Londres, novembre 2015,
" Tu te moques de moi !"
" Non Eve, pas du tout. Le pistolet était découpé en deux. Mais tu connais double-zéro six. Il est tellement gentil que je n'ai rien osé lui dire."
Au moins, lui ramène le matériel.
Eve et Q étaient en train de rigoler dans un bar, à l'écart de toute la foule de l'happy hour. Elle avait réussi à le faire sortir de son bureau. La plupart des agents sous sa responsabilité étaient en stand-by où sous les directives de R. Quant à Bond, même M devenait impatient de savoir où il se trouvait. Q s'était levé un matin, et James avait disparu. Aucun message, aucune nouvelle depuis déjà cinq jours. Ils avaient continué à rire, à boire. Ils avaient, avec la foule, réussi à trouver une banquette et à parler du travail, mélanger à la vie privée de Eve - qui c'était trouver un petit ami. Naturellement, elle ne pourrait jamais lui dire son vrai travail. Bien trop de personnes seraient en danger sinon. Q était resté sur quelque chose d'assez raisonnable, du vin blanc. Tandis que Eve se lâchait sur les verres de cocktail. Puis, quelqu'un était venu les interpeller.
" Excusez-moi, puis-je vous offrir un verre ?"
Le type ne s'était pas tourner vers Eve, mais vers Q - qui était à des années lumières d'être libre et intéresser.
" Non, ça ira. Merci."
Q avait rapidement souris en recalant gentiment l'homme. Puis c'était retourner vers Eve qui lui murmurait d'accepter, soi-disant que l'homme était sexy. Q continuait des yeux de refuser. Mais l'homme était toujours planté devant lui.
" J'insiste."
" Mais si il insiste Rob ! Accepte."
Q avait retourné sa tête tout doucement vers Eve, prenant soin de faire les gros yeux. ' Rob' ? Mais d'où ça sortait ? Il se retenait presque d'éclater de rire. Puis regarda à nouveau l'homme.
" Je vous remercie, mais je décline."
Q avait hésité quelque peu. Puis voyant qu'en face de lui, l'homme ne lâchait toujours pas l'affaire, il avait pensé à le dire. Bourrée ou non, Eve poserait des questions et s'en souviendrait. Mais il avait foncé la tête la première.
" J'ai quelqu'un."
Un simple 'oh' était sorti de la bouche du type. Puis il était parti. Ensuite, Q n'avait pas osé regarder Eve dans les yeux. Les quelques secondes suivantes, il avait pris son verre à pied et avait pris une gorgée.
" Q ?"
Eve avait répété son nom jusqu'à ce qu'il daigne la regarder.
" Tu as quelqu'un ?"
La voix de Eve était devenue plus calme, posée, comme si elle parlait à l'un de ses frères. Limite, mielleuse, attendri que Q ai enfin trouver quelqu'un. Ses yeux pétillaient.
" En quelque sorte. Je ne sais pas trop."
Si seulement tu savais…
Serait-elle déçue ? Q avait haussé les épaules. Il savait à quel point c'était sérieux entre eux. La preuve étant, Q avait dû changer d'appartement. L'ancien était naze - pour reprendre les propos de double-zéro sept - en termes de sécurité. On pouvait entrer dedans comme dans un moulin. Alors, Q avait dû changer d'appartement. Il n'avait pas eu le choix que d'accepter que quelqu'un autre que James le protège. Après tout, il n'était pas toujours là. Lui aussi avait un appartement, un travail. Alors, la condition avait été la suivante : en se rendant au MI6, Q pouvait y aller seul. La plupart du temps, il s'y rendait le matin (quand il n'y dormait pas directement), mais si il était plus de 23 heures, un agent devait le raccompagner. Il avait dû travailler sur un nouveau système de sécurité. Il devait régulièrement changer le code d'entrée, laisser la caméra branchée devant la porte d'entrée et celles qui donnaient sur la rue. C'était un génie en informatique, et ça tout le monde le savait. Mais toute cette sécurité… Lui aussi savait se défendre. Pourtant, son salon ressemblait à une partie de son bureau : un écran était dédié aux caméras donnant sur la rue et ses fenêtres. Un logiciel vérifiait sans arrêt si quelqu'un ne voulait pas le pirater. Q devait se faire à l'idée qu'en passant quartier-maître, sa tête aussi était menacée. Il savait se défendre - cela avait été l'une des requêtes de l'ancienne M. Tirer avec une arme, mettre quelques coups de points, il savait. Mais il était plus doué avec un ordinateur, pour concevoir un système de traçage, que de tirer avec un pistolet.
" C'est pas vrai, c'est quelqu'un au MI6 ?"
Q n'avait rien dit. Et en même temps, son cœur s'était mis à battre de plus en plus vite. Il commençait à avoir les joues rouges. Une bouffée de chaleur venant des pieds jusqu'à ses mains qui picotaient étaient arrivés. D'un coup, il avait commencé à avoir chaud. Q avait pris soin de remettre ses lunettes en place, quelques mèches de ses cheveux aussi. Ses mains étaient moites. Bon sang, qu'est-ce qu'il faisait chaud ici. Devait-il lui dire ? Ne rien dire ? Après tout, c'était Eve, ils étaient bien plus que de simples collègues. Elle lui avait livré sa vie privée, il pouvait faire de même. Même si Eve était loin d'être la plus discrète lorsqu'elle savait quelque chose d'aussi croustillant.
" Eve, il ne faut pas que…"
" Oh mon Dieu ! Je le savais."
" Eve !"
" Q !"
" Laisse-moi finir."
" Je suis tout ouïe."
Eve souriait presque comme une idiote avec son verre à cocktail rempli contre sa joue.
" Je ne sais pas, c'est arrivé. Mais, moi tu me connais, je déteste étaler ma vie privée."
" Ne me fait pas ça."
" Eve…"
Elle avait commencé à faire semblant de détourner la tête, de se mettre dans son coin. Bien trop vite Q était rentré dans son jeu. Elle était drôlement douée à ce jeu là, ajouter à l'alcool. Et dans un souffle, il avait avoué son prénom.
" Attends, LE James ?"
" Parce que tu en connais beaucoup toi ?"
" Oui, James Wood, un mec de la compta."
" Parce que tu m'as déjà vu aller à la compta ? Ces gens-là et moi on se déteste à cause de personne comme double-zéro sept."
Ceux qui ne sont pas du genre à ramener les gadgets et qui le supplient presque d'avoir un stylo qui explose. Non mais sérieux, un stylo qui explose ? Q avait levé les yeux au ciel tandis que Eve était en train de rire. Et il allait avoir du mal à la stopper.
Le téléphone vibrait sur le bois de la table de nuit, encore et encore. Sans s'arrêter. Q était sorti de sa rêverie et avait répondu au téléphone sans franchement faire attention à qui était à l'autre bout.
" Q, ici Tanner (au moins lui avait compris que Q dormait - pour une fois). M vous veut dans son bureau dans une heure."
" J'y serais."
Il avait juste eu la foi d'appuyer sur le bouton raccrocher et il avait laissé tomber son téléphone. Pour une des rares fois, il avait quitté le bureau tôt la veille. Enfin, cela était avant minuit. Il avait pris une douche chaude. La température de Londres commençait à baisser. Puis il avait commencé à écrire un message sur la fiche contact de James. Avant de se raviser et de lui envoyer. Il lui en avait déjà envoyé un le soir de sa sortie avec Eve. Peut-être n'avait-il pas envie de s'en servir, tout simplement. Q s'attendait rarement à avoir une réponse. Comme si il était une option. Sur le coup, il avait plus eu l'occasion de voir des vidéos où l'espion tenait une arme plus qu'un téléphone. Q avait fini par s'endormir de fatigue. Il était bien dans son lit, au chaud. Et l'envie de rejoindre M était la dernière de ses envies. Mais il n'avait pas le choix. Et en voyant l'autre côté de son lit vide, là était la raison de se lever.
Q avait ouvert la première porte pour atterrir dans le sas. Le bureau de Eve était vide. Alors, il avait continué son chemin et au même moment, la porte du bureau de M c'était ouverte. Tanner lui tenait la porte tandis que M l'invitait à entrer.
" Q je vous en prie, installez-vous."
Q avait accepté, rare était les fois où il s'entretenait avec M. Chacun d'eux travaillait avec les agents sur le terrain, Q était sous l'autorité directe de M. Mais ils ne se parlaient pas tous les jours. Mallory avait pris une télécommande et l'un des murs en bois accompagné d'un tableau avait commencé à se décaler. Q se tourna vers celui-ci et un écran noir apparu. Un autre clic de bouton et les images de ce qui semble à première vue être un attentat défilaient sur l'écran. En titre, en bas de l'écran, la ville de Mexico City était écrite. On y voyait la foule Mexicaine courir dans tous les sens. Un corps au sol, prise de vue aérienne. L'espagnol de Q n'était pas très bon, mais les sous-titres étaient affichés. La journaliste avait parlé d'un homme seul, avec une arme. Ayant fait s'effondrer un immeuble, puis, courant (pourchassant) dans les rues durant la Fête des Morts. Quelques vidéos amateurs avaient filmé la monté d'un homme en blanc dans un hélicoptère - qui c'était posé sur la place - puis un autre, en costume sombre, monter dedans. Toutes les vidéos n'étaient pas de bonne qualité. Mais Q avait rapidement compris. Il n'aurait même pas besoin de prendre son ordinateur et de réunir assez de vidéos pour retrouver le visage de l'homme en costume sombre. Mille fois il aurait reconnu la silhouette de Bond.
" Dites-moi que vous n'étiez au courant de rien Q ?"
" Non Monsieur."
Disons que, je me suis couché un soir. James à mes côtés, et le lendemain ? Il avait disparu.
Cela aurait pu être drôle. Mais le regard fermé de M l'avait rapidement calmé. Non, Q n'avait été au courant de rien. Et il n'était pas en colère. Il savait que si l'agent faisait quelque chose, c'est qu'il y avait une bonne raison. Non. Il était déçu de n'avoir même pas été mis dans la confidence. De voir également que M le pensait complice. Q suivait les règles, les protocoles et les procédures. Loin de ce que faisait l'agent double-zéro sept.
" Je veux que vous enclenchiez la phase cinq du programme Smart Blood."
" Monsieur, la phase cinq…"
Q connaissait parfaitement le nombre de phases de son propre programme. Non, le problème était que la phase cinq n'avait jamais été établie. La dernière phase consistait seulement à injecter les capsules dans le corps de la personne.
" Injecter à double-zéro sept le programme Smart Blood."
" Monsieur."
" Dans trois jours, à chaque demande, je veux savoir où se trouve Bond, comprit Q ?"
" Oui Monsieur."
En sortant du bureau de M, Q avait pu croiser quelques instants Eve. Mais le travail était trop pressant. Il devait finir de mettre au point la machine. Être sûr que les capsules iraient bien dans le sang. Des tas de calculs à revoir pour que personne ne soit en danger. Bien que Q était sûr que le programme fonctionnait à la perfection. Rare étaient les choses où il se trompait.
Q n'avait pas eu la chance, où le temps de revoir James avant qu'il n'arrive dans son bunker accompagné de Tanner. James l'avait compris, respecter l'une des dernières volontés de M lui avait pris du temps. Et le pire ? C'était qu'il devait repartir pour l'Italie dans quelques heures. Q était assis dans l'une des salles où il allait de temps en temps, pour confectionner des gadgets, être au calme. Loin de la pression et du remaniement, fusion de C - Max Denbigh. Et loin de Whitehall. Il avait entendu la fin d'une phrase et la porte s'ouvrir. Il avait quand même pris le temps de finir ce qu'il faisait. De toute façon, ce n'est pas comme si il pouvait se permettre d'être amicale avec James. Tanner était là.
" Oh, double-zéro sept."
" Q."
Ils ne se regardaient même pas. Q toucha une dernière fois à ce qu'il faisait, s'excusant pour le désordre, le manque de place de cette pièce. Pendant que James prenait le fusil qui se trouvait devant lui.
" Deux, trois choses à voir ensemble. Nous nous y mettons ?"
Puis, arrivant vite devant lui, Q avait repris l'arme. Les trois hommes avaient quitté la petite pièce pour se diriger vers une sorte de laboratoire. Deux hommes en blouse blanche attendaient là. Une chaise se trouvait au milieu.
" Bond, je vous en prie."
Il avait pris le temps de retirer sa veste, et de remonter la manche droite de sa chemise. Q s'était préparé, mettant des gants, et injectant le produit dans la machine. James était-il seulement au courant qu'il était le seul double-zéro à qui il administrait ceci ? C'était énervant. Enfin presque. Comment Q pouvait aimer le seul qui était incontrôlable ? Lui-même s'était souvent posé la question.
" Détendez-vous. Très bien… Cela risque de légèrement (l'aiguille s'était implantée dans son avant-bras). Piqué."
Oui, il va me détester.
" Qu'est-ce que c'est ?"
" Nanotechnologie de pointe. Hémoglobine intelligente ou Smart Blood. Des puces électroniques dans votre système sanguin permettent de suivre vos mouvements sur le terrain. (Q avait pris un coton imbibé d'alcool pour effacer toute trace de sang.) Vous voyez ces relevés ? Nous pourrons évaluer vos constantes vitales où que vous soyez sur Terre."
J'ai besoin d'un verre, rapidement.
Et même ça, les données récoltées pouvaient le balancer. Chaque petit robot pouvait avoir accès à son degré d'alcoolémie.
" On vit une époque formidable."
C'était ironique. Évidemment, comme tout avec lui. Il détestait être surveillé comme un novice.
" Appelons ça une assurance post dégât mexicain. Sur ordre direct de M."
Q avait pensé que James avait réellement dû mettre M en colère. En même temps, il y avait de quoi. Détruire un immeuble et faire le spectacle sur une place avec la quasi-totalité des Mexicains dessus… Il fallait que M donne une justification aux personnes du monde entier. Être espion ne signifiait pas faire ce qu'on voulait.
" Je comprends ça très bien."
" Très bien. Une dernière chose et je vous libère."
Ils étaient sortis du laboratoire et avaient attendu devant la porte d'une sorte de garage. Derrière eux, des hommes travaillent sur de vieilles Aston Martin. Certaines en meilleur état que d'autres. La porte s'était ouverte et la DB10 était apparue. Grise, des courbes parfaites. Elle était magnifique. Q était en train de détailler les caractéristiques de la voiture quand James remit les pieds sur Terre.
" C'est pas de chance. Elle vous était destinée mais on l'a réattribuée à double-zéro neuf. Mais ça, c'est tout à vous."
Q avait tendu une montre Omega à James qui s'était légèrement tourné vers lui.
Il se moque de moi ?
" Et elle sert à quelque chose ?"
" Elle indique l'heure, oui. Pour votre carence en ponctualité."
" C'est M qui a eu cette idée ?"
" Exactement."
Ils avaient fait demi-tour, sur l'allée. Tanner se retenait presque de rire. Une chose était sûre maintenant. Mallory était réellement énervé contre Bond.
" Ah je vous met en garde en passant, son alarme est relativement forte. Vous voyez ce que je veux dire ?"
" Je crois oui."
C'était subtil. Il fallait comprendre. Qu'importait que James accepte d'être congédier ou non. Il était hors de question de le laisser sans rien. La montre n'était pas grand-chose, mais il aurait de quoi se défendre. James s'était arrêté devant son ancienne voiture. Trop de mauvais souvenirs. Elle était vide, beaucoup trop chargée en émotion.
" Passons, profitez bien de vos congés double-zéro sept."
Et peut-être que tu m'expliqueras enfin pourquoi tu es parti.
Tanner s'était écarté et Q était retourné à son ordinateur. Vérifiant que son système fonctionnait correctement.
" Q…"
" Oui ?"
Le ton de sa voix était délicat. Q avait rapidement comprit qu'il allait lui demander quelque chose, qu'il allait accepter, et qu'il le regretterait.
" Maintenant que vous pouvez savoir où je me trouve à tout moment, vous pouvez me rendre un service ?"
" Qu'avez-vous derrière la tête au juste ?"
" Faites-moi disparaître."
"Je… je vous rappelle que je suis sous l'autorité directe de M. Et j'ai un prêt immobilier, ainsi que deux chats à nourrir."
" Oh dans ce cas je vous conseille de vous fier à moi, pour l'avenir de vos chats."
Q s'était retourné vers Tanner. Q et James l'appréciait, mais ils savaient aussi qu'étant aussi proche de M, il pouvait potentiellement tout lui rapporter. Q serait, toujours, quoiqu'il pourrait se passer, du côté de James. C'est pour ça qu'il allait accéder à sa requête.
" J'ai été ravi de vous revoir double-zéro sept. Tout à fait ravi. J'ai oublié de préciser que le programme Smart Blood est toujours dans sa phase expérimentale. Il se peut qu'exceptionnellement il y ait… un décrochage de réception lors des premières vingt-quatre heures. (Bon sang, je le déteste. Ok, très bien.) Quarante-huit heures. Suite à l'inoculation, mais ensuite tout devrait fonctionner de façon impeccable."
" Je vous enverrai une carte postale."
" N'en faîtes rien surtout."
Son sourire était discret, juste ce qu'il fallait pour que Q comprenne. Il avait compris dès le départ que James avait commencé quelque chose. Et qu'il ne s'arrêterait pas avant d'avoir terminé. Le soir même, ils ne s'étaient pas vus. Cela avait attristé Q, les messages ne voulaient rien dire. Ils n'avaient pas de sens.
" Double-zéro neuf est là pour récupérer la DB10, Monsieur."
Q était arrivé assez tôt, encore beaucoup de travail. Mais R lui quittait les locaux. Il l'avait remercié puis s'était dirigé vers son bureau où il allait passer, comme toujours, sa carte de sécurité. Mais la diode était verte, la porte déjà ouverte. Q la poussa et remarqua directement que quelque chose clochait. Les clés de la voiture qu'il avait mise en évidence la veille avaient disparu. Et quelques minutes après, une fois la porte coulissante ouverte, la voiture avait disparu. Une bouteille de champagne l'attendait au sol. Son préféré. Mais là n'était pas le sujet. Qu'allait-il dire à double-zéro neuf ? A M ? Entendre des remarques sur Bond, sachant qu'elles étaient désagréables, ne l'enchantait pas.
