers eux depuis le parc, ils emmenèrent Fred à l'abri. Megan ne les regarda pas s'éloigner; elle tourna les talons dans la direction inverse et plongea dans les combats qui faisaient rage au bout du couloir.
Plongée dans une danse mortelle, elle abattait froidement tous les Mangemorts et leurs sympathisants qui se dressaient sur sa route. Les sortilèges de Mort ne lui semblaient pas suffisants à apaiser la brûlure dévorante qui la consumait, et elle chercha par tous les moyens à infliger toutes les souffrances possibles à ses adversaires, dont elle arrachait les membres ou les yeux. Les larmes qui roulaient sur ses joues n'étaient pas pour eux ni pour son âme noircie qui se consumait, mais pour le garçon qui lui avait prêté son balai pendant sa première année à Poudlard et avait demandé à sa mère de lui tricoter un pull pour Noël, pour celui qui lui avait appris à conduire la Ford Anglia un soir d'été, faisait diversion chaque fois qu'elle cherchait à éviter qu'on fasse attention à elle, qui avait gardé tous ses secrets, en qui elle avait trouvé la force de faire face au Détraqueur à Pré-au-Lard, le jeune homme plein de vie qui avait enflammé la piste de danse le soir du bal de Noël. Celui qui ne rirait plus jamais.
Elle décimait une quantité non-négligeable de Mangemorts et des monstres qui les accompagnaient, mais son camp subissait de sérieuses pertes. Il y avait de nombreux corps sans vie le long des couloirs, ou agonisant, piétinés par les combattants qui ne pouvaient s'arrêter pour leur porter secours, et nombre d'entre eux portaient l'uniforme de Poudlard. Des élèves terrifiés et submergés par l'horreur des combats s'étaient réfugiés dans des recoins en tremblant et en pleurant, incapables de trouver le courage d'affronter leurs cruels adversaires, tandis que d'autres tentaient de fuir mais étaient abattus par des Mangemorts victorieux. Alors qu'elle poursuivait Jugson, un des fidèles de Voldemort qui était présent lors de la bataille du Département des Mystères, le regard de Megan se posa sur Fenrir Greyback, couché sur un corps agité de soubresauts. Elle lui jeta un sortilège qui le propulsa en arrière, révélant l'agonie de Colin Creevey, dont le cou avait été lacéré et dévoré. Ses yeux, emplis de terreur et de désespoir, étaient plongés dans ceux de Megan lorsque leur lueur s'éteignit. Dans la mort, il paraissait minuscule.
Délaissant le cadavre, Megan s'engagea dans un duel enragé avec Alecto Carrow. Les tableaux accrochés aux murs des couloirs débordaient désormais de personnages qui hurlaient des conseils et des encouragements aux combattants, les statues qui n'avaient pas été détruites lors de la percée des Mangemorts causaient de sérieux dégâts au camp adverse en abattant leurs membres de pierre sur tous les ennemis à leur portée, les armures, parfois démembrées, tailladaient leurs adversaires à grands coups d'épées et de haches que Megan devait parfois esquiver tout en gardant les yeux sur sa redoutable adversaire. Lorsqu'elle passa, à reculons pour contrer les attaques, devant un autre pan de mur explosé qui ouvrait vers le parc, Megan aperçut le professeur Sprout, juchée au sommet de la tour d'astronomie, qui balançait des pots entiers de Tentaculas vénéneuses adultes, gigantesques, qui s'écrasaient dans le parc en enroulant leurs longs tentacules autour des cous de leurs victimes pour les attirer vers leurs dents aiguisées. Un maléfice lui brûla le haut du bras gauche, laissant une entaille noire et fumante dans la peau de Megan. Bousculée par un élève qui faiblissait sous les coups de son propre adversaire, Megan bascula en arrière et roula sur le côté pour éviter une pluie de flèches tranchantes qui s'évaporèrent au contact du sol. Lorsqu'elle voulut se relever, elle manqua d'être écrasée par McGonagall, ses cheveux défaits et le visage entaillé, qui menait à la baguette une horde de pupitres au galop lancée sur un trio de Mangemorts. Dean avait réussi à se procurer une baguette et affrontait Dolohov. Parvati était aux prises avec Arello Nott, le père de Theodore. Megan sauta sur ses pieds et se jeta sur Alecto Carrow pour lui planter sa baguette dans l'œil. Il y eut alors un grand bruit qui lui fit lever les yeux vers Peeves, qui filait au plafond en jetant des gousses de Snargalouf sur les Mangemorts, dont la tête fut soudain engloutie par des tentacules verdâtres qui se tortillaient comme de gros vers.
- Il y a quelqu'un d'invisible, là-bas!
La voix du Mangemort masqué s'éleva au-dessus du capharnaüm des combats. Megan suivit son doigt tendu et aperçut des racines vertes et gluantes suspendues en l'air dans une étrange position. Quelqu'un essayait de s'en débarrasser. Dean profita de la distraction momentanée du Mangemort et le frappa avec un sortilège de Stupéfixion. Dolohov essaya de répliquer mais Parvati l'immobilisa à l'aide d'un maléfice du Saucisson.
- ALLONS-Y! hurla la voix de Potter.
Megan en avait oublié Ron et Hermione. Glissant sur les flaques de sang et de jus de Snargalouf, elle se détourna du corps agonisant d'Alecto pour se ruer derrière ce qu'elle espérait être la trace du passage invisible de ses deux meilleurs amis. Ils se dirigeaient vers l'escalier de marbre qui menait dans le hall d'entrée. Il y avait d'autres combattants du haut en bas de l'escalier ainsi que dans le hall : Yaxley, près de la porte d'entrée, affrontait Flitwick; à côté d'eux, un Mangemort masqué se battait contre Kingsley. Des élèves couraient en tous sens, certains portant ou traînant des amis blessés. Neville surgit de nulle part, les bras chargés d'une Tentacula vénéneuse qui s'enroula joyeusement autour du Mangemort le plus proche et le fit vaciller. Un Mangemort leva sa baguette dans sa direction, mais Megan lui jeta un maléfice qui lui fit jaillir du sang par les oreilles et il s'effondra.
- Pas le temps, Longbottom! rugit Megan en se jetant dans les escaliers alors que Neville ouvrait la bouche pour s'adresser à elle.
Le sablier des Serpentard, qui comptabilisait les points de leur maison, était brisé et déversait ses émeraudes sur le sol. Megan manqua de basculer. Elle fouillait le hall du regard pour retrouver la trace de Ron et Hermione. Deux corps tombèrent alors par-dessus la balustrade et une forme grise, animale, se précipita à quatre pattes à travers le hall pour planter ses dents dans l'une des deux victimes.
- NON!
Megan fit volte-face lorsque la voix de Hermione retentit. Il y eut une détonation assourdissante et Fenrir Greyback fut rejeté en arrière, loin du corps de Lavender Brown qui ne remuait plus que faiblement sur le sol. Greyback heurta de plein fouet la rampe de marbre de l'escalier et se débattit pour se remettre debout. Mais, dans un éclair blanc aveuglant et un craquement sonore, une boule de cristal lui tomba sur la tête et il s'effondra sur le sol, inerte.
- J'en ai d'autres ! s'écria le professeur Trelawney par-dessus la balustrade. Il suffit de demander ! Tenez…
Avec un geste semblable à celui d'un joueur de tennis au service, elle sortit de son sac une énorme sphère de cristal, agita sa baguette en l'air et envoya la boule fracasser une fenêtre de l'autre côté du hall. Au même moment, les lourdes portes de bois de l'entrée s'ouvrirent à la volée et d'autres araignées gigantesques pénétrèrent de force dans le hall. Des cris de terreur s'élevèrent de toutes parts : les combattants se dispersèrent, les Mangemorts tout comme les élèves de Poudlard, et des jets de lumière rouge et verte volèrent vers les nouveaux monstres qui frémirent de toutes leurs pattes et se cabrèrent, plus effrayants que jamais.
- Comment on s'y prend pour sortir ?
- Ron! hurla Megan en entendant la voix de son ami dominer les hurlements.
Mais avant qu'elle put s'élancer dans sa direction, Hagrid dévala l'escalier comme un boulet de canon en brandissant son parapluie rose à fleurs.
- Ne leur faites pas de mal, ne leur faites pas de mal ! beugla-t-il.
- HAGRID, NON !
Potter jaillit de nulle part et se mit à courir, penché à angle droit pour éviter les maléfices qui illuminaient le hall tout entier.
- HAGRID, REVENEZ !
Mais il n'avait pas franchi la moitié de la distance qui le séparait de Hagrid lorsque l'inévitable se produisit : Hagrid disparut parmi les araignées qui battaient en retraite sous l'assaut des sortilèges, l'entraînant avec elles dans une immense débandade, un grouillement répugnant s'élevant de leur mêlée.
- HAGRID !
Megan était horrifiée par cette fin que son ami ne méritait pas.
- Harry! appela la voix d'Hermione, mélange de terreur et de sanglots.
Tandis que Potter dévalait les marches qui descendaient dans le parc obscur derrière les araignées qui s'éloignaient en emportant leur proie, Megan fut happée sous la cape d'invisibilité par un bras solide.
- Megan! s'écria Hermione, éplorée. Megan, c'est horrible !
- Il faut qu'on rattrape Harry! ordonna Ron.
Son regard était bouleversant; il n'avait plus de larmes à verser, seulement la détermination de sauver son meilleur ami. Ils se ruèrent à leur tour entre les immenses portes de chêne qui avaient été dégondées et pendaient tristement vers l'extérieur, mais presqu'aussitôt ils s'immobilisèrent en découvrant un immense géant qui se dressait devant le château de toute sa hauteur, chacun de ses pas faisant trembler le sol, sa tête dissimulée dans l'ombre de la nuit, ses tibias velus, épais comme des troncs d'arbre, éclairés par la lumière qui filtrait à travers les portes ouvertes du château. Dans un mouvement souple et brutal, la créature défonça d'un poing massif une fenêtre des étages supérieurs et une pluie de verre brisé tomba sur Potter, l'obligeant à reculer à l'abri de l'entrée, jusqu'aux trois autres.
- Oh, mon Dieu ! hurla Hermione.
Le géant essayait à présent d'attraper des élèves derrière la fenêtre fracassée.
- NE FAIS PAS ÇA ! mugit Ron en saisissant le bras d'Hermione qui levait sa baguette. Si tu le stupéfixes, il va écraser la moitié du château…
- HAGGER ?
Grawp apparut à l'angle du château. Il faisait un bon mètre de moins que l'autre géant, et était presque moitié moins épais que lui. Le monstre gargantuesque qui essayait de broyer ses victimes dans les étages du château se retourna et poussa un rugissement. Les marches de pierre tremblèrent lorsqu'il s'avança à pas lourds vers son congénère plus petit. La bouche tordue de Grawp s'ouvrit toute grande, découvrant des dents jaunes de la taille d'une brique. Ils se jetèrent alors l'un sur l'autre avec une sauvagerie de lions.
- COUREZ ! beugla Potter.
- Pas par là! s'écria Megan en les voyant s'élancer dans le parc. On ne peut plus rien pour Hagrid, c'est fini!
- Non! hurla Potter.
- Il faut y retourner! insista-t-elle férocement en les poussant vers le château.
- On doit retrouver le serpent, Megan! l'implora Hermione en la tirant par le bras pour l'entraîner avec elle.
Le dernier Horcruxe. Megan avait renoncé à cette quête à l'instant où Fred était mort. Elle ne voulait qu'une seule chose: tuer chaque Mangemort le plus cruellement possible.
- Megan, aller! rugit Ron.
La nuit était remplie des bruits de coups et des cris atroces que produisait la lutte des géants, couvrant leurs éclats de voix. Mais alors qu'ils se débattaient, l'atmosphère se figea autour d'eux. L'air qu'ils respiraient sembla se solidifier dans leurs poitrines. Des formes s'avançaient dans l'obscurité, des silhouettes ondulantes, noires comme un concentré de ténèbres, se dirigeant vers le château en une grande vague mouvante, leurs visages dissimulés sous des capuchons, leur respiration semblable à un râle… Le tumulte de la bataille fut soudain assourdi, étouffé, par un silence épais que seuls les Détraqueurs pouvaient répandre dans la nuit…
Megan s'effondra dans l'herbe. Toute forme de résistance l'avait quittée. Fred était mort. Ses yeux vides la fixaient sans la voir. Son visage était encore fendu d'un sourire. Fred était mort, et Hagrid aussi. Personne ne survivrait à cette nuit, pas même elle. Voldemort avait gagné. C'était la fin. Un soulagement parcourut ses membres engourdis. Elle pouvait enfin arrêter de se battre. Accepter sa défaite. Elle ne verrait plus aucun de ses amis mourir. Elle ne verrait plus rien.
Pourtant il y eut soudain une lumière vive qui transperça l'obscurité. Les ténèbres se dissipèrent et l'air fut de nouveau respirable.
- Megan! Megan!
Hermione la secouait désespérément. Sans ménagement, Ron la remit sur ses pieds et l'entraîna avec lui. Ses jambes se mirent à courir mécaniquement. Lorsqu'elle se retourna, elle vit un énorme pied s'abattre à l'endroit précis où elle se trouvait l'instant précédent. Un autre géant se dressait dans la nuit. Il brandit sa massue et ses mugissements retentirent dans la nuit, à travers le parc où des explosions de lumière rouge et verte continuaient d'illuminer l'obscurité. Megan, Ron, Hermione et Potter filèrent à toutes jambes dans la direction opposée. Des Sombrals avaient rejoint les combats et arrachaient des pans de chair à leurs victimes, dont certaines ne parvenaient pas à voir la créature qui les attaquait. Des jets de lumière continuaient de sillonner l'obscurité tout autour des quatre sorciers lancés de toute la force de leurs jambes. Le lac bouillonnait et ses eaux s'agitaient comme les vagues de la mer. Malgré l'absence de vent, les arbres de la Forêt interdite craquaient. Une des tours des gradins du stade de Quidditch s'effondra dans un grand bruit. Derrière eux, le château résonnait d'explosions et de hurlements, et des pans entiers de l'école continuaient à s'effondrer. À de nombreux endroits, des incendies s'étaient déclarés et crachaient leurs flammes orange et leur fumée noire dans le ciel, où la Marque des Ténèbres s'était élevée, gigantesque et terrifiante au-dessus des tours. Les poumons de Megan brûlaient de leur course effrénée à travers le parc. Elle ne savait même pas vers où ils couraient. Lorsqu'ils s'arrêtèrent, ils avaient atteint les abords du Saule Cogneur.
- Qu'est-ce qu'on fout là? haleta Megan. Il faut y retourner. Les autres…
- Voldemort est dans la Cabane Hurlante, murmura Hermione, elle aussi à bout de souffle. Avec le serpent. On doit détruire le serpent, Megan.
La jeune femme se retourna vers l'école, qui se dressait de toute sa hauteur dans la nuit, percée de parts en parts. Molly, Arthur, Ginny, Bill, Charlie, Ginny, George, ils se trouvaient à l'intérieur, et affrontaient de redoutables adversaires. Le besoin de faire demi-tour et de se jeter de nouveau à corps perdu dans les combats la consumait. Elle ne pouvait pas risquer de les perdre à leur tour.
- Megan, si on tue le serpent, on pourra le tuer lui. On y est presque, la supplia Hermione. On a besoin de toi…
Si elle retournait au château, elle abandonnait Ron et Hermione. Voldemort était tout proche. Elle ne pouvait pas les laisser seuls. Tuer Voldemort permettrait de mettre fin aux combats. Megan poussa un profond soupir tremblant et se détourna de l'école.
Potter s'était éloigné et contournait le saule dont les branches fendaient l'air autour de lui et examinait dans l'obscurité son tronc épais, essayant de repérer dans l'écorce du vieil arbre le nœud qui permettait de l'immobiliser. Les trois autres le rattrapèrent.
- Comment… Comment allons-nous entrer ? demanda Ron, hors d'haleine. Je vois… l'endroit… si seulement… Pattenrond était là…
- Pattenrond ? s'indigna Hermione, la respiration sifflante, courbée en deux, se tenant la poitrine à deux mains. Tu es un sorcier, ou quoi ?
- Hein oui… c'est vrai…
Ron jeta un coup d'œil alentour puis dirigea sa baguette vers une brindille, sur le sol, et la fit léviter. La brindille décolla de terre, tournoya dans les airs comme si elle était emportée par une rafale de vent, puis fila droit vers le tronc, à travers les branches menaçantes qui s'agitaient en tous sens. Elle heurta un point précis, tout près des racines et l'arbre cessa aussitôt de se contorsionner, devenant soudain immobile.
- Parfait ! haleta Hermione.
- Attendez.
Alors que les détonations et les crépitements de la bataille emplissaient l'atmosphère, Potter hésita.
- Harry, nous te suivons, entre là-dedans ! dit Ron en le poussant en avant.
Sans attendre que le garçon prenne sa décision, Megan s'avança et se tortilla pour se glisser dans le passage qui s'enfonçait sous terre, caché par les racines de l'arbre. Elle avait quatre ans de moins la dernière fois qu'elle s'y était faufilée, et il lui parut plus difficile d'y entrer. Le tunnel avait un plafond bas. Ils avaient dû se courber pour le parcourir la dernière fois, mais maintenant, ils étaient obligés d'avancer à quatre pattes. Ils avaient allumé leurs baguettes et se déplaçaient en silence. Enfin, le tunnel commença à remonter vers la surface et Megan vit un peu plus loin un mince rai de lumière. La voix de Hermione s'éleva alors.
- La cape! murmura-t-elle d'un ton pressé. Harry, Megan, mettez la cape!
- On ne pourra pas tenir à deux dedans à quatre pattes, répliqua la jeune femme. Nox.
Le rayon de sa baguette mourut et elle continua d'avancer tandis que, derrière elle, Potter se contorsionnait pour s'envelopper dans la cape que Hermione lui avait tendue. Ils progressaient maintenant dans une quasi-obscurité, aussi silencieusement que possible. La sensation que Megan ne connaissait que trop bien enflait en elle. Voldemort était là.
Des voix leur parvinrent, en provenance de la pièce qui se trouvait devant eux, légèrement étouffées par une vieille caisse placée à l'extrémité du tunnel pour en interdire l'accès. Déterminée, Megan rampa jusqu'à l'entrée du passage et regarda à travers une fente minuscule, entre la caisse et le mur. De l'autre côté, la pièce était faiblement éclairée mais elle voyait Nagini onduler et s'enrouler comme un serpent d'eau, à l'abri d'une sphère ensorcelée, parsemée d'étoiles, qui flottait en l'air sans le moindre support. Voldemort avait bien compris qu'ils s'en prenaient à ses Horcruxes. Il ne les laisserait pas détruire le dernier si facilement. Elle apercevait également le bord d'une table et une main blanche aux longs doigts qui jouait avec une baguette. Elle la reconnut immédiatement. Sombre, son manche agrémenté de deux petites sphères proches l'une de l'autre, c'était la Baguette de Sureau. La baguette de Megan. À sa grande surprise, la voix de Snape s'éleva alors. Hermione étouffa un hoquet de surprise qui aurait pu leur coûter la vie. Le traître se trouvait à quelques centimètres de l'endroit où ils étaient tapis, hors de vue.
- … Maître, leur résistance s'effondre…
- … Et cela se produit sans ton aide, répliqua Voldemort de sa voix claire et aiguë. Si habile sorcier que tu sois, Severus, je ne pense pas que tu puisses changer grand-chose, maintenant. Nous sommes presque au but… presque.
- Laissez-moi retrouver ce garçon. Laissez-moi vous livrer Potter. Je sais que je peux le capturer, Maître. S'il vous plaît.
Snape passa devant l'interstice, entre la caisse et le mur, et Megan recula un peu, gardant les yeux fixés sur Nagini. Elle ignorait la nature de la protection qui l'entourait. Elle n'aurait le droit qu'à un seul essai: si elle parvenait à tuer le serpent, elle n'aurait plus qu'à affronter un Voldemort redevenu mortel. Tout pourrait s'arrêter maintenant, dans les prochaines minutes. Sept années de combat, qui aboutiraient enfin. Mais si elle échouait, ils n'auraient aucune chance de survivre, pris au piège dans le tunnel étroit. Elle serait la première à mourir. Ron et Hermione auraient peut-être le temps de s'échapper, le temps que Voldemort et Snape se délectent d'avoir attrapé les deux proies qu'ils désiraient depuis si longtemps. Mais ensuite, tout le monde tomberait. Ils étaient les seuls à connaître l'existence des Horcruxes. Ce secret disparaîtrait avec eux. Si seulement ils en avaient parlé à Remus ou aux Weasley quand ils le leur avaient demandé. Les secrets de Dumbledore les condamneraient tous.
Voldemort se leva. Megan le voyait à présent, elle voyait ses yeux rouges, son visage aplati, reptilien, dont la pâleur luisait légèrement dans la pénombre.
- J'ai un problème, Severus, déclara-t-il d'une voix douce.
- Maître ?
Voldemort leva la Baguette de Sureau, la tenant avec délicatesse et précision comme un chef d'orchestre.
- Pourquoi ne fonctionne-t-elle pas avec moi, Severus ?
Dans le silence qui suivit, Megan crut entendre le serpent siffler légèrement tandis qu'il enroulait et déroulait ses anneaux, ou peut-être était-ce le soupir chuintant de Voldemort qui se prolongeait dans l'air ?
- M… Maître ? reprit Snape d'une voix neutre. Je ne comprends pas. Vous… Vous avez accompli avec cette baguette de véritables prouesses magiques.
- Non. J'ai accompli ma magie habituelle. Il est vrai que je suis extraordinaire, mais cette baguette ne l'est… pas. Elle n'a pas produit les merveilles qu'elle promettait. Je n'ai remarqué aucune différence entre cette baguette et celle que je me suis procurée chez Ollivander il y a bien des années.
Le ton de Voldemort était calme, songeur, mais une grande fureur couvait en lui.
- Aucune différence, répéta-t-il.
Snape resta silencieux. Megan ne parvenait pas à voir son visage. Il sentait le danger, essayait de trouver les mots justes, de rassurer son maître, mais il connaissait la vérité comme elle: Voldemort n'avait pas tué Dumbledore. Il n'était pas le véritable maître de la Baguette de Sureau. Ce que tous deux ignoraient, c'était que son véritable maître se trouvait ici, à quelques mètres, tapie dans l'ombre. Voldemort se mit à faire les cent pas autour de la pièce. Elle le perdit de vue quelques secondes pendant qu'il marchait ainsi, parlant de la même voix mesurée qui contenait sa colère.
- J'ai réfléchi longtemps, profondément, Severus… Sais-tu pourquoi je t'ai fait rappeler en pleine bataille ?
L'espace d'un instant, Megan vit le profil de Snape : ses yeux étaient rivés sur le serpent lové dans sa cage ensorcelée.
- Non, Maître, mais je vous supplie de me laisser y retourner. Laissez-moi retrouver Potter – et Buckley.
- On croirait entendre Lucius. Ni l'un ni l'autre vous ne comprenez Potter comme je le comprends. Il est inutile de le chercher. Potter viendra à moi. Je connais sa faiblesse, vois‑tu, son plus grand défaut. Il ne supportera pas de voir les autres tomber autour de lui en sachant que c'est pour lui qu'ils meurent. Il voudra arrêter cela à tout prix. Il viendra.
- Mais, Maître, il se peut qu'il soit tué accidentellement par quelqu'un d'autre que vous…
- Les instructions que j'ai données aux Mangemorts ont été parfaitement claires. Capturez Potter. Tuez ses amis – tuez-en le plus possible – mais ne le tuez pas, lui, et ne tuez pas Meganna. Je m'occuperai d'elle après. Ce sera plus difficile; elle est, à sa façon, digne du cadeau que je lui ai fait. Je suis fier d'elle, Severus. Mais, bien sûr, elle devra payer le prix de ses nombreuses trahisons.
Megan avait cessé de respirer. Elle n'osait plus bouger, priant pour que Ron, Hermione et Potter aient oublié sa présence devant eux. Qu'avaient-ils compris des mots que le Seigneur des Ténèbres venait de prononcer?
- C'est de toi cependant que je veux te parler, Severus, et non pas de Harry Potter et Meganna Buckley, poursuivit Voldemort. Tu m'as été précieux. Très précieux.
- Mon Maître sait que je cherche seulement à le servir. Laissez-moi partir pour retrouver ce garçon, Maître. Laissez-moi vous le livrer. Je sais que je peux…
- Je t'ai déjà dit non ! trancha Voldemort.
Il se tourna à nouveau et Megan perçut l'éclat rouge de ses yeux. Le bruissement de sa cape évoquait le glissement d'un serpent sur le sol.
- Ma préoccupation, en ce moment, Severus, c'est ce qui se passera quand j'affronterai enfin ce garçon !
- Maître, la question ne se pose sûrement pas…
- Mais si, la question se pose, Severus. Elle se pose.
Voldemort s'arrêta et, à nouveau, Megan le vit nettement. Il glissait la Baguette de Sureau entre ses doigts blancs, le regard fixé sur Snape.
- Pourquoi les deux baguettes que j'ai utilisées ont-elles échoué lorsque je les ai dirigées contre Harry Potter ?
- Je… Je l'ignore, Maître.
- Tu l'ignores ? tonna Voldemort.
Derrière Megan, Potter s'agita légèrement.
- Ma baguette en bois d'if a toujours accompli ce que je lui demandais, Severus, sauf quand il s'est agi de tuer Harry Potter. Par deux fois, elle a raté. Sous la torture, Ollivander m'a parlé des deux cœurs jumeaux et il m'a conseillé de prendre une autre baguette. C'est ce que j'ai fait, mais la baguette de Lucius s'est brisée face à Potter.
- Je… Je n'ai pas d'explication, Maître.
Snape ne regardait plus Voldemort. Ses yeux sombres fixaient toujours le serpent lové dans sa sphère protectrice.
- J'ai cherché une troisième baguette, Severus. La Baguette de Sureau, la Baguette de la Destinée, le Bâton de la Mort. Je l'ai prise à son ancien maître. Je l'ai prise dans la tombe d'Albus Dumbledore.
Snape s'était maintenant tourné vers Voldemort, et son visage ressemblait à un masque mortuaire. Il était blanc comme du marbre et ses traits avaient une telle immobilité que lorsqu'il parla à nouveau ce fut comme un choc de voir que quelqu'un vivait encore derrière ces yeux vides.
- Maître… Laissez-moi aller chercher ce garçon…
- Tout au long de cette nuit, alors que je suis au bord de la victoire, je suis resté assis dans cette pièce, reprit Voldemort, la voix guère plus haute qu'un murmure, à me demander, encore et encore, pourquoi la Baguette de Sureau refusait d'être ce qu'elle devrait être, refusait d'agir comme la légende dit qu'elle doit agir entre les mains de son possesseur légitime… Et je crois que j'ai trouvé la réponse.
Snape resta muet.
- Peut-être la connais-tu déjà ? Après tout, tu es un homme intelligent, Severus. Tu as été un bon et fidèle serviteur et je regrette ce qui doit malheureusement arriver.
- Maître…
- La Baguette de Sureau ne peut m'obéir pleinement, Severus, parce que je ne suis pas son vrai maître. Elle appartient au sorcier qui a tué son ancien propriétaire. C'est toi qui as tué Albus Dumbledore et tant que tu vivras, la Baguette de Sureau ne pourra m'appartenir véritablement.
- Maître ! protesta Snape en levant sa propre baguette magique.
- Il ne peut en être autrement, répliqua Voldemort. Je dois maîtriser cette baguette, Severus. Maîtriser la baguette pour maîtriser enfin Potter.
- Maître, ce n'est pas m-
D'un mouvement du bras, Voldemort donna un grand coup dans le vide avec la Baguette de Sureau. Ce geste n'eut aucun effet sur Snape qui, pendant une fraction de seconde, sembla penser qu'il avait été épargné. Mais la cage du serpent tournoya dans les airs et avant que Snape ait pu faire autre chose que pousser un cri, elle lui avait entouré la tête et les épaules. Voldemort s'exprima alors en Fourchelang :
- Tue.
Il y eut un horrible hurlement. Megan vit le visage de Snape perdre ses dernières traces de couleur. Il blêmit, ses yeux noirs s'écarquillèrent et les crochets du serpent s'enfoncèrent dans son cou, tandis qu'il essayait vainement de se dégager de la cage ensorcelée. Bientôt, ses genoux se dérobèrent et il s'effondra sur le sol.
- Je regrette, dit froidement Voldemort.
Il pointa la Baguette de Sureau vers la cage étoilée qui s'éleva et libéra le corps de Snape. Celui-ci s'affaissa sur le côté, un flot de sang se déversant des blessures de son cou, son corps agité de tremblements. Voldemort sortit de la pièce dans un grand mouvement de cape, sans un regard en arrière, et le grand serpent le suivit, flottant derrière lui dans son immense sphère protectrice, quittant le champ de vision de Megan. Même si elle parvenait à sortir du tunnel maintenant, elle savait qu'elle n'aurait pas le temps d'atteindre Nagini. Elle avait été si happée par la scène qui s'était déroulée sous ses yeux qu'elle n'avait pas saisi cette occasion de s'attaquer au serpent.
- Avance!
Megan se retourna vers Potter qui lui avait sifflé son ordre. L'une de ses mains était couverte de sang.
- Harry! murmura Hermione, terrifiée.
Mais il avait déjà pointé sa baguette sur la caisse qui bouchait la sortie du tunnel. Elle se souleva à deux centimètres du sol et s'écarta sans bruit.
- Aller, bouge! insista Potter.
Recevoir des ordres du garçon ne lui convenait certainement pas, mais elle aussi avait envie d'entrer. Megan ravala la réplique cinglante qui lui brûlait les lèvres et se faufila à l'extérieur du tunnel. Elle se tint en retrait, avec Ron et Hermione, tandis que Potter s'avançait vers le mourant au visage livide, qui essayait vainement d'étancher de ses doigts la plaie béante de son cou. Il enleva la cape d'invisibilité et baissa le regard vers l'homme qu'il haïssait. Les yeux de Snape se posèrent sur lui. Il essaya de parler. Lorsque Potter se pencha, Snape saisit le devant de sa robe et l'attira vers lui. Un râle, un gargouillement abominable sortit de sa gorge.
Quelque chose d'autre que du sang ruisselait du visage de Snape. D'un bleu argenté, ni gaz, ni liquide, la substance jaillissait de sa bouche, de ses oreilles, de ses yeux. Megan échangea un regard interrogateur avec Ron, mais Hermione glissa la main dans son sac en perles et s'avança vers Potter, à qui elle tendit d'une main tremblante une flasque. À l'aide de sa baguette, Potter y versa la substance argentée. Lorsque la flasque fut pleine et que Snape sembla ne plus avoir en lui une goutte de sang, l'étreinte de sa main sur la robe de Potter se desserra et il lui murmura quelque chose que Megan ne put entendre. Un instant plus tard, quelque chose sembla s'éteindre au fond du regard sombre qui devint fixe, terne, vide. La main qui tenait encore Potter retomba avec un bruit sourd et Snape ne bougea plus
Un silence immobile emplit la pièce. Megan ne ressentait rien face au cadavre de son ancien professeur de potions, ni horreur, ni tristesse, ni joie. Il avait trahi l'Ordre du Phénix, et il était mort comme une centaine d'autres ce soir. Au moins, il n'avait pas eu le temps de révéler la vérité à Voldemort. Le Seigneur des Ténèbres ignorait qu'il n'avait toujours pas acquis la pleine possession de la Baguette de Sureau. Tant qu'elle serait en vie, elle resterait la maîtresse de la Relique.
Une voix froide et aiguë brisa soudain le silence, si proche que tous les quatre firent un bond, convaincus que Voldemort était revenu dans la pièce. Sa voix résonnait contre les murs et le plancher, mais il s'adressait à Poudlard. Les habitants de Pré-au-Lard et tous ceux qui se battaient dans le château allaient l'entendre aussi clairement que s'il avait été derrière eux, son souffle sur leur nuque, suffisamment près pour leur infliger un coup mortel.
- Vous avez combattu vaillamment. Lord Voldemort sait reconnaître la bravoure. Mais vous avez aussi subi de lourdes pertes. Si vous continuez à me résister, vous allez tous mourir, un par un. Je ne le souhaite pas. Chaque goutte versée d'un sang de sorcier est une perte et un gâchis. Lord Voldemort est miséricordieux. J'ordonne à mes forces de se retirer immédiatement. Vous avez une heure. Occupez-vous de vos morts avec dignité. Soignez vos blessés.
Megan échangea un regard lourd avec Ron et Hermione.
- Maintenant, je m'adresse à toi, Harry Potter. Tu as laissé tes amis mourir à ta place au lieu de m'affronter directement. J'attendrai une heure dans la Forêt interdite. Si, lorsque cette heure sera écoulée, tu n'es pas venu à moi, si tu ne t'es pas rendu, alors la bataille recommencera. Cette fois, je participerai moi-même au combat, Harry Potter, je te trouverai et je châtierai jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière femme, jusqu'au dernier enfant qui aura essayé de te cacher à mes yeux. Une heure.
Ron et Hermione regardèrent Potter et hochèrent frénétiquement la tête en signe de dénégation.
- Ne l'écoute pas.
- Tout ira bien, ajouta Hermione d'un ton farouche. On va… On va revenir au château. S'il est parti dans la forêt, il faut qu'on réfléchisse à un nouveau plan…
Elle jeta un coup d'œil au corps de Snape puis retourna précipitamment vers l'entrée du tunnel. Ron et Megan la suivirent, puis Potter. Ils remontèrent le tunnel en sens inverse, sans dire un mot. Megan essayait de réfléchir à travers la brume qui avait empli son cerveau au cours des dernières heures. Si Potter se rendait, que se passerait-il? Voldemort crierait victoire, mais Megan ne croyait pas à l'importance que tous donnaient au garçon. Les combats pourraient toujours se poursuivre, elle pourrait toujours tuer Nagini avec l'aide de Ron et Hermione, puis affronter Voldemort. Maisles autres auraient-ils encore la force de se battre?
On aurait dit que de petits tas de vêtements parsemaient la pelouse devant le château. L'aube allait se lever dans une heure mais, pour l'instant, c'était encore la nuit noire. Les incendies avaient été éteints, ne laissant que des tas de bois et de débris fumants. Tous les quatre coururent vers les marches de pierre. Ils virent un sabot solitaire, de la taille d'une barque, abandonné là. Iln'y avait pas d'autre trace de Grawp ni de son agresseur. Le château était étrangement silencieux. On ne voyait plus d'éclairs lumineux, on n'entendait plus de détonations, plus de cris. Les dalles du hall d'entrée déserté étaient tachées de sang, des émeraudes toujours répandues sur le sol, mêlées aux morceaux de marbre et aux débris de bois. Une partie de la rampe d'escalier avait été détruite.
- Où sont les autres ? murmura Hermione.
Ron les entraîna dans la Grande Salle. Les tables des maisons avaient disparu et la salle était bondée. Les survivants, debout par groupes, se tenaient par le cou. Les blessés, rassemblés sur l'estrade, étaient soignés par Madame Pomfrey, aidée d'une équipe de volontaires parmi lesquels se trouvait Fleur. Firenze comptait parmi les blessés. Le flanc ruisselant de sang, il était allongé, secoué de tremblements, incapable de se relever. Les morts étaient étendus côte à côte au milieu de la salle. Megan ne parvint plus à avancer. Elle ne voyait pas le corps de Fred, caché par sa famille qui l'entourait. George était agenouillé auprès de lui. Molly, affalée sur la poitrine de son fils, tremblait de tout son corps. Arthur lui caressait les cheveux, le visage inondé de larmes. À genoux, les yeux écarquillés d'horreur, les cheveux poisseux de sang, Angelina contemplait le corps sans vie de l'homme qu'elle aimait. Un peu plus loin, Lee Jordan était affalé contre le mur, le regard fixé dans le vide, indifférent à son bras gauche qui formait un angle écœurant. Hermione s'avança vers Ginny, dont le visage était tuméfié, marbré, et la serra contre elle. Ron rejoignit Bill, Charlie et Percy qui lui passa un bras autour des épaules. Ginny et Hermione se rapprochèrent de leur groupe. Charlie se retourna et croisa le regard de Megan. Elle secoua la tête imperceptiblement, les lèvres serrées, mais il marcha vers elle malgré tout. Le visage du dresseur de dragons n'avait jamais été aussi pâle et ses yeux étaient rougis, mais sa main était ferme lorsqu'elle l'attira contre lui, et ses bras musculeux se refermèrent autour de ses épaules dans une étreinte solide. Alors qu'elle refusait de se laisser aller, ses yeux se posèrent sur les corps allongés à côté de Fred : Remus et Tonks, pâles, immobiles, le visage paisible, semblaient endormis sous le ciel nocturne du plafond ensorcelé. Écrasée sous le poids de sa peine, Megan sentit ses jambes céder. Charlie la rattrapa. Il ne lui dit rien. Il n'y avait aucun mot qui pourrait apaiser leur douleur.
