Londres, janvier 2014,

" Nous allons à Brixton, merci."

Il était plus de minuit quand Q avait décidé de quitter le MI6. Décidant de ne pas rentrer chez lui, mais de s'inviter dans l'appartement de James. Il n'avait pas donné l'adresse précise à Rory, bien que celui-ci se devait de simplement le conduire là où il voulait. Ils avaient fini par sympathiser. Rien de bien remarquable. Q était de nature amicale avec tout le monde. Mais l'agent Rory avait insisté pour que cette gentillesse entre eux n'existe quasiment pas. Comme le chauffeur lui avait dit, il était là pour le protéger et le conduire où il le voulait.

" Une fois que vous m'aurez déposé, vous pourrez rentrer."

" Je dois savoir si vous êtes en danger, Monsieur."

Puis-je considérer James Bond comme un danger ?

Non, évidemment. Q avait hésité quelques instants avant de lui dire ce qui allait suivre. Puis il s'était rappelé que l'agent se devait de s'en tenir au secret. Il avait donc interdiction de divulguer quoi que ce soit sur ce qu'il voyait où entendait.

" Je serais avec un double-zéro."

" Aucun danger donc."

" En effet."

Puis Q lui avait demandé de le déposer dans un coin de rue. A peine un pied dehors, qu'il regrettait déjà le chauffage de la berline. Il avait souhaité une bonne soirée à l'homme qui le conduisait puis avait marcher quelques pas vers les bâtiments où la devanture était différente les unes des autres, et avait appuyé sur la sonnette, devant le nom qui l'intéressait. Q avait jeté un dernier regard vers la voiture, toujours présente. Puis s'effaçant lorsqu'il ouvrit la porte. Il avait monté le premier étage puis James était là, à l'attendre sur le pas de son appartement. Le haut de son manteau polaire était légèrement ouvert, alors une fois l'un devant l'autre, James n'avait pas hésité une seule seconde avant de mettre sa main au début de l'ouverture et de le tirer vers lui.

" Vient ici."

Q s'était laissé faire. Il pouvait véritablement mourir pour ces lèvres. Il aimait cela. La porte s'était claquée, et James avait pris les devants pour faire descendre le Zip de son manteau, jusqu'à ce que celui-ci finisse, déjà, par terre. Q avait donc plus d'ampleur avec ses bras pour pouvoir glisser ses mains dans la nuque de James. Q s'était retrouvé contre un mur, où la porte d'entrée. Qu'importe. Il était, une fois de plus, en train d'aimer ça. Sauf que sa petite voix lui revenait, celle de la raison. Il n'était pas venu pour ça. Du moins, pas que pour ça. Bien que cela se terminerait comme souvent, il avait prévu de lui parler avant. A grand contre cœur, Q avait glissé sa main contre celle de James qui avait réussi à se frayer un chemin alors que sa chemise et son pull étaient devant son ventre.

" Attends… je…"

Q avait pris sa main, puis l'avait prise dans la sienne, et les avait ramenées à leurs corps respectifs. Ils avaient fini par se décoller, alors qu'ils étaient loin d'en avoir envie.

" Je suis venu pour te parler de quelque chose que tu m'as demandé."

" Vient."

Ils s'étaient assis sur le canapé. A côté, une table basse et légèrement plus loin, un écran plat, au sol. La décoration n'était pas le sujet principal du début de cette nuit. Ils s'étaient assis l'un en face de l'autre. A une distance raisonnable. Q avait décidé de s'installer un peu plus loin que la distance qu'ils y avaient eu entre eux des minutes avant. Il était prêt à tout lui raconter. Cela lui avait pris des mois, mais il était arrivé à réunir son courage et à lui parler à cœur ouvert.

" Tu m'avais demandé mon prénom, tu te souviens ?"

" Oui."

" Maintenant je suis prêt à te le dire. Et te dire tout le reste."

" Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?"

" Parce que je t'aime."

Et parce qu'on mérite d'être heureux.

Un frisson froid, et chaud en même temps. Quitte à être honnête cette nuit, autant commencer par ses sentiments. Pourquoi tant de retenue face à ses trois petits mots, qui voulaient autant dire ? Q ne savait pas pourquoi il s'était tant caché de lui dire, mais maintenant c'était chose faite. Il fallait passer à la suite.

" Q, tu n'es pas obligé tu sais ? Je veux dire, je t'aime aussi (cela était évident). Mais tu m'avais dit que c'était confidentiel."

" Qui suis-je pour refuser quoique ce soit à un double-zéro ?"

" Ça n'est pas rien, et tu le sais."

Il te l'a dit Q. Ça y est, il t'aime.

Q le savait depuis des mois. Sinon, ils ne seraient pas l'un en face de l'autre à avoir cette conversation. De plus, les double-zéro avaient le niveau d'accréditation le plus élevé. Cela n'était donc qu'une question de mois avant que James se permette de fouiner dans les dossiers. Q avait pris l'une des mains de James qui traînait sur le canapé, et avait prit une grande inspiration.

" Alec Ben Boothroyd. (Un silence, long silence.) Mes parents m'avaient appelé Alexander, mais on m'a toujours appelé Alec. Ben est mon deuxième prénom. J'ai grandi à Blackpool. Puis je suis allé faire mes études à Manchester et…"

" Attends, Boothroyd. Comme John…"

" Je n'ai pas choisi mon père James."

Après s'être couper la parole à tour de rôle, ils s'étaient tus. Q avait fini par arrêter de le regarder. James lui-même savait qu'on ne choisissait pas ses parents. Ni même les personnes qui nous éduquent.

" Mon père…"

Si je peux le qualifier de tel.

Comment est-ce que Q était censé arriver à avouer cela ? Qu'il n'avait jamais demandé à être doué avec un ordinateur ? Même James ne le croyait jamais.

" Quand j'étais enfant, je voulais être avocat. Ma mère travaillait au tribunal. Alors je voulais faire comme elle. Ironique non ? Un criminel qui était avec une femme de loi."

Les yeux de Q commençait à se remplir de liquide, il allait pleurer. Mais il voulait mettre un point d'honneur à lui raconter toute son histoire. James avait rapproché sa main de la sienne et commençait à caresser la paume.

" Toute mon enfance, je ne me rendais pas spécialement compte de ce que mon père faisait. Je veux dire, il était là tous les soirs, venait souvent me chercher à l'école. On vivait assez éloigné de la ville. Au collège, j'ai eu mon premier ordinateur, puis mes premiers amis. Ils étaient plus grands que moi, et c'est eux qui m'ont appris à hacker, trafiquer, et même créer mes propres codages. Je n'avais que 13 ans, et j'étais déjà doué. Je ne sais pas comment, tout est revenu aux oreilles de mon père - ignorant toujours ce qu'il faisait, lui aussi était doué. Et tout à déraper."

" Q, tu n'es pas obligé."

" Mais j'y tiens. Je sais beaucoup de choses sur toi James. Tu as le droit de me connaître."

Q avait rapidement résumé. Cela avait été vers ses 17 ans que son père avait tout découvert. Q n'avait jamais rien fait au point où les autorités l'avaient surpris. Il s'entraînait juste pour s'amuser. Son père venait de contrats, des têtes mises à prix par une organisation. Il prenait le plus offrant et se débrouillait toujours pour que son absence passe inaperçu. Q ne se souvient pas de son père absent un soir.

" Il n'était pas le seul sur le coup. Il devait de l'argent à quelqu'un. Avec le temps je me suis toujours demandé si tueur à gages payait bien. Qu'importe. Il m'avait demandé de pirater le système de surveillance de la banque. Je lui avais assuré que je pouvais le faire. Mais le système et le MI6 étaient plus forts que moi."

" Le MI6 ?"

" J'ai réussi à pirater le système en leur faveur trois minutes. Après ça, tout est allé vite. Rapidement, des agents sont entrés dans la banque et ont arrêté mon père et ses complices. Puis, dans mon dos, la porte de ma chambre s'est ouverte avec fracas. Deux agents en costumes sont entrés et l'un d'eux m'a menotté. L'autre était un double-zéro."

" C'était il y a combien de temps ?"

" En 2007, je fêtais mes 18 ans la semaine d'après."

" Et ensuite ?"

Il n'a pas peur. Pourquoi ne fuit-il pas ? A-t-il conscience de tout ce que je suis en train de lui dire ?

Pas une once de peur n'avait traversé l'esprit de James.

" On m'a amené au MI6 et on m'a interrogé. Ils n'avaient pas eu le choix que de respecter les procédures. Ma mère était là et j'étais mineur. De toute façon, j'ai tout balancé. Puis je n'ai jamais revu mon père."

" Pourquoi…"

" Pourquoi je suis le quartier-maître ? Il faut croire que mon dossier était revenu jusqu'à M."

Cela avait été bref, mais James venait d'y penser. Il se pouvait qu'à la même époque, ils aient été au MI6 en même temps. Mais il s'était retenu de lui dire, c'était superflu. Ce qui importait, c'était le moment présent, les aveux.

" Pendant deux ans j'ai été formé, entraîner à toutes choses. Physiquement, mentalement, j'ai approfondi ma connaissance en piratage. Développer mes compétences pour les armes à feu. Appris à confectionner des gadgets. Tu sais, ceux que tu ne ramènes jamais. En bref, j'ai été entraîné à être un agent."

En fait, cela avait été plutôt logique, dans la tête de James. Lui qui connaissait bien la défunte M. Il savait qu'elle aimait le sang neuf. Que la vision des jeunes recrues étaient les meilleures. Il le savait aussi, il était de celui qui en faisait partie. Seulement lui, avait le permis de tuer.

" Tu n'as pas de questions ?"

" Si, ta mère ? Où te pense-t-elle ?"

" Emprisonner à vie, à Belmarsh."

C'est horrible.

" C'est le prix que j'ai décidé de payer pour qu'elle soit sauvée, sans aucun souci. Ma mère est quelqu'un de bien James. Loin de moi et de mon père, c'est ce qu'il y avait de mieux."

" Et ton père ?"

C'est là où les choses se compliquent…

Q ne savait que très peu de choses sur l'évasion de son père. Puis s'était évanouie dans la nature. Disparu. Aucune trace depuis toutes ses années. C'était pour cela que Q se devait de garder l'anonymat sur sa véritable identité. Seulement, mentir à James était devenu trop lourd.

" La vérité c'est que, je n'en sais rien. Je ne sais pas où il est."

" Vient ici."

James avait ouvert ses bras, et Q c'était niché dedans. Il était triste. Parler de tout ça, pour la première fois, à quelqu'un, n'avait pas été aussi facile qu'il se l'était imaginé. C'était réconfortant. Chaud, agréable. Il ne faisait pas froid chez James. Mais les frissons qui devenaient une envie de pleurer avait refroidi Q. Il avait simplement eu froid à l'idée de parler de ses parents. Ils avaient simplement décidé de se coucher, l'un dans les bras de l'autre. En sécurité. C'était cela que Q avait fini par trouver, de la sécurité. Il ne savait pas où se trouvait son père, mais il savait qu'il était loin. Assez loin pour qu'il soit en sécurité à Londres, dans son appartement. Ou encore mieux, dans l'appartement de James, dans ses bras.

" Je t'interdis de m'appeler Alec."

" Et Alexander, j'ai le droit ?"

" Non, pour vous, ça reste Q, double-zéro sept."

" Je ferais réclamation auprès de mon quartier maître."

" Je doute que celui-ci soit de plus grande utilité."

" Alors peut-être que mon (il avait chuchoté :) petit-ami acceptera."

Q n'avait pas répondu, seulement souri, et s'endormi.

Lui dirait-il un jour ? Sûrement. Après tout, ils s'aimaient. Très sincèrement.