Chapitre 2

Bureau de Dumbledore:

-J'ai localisé le premier Horcruxe comme vous pouvez vous en douter.

-Et comme vous pouvez vous en douter, je refuse de vous aider; sifflai-je avec hargne.

-Vous ne pensez pas être concernée peut-être?

-Bien sûr que non, je me fiche de votre guerre et je me fiche encore plus de l'avenir du monde sorcier et du futur rejeton de Potter.

-Vous devriez pourtant… D'après ce que j'en sais, Harry Potter sera l'enfant de James Potter et de Lily Evans.

J'écarquillai les yeux de surprise. Non! Le fils de Lily!

J'avais eu le temps de réfléchir à cette relation avec Lily. Elle m'était vitale… Façon de parler… Mais dangereuse pour elle. Les Serpentard, et Malfoy surtout, semblaient s'y intéresser de trop près. Je devais impérativement la protéger. S'ils s'apercevaient qu'elle était aussi importante pour moi, ils allaient certainement l'utiliser contre moi, la rabaisser, la blesser peut-être... Mais si je laissais suggérer que je me servais d'elle…

Nous étions à la bibliothèque, plongées dans des dizaines de grimoires poussiéreux. Lily parcourait ces livres, notant sur un brouillon les passages qui pourraient lui servir et moi je finissais mon devoir de trois parchemins sur les propriétés de la pierre de lune dans l'Amortentia. Je parvenais de mieux en mieux à calmer les contractions désordonnées de mon muscle cardiaque, les tremblements et les halètements en sa présence.
Quant à Lily, je parvenais à sentir sa confiance en moi. Ses sourires étaient plus fréquents et toujours aussi sincères. Elle m'appréciait. Et pour le prouver, je n'avais qu'à étudier la situation. Elle avait préféré passer son après-midi avec moi plutôt qu'avec ses amis sur les gradins du terrain de Quidditch. J'eus un léger sourire avant de me replonger dans mon travail et je ne fus pas longue à apposer le point final sur mon parchemin.

-J'ai fini! Lançai-je dans un soupir.

-Je peux? Fit la Gryffondor, levant vers moi un adorable regard émeraude.

C'était… impossible de résister. Alors, maugréant, je lui tendis mes feuilles. Elle s'autorisa un sourire victorieux avant de se replonger dans le travail. Moi j'avais fini et m'étirai en soupirant. Cinq heures que nous travaillions! Merlin si ce n'avait été pour Lily, je serai déjà sortie pour profiter des bourrasques de vent frais. D'ailleurs, il fallait que je parvienne à la tirer de ses livres, ne serait-ce que pour quelques heures. Une promenade dans le parc, rien que toutes les deux, serait satisfaisante…

Perdue dans mes expectatives de sorties futures, je ne fis qu'à peine attention à Rogue qui s'installait à une table à l'écart. Mais je fus soudain sortie de mes pensées par un tiraillement dans la zone de la poitrine. Ah non, ce n'était pas encore à cause de ses stupides potions! Furieuse, je me relevai brusquement. Une vague excuse plus tard, je quittai Lily pour foncer vers le Serpentard. Mais je ne tardai pas à découvrir que ça n'avait rien à voir avec les potions. Malfoy était là.

-J'ai toujours aimé martyriser les petits monstres comme toi; faisait-il.

Cinq Serpentard se tordaient de rire, assis autour de la table la plus à l'écart de la bibliothèque.

-Dégage Malfoy; siffla Rogue.

-Pourquoi? Tu devrais être satisfait que quelqu'un s'occupe de toi de temps en temps. C'est pesant à force, la solitude. Et si je ne le faisais pas de mon plein gré aucun doute que tu viendrais te traîner à ma porte pour recevoir un mot ou… une caresse.

Sur ce, l'insupportable blond osa glisser sa main sous le pull de Rogue. Aucun de ces Serpentard répugnants n'eut le temps de faire un autre commentaire déplacé, je me tenais déjà face au blond. Il sursauta à cette arrivée soudaine et arracha sa main du torse blafard de Rogue.

-Eh bien, Malfoy. On se dévergonde?

-Intéressée? Eut-il l'audace de sortir.

Les autres Serpentard lâchèrent quelques rires nerveux. Ma présence avait nettement entamé leur amusement. Parfait… C'était le moment de mettre au point mon leurre.

-Peut-être…

Il eut un sourire charmeur, Rogue un regard de dégoût.

-Mais si tu veux vraiment t'amuser, je pourrais te proposer une Gryffondor assez intéressante.

Malfoy haussa un sourcil, clairement intéressé.

-Tu parles de cette petite Sang-de-bourbe d'Evans, je suppose?

Je me retins difficilement de sortir mes canines. Il n'y eut qu'un bref rougeoiement dans mon regard, que personne ne sembla remarquer.

-Certes. Si elle peut me servir en faisant mes devoirs, elle pourrait tout aussi bien te convenir.

Il eut l'air de réfléchir. Mais une certaine Bellatrix Black lâcha à sa place, d'une voix affreusement aigüe:

-Coucher avec de la vermine?! Tu n'y penses pas sérieusement Lucius!

Elle était outrée, assez pour oser élever la parole en ma présence. Et Malfoy finit par secouer la tête. Ce qui annonçait une relative sécurité pour Lily…

-Non, ça ne m'intéresse pas; finit-il par lâcher.

J'eus un sourire entendu puis lui demandai d'une voix mielleuse:

-Tu es bien plus intéressé par les petits serpents à ce que je vois...

Le blond eut un vague regard méprisant envers Rogue, imité par tous les Serpentard présents, et lâcha:

-Non, c'est par charité que je lui témoigne un peu d'attention. Hein, mon petit Servilus?

Il caressa méchamment la joue de Rogue qui se dégagea aussitôt.

-Même pas reconnaissant! constata-t-il d'un ton se voulant dramatique.

-Et pourtant il le devrait; minauda une blonde.

Malfoy haussa les épaules avec aristocratie puis tourna les talons, bientôt suivi par sa clique. Un dernier: «Sale chauve-souris graisseuse!» plus tard, ces serpents étaient tous partis. Il ne restait plus que Rogue et moi, son regard haineux planté dans le mien. Quelle connerie d'être intervenue aussi vite! J'aurais pu trouver n'importe quel autre moment pour parler au blond. Et puis j'aurais très bien pu supporter quelques pincements au cœur! Agacée par la situation, je sifflai avec fiel:

-Et toi, tu ne pourrais pas lui balancer quelques Sectum Sempra au lieu de te laisser tripoter?

Rogue pâlit aussitôt et moi aussi. Je n'étais pas censée savoir pour son sortilège! Oh et puis merde, il n'avait qu'à penser que j'avais des pouvoirs de divination, du moment qu'il parvenait à se sortir de ce bourbier tout seul et que je n'aie plus jamais à lui sauver la mise! Je lui adressai un regard rougeoyant de colère avant de me détourner de lui sans qu'il n'ait eu le temps de répondre. Non mais, quel imbécile!

Etrangement, deux semaines plus tard, j'appris que plusieurs Serpentard avaient reçu de puissants sortilèges de découpe. Chacun d'eux était resté cloué plusieurs jours sur un lit d'infirmerie. Après ça, Malfoy sembla soudain moins intéressé par Rogue. Un problème en moins.

J'aurais presque pu dire que ma vie à Poudlard était… acceptable. Et je savourais ce truisme secrètement, lorsqu'un hibou se posa devant moi. Il portait le cachet de Poudlard.

Miss Lumare,

Votre présence est requise ce soir dans mon bureau à 19h précise. Munissez-vous d'une cape chaude,

Cordialement

A. Dumbledore

Un sourire sinistre apparut sur mes lèvres. Autant pour moi, j'avais oublié le contexte. J'étais trente ans dans le passé, travaillant à sauver le rejeton de la seule personne que j'appréciais et qui n'allait pas tarder à mourir.

Pour une fois dans ma vie de Serpentard, je faisais passer la joie de quelqu'un avant la mienne. Lily était la seule exception à mes règles. C'était ma première amie, ma seule véritable amie. Et il ne faisait aucun doute que j'allais refuser de repartir dans le futur. J'allais veiller à son bonheur futur et même… à celui de cet arrogant Potter. Quitte à disparaître lors de ma véritable naissance, neuf ans plus tard.

Oui, je resterai. Et je profiterai de ces instants de bonheur volé, que je ne méritais pas d'ailleurs.

-Khorine? M'appela Lily.

Je sortis de mes pensées. Lily venait de finir son devoir de Métamorphoses et m'observait maintenant avec intensité.

-Qu'y a-t-il? Lâchai-je sans parvenir à retenir un halètement.

La Gryffondor rejeta une mèche de cheveux derrière ses épaules et eut une petite moue adorable avant de me demander:

-Je me demandais si tu accepterais de rencontrer mes amies?

J'haussai un sourcil.

-Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Tu sembles la seule ici à l'oublier, mais je suis un vampire.

-Et alors? Rétorqua-t-elle, le regard soudain flamboyant.

Sa réaction provoqua une intense douleur dans ma cage thoracique, que je tentai tant bien que mal de cacher. Lily, heureusement, ne s'en rendit pas compte.

-Elles me paraissaient assez effrayées la dernière fois que je me suis approchée d'elles; marmonnai-je d'une voix à peine trop rauque.

Je m'améliorais...

-Ces préjugés! Tempêta la Gryffondor bien au-dessus du niveau sonore réglementaire dans une bibliothèque. Mais en te parlant je suis sûre qu'elles pourraient changer.

Peut-être, mais je n'avais aucune envie d'engager la conversation avec ces idiotes. Et elle dut le sentir car elle me dit finalement:

-Je voudrais qu'elles voient au-delà des apparences et puis…

Lily se troubla un instant et mon regard s'adoucit considérablement. J'avais noté depuis quelques temps que quelque chose l'embarrassait. Et il ne fallait pas être bien malin pour le deviner.

-… Potter aussi. Si tu pouvais leur montrer ce que tu es vraiment.

Hmm… Rabattre le caquet de cet insupportable Potter était assez alléchant. J'eus un sourire prédateur qui n'échappa pas à Lily.

-Tu vas…

Je complétai:

-… lui montrer qu'un vampire peut-être supportable lorsqu'il le souhaite.

Une vengeance comme une autre, il en resterait abasourdi un bon moment. Ça valait tous les efforts du monde. Et Lily ne tarda pas à comprendre mes motivations.

-Et moi qui pensais que tu le ferais pour moi; bougonna-t-elle.

Un sourire amusé apparut au coin de mes lèvres avant que je ne réponde à mon amie, qui commençait déjà à bouder.

-Bien sûr que je le fais pour toi Lily. Et si ça se passe bien, tu pourras peut-être passer plus de temps avec l'ensemble de tes amies.

-Tu accepterais? Demanda-t-elle, des étoiles dans les yeux.

Mon cœur fit plusieurs bonds douloureux avant que je ne puisse lui répondredans un murmure:

-Oui…

Et je tins parole.
Quelques jours plus tard, je suivais Lily qui m'amenait jusqu'au saule pleureur du parc. Cachées derrière ses branches souples se tenaient cinq Gryffondor qui papotaient allègrement. Elles m'avaient l'air bien stupide… Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire par amitié? Je soupirai, puis traversai le rideau de feuilles. Les cinq idiotes se turent aussitôt.

-Hum… Voilà. Khorine, je te présente Alice Londubat.

C'était une jeune fille potelée, les cheveux blonds attachés en une fine tresse sur le côté. Ses yeux bleu délavé trahissaient son honnêteté et sa gentillesse. Je n'aimais vraiment pas ça. Elle me fit un sourire timide, j'hochai vaguement la tête.

-Emily Vance,

Elle faisait nettement plus Gryffondor. Une crinière de cheveux presque plus noirs que les miens, des yeux noisette insolents et une silhouette plutôt fine. Elle ne fit que me dévisager et je m'obligeai à ne pas montrer les crocs devant ce signe plus qu'évident d'irrespect.

-Elyon Sinistra,

Jeune femme au visage commun, cheveux et yeux brun, quelques tâches de rousseur. Elle avait un air rêveur et m'adressa presque sans y penser un sourire engageant.

-Jeanne et Erica Ducroc.

C'étaient deux sœurs aux cheveux blond vénitien et aux yeux d'un vert vaseux, rien à voir avec les émeraudes de Lily.

-Je vous présente Khorine de Lumare. Peut-être que…

Mais Vance la coupa:

-On avait prévu un Action/Vérité pour cette après-midi, vous jouez?

Elle me déplaisait fortement mais Lily m'adressa un regard tel que je ne pus lui résister. Et Merlin, si j'étais embarquée dans ce jeu puéril autant assumer jusqu'au bout. Je devais me calmer, rester sereine qu'elles que soient les imbécilités qu'elles pourraient sortir. Je le faisais pour Lily.

-Avec plaisir. Quel est l'enchantement que vous avez choisi? Demandai-je en mettant déjà ma main au milieu.

-Pardon? Demanda cette même Vance en fronçant les sourcils.

Je laissai ma main retomber et soupirai. Cette après-midi promettait d'être très longue.

-Les Serpentard ont l'habitude de mentir lorsqu'ils choisissent Vérité. C'est pour cela que nous avons inventé une variante de votre jeu, une version sorcier. Les joueurs font un pacte au début de la partie et si ils le brisent en mentant ou en refusant une Action, le sortilège choisit se met en place.

Les Gryffondor semblaient intéressée. Lily m'adressait un sourire radieux. Merlin, je donnerai mille fois plus de ma patience et de mon temps pour cette expression sur son visage!

-Et qu'est-ce que vous utilisez comme sort? Demanda une des Ducroc, clairement intéressée mais encore sur ses gardes.

-Généralement des sortilèges de métamorphoses corporelles, des pustules apparaissent, des cornes ou des écailles de serpent sur une partie visible du corps.

Quelques-unes des filles gloussèrent.

-Ah, c'est pour ça Mc Nair, il y a deux ans! Ria Sinistra.

J'esquissai un sourire. Après cela, l'atmosphère se fit nettement moins tendue. Ces filles baissaient leurs gardes bien trop vite, de vraies Gryffondor.

-Okay! Lança Vance en positionnant sa main au milieu du groupe. Faîtes un cercle autour de ma main, je vais lancer l'incantation.

Ce n'était qu'une crétine à l'ego démesuré, mais Lily appréciait ses amis. Alors je plaçais ma main au milieu des leurs. Plus maigre et pâle que les leurs, presque translucide. Elles sursautèrent toutes à la froideur de ma peau mais… ne dirent rien. Non. Et je crois même qu'au milieu de la partie, elles en vinrent à m'accepter parmi elles. Stupides Gryffondor. Leur jeu était stupide, leurs petits secrets tellement évidents et elle n'avait bien sûr aucune imagination pour les gages –par Merlin, que n'aurait demandé un Serpentard à un vampire comme moi?-.
Le temps passa, l'après-midi s'étirant, doucement. La brise chaude, les branches du saule pleureur ondulant calmement, et puis le rire de mon amie quelques fois.

-Alors Lily, action ou vérité?

L'air se refroidissait, nous n'allions pas tarder à rentrer… Je ne voulais pas que Lily tombe malade.

-Action; choisit-elle aussitôt.

Encore quelques questions et je ferai cesser le jeu.

-Quelque chose à cacher? Murmura sournoisement Erica Ducroc.

Je levai les yeux au ciel, excédée. Quel besoin avait-elle de le demander? Lily rougit, mal à l'aise et j'allais certainement intervenir lorsqu'une tornade brune arracha brutalement les branches du saule pleureur. Une catastrophe ambulante, appelée Potter.

-Je n'y crois pas! S'écria-t-il en me fixant avec rage. Qu'est-ce que cette suceuse de sang fout ici?

Je m'obligeai à ne rien dire et mes nouvelles avocates ne tardèrent pas à se faire entendre.

-Et toi? On ne t'a pas invité!

-Va-t'en Potter.

C'était tellement prévisible de la part de Gryffondor. Et tellement prévisible de sa part de répliquer:

-Comment pouvez-vous accepter une Serpentard? Vampire en plus! C'est vraiment…

-On ne t'a rien demandé James; trancha Vance.

Mais Lily qui était, en temps normal la première à intervenir, ne dit rien. Elle était encore plus troublée que d'habitude, son regard obstinément tourné vers un point derrière la tête de Potter. Et les halètements que j'avais plus ou moins réussi à retenir reparurent avec plus de force. L'émotion était diffuse mais bien trop présente. Potter, imbécile! Je me levai d'un bond, le regard flamboyant, et lui fis face.

-Il faut qu'on parle Potter, sors d'ici!

-Comme si j'allais discuter bien tranquillement avec un monstre comme…!

Il fut coupé par un cri furibond:

-James!

L'arrogant garçon tressaillit et tourna un regard effaré vers ma meilleure amie. Juste le temps pour moi de l'attraper par la cape et de le traîner hors de l'abri du saule pleureur.

-Suis-moi sans discuter; grognai-je, exécrant déjà la conversation qui allait avoir lieu.

Heureusement, il ne se débattit pas et me suivit en grommelant jusqu'à un arbre éloigné des regards. Les menaces ordinaires commencèrent à sortir, vieille habitude du Gryffondor, avant que je ne le stoppe d'un geste furieux.

-A quoi tu joues Potter?

-De quoi…

Je l'interrompis de nouveau:

-Ton numéro de charme habituel ne marche pas, hein? C'est peut-être vexant pour la coqueluche de Poudlard.

La pure fureur qui embrasa ses prunelles fit apparaître un sourire sur le coin de mes lèvres. Il était d'un naturel hargneux absolument délectable.

-Elle ne se satisfera pas d'une simple liaison avec le champion de Quidditch de Gryffondor. Elle mérite plus. Et si tu n'es pas prêt à avoir une véritable relation avec elle je te conseille de décamper au plus vite.

-Je ne vois pas de qui tu parles; maugréa Potter.

-Elle déteste par-dessus tout, les préjugés. Tu devras faire un effort avec les Serpentard et les… monstres suceurs de sang,pour lui plaire; lâchai-je dans un murmure narquois. Elle est studieuse bien sûr, et je sais que malgré ta stupidité tu es plutôt bon en classe. Parle-lui de cours pour commencer.

Il resta bouche bée un long moment. L'exacte réplique de Potter face à moi lorsqu'il avait compris que j'étais un vampire. Sauf que les yeux de James étaient aussi noisette que ceux d'Harry étaient vert poison. Il avait… les yeux de Lily.

-Sur ce; fis-je en m'écartant, je te laisse cogiter. Je sais combien ça peut être difficile pour toi alors je ne m'attends pas à trop de miracle. Mais sait-on jamais.

Je lui adressai un dernier sourire goguenard puis le quittai. Je crois que le garçon resta un long moment au pied du poirier où je l'avais conduit. Moi je retournai sous le saule pleureur et retrouvai les filles de Gryffondor qui caquetaient et Lily qui m'adressa un regard inquiet.

-Ne t'inquiète pas Lily, je ne lui ai presque rien fait.

-C'est le "presque" qui m'effraie avec toi.

Un sourire mystérieux plus tard, je repris la partie. C'était à Potter d'agir maintenant.

Après un dîner fort divertissant, où Potter n'avait cessé de jeter des regards enamourés vers ma meilleure amie, je prononçai enfin le mot de passe de la salle commune. Quelques serpents étaient déjà là mais un bon fauteuil était libéré près de la cheminée. J'hésitai un instant puis m'en détournai. Non, j'étais bien trop fatiguée par toutes les bêtises qui s'étaient accumulées durant cette journée. J'avais besoin du calme de mes appartements pour faire le point. Je montai donc mon escalier et murmurai le mot de passe. Le tableau s'ouvrit docilement. Mais à peine avais-je fait deux pas dans mon salon que je sentis une ombre se glisser chez moi. Je bondis sur l'intrus et le projetai contre le mur, l'avant-bras tout contre sa gorge.

-Lâche-moi; grogna-t-il.

Et j'écarquillai les yeux de stupeur en voyant… Rogue! Etait-ce une tentative de suicide? Parce que si tel était le cas, je pouvais bien l'aider à mettre fin à ses jours. Un sourire dangereux étira mes lèvres et je resserrai la pression sur sa jugulaire. Son sang battait régulièrement contre ma peau glaciale, la réchauffant…

-Lâche-moi, Lumare!

Je sortis aussitôt de ma transe, le relâchai. Mes canines étaient plus longues que jamais. Je… Je désirais son sang? Non… simplement un manque. Je n'avais jamais été attirée par une de mes proies, le liquide vermeil assurait juste ma survie, rien de plus. C'était impossible que Rogue…

-Qu'est-ce que tu fiches ici? Sifflai-je d'une voix beaucoup trop rauque.

Mes prunelles rougeoyaient, encore fixée sur sa gorge.

-Je t'ai vue au parc avec ces imbéciles de Gryffondor. Evans t'a bien dressée.

Je m'obligeai à rester stoïque et surtout à occulter mon envie de protéger Lily et mon envie de planter mes crocs dans la peau blafarde du serpent. Il me fallait faire preuve d'esprit et manœuvrer habilement pour assurer la sauvegarde de mon amie.

-Tu sembles oublier qui dresse qui, Servilus.

Il ne se hérissa même pas face au surnom insultant. Rogue semblait presque trop sûr de lui. Je devais rester maîtresse de la conversation:

-De plus si je me rappelle bien les petites histoires de cette chère Gryffondor, elle t'aurait bien dressé aussi. Tu aurais même été un bon petit serpent, jusqu'à ce que tu te retournes contre ta maîtresse en 5ème année.

Cette fois, Rogue se tendit ostensiblement. Touché. Mais il finit par redresser la tête, retrouvant son impassibilité, et par quitter le mur. Il avança vers moi alors que je me maintenais dans une pose étudiée, pleine de morgue. Le regard sombre du Serpentard provoqua mes prunelles flamboyantes.

-Je veux que tu me dises pourquoi tu t'intéresses à elle.

Je soupirai intérieurement de soulagement –comprenant qu'il ne dirait rien- alors même qu'un sourire narquois étirait mes lèvres.

-Oh, je vois! Lâchai-je toujours dans le jeu. Tu t'inquiètes pour ton ex-amie et tu vas me prier de ne pas lui faire de mal.

J'éclatai de rire en lui tournant le dos et ne tardai pas à m'affaler avec élégance sur mon canapé. Rogue restait debout, tendu, furieux peut-être? Décidément j'étais bien bête de voir un danger en lui. Je tapai deux fois dans mes mains, murmurai une rapide incantation et un service à thé apparut. Il me servit une tasse pleine que je portai avec délectation à mes lèvres. Mais ce sombre imbécile siffla, le regard soudain tout aussi joueur:

-Après tout, il arrive à tout le monde de perdre le contrôle. Il suffit qu'elle se coupe près de toi… Il suffit d'une seule goutte pour te perdre. Tu auras envie de planter tes crocs dans sa gorge blanche, d'aspirer ce liquide vital si tentateur.

Il s'assit face à moi et se servit lui aussi une tasse. Une joute visuelle s'engagea alors, d'une puissance encore jamais égalée. Rogue était déjà très fort. Amusée, j'entrai dans son jeu:

-Oui… Et mon venin, même si je ne la vidais pas de tout son sang, ne tarderait pas à agir. Ton ex-amie mourrait alors dans les minutes qui suivraient. Une véritable tragédie. Pour toi qui ne lui parle plus depuis longtemps et pour moi qui devrais me mettre à faire mes rédactions à sa place.

Il prit une gorgée de thé puis sa voix s'éleva, plus tranchante et méprisante que jamais.

-Un monstre comme toi ne doit pas connaître le regret.

-Non effectivement; répliquai-je d'un ton nettement plus acide. Il y a tellement eu de corps à mes pieds, tellement de sang sur moi, que la mort de cette gamine m'indifférerait.

Je me tus pour boire une gorgée de thé puis continuai, le regard plus rougeoyant que jamais:

-Ces nuits de meurtres sont grisantes. Tout d'abord la terreur de l'humain qui s'aperçoit que tu n'es pas humaine, ses hurlements lorsque tu le plaques contre le mur d'une ruelle sale. Il sent qu'il n'y a plus d'échappatoire, mais il crie toujours, espérant de l'aide, s'accrochant à sa vie… jusqu'à ce que tes canines transpercent sa jugulaire.

Rogue parvenait de moins en moins à retenir le dégoût sur son visage. Mes lèvres frémirent d'une haine joyeuse –envers lui qui avait osé venir et surtout envers moi, le monstre- et je repris:

-Il est entièrement en ton pouvoir, son corps t'appartient. A ce moment-là, une fois que tu t'es nourrie et qu'il glisse vers l'agonie, tu peux faire ce que tu veux de lui. Il obéit au moindre de tes ordres, se plie à tous tes désirs. Il n'y a rien de plus excitant que ces soirs de chasse… Ils rendent l'immortalité moins longue.

-L'immortalité? S'obligea-t-il à lâcher.

A cet instant, je ne savais même pas pourquoi il continuait ce jeu qu'il exécrait, ni même pourquoi je lui répondais. Jamais je n'avais encore livré toute la monstruosité de mon âme à quelqu'un… Les gens la devinaient la plupart du temps et c'était bien assez suffisant.

-Tandis que tous les petits humains meurent autour de lui, le vampire survit. Il lui suffit pour cela de boire assez de sang.

-… Il ne peut s'attacher à personne; comprit-il, presque contre son gré.

-Bien sûr que non et c'est pour cela que tous les immortels sont des monstres. La vie, ou dans notre cas, la survie n'a de sens que lorsque nous tenons à ceux qui nous entourent. Mais lorsqu'ils disparaissent, il ne reste plus rien… Plus personne à qui se raccrocher, plus d'envie, plus de désir!

Ma voix montait, la colère grondait en moi.

-Ce sont des morts-vivants… Lâchai-je finalement en reniflant de mépris.

Il y eut un silence. Rogue m'observait de son profond regard onyx, immobile et grave. L'atmosphère de la pièce était tendue, presque douloureuse pour moi… C'était la première fois que je faisais voir, ne serait-ce que d'aussi loin, la torture que je subissais. Je crispai les mâchoires et détournai la tête vers le feu. Il n'avait qu'à sortir de mes quartiers s'il ne supportait pas mes paroles. Insupportable serpent! Seulement il ne partit pas en courant. Rogue se contenta de m'observer, puis il but une gorgée de thé, reposa sa tasse et regarda lui-même le feu.
Jamais je n'aurai cru que Rogue… Rogue!... puisse être capable d'empathie, ou d'au moins d'assez de considération pour rester.