La Bataille Finale opposant les forces du Mal et les forces du Bien s'était achevée bien évidemment par la victoire de Voldemort. Potter était mort, tous ses amis et ses alliés étaient soit morts soit emprisonnés et torturés. Au fond ça ne m'avait pas étonné, Potter était faible, le Lord Noir immortel... Et désormais le monde sorcier était gouverné par ce tyran. Les sorciers n'osaient plus sortir de chez eux sous peine de servir d'amusement aux Mangemorts ou pire, d'amuse-bouche à des créatures assoiffées de sang. Voldemort avait levé une armée de fidèles de plus en plus importante, l'avenir de la communauté de Sang-Pur disait-il, et accordé à ses serviteurs zélés des raids par groupes d'élites chaque semaine avec un record tablé à… cent cinquante-sept moldus en une journée. C'était assez honorable. J'y avais participé évidemment.
Mon parcours était tout ce qu'il y avait de plus banal au départ, arrivée à Serpentard, populaire, brillante, obtention de toutes mes Buses. Puis j'avais reçu mon Héritage à 16 ans, ma condition de vampire avait été révélée et j'étais sortie en douce m'abreuver à Pré-au-Lard. Au début j'en avais eu honte, la vie d'un être humain avait de l'importance, non? J'en étais même venue à me haïr pour les meurtres que je devais perpétrer toutes les semaines. Et puis à force… Qu'était la vie d'un mortel pour moi? Rien. Quelle importance qu'il vive ou qu'il meurt? Aucune. De même, quelle importance que mes camarades qui n'avaient jamais compté pour moi meurent dans l'écroulement des donjons de Serpentard le soir de la Bataille?
J'aurais pu les sauver. Tous. Mais quel intérêt? J'avais observé cette partie du château s'effondrer, à peine intéressée par les cris de terreur qui en sortaient. Durant cette nuit de meurtres, j'avais tué quelques mortels, Mangemort ou pas, là n'était pas la question, je m'étais simplement nourrie. Ensuite mon regard avait suivi le combat entre Voldemort et Potter, j'avais vu le directeur de ma maison essayer de tourner sa veste au dernier moment et se prendre l'Avada, puis l'Elu était tombé et avec lui presque tous les Gryffondors et les membres de leur Ordre du Phénix. Au fond le bien et le mal n'existait pas. Tous ceux qui étaient morts ce soir-là s'étaient battus par intérêt. Pour sauver leur petite vie confortable ou des êtres chers. L'idéal de justice et d'honneur n'était qu'une invention et tout le monde le savait.
Je reniflai de mépris en passant devant le groupe de Mangemort en faction à l'entrée du Chemin de Traverse. Evidemment mon attitude leur déplut.
-Hey toi! M'apostropha l'un d'entre eux.
Me nourrir maintenant? Non pas encore… Je continuai mon chemin en l'ignorant, mais un sortilège fusa vers moi.
-Protego; lançai-je avec ennui en claquant des doigts.
La magie fut aussitôt annihilée et l'animosité du Mangemort aussi. Je me tournai vers lui, vers ses compères aussi, et tous purent voir mes prunelles qui avaient viré au rouge vermeil.
-Messieurs; sifflai-je à leur encontre, qui se dévoue pour me servir de dîner?
Ils écarquillèrent les yeux d'horreur et un ricanement sec sortit de ma gorge avant que je ne me détourne pour reprendre mon chemin. Je marchai tranquillement dans l'artère principale déserte. Quelques cadavres étaient abandonnés sur la chaussée, quelques âmes pathétiques et décharnées agonisaient près d'eux. Tous les magasins étaient dévalisés, les vitres cassés, les portes défoncées. Maintenant les mortels ne connaissaient plus que les ventes sous le manteau. Seuls les Mangemort du premier cercle et leurs privilégiés ne manquaient de rien. Les autres en étaient réduits à mendier en espérant ne pas se prendre un Avada. Tiens, justement:
-Ayez pitié jeune fille! Je n'arrive plus à nourrir mes enfants, l'un d'eux est gravement malade. Il va mourir si je ne le soigne pas.
Mon regard de nouveau saphir tomba sur la masse de loques s'avançant. La femme était répugnante, elle se traînait sur ses genoux en gémissant qu'elle souffrait… Je m'écartai de ses bras tendus et sifflai avec dégoût:
-Suffit!
Elle se recroquevilla mais ne recula pas assez vite à mon goût et d'un claquement de doigt je la fis se tordre de douleur. Le Doloris informulé était mon préféré, rapide et inattendu. Puis, quand les hurlements de la mortelle m'agacèrent, je laissai son corps s'effondrer à terre et repris mon chemin. Cette pouilleuse ne me convenait pas, je voulais un repas décent. Et tout en prenant un passage secret qui menait directement à l'Allée des Embrumes, je repris mes réflexions. L'Ombre et la Lumière… C'était hilarant. Ce concept qu'on avait fait gober à ces Gryffondor ignares, quelle blague! Mais même eux avaient finalement dû s'en rendre compte. On ne se battait pas pour une idée mais pour soi-même. Et finalement personne ne valait mieux que personne. Mes saphirs vides balayèrent la venelle que je venais d'emprunter. Mon odorat m'avait indiqué la présence d'un mortel regorgeant de sang. Et il se trouvait sous un tas d'habits sales… Après tout, j'étais trop affamée pour faire bien longtemps ma difficile. Je tendis donc mes muscles, prête à bondir sur lui, lorsqu'une voix familière s'éleva:
-Miss Lumare, cela faisait longtemps.
J'arrêtai mon geste et une longue barbe sale ne tarda pas à sortir des vêtements, bientôt imitée par une tête hirsute et un regard azuré.
-Dumbledore; lâchai-je en haussant un sourcil.
-Lui-même; fit-il joyeusement.
Comme s'il n'avait pas envoyé tous ses pions à la mort et n'était pas l'ennemi public numéro 1. Mes saphirs firent face aux yeux éternellement azurés du vieux citronné durant un temps indéterminé. C'était complètement stupide de ne pas le tuer directement ou de ne pas l'amener jusqu'à Voldemort, mais le voir ravivait des souvenirs d'une autre époque. Une époque où j'avais été incroyablement stupide.
-Cela fait bien trois ans que vous avez quitté Poudlard, je m'en souviens comme si c'était hier; fit le vieux barbu.
-Je n'en doute pas; répondis-je avec sarcasme. C'était la nuit où tous vos alliés ont été décimés. Merveilleuse nuit, n'est-il pas?
Et sur ce, je me détournai dans un envol de cape. Je n'avais plus rien à faire avec ce fou, qu'il aille se faire dévorer par un autre vampire. Mais avant que je n'aie pu le quitter, sa voix s'éleva de nouveau:
-Une voie ouverte par trente clefs argentées l'amènera jusqu'au bonheur qui l'aura, depuis longtemps, rejetée.
Je soupirai. Bien sûr que le vieux me voulait quelque chose, je ne l'avais tout de même pas rencontré dans la rue par hasard. Mais je ne voyais pas en quoi une vieille prophétie me concernant, et totalement fausse qui plus est, pouvait l'intéresser. Dumbledore poursuivit:
-Cette prophétie a été énoncée à votre naissance.
-Vous ne devriez pas accorder trop de crédit aux prophéties; fis-je en me retournant. Celle qui concernait Potter était fausse.
Mon regard vide observa vaguement les sillons de rides creusées sur son visage, ses cheveux sales et emmêlés, sa robe violette maintenant couverte de boue et de saletés. Seul son regard conservait encore un reste de vie. Il brillait d'un espoir impossible.
-Non, le contenu de la prophétie s'est révélé exacte. Et la vôtre l'est tout autant.
Je reniflai, sarcastique, et allai finalement le quitter lorsqu'il sortit avec une étonnante rapidité un objet de sa poche. C'était un retourneur de temps en argent, autour duquel s'encastraient trente petites clefs… Trente clefs?
-Ceci; fit Dumbledore en me tendant l'artefact, est un retourneur de temps assez spécial.
Je laissai le vieillard le poser dans ma main et il continua:
-Il permet de retourner trente ans en arrière, précisément.
Je commençais à comprendre.
-Merveilleux, vous n'avez qu'à retourner dans le passé pour changer l'issue de la guerre. Tout cela m'importe peu; lâchai-je finalement.
-Voyons, je n'en ai pas la possibilité (le vieillard m'observa les yeux soudain brillants puis croisa ses doigts devant sa vieille robe au violet betterave crasseux). Ce retourneur de temps ne fonctionne que sur les morts. Et comme vous vous en doutez aucun mort ne peut actionner cette machine, sauf un mort-vivant.
Moi, l'aider? Un rire sec s'échappa d'entre mes crocs et résonna longtemps dans la ruelle avant que je ne lance:
-Vous avez perdu la raison vieux fou. Pourquoi voudrais-je vous aider?
Quelle stupidité! J'avais tout ce que je désirais dans ce monde. Voldemort acceptait les vampires et, lui, ne punissait pas les meurtres perpétrés par ceux de mon espèce. Il les encourageait même. Mais la voix dérangeante du vieillard s'éleva de nouveau:
-Parce que votre bonheur est à ce prix.
Il commençait à me lasser. Le bonheur ne m'intéressait pas. Tout ce que je désirais était de trouver un humain plein de sang que je pourrais déchiqueter à loisir. Le bonheur, la justice, la guerre ne m'intéressaient pas.
-Trouvez un autre pion, je ne suis pas intéressée.
Et je voulus lâcher l'artefact en argent. Mais il resta collée à ma paume et je découvris que les clefs s'enclenchaient les unes après les autres.
-Qu'est-ce que vous avez fait? Sifflai-je, menaçante.
-Je vous ai permis de trouver le bonheur; répliqua malicieusement le vieillard.
J'essayai d'arracher la montre mais rien n'y faisait. Et les clefs continuaient de tourner pour s'enfoncer au plus profond de chaque serrure. Il n'en restait plus que treize.
-Enlevez-moi ça tout de suite. Je ne suis pas intéressée.
Et avec une tranquillité que je n'avais encore jamais vue sur le visage d'une de mes futures victimes, Dumbledore me dit:
-Ni moi ni vous ne pouvons interrompre ce processus. Vous retournerez dans le passé et parviendrez certainement à faire triompher la Lumière.
Je commençai à montrer les crocs, lui ne paraissait pas troublé le moins du monde.
-Vous aurez à trouver des Horcruxes; fit-il, toujours imperturbable, des morceaux d'âme de Voldemort aisément repérables pour un vampire sorcier comme vous.
Je tentai de me jeter sur lui mais la montre dans ma main exerçait une attraction si forte que je ne parvins pas à ne serait-ce qu'esquisser un pas. La ruelle tanguait autour de moi. Le vieillard continuait son discours:
-Il n'en existera que trois au moment où vous apparaîtrez. Vous devrez les regrouper avec l'aide de mon homologue plus jeune et les apporter au Nid des fondateurs. Quatre clefs… disséminées dans chacune des quatre… salles communes vous… perm…tront d'…vrir le Nid… et …cacher les …cruxes… jusqu'à …rry.
La réalité m'échappait. J'entendais Dumbledore qui parlait, m'adressant un regard azuré des plus agaçants. Je n'avais qu'une envie, c'était de lui percer les yeux à coup de griffes avant de lui trancher la carotide. Mais je ne pouvais pas bouger. Et pour la première fois de ma vie, je m'évanouis.
oOo
Des clefs d'argent tournoyaient autour de moi et disparaissaient les unes après les autres dans des flashs de lumières aveuglantes.
La dernière clef s'effaça enfin sous mon regard vide et je m'effondrai à terre. Je ne fis que garder les yeux ouverts. Ils tombèrent sur le bout d'une barbe blanche.
-Miss Lumare je suppose? Mon homologue m'avait prévenu de votre arrivée.
-…
-Je vais vous amener à Poudlard. Dès ce soir vous serez répartie dans l'une des quatre maisons et pourrez rejoindre vos nouveaux camarades de 7ème année. Vous serez tenue au courant dès que j'aurais trouvé l'emplacement du premier Horcruxe.
Sur ce, il voulut me toucher l'épaule. Mais dans un réflexe fulgurant, je bondis sur lui et lui enserrai la gorge.
-Vous ne m'utiliserez pas comme un pion; sifflai-je, entièrement dirigée par ma fureur de vampire.
Le vieillard abruti essaya de me raisonner, la gorge prise dans l'étau de mes mains. Je lui balançai ses quatre vérités, manquai de le tuer dans la manœuvre. Et finalement, la suprématie des vampires fut démontrée une fois de plus. Dumbledore s'inclina. Le vieillard du futur qui avait mis sans doute des années à échafauder ce nouveau plan pitoyable échouait pour la dernière fois. Son homologue me remettrait l'artefact en état en quelques semaines. Je reviendrai dans le futur et ma première action serait de décapiter ce cinglé.
-Restez tout de même à Poudlard, Miss Lumare; marmonna d'une voix rauque le directeur alors que je relâchais sa vieille gorge déjà flétrie.
Je lui retournai un regard sanglant.
-Des quartiers sont déjà préparés pour vous… J'ai moi-même choisi les rideaux, du rose pastel, habités par une colonie de centaures, ils sont un peu bavards la nuit mais je vous crois capable de vous y habituer.
Un haussement de sourcil fut ma seule réponse. Ce vieillard était complètement fou, même après un bond de trente ans dans le passé.
-Venez Lumare; ses yeux scintillèrent singulièrement. De quoi avez-vous peur?
Je serrai les crocs, rétorquai bien sûr, mais… Une partie de moi était déjà intriguée. Maintenant que j'étais coincée dans le passé, je pouvais en profiter pour rechercher ce qui me manquait. La prophétie… Peut-être…
Je fus répartie dans le bureau du directeur. A Serpentard, bien sûr. Et puis les cloches de la tour Nord sonnèrent le dîner. Je suivis Dumbledore jusqu'à la grande salle, dévisagée dans les couloirs par des hordes de mortels pitoyables. Il ne se rendait même pas compte de leur statut d'inférieur et certainement pas de la différence d'âge qui existait entre eux et moi. Comment pouvait-on penser que je trouverai le bonheur auprès de crétins comme eux?
Je rejoignis Dumbledore sur l'estrade, me tins à sa gauche tandis qu'il faisait faire silence à l'assemblée de ses stupides élèves.
-Bien le bonsoir en cette soirée d'Automne particulièrement chaleureuse! Je sens que la soupe aux champignons des elfes fait déjà saliver nombre d'entre vous… Cependant, je vous prie avant de satisfaire vos appétits d'accueillir comme il se doit notre nouvelle élève. Khorine de Lumare, vampire de son état, qui a été répartie ce soir-même dans la maison des Serpentard.
Un silence de plomb s'abattit sur l'ensemble de la Grande Salle. Je crispai les mâchoires sous la fureur tandis que Dumbledore, un sourire serein collé à son visage d'enfoiré, observait le plafond enchanté. Saloperie, comment avait-il osé divulguer ma nature à cette assemblée de sous-merdes?! Mes iris virèrent au rouge sanglant.
-Un vampire!
Ces mots rompirent l'effroi muet des élèves. Certains se levèrent alors, criant que c'était inadmissible –je les fusillai du regard, imaginant déjà leurs cervelles explosées contre les tables en bois de chêne–. D'autres glapirent de frayeur, principalement des Poufsouffle que je me voyais très clairement éventrer.
-Silence! Reprit encore Dumbledore.
Ma patience s'effritait… Je ne tarderai pas à faire un carnage, étant donné que toute l'autorité de Dumbledore ne suffisait pas à les faire taire.
-Silence; sifflai-je alors, m'avançant sur l'estrade.
Mon regard brûlant de flammes infernales se riva sur chaque âme de la salle. Et cette fois, le silence se fit. Un rictus mauvais effleura le coin de mes lèvres, puis j'en descendis, longeai la table des Serpentard, et m'assis en son milieu. Mes "camarades" me dévisageaient, avec hostilité et une large part de terreur que je savourais. Mais aucun d'eux ne fit d'autres commentaires et Dumbledore ne tarda pas à faire apparaître des plats regorgeants de nourriture aux tables. Je le regardai, narquoise. J'espérais qu'il regrettait amèrement de m'avoir envoyée de force dans le passé! Bien sûr, ses yeux ne reflétaient que de la malice. Il parvenait encore à garder le contrôle de ses émotions, mais bientôt il éclaterait de colère, et ce jour-là j'aurais une nouvelle et excellente raison de l'écorcher vif.
Nos regards se combattirent encore un moment puis se séparèrent. Un blond venait de se lever pour se faire une place à mes côtés.
-Bonsoir, je suis Lucius Malfoy, préfet en chef.
J'hochai vaguement la tête, déjà agacée. Mais l'arrogant mortel continua:
-Tu as été assez… impressionnante.
-Pour un vulgaire mortel, peut-être; lâchai-je en laissant dépasser une canine.
Je l'entendis déglutir presque imperceptiblement. Pourtant il ne s'écarta pas. Presque aussi collant que son fils celui-là… Cette situation était ridicule. Le vieux avait tort, ce ne serait pas différent de trente ans plus tard. Toujours les mêmes idiots, le même vide… Je me perdis dans mes pensées et pus ainsi supporter de rester longtemps dans la même salle que ces ridicules petits mortels. Je sortis en même temps que les autres, Malfoy sur les talons. Il souhaitait peut-être me faire visiter? Mais un sifflement dangereux lui fit vite abandonner l'idée. Il était arrogant, pas suicidaire. Il se contenta de m'adresser un regard clairement mécontent avant de partir, bientôt rejoint par une meute de Serpentard crétins. Moi, je m'éloignai rapidement de la cohue des élèves et empruntai les couloirs déserts de l'aile opposée à la Grande Salle.
Le vide, le silence… Mes seuls compagnons, toujours. Sauf qu'au détour d'un couloir, j'avisai ce qui ressemblait étrangement à un règlement de compte. Un Serpentard était plaqué contre un mur par la magie de deux Gryffondor.
-Classique; reniflai-je avec mépris.
Et j'allais me détourner de la scène lorsque soudain, une tornade rousse apparut en hurlant:
-Potter!
Mon cœur se tordit brusquement. J'haletai, les yeux exorbités.
-Espèce de triple buse, est-ce que tu sais ce que veut dire le badge "préfet en chef" ?! Tu dois aider les élèves, pas les agresser par Merlin!
Je me retins avec difficulté au mur, une main encore sur mon cœur. Ce qui s'emparait de moi était dévorant. Cette fille… Cette fille… Et Potter voulut s'expliquer. Je le vis pourchasser la jeune femme qui partait d'un pas rageur. Il abandonna aussi vite sa victime et son ami et celui-ci, dans un grognement, mit fin au sortilège et disparut. Le Serpentard ne demanda pas son reste non plus et quitta bientôt le couloir. Il ne restait plus que moi, haletant encore, ébranlée par ce qui venait de se passer. Mon cœur, mon cœur s'était contracté! J'avais ressenti quelque chose, là, dans ce couloir, en voyant cette fille. Elle était apparue, resplendissante de fureur et de… vie.
-Quelle soirée!
Je me retournai aussitôt, pour tomber sur le regard malicieux du directeur. Il n'avait quand même pas vu… Oh Merlin. Mes crocs sortirent tout seul, presque par habitude, mais je ressentais encore des frissons me parcourir la colonne vertébrale.
-Suivez-moi, Miss Lumare. Je vais vous conduire à vos quartiers.
J'aurais pu lâcher un sarcasme fielleux, seulement, l'image de cette jeune fille brûlait encore ma rétine. Je suivis sans y penser le directeur qui m'amena jusqu'à la salle des Serpentard. Il me donna le mot de passe, alors même que j'étais submergée par ce que j'avais ressenti. Je n'arrivais pas à m'en remettre. Et c'est sans m'en rendre compte que j'arrivai dans la salle commune, bondée. Tous ceux de ma maison se turent à notre arrivée, mais j'étais dans un autre monde. Les regards mauvais, méfiants ou effrayés glissaient sur moi sans que je les sente. Ce fut sans incident que je traversai la salle et suivis Dumbledore jusqu'à mes quartiers personnels.
-Vous pouvez bien sûr choisir de partager un dortoir avec les étudiantes de 7ème année; proposa Dumbledore.
Je secouai vaguement la tête avant de me perdre totalement dans mes pensées. Dumbledore dut dire quelque chose mais je ne l'entendis pas. Je vis seulement la porte se refermer. Et dès que je fus enfin seule, je m'écroulai à terre, la main crispée sur mon cœur.
-C… C'est impossible.
J'avais ressenti autre chose que mon vide quotidien ou ma colère de monstre. Mon cœur avait réagi! Il… Il fallait que je la revoie.
Le lendemain matin je fus la première à la table du petit-déjeuner, guettant l'apparition de la jeune femme. J'attendais sans rien laisser paraître, prenant soin de garder mes regards indifférents lorsqu'ils se tournaient vers les grandes portes… Toutes mes pensées étaient dirigées vers elle, je ne pouvais échapper aux milliers de questions qui fusaient à son sujet. A quelle maison appartenait-elle? Allait-elle accepter de parler avec moi sans être terrifiée ou dégoûtée? Et si elle l'était, comment allais-je réussir à tenir la conversation alors que le simple fait de la voir me faisait terriblement souffrir?
Un battement de cœur douloureux m'apprit qu'elle était toute proche. Et enfin, elle apparut. En bavardant avec ses amis. Une lueur rouge passa dans mon regard. Je fus parcourue par un frisson de folie dévastatrice provoquée par la… jalousie? Mais le fait de tuer ses amis n'allait peut-être pas lui plaire. Alors je me contins, avec difficulté certes, mais je me contins. Mon regard rougeoyant les suivit jusqu'à la table des Gryffondor. Elle était à Gryffondor! Un léger sourire apparut sur mes lèvres, causant de grandes frayeurs à mes plus proches voisins. Bien sûr que c'était une Gryffondor, sa fougue et sa colère, son courage pour s'être interposée face à deux baguettes magiques et la compassion qu'elle avait montré pour une vulgaire larve de Serpentard étaient bien dignes de sa maison.
Elle était resplendissante dans son uniforme, la seule à qui il allait. Je ne pouvais plus détourner mes yeux d'elle, ma volonté juste assez puissante pour cacher les vives émotions qui me parcouraient.
-Lumare?
Je me détachai difficilement de la rouge et or.
-C'est ton emploi du temps; fit Malfoy en me le tendant, de mauvaise grâce.
-Merci; lâchai-je sans y penser, déjà tournée vers l'expectative de notre prochaine rencontre.
Le blond eut sans doute un sursaut étonné devant cette évidente preuve de politesse. Oui, imbécile, les vampires Sang-pur connaissent aussi la politesse. Et maintenant, du vent! Je crois qu'il m'adressa un regard interrogatif avant de se détourner. Moi, je parcourais déjà avec avidité mon programme. Nous avions deux cours en commun avec les Gryffondor, Potions et Sortilèges, et j'étais certaine qu'elle était en septième année. Après tout, elle semblait bien connaître ce Potter, préfet en chef, donc forcément de septième année.
Heureusement pour ma santé mentale, nous avions un cours de Sortilèges aujourd'hui, aux premières heures de l'après-midi. J'attendis avec impatience, frustrée de devoir suivre des leçons que j'avais intégrées depuis longtemps.
Enfin, après le déjeuner, je me dirigeai vers la classe de Sortilèges. J'arrivai, quelque peu en avance, mais elle s'y trouvait déjà. Seule, à une table du premier rang. Je m'approchai de quelques pas, faisant s'accroître les contractions désespérées de mon cœur. Des halètements douloureux glissèrent plusieurs fois de mes lèvres avant que je ne parvienne à retrouver un minimum de contenance. Je fermai les yeux, puis inspirai et arrivai jusqu'à elle.
-Je peux? Réussis-je à sortir d'une voix rauque en montrant le bureau.
Je la vis relever doucement la tête avant de sursauter, les yeux écarquillés. Mes mâchoires se crispèrent, prévoyant déjà son refus dégoûté.
-Euh oui, bien sûr.
Ce fut à mon tour de tressaillir, imperceptiblement. Elle écartait ses affaires pour me faire de la place. Et puis, elle me souriait.
-Merci; fis-je dans un souffle.
Je m'assis, le cœur battant follement. Faisant des efforts désespérés pour cacher l'émotion violente qui m'étreignait. C'était la première fois de ma vie d'humaine et de vampire que je ressentais ça. C'était tellement fort!
-Je m'appelle Lily, Lily Evans.
Lily… Ce prénom était magnifique, éclatant de pureté et de beauté. Il était digne d'elle.
-Khorine de Lumare; sortis-je de cette même voix rauque, incapable de la contrôler.
J'arrivais à peine à retenir mes tremblements et les expressions bouleversées qui voulaient apparaître sur mon visage.
-Je sais, tu as fait sensation hier soir; fit-elle d'une voix douce.
Mon cœur se crispa de nouveau, et je lâchai sans réfléchir:
-Ma réaction ne t'a pas effrayée?
-Non; fit-elle en m'observant calmement.
Sa douceur et sa gentillesse me transpercèrent le cœur. Je sentais qu'elle était sincère, je sentais la tranquillité de son esprit alors qu'elle conversait avec un monstre assoiffé de sang.
-Le professeur Dumbledore aime bien, en règle générale, faire sensation.
Elle me sourit et je m'empêchai d'avoir une réaction totalement déplacée, comme celle de me tordre de douleur à ses pieds. A la place, je m'obligeai à rester stoïque et même à trouver son comportement dangereux:
-Tu devrais te méfier des Serpentard, encore plus quand ils sont vampires.
Son regard étincela soudainement et Lily se redressa pour m'affirmer:
-Je n'ai pas de préjugés.
Et à l'instant où elle prononçait ces mots extraordinaires, Potter entra en trombe dans la classe. Nous nous tournâmes toutes les deux vers lui et ce que je vis me déplut fort. Il voulait me l'arracher.
-Ecarte-toi d'elle, sale vampire! Siffla-t-il en s'approchant, baguette levée.
-James! S'offusqua la Gryffondor.
Mon regard refléta un éclat de pure haine avant que je ne siffle méchamment:
-Un problème, Potter?
-Oui, toi! Vas sucer le sang des serpents et laisse ma Lily tranquille.
Mes canines commençaient déjà à me démanger fortement. Comment osait-il… sa Lily?! La colère pulsait avec violence dans mon corps et j'étais plus que prête à lui enfoncer mes canines dans la jugulaire, lorsqu'un contact chaud m'électrisa. Je tressaillis sous la stupeur avant de me retourner vers Lily. Elle… Elle me touchait. C'était la première fois qu'on me touchait depuis ma transformation et la première fois de ma vie qu'un contact m'apparaissait comme autre chose que répugnant. Ses doigts autour de mon avant-bras m'électrisaient. Je me calmai aussitôt.
-Alors, qu'est-ce que tu attends pour… Commença Potter.
Mais le professeur Flitwick arriva sur ces entrefaites et l'un des amis de l'arrogant garçon le força à aller s'asseoir.
-Bonjour! Fit le petit professeur en lévitant jusqu'à sa pile de dictionnaires.
La main de Lily quitta alors ma peau. Je ne pus m'empêcher de me tourner vers elle, elle paraissait furieuse.
-James Potter; me le présenta-t-elle, un paon arrogant, préfet en chef. Ne fais pas attention à lui.
Je n'insistai pas et elle ne tarda pas à river son attention sur Flitwick. Lily était intéressée par le cours. Elle prenait des notes avec ardeur, ce qui m'interdisait toute conversation. A la place, je me concentrai pour réguler ma respiration, calmer mon cœur frénétique et essayer d'occulter sa présence de mes pensées. Si bien que je fus totalement incapable de savoir de quoi parlait Flitwick. Je voyais les lèvres parcheminées s'ouvrir et se refermer sans rien pouvoir comprendre.
Et à la fin du cours. Je rangeais mes affaires, tentant tant bien que mal de contenir les tremblements de mes mains, lorsque la voix de Lily s'éleva avec hésitation:
-Khorine?
Je m'obligeai à tourner la tête avec calme.
-Oui? Demandai-je, le visage impénétrable.
-Je crois que nous avons aussi Potion en commun. Est-ce que ça te dirait de… d'être ma partenaire?
Comment pouvais-je refuser? Il est évident que j'acceptai et Lily me quitta, en agitant la main. Elle m'avait acceptée… Merlin, était-ce possible?
Quant à moi je me perdis dans mes pensées le reste de l'après-midi. Nous avions cours de potions Mercredi. Ce qui me laissait juste le temps d'engloutir toutes les connaissances qui se trouvaient dans mon manuel. Je me trouvais donc dans la salle commune de Serpentard, assise dans un fauteuil confortable près d'un bon feu de cheminée, plongée dans mes révisions de potions, lorsque la voix terriblement désagréable de Malfoy me parvint:
-Tu t'es encore pris un sort des Maraudeurs! Quelle pitié!
Et l'ensemble de ses lèche-culs éclatèrent de rire. Je relevai la tête de mon ouvrage et levai un sourcil en détaillant la scène. Elle était étrangement familière. Malfoy tenait le siège de sa victime, sa tête de serpent légèrement penchée vers son oreille pour lui siffler quelques autres railleries, encouragé bien sûr par son public. Malfoy senior en avait quelques-uns de plus que son fils mais la situation était rigoureusement la même. Sauf que cette fois, la victime ne s'enfuyait pas en pleurs pour lui laisser son fauteuil. Manque de persuasion peut-être? J'observai plus attentivement ladite victime… Il était affreusement maigre, sa peau d'une pâleur maladive tirée sur des os saillants; ses cheveux étaient trop gras, ses habits usés jusqu'à la corde et son nez long et horriblement busqué… C'était lui que j'avais vu la veille au soir face à Potter et à son acolyte. Sûrement le bouc émissaire de toutes les 7ème années.
J'eus un reniflement de mépris.
-Tu vas mettre du sang sur ta seule robe propre! Enfin… propre…
Il eut un rictus dégoûté qui déclencha une nouvelle hilarité. Si ce Serpentard avait un brin d'intelligence il laisserait son fauteuil. Et je crois bien qu'il le fit, finalement, entre le moment où je finis ma révision de la Régénération sanguine et celui où je commençai le Polynectar. Arrivée au milieu du manuel, je m'accordai une pause et remontai dans mes quartiers pour me doucher. Puis je m'affalai sur mon lit et repris ma lecture.
La nature vampirique offrait beaucoup de désagréments, certains plus importants que d'autres. Et il était évident pour moi, que l'absence de sommeil arrivait en deuxième place, après -bien sûr- l'immortalité. Après avoir fini ma lecture, je m'appliquai à contempler le plafond, puis la lune par la fenêtre, encore le plafond, les étoiles… D'habitude ça parvenait à m'amener vers un vide de pensée assez proche de l'état de sommeil. Mais aujourd'hui mon esprit était hanté par ce qui s'était passé en Sortilèges. Je revoyais Lily me sourire, Lily me prendre le bras, Lily me parler. Cette fille me fascinait. C'était incompréhensible. Il y avait des milliers d'autres Gryffondors impétueux et épris de justice, à commencer par Saint Potter, fils du désormais connu et exécré James Potter. Mais elle… Il y avait quelque chose dans son regard qui m'éblouissait. Je n'arrivais même plus à réagir correctement lorsqu'elle était là. Et j'avais désespérément besoin de la revoir, de sentir simplement sa présence à mes côtés.
Incapable de faire le vide dans mon esprit, je quittai mon lit et sortis de mes quartiers. Pour combattre l'ennui je ne connaissais rien de mieux qu'une petite chasse à l'homme en solo. J'avais faim. Alors je descendis les escaliers sans bruit, pensant déjà au passage secret que j'emprunterais et au village que j'allais visiter. Les villages Moldus étaient moins dangereux. Ce serait là que j'…
Je m'effondrai en plein milieu des escaliers.
Mon cœur s'étira brusquement dans ma cage thoracique. Douleur! je la sentais se répandre dans mes veines, les écarteler! Solitude… elle m'écrasait, comprimait mon être dans un étau qui se resserrait, se resserrait.
Pire qu'un millier de Doloris, je ne pouvais pas arrêter les violents soubresauts qui me déchiraient. Ma tête frappait contre les marches sans que je puisse m'arrêter, je n'arrivais plus à respirer. Mes poumons me brûlaient, mon cœur se contractait puis s'étirait. Et le sang coulait à flot de mes lèvres. La folie me transperçait la tête. C'était… atroce!
-Aaah! Hurlai-je la tête entre les mains.
Aussi brusquement que la torture avait commencé, elle cessa. Je restai longtemps au sol, cherchant mon souffle, tremblant encore de tous mes membres.
Puis je parvins à me relever, encore hagarde. Ça ne m'était encore jamais arrivé avant aujourd'hui. Le seul moment où quelque chose de semblable m'était arrivé était lorsque j'avais vu Lily pour la première fois. Mais ça n'avait pas été aussi violent, aussi déchirant. Peut-être était-elle en danger!
Non… Non, ce n'était pas ça, je le sentais. Un-un problème avec mon voyage dans le temps. Sûrement. Je serrai les mâchoires en calmant ma respiration erratique. J'étais digne. Digne! Inspiration, expiration… J'effaçai le sang au coin de mes lèvres et le filet qui s'était échappé de mon nez. Oui, mon organisme ne devait pas supporter ce voyage. Saleté de directeur! Mes canines me démangeaient terriblement. Mais le tuer aurait été contraire à mon intérêt. Autant se défouler sur des Moldus. Je sentais mes prunelles rougeoyer dans l'obscurité et ce fut le sourire aux lèvres que je descendis l'escalier pour entrer dans la salle commune. Un Serpentard était encore là.
C'était la victime des 7ème année, je pouvais voir ses cheveux graisseux à la lumière des flammes.
Je reniflai de mépris et m'apprêtai à passer, lorsqu'il releva la tête de son grimoire. Et je rencontrai son regard. D'un noir d'encre, sans fond. Il dégageait une force fiévreuse. C… C'étaient les yeux de…
-Rogue; lâchai-je en grimaçant.
Une violente douleur se répercuta dans tout mon être avant de disparaître, me laissant pantelante, au milieu de la salle commune. Alors… c'était à cause de lui? Non, impossible…
-C'est toi qui a hurlé; lâcha-t-il, un rictus sarcastique masquant toute autre émotion.
Ce n'était même pas une question. Et je ne pris pas la peine de répondre, le fixant seulement un sourcil levé. Non, impossible que ce soit Rogue qui ait provoqué une réaction aussi… violente! Et puis elle avait disparu. Mais toute autre expression que le mépris avait aussi disparu de son visage. C'était peut-être… Non! L'atroce douleur et la solitude qui m'avaient transpercées le cœur ne pouvaient pas provenir de lui! Il ne connaissait que le mépris et le plaisir d'enfoncer un élève. Je ne comptais plus le nombre de fois où il m'avait harcelée de sarcasmes dégradants. A ces souvenirs, mon regard rougeoya de dangerosité et je dus m'obliger à quitter la pièce avant de commettre un meurtre.
Cours de Potion, Mercredi 12 Octobre, année 1977:
J'étais adossée contre le mur, ignorant tous les autres élèves -et par-dessus tout le Serpentard aux cheveux graisseux dont le nez était plongé dans un livre- pour n'observer que Lily. Elle discutait avec ses amies sous mon regard rouge sang. Au moindre geste déplacé vers elle, je les dépeçais vivantes! Mais heureusement –ou bien malheureusement- le professeur de Potion ouvrit la porte avant qu'un incident ne se produise.
Je rejoignis enfin Lily à sa paillasse, le cœur battant. Peut-être avait-elle changé d'avis? Il était évident qu'il fallait être inconsciente pour vouloir rester volontairement en compagnie d'un vampire. Je trouvais sa réaction de lundi dangereuse, accepter que je l'approche, accepter de me parler… Lily était trop crédule, stupide même d'après moi. Mais la sentir à mes côtés me rendait encore plus stupide. Je n'arrivais pas à vouloir être méchante. Tout ce que je souhaitais, c'était de… compter pour elle? J'avais besoin…
-Tes premières journées se sont bien passées? Me demanda gentiment la Gryffondor en sortant son matériel.
Mon cœur se contracta aussitôt… Tant de bienveillance… Lily était exceptionnelle. Et après avoir réussi à réfréner mon trouble, je lui répondis:
-Ça va, les Serpentard évitent de traîner dans mes pattes. Et…
Je vis un sourire crispé apparaître sur ses lèvres et me tut. C'était seulement le professeur de potion, Slughorn. Il avança entre les rangs jusqu'à son bureau et nous fit un sourire jovial. Mais ça ne détendit nullement ma voisine.
-Tout va bien? Demandai-je.
Elle hocha vaguement la tête avant de plonger dans son sac à la recherche de son manuel de Potion. Le professeur parla un peu puis nous autorisa à commencer notre mixture. Lily se rua vers l'armoire à ingrédients et j'eus un sourire en comprenant.
-Tu peux préparer les yeux de tritons? Me demanda Lily, le regard fixé sur le manuel. Il en faut…
-Trois; complétai-je, retenant mes halètements. Coupés en fines lamelles.
Je sentis un peu de sa tension s'envoler tandis que la mienne s'accélérait.
-Tout va bien se passer. Je connais cette recette et je t'arrêterai au moindre problème; essayai-je de la rassurer.
Mais Merlin, je n'étais pas bonne pour ça! Tout ce que je savais faire lors d'une conversation c'était grogner, m'énerver ou lancer un regard vide et dissuasif à mon interlocuteur. Malgré tout, Lily se calma… Elle m'adressa même un sourire un peu plus confiant avant de retourner s'occuper de ses racines de réglisse.
-Tu sais… Fit-elle en les ajoutant tandis que je tournais dans le sens des aiguilles d'une montre. Je n'ai jamais… Enfin…
J'attendis patiemment, ce qui était une première pour moi. Cette fille me rendait vraiment trop… Humaine.
-J'ai souvent été seule en Potion.
J'haussai un sourcil interrogateur.
-Tu as beaucoup d'amies à ce que j'aie vu.
Lily rougit tout à coup, et j'étais à peu près certaine que ça ne venait pas du feu sous le chaudron. Etait-elle embarrassée?
-Eh bien, elles ne partagent pas vraiment mon goût des études et leurs potions récoltent souvent des…
-Des T? Fis-je, légèrement railleuse.
Un sourire victorieux apparut sur mes lèvres. Ces filles ne partageaient pas tout avec Lily! Et je pouvais profiter de cette brèche dans leur amitié pour m'immiscer dans le cœur de la Gryffondor.
Soudain, mes halètements devinrent plus violents. Et je savais malgré moi que ça ne venait pas de la présence de Lily. Je ressentais une joie intense. Un plaisir sans borne! Il explosait en moi.
Et je me tournai vers lui. Je savais que ça venait de lui! Lui! Je lui décochai un regard clairement hostile qu'il intercepta et enfin, la sensation disparut. Ce crétin de Rogue! J'avais failli m'écrouler par terre à cause de lui, et tout ça parce qu'il semblerait qu'il apprécie les potions! Nos regards se percutaient, emplis de mépris, et d'une rage sourde pour moi. Mes crocs et mes pupilles lui laissaient parfaitement voir combien je l'exécrais. Mais la voix de Lily me contint une fois de plus:
-Ça va?
Ce ton inquiet m'électrisa. Je me détournai aussi sec du Serpentard casse-pied et entrepris de sourire à Lily.
-Oui. Rien d'important.
Elle n'insista pas et je retournai à la préparation de notre Nuit sans-rêve.
