Chapitre 3

Bureau de Dumbledore, révélation au sujet des clefs à trouver

-Le dernier Horcruxe se trouve à Gringotts mais de nombreux coffres me sont encore interdits.

-Je me fiche de vos excuses; sifflai-je, décidément de mauvaise humeur. Appelez-moi quand vous aurez des éléments concrets.

Et le regard azur de Dumbledore me lacéra. Je crispai les mâchoires, les pupilles virant au vermeil. Le vieillard me tapait sur le système, et bien plus encore le fait qu'il m'empêche de profiter d'une soirée avec Lily... et ses amies. J'avais été invitée dans la salle commune des Gryffondor après tout. Le silence s'étira. Dumbledore et moi nous faisions face. Puis il reprit la parole pour m'annoncer:

-J'ai décidé de cacher les Horcruxes en dehors de mon bureau.

-Merveilleux; grognai-je en croisant les bras.

Le vieux m'ignora:

-Dans le Nid des Fondateurs pour être exact. Et pour cela, il faut que vous vous procuriez quatre clefs.

Je soupirai, mais me concentrai davantage. Des clefs?

-Les clefs des quatre fondateurs de Poudlard. Cachées respectivement dans les quatre salles communes de l'établissement.

J'hochai la tête, sachant inutile toute tentative d'argumentation. Ce vieux fou s'arrangeait systématiquement pour avoir le dernier mot.

-Vous devez savoir Miss Lumare que le château lui-même puise une partie de son énergie dans ces clefs. Et que celle-ci ne peut se renouveler qu'à chaque pleine lune.

… Il n'y avait sans doute pas assez de difficultés pour lui; pensai-je en grognant. Ou alors ne trouvait-il pas mieux que de tester ma volonté de protéger Lily? En tout cas sa nouvelle mission était… Je fronçai les sourcils.

-Je ne risque pas d'affaiblir le château en prenant les clefs?

Dumbledore releva doucement son regard azur vers moi et la lueur attendrie que j'y décelai me gêna prodigieusement.

-Non Miss, j'y veillerai.

Un nouveau silence apparut. J'étais plongée dans mes pensées et évitais bizarrement les yeux du vieillard fixés sur ma personne. Puis:

-Vous devrez réciter certaines formules que je vous enseignerai, Lumare. Et… vous devrez remporter certaines épreuves en relation avec les valeurs de chacun des fondateurs.

Que ce programme semblait réjouissant!

Vendredi, cours de Potion

-Je n'ai pas oublié de dire que la tétrodotoxine utilisée devait venir du foie des poissons-globes? Et que c'était l'ingrédient premier de la Combozombie?

-Mais non, Lily; murmurai-je.

Nous étions en cours de Potions, les chaudrons bouillonnaient doucement en cette fin de deuxième heure. Tout était calme… Le Serpentard n'avait rien ressenti ou pensé d'idiot et j'avais pu entièrement me concentrer sur ma respiration et les battements désordonnés de mon cœur. La proximité de la Gryffondor était toujours aussi insupportable que grisante.

-J'ai bien parlé de la scopolamine et du système nerveux parasympathique?

Merlin, j'aurais dû freiner la préparation de la potion! Cela lui aurait évité de s'inquiéter ainsi pour sa note à notre dernier devoir.

-Et des récepteurs nicotinique et muscarinique?

Dans ces moments, j'avais appris qu'il valait mieux la laisser faire. Je me contentai donc de l'observer, en affichant un air blasé. Quoi que secrètement retournée, elle vivait si intensément, cela me faisait mal parfois, cette vie, cette passion…

-Hum… Bien! Fit le professeur Slughorn en prenant un paquet de parchemins. Finissez la dernière étape, écrivez les derniers mots sur votre compte-rendu, les deux heures sont finies.

Lily se tendit un peu plus.

-J'ai juste le temps de vous remettre vos devoirs qui sont, globalement, assez décevants…

Merlin, les mots qu'il ne fallait pas prononcer! Lily devint plus blême que jamais. Et parvins à devenir plus pâle encore alors que le professeur passait dans les rangs. Sans surprise, je l'entendis féliciter Rogue pour son Optimal. Puis il arriva à notre table:

-Bon travail Miss Lumare; fit-il sans me regarder –ma nature n'était pas acceptée par tout un chacun-, vous recevez un Exceptionnel.

Je jetai un regard vide à ma feuille surmontée d'un E rouge sang, puis reportai mon attention sur Lily. Celle-ci se tenait tendue face à Slughorn.

-Ah, miss Evans; commença Slughorn en cherchant dans ses parchemins. Votre devoir était… plus que complet, je vous ai mis un Exceptionnel.

Son soulagement fut tellement intense que mon cœur sembla exploser. Je me retins difficilement à la table, essuyant le sang qui avait menacé de dégoutter de mon nez. Et puis je m'étais relevée pour apercevoir le visage radieux de Lily.

-Un E!

-Félicitation Lily, tu as bien travaillé; dis-je en lui souriant.

Et j'entrevis la joie qui irradiait dans ses traits avant qu'une nouvelle vague de douleur ne me submerge. Une tristesse… infinie… Cette solitude écrasante et ce b-besoin…
Saleté de R-Rogue!
Je crispai les mâchoires en me tournant vers lui et croisai aussitôt son regard. Il était à deux paillasses de nous, mais l'intensité de ses prunelles obsidiennes était quasi insupportable… Trop de douleur. Je lui lançai mon regard rougeoyant le plus convaincant. Et le sien finit par ne plus rien exprimer.

Combat de couloir

-Je ne pensais pas avoir au-dessus de la moyenne! Lança Lily en sortant de cours.

Et le fait non seulement qu'elle se confie à moi mais surtout qu'elle sorte de classe sans attendre ses amies me fit retrouver le sourire. Pour une fois que je ne devais pas souffrir de leurs idioties.

-Tu dis ça à chaque fois; la taquinai-je.

Et Lily entortilla une de ses mèches rousses en rougissant. C'était si beau, cette vie, ces sentiments qui tourbillonnaient autour d'elle, ce cœur consumé continuellement par la passion!

-Merci de m'avoir aidée…; murmura-t-elle.

Je souris doucement.

-De rien.

Mon regard était posé sur elle avec une… tendresse, impossible à endiguer. Impossible… Et cette envie de la voir heureuse. Sourire amusé, alors que je demandai:

-Et James, il a eu combien?

Mon amie rougit aussitôt.

-Un… Un E aussi, je crois.

-Quelque chose me dit que tu lui as donné un coup de main; continuai-je.

Et à ce que je vis de la rougeur de ses joues, j'avais visé juste. L'émotion qui lui échappait était si claire et puissante… Pure… Mais je ne m'empêchai pas de la taquiner encore un peu. Nous traversâmes deux couloirs ainsi, nous dirigeant vers la bibliothèque; lorsque la voix de Potter éclata dans un corridor à proximité:

-Dégage de là, Servilo!

Nous nous tournâmes d'un même mouvement vers le couloir. Et ce fut sans surprise que je reconnus Rogue, baguette à la main, face à Black et à Potter. Je soupirai tant la situation était familière. Mais… Je fronçai les sourcils en détaillant Rogue, pas de colère? Quelque chose n'allait p…

-Expell…

-Potter! Hurla Lily en fusant vers lui.

Et ce dernier de se retourner dans un sursaut alors que son sort se formait à l'autre bout de sa baguette. J'écarquillai les yeux de terreur juste une demi-seconde avant que la magie ne déflagre vers Lily.

-Non! Sifflai-je.

Lily recula d'un pas, pétrifiée, avant que je ne la prenne dans mes bras pour la plaquer contre un mur. Le sortilège fusa dans mon dos et s'écrasa au fond du couloir. Lily tremblait contre moi et moi… j'étais ivre de fureur. Je m'éloignai violemment de mon amie, les yeux plus rougeoyants que jamais et fixai les trois imbéciles face à moi. Spécialement ce Potter, répugnant mortel.

-Sale mortel, répu…

-Non; murmura Lily.

Et je serrai difficilement les mâchoires. Ma rage était tellement palpable que Potter déglutit en reculant, ainsi que Black. Quant à Rogue, il semblait trop stupéfié pour réagir. Je reniflai de mépris. Puis, d'un pas mesuré, m'avançai vers ce sale Gryffondor qui avait osé l'attaquer.

-Khorine; m'appela encore Lily.

Je crispai les poings puis me penchai vers l'oreille d'un Potter pétrifié par l'horreur.

-Tu t'avises encore une seule fois de l'attaquer et je te transperce la carotide; lâchai-je d'une voix rauque.

Il ne m'en aurait pas fallu beaucoup pour mettre aussitôt ma menace à exécution. Mais il ne fit pas un geste, se contentant de gémir:

-J-je suis désolé. L… Lily!

Elle avait eu peur, était maintenant en colère et elle partit furieuse. Seulement, quelque chose en elle appelait Potter. Elle voulait… qu'il la rejoigne. Et c'est ce qu'il fit sans que je ne l'en empêche. J'entendis le Gryffondor courir derrière mon amie en l'appelant et je soupirai. Quel idiot! Fermant mes yeux rouge sang, je tentai de reprendre le contrôle de moi-même. Calme… Calme… Lorsque je les rouvris, Black et Rogue étaient encore là.

-Un problème Black? Lâchai-je dans un sifflement on ne peut plus menaçant.

Et celui-ci fit d'ailleurs mieux de fuir sans demander son reste. Ne resta alors plus dans le couloir que Rogue et moi, nous faisant face. Le plus étrange était son regard, maintenant victorieux, et son sourire sarcastique.

-Ose nier que tu ne tiens pas à elle; ricana-t-il en se remettant sur pied.

-Ose le répéter; rétorquai-je, et tu seras mon prochain repas.

Il serra les mâchoires et une puissante émotion me serra le cœur, avant de disparaître. Son regard impénétrable me fixa de nouveau. Tandis que le mien rougeoyait. Oh… son sang…

-Tu es blessé? Sortis-je d'une voix rauque.

Question purement rhétorique. L'odeur était tellement alléchante, et mes canines se développaient un peu plus. Hum… trop longtemps que je n'avais pas…

-Intéressée? Ricana-t-il.

Ce fut à mon tour de serrer les dents. Son regard était vainqueur et on ne peut plus sarcastique. Alors qu'il n'était pas dans ce que l'on appelait communément une situation enviable.

-Tu devrais… lâchai-je avec difficulté; éviter de me provoquer dans… des moments pareils.

J'étais trop près, son sang, des sentiments brouillés, mon cœur au rythme erratique… C'était trop… Je me retins au mur, la gorge sèche, la respiration difficile. Et Rogue fit un pas dans ma direction. Non!
En une demi-seconde je l'emprisonnai contre le mur de pierre. Mes yeux rubis se fixèrent sur la blessure à sa clavicule saillante. Hum… si proche de sa jugulaire…

-Laisse-moi; prononçai-je d'une voix bien trop rauque…

Rogue ne bougea pas. Ne fit pas même un geste pour se libérer. Tellement difficile de se retenir! J'haletai. Ce n'était plus une envie, j'en avais besoin. Mes canines se rapprochèrent encore de son cou, encore un petit peu. J'imaginais déjà la texture de sa peau pâle, le moment où j'y enfoncerai les crocs et le sang qui coulerait dans ma gorge. Je… Je me retins au dernier moment. Et ma tête chuta dans le creux de son cou. Tellement dur. Son sang était trop alléchant et ces liens brûlants qui m'enserraient la poitrine…

-… te soigner.

Et Rogue de tressaillir. Je le sentais fixer le couloir les yeux écarquillés, retenant sa respiration et surtout, je sentais son cœur battre plus vite. Ha… le bâtard graisseux avait un cœur… qui battait… Et des sentiments… qui se brouillaient en moi.
D'une main tremblante je sortis ma baguette et la posai sur sa blessure. Une incantation plus tard, le sang avait disparu.

-Lumare? Appela-t-il étrangement.

Cette voix… envoûtante? Un frisson me parcourut; avant que je ne revienne à la réalité. La réalité du moment et de nos positions. J'étais tout contre lui, la tête nichée dans le creux de son cou, les poings serrés posés contre son torse et… Il m'enlaçait de ses bras maigres. Je m'écartai aussitôt, violemment! Comment est-ce que j'avais pu me laisser aller ainsi?! Mon regard flamboyant de rage se fixa sur Rogue.

-Ne recommence jamais ça! Sifflai-je avant de me détourner dans un envol de cape furieux.

Imbécile suicidaire!

Première clef (Poufsouffle)

Je commençai ma quête des clefs par celle des Poufsouffle, le plus facile en premier. Ces petits idiots n'étaient que faiblesse et lâcheté. Ce que l'on prenait pour de la loyauté, une merveilleuse union de cœurs, n'était qu'un mensonge d'élèves pathétiques qui avaient peur de s'avouer combien ils étaient seuls. Une maison dont les principes n'étaient fondés que sur des faux-semblants ne pouvait décemment pas m'empêcher de prendre sa clef. Voilà pourquoi, à une heure du matin passée je filais à vitesse vampirique vers leur salle commune. Chourave n'allait pas tarder à y jeter un dernier coup d'œil avant de finir sa ronde de nuit. En l'attendant, je me cachai dans une alcôve, à quelques pas de leur salle commune, et attendis… L'épreuve pour obtenir la clef ne devait pas être des plus ardues. Rester une minute en équilibre sur un pied? Faire voler un oreiller d'un Wingardium Leviosa? Je ricanai. Mais des pas se répercutèrent dans le couloir du deuxième étage. Ceux de Chourave si j'en croyais sa démarche clopinante. Hmm… Oui, c'était bien elle; compris-je en la voyant s'approcher. Et puis, en toute objectivité, jamais l'un de ces trouillards de Poufsouffle n'aurait l'idée de se balader après le couvre-feu.

-Fidem invicto; murmura la jeune femme rondouillette.

Elle jeta un coup d'œil derrière le tableau, remit son petit chapeau en place et j'en profitai pour fuser dans l'ouverture. Elle ne dut sentir qu'un bref courant d'air tandis que le tableau se refermait doucement. Je l'entendis s'éloigner en bâillant puis quitter le couloir pour de bon. Parfait… Je quittai l'ombre d'une tapisserie derrière laquelle je m'étais cachée et laissai mon regard rouge sang se poser sur la pièce. Jaune et noire… Chaleureuse… De gros poufs réunis dans chacun des quatre coins, des canapés jaune canari près de la cheminée… Quelques sucreries dans des pots… Pitoyable. Mais il y avait tout de même un peu de pouvoir. Je pouvais en sentir les vagues. Et cela venait des statues fondues dans le mur de gauche. Je m'en rapprochai et les détaillai avec attention. Une sorcière tenant un blaireau dans ses bras, un gros animal à leur pied lové autour d'une opale, plusieurs terriers à la devanture sertie de citrines et d'agates jaunes. Je me concentrai un bref instant, puis mon regard se scella à celui de la boule de poils qui protégeait sa pierre. Il la tenait.

-Gardien de la clef; dus-je alors marmonner conformément aux instructions du vieux fou, ton allégeance de nouveau révélée sauvera le cours de nombreuses destinées. Par le lien des Fondateurs je requiers la clef d'Helga Poufsouffle, artefact liant la vie au souffle du Nid.

Puis j'approchai ma main pour me saisir de la pierre. Mais la créature m'en empêcha dans un grondement sec. Sa grosse tête de pierre était maintenant dressée, ses mâchoires desserrées laissaient apparaître des crocs encore aiguisés malgré les siècles passés. Merlin, ça ne m'aidait pas.

-La pierre; sifflai-je, menaçante.

Et le blaireau, car ç'en était bien un, de ricaner:

-Ce ne sera pas par une formule de deux lignes dûment formulée que la clef de Poufsouffle te sera octroyée.

Je croisai les bras, déjà irritée alors que la statue entonnait:

-Celui qui à la clef voudra accéder devra d'un amour pur être doté. Ainsi ne s'ouvrira la porte rosacée qu'aux personnes capables d'aimer.

-Eh bien moi j'en suis incapable, mais ça ne m'empêchera pas de prendre la pierre! Balançai-je en attaquant aussitôt.

Et cette fois le blaireau n'eut pas le temps de réagir. J'agrippai le caillou, la baguette déjà en place pour faire exploser la patte de l'animal, mais un éclair intolérable s'infiltra dans mon esprit et je… reçus la clef dans les bras. Déséquilibrée, je tombais à la renverse, l'opale tout contre ma poitrine et haletai douloureusement. Le blaireau ricana à quelques pas de moi.

-Tu es incapable d'aimer un de tes semblables? Pourtant je n'ai pas eu à creuser bien loin pour trouver celui dont tu avais besoin.

J'hoquetai… Celui? Impossible, si jamais j'aimais quelqu'un ce devait être Lily.

-Mais Lily… Protestai-je.

-Le besoin de leur présence est bien inégal, gamine à la crétinerie abyssale; il ricana encore. Et tu n'y comprends vraiment rien. La fin du chemin est bien loin.

Il m'adressa alors un sourire aiguisé et moqueur que je ne supportais pas longtemps. Je rétrécis la pierre, les yeux rouges de fureur, avant de filer dans un envol de cape. Quel blaireau!

Salle commune Serpentard, Vendredi

Je lisais au coin du feu de la salle commune en ce Vendredi soir. Fauteuil confortable, flambée fournie, le livre était divertissant, traitant de la vie du sorcier Frankenstein célèbre pour sa créature. Je me sentais apaisée ainsi près du feu, plongée dans la Suisse du 19ème siècle, vaguement consciente de la présence de Rogue travaillant sur son manuel de Potion à quelques fauteuils de moi. En fait, dans le but d'être franche -ce qui ne m'arrivait pas souvent- il fallait avouer que j'avais quitté mes quartiers pour être plus proche de lui. De par je ne sais quelle magie, je sentais toute la calme félicitée que lui procurait l'étude des Potions. Ca m'aidait à me concentrer. Les battements de son cœur et le bruissement des pages qu'il tournait formaient une mélodie calmante. Il n'était pas ainsi dans le futur; plus renfrogné, impassible ou venimeux. D'ailleurs, c'était étrange qu'il y ait cette espèce de lien avec le jeune Rogue et pas avec sa version plus vieille… A moins que ce ne soit ses barrières mentales qui m'empêchaient de percevoir ses émotions?

-… Rogue…

Mon oreille se tendit. A un couloir de la salle commune, j'entendais déjà la voix horripilante de Malefoy. Parlant de Rogue?

-Bonne leçon… S'il a pensé que quelques sortilèges…

Mon ouïe n'était plus aussi fine qu'avant. J'avais perdu de mon acuité sans entraînement, dans un endroit où je me sentais en sécurité. Quelle poisse!

-… Peut-être pas là; fit observer Narcissa Black.

-… Dortoir… Attendrons qu'il…

Ils étaient cinq Serpentard, à quelques pas du tableau gardien. Un danger de plus pour Rogue. Je me levai aussitôt avec toute la grâce attendue d'un vampire pour être en une demi-seconde derrière le dossier de la future chauve-souris graisseuse:

-Tu as quarante secondes pour rejoindre mes appartements avant qu'ils n'arrivent, le mot de passe est ardens caedis (latin: avide de sang).

Il n'eut qu'à peine le temps de lever son nez aquilin de son manuel avant que je ne retrouve ma place initiale. Personne n'y avait fait attention. Le regard rivé sur mon livre, je sentis Rogue hésiter. Ses yeux sombres me scrutèrent de derrière le rideau graisseux qui lui servait de cheveux. Puis il se leva, rangea ses manuels. Lucius et ses serpents allaient prononcer le mot de passe… Heureusement, au moment où ils entrèrent dans la salle commune, la cape de Rogue disparaissait déjà dans l'escalier menant au dortoir.

-Il n'est pas là; siffla Lestrange.

-Patience… Nous le piégerons dans son dortoir.

Le groupe se déplaça vers l'escalier et c'est là que je me rendis compte, que Rogue s'y tenait toujours. Il les attendait, cet idiot!

-Malefoy! Appelai-je, un peu trop précipitamment.

Il se retourna majestueusement, les sourcils froncés. Ses cheveux dorés semblèrent capter, un instant, la lumière des flammes. Ses yeux acier remarquables m'interrogeaient.
Et son petit groupe se stoppa.

-Je voudrais m'entretenir avec toi, maintenant.

Je me levai, il me suivit. Heureusement Crabbe et Goyle senior, Black et Lestrange choisirent d'attendre dans la salle commune.

-Lumare, un problème? Demanda-t-il d'une voix traînante.

Je l'avais entraîné près des colonnades de l'entrée loin des autres et, jamais trop prudente, avait créé un Silencio autour de nous. Ainsi désormais, je me tenais coupée de toute oreille indiscrète, face à un Lucius Malefoy aux yeux bleu acier, au maintien narcissique, au sourire suffisant… Il ne me craignait même pas, c'en était vexant.

-Je ne crois pas, pas encore.

Il y eut un léger silence, Malefoy me toisa, je lui renvoyai un regard où se distillaient la menace et la froideur. Il y semblait habitué déjà, n'en prit pas ombrage.

-Que veux-tu?

Ses yeux étaient d'une pureté trompeuse.

-… Un animal de compagnie.

Un air de connivence apparut aussitôt sur le visage de Malefoy tandis que je tournais vaguement la tête vers ceux qui l'attendaient, nous observant avec ce qu'ils pouvaient de discrétion.

-J'apprécierai qu'il ne lui soit fait aucun mal; continuai-je. Nul besoin de te préciser que je n'aime pas qu'on touche à mes affaires.

Nous nous affrontâmes du regard. Si Lucius avait compris, il devait tenir à ses petites distractions. Mais finalement, rien ne valait la peine de se mesurer à un vampire. Il soupira:

-Bien. Donne-moi son nom, je veillerai à ce qu'aucun de mes Serpentard ne le touchent.

-Rogue.

Il haussa un sourcil, hautement surpris.

-Rogue? Mais qu'est-ce que tu peux trouver à ce pitoyable sang-mêlé?

Je ricanai en pensant à l'acharnement de Malefoy le concernant. Depuis combien de temps le harcelait-il dans la bibliothèque, la grande salle, ou ici-même dans l'antre des Serpentard?

-La même chose que toi je présume. Un divertissement.

-Certes; murmura-t-il en réfléchissant.

Mais il savait où se trouvait son intérêt et finalement soupira de nouveau, d'une manière on ne peut plus théâtral:

-Bien, j'accède à ta demande.

Il y eut un léger flottement durant lequel ses yeux de Serpentard me jaugèrent et où j'attendis bien consciente qu'il ne laisserait pas passer une chance comme celle-ci. Et effectivement:

-Mais en contrepartie…

Que disais-je?

-… j'attends que tu me rendes un service.

J'haussai un sourcil, attendant, Malefoy eut un sourire on ne peut plus Serpentard. Dans la salle commune à présent, de nombreux visages étaient tournés avec plus ou moins de discrétion vers nous, les conversations semblaient moins nourries. Le prince des Serpentard arguant avec un vampire sans qu'il soit même possible d'entendre la conversation. Cela avait de quoi rendre ses petits serpents nerveux, et peut-être Rogue aussi, d'après ce que je sentais.

-Il y a un livre dans la Réserve; fit-il ses yeux gris soudainement plus froid. Un livre de magie noire. Vole-le pour moi.

J'eus un pressentiment:

-Il est pour ton maître?

Et celui-ci tressaillit. Ses cinq serpents se levèrent d'un même mouvement. Malefoy ne sembla pas s'en rendre compte, occupé à me scruter avec une pointe de panique. S'il pensait que je trahirai son secret, ou la mission que Face-de-serpent lui avait confiée, il devait effectivement mourir de peur.

-Je ne dirai rien; promis-je en hochant la tête.

-Lucius? Appela Lestrange.

Celui-ci secoua la tête, semblant se reprendre. Et même ce geste anodin était gracieux chez lui. Quelques mèches blondes avaient effleuré sa joue dans le mouvement, il les rejeta. Ses doigts pâles, sa joue, sa gorge marmoréenne. Mes yeux virèrent au rouge vif. Puis je me repris. Lui aussi, rejetant ses camarades vers les fauteuils. Sa voix résonna de nouveau dans notre bullede Silencio:

-Je veillerai à ce que tu ne dises rien.

Un semblant de menace, qui lui permettait de reprendre pied. Bien que nous sachions tous deux, combien elles étaient vaines face à un vampire.

-C'est un grimoire du XVème siècle; lâcha-t-il finalement, de Joseph le Rouge. Il avait sept manuscrits d'expériences. Je veux le troisième.

Il avait beau le cacher, il était mal à l'aise. Le danger de la situation l'inquiétait. Et le fait qu'il devienne plus nerveux me concernant n'allait pas arranger mes affaires.

-Tu l'auras demain.

Foutu Rogue! J'allais perdre du temps par sa faute, à esquiver la surveillance que Malefoy ne tarderait pas à placer autour de moi. Mais je ne pouvais changer le marché, soupirant je lançai le contre sort à ma protection Silencio.

-Le grimoire sera sûrement enchanté; me prévint-il assez discrètement pour que personne ne puisse encore entendre.

Et j'hochai la tête.

-Ne t'en fais pas pour ça. Je sais ce qu'il me reste à faire.

Et sur ce, nous nous séparâmes. Je survolai les regards craintifs ou méfiants qui me suivaient, partis reprendre mon livre sur le bras de mon fauteuil, puis quittai la pièce. Nul doute que Malefoy allait informer ses serpenteaux du changement de situation. Quant à moi, j'allais avoir une petite conversation avec un certain Serpentard trop maigre, au grand nez, aux cheveux graisseux, qui était aussi borné qu'incroyablement agaçant. Celui-ci avait quitté sa cachette dès que j'avais brisé le Silencio, il devait maintenant attendre dans mes appartements. En tout cas je l'espérais pour lui. J'étais bien capable de venir le chercher dans son dortoir!

-Ardens caedis.

Le portrait des disciples de Salazar Serpentard s'ouvrit devant moi. Je le traversai puis le refermai tandis que je m'apercevais de la présence de Rogue. Rogue, qui ne faisait même pas semblant de lire pour se faire oublier! Non, il croisait les bras dans mon fauteuil, son regard de suie brûlant de colère.

-Peut-on savoir ce qu'il te reste à faire Lumare?

-Peut-on savoir pourquoi tu es resté bien sagement à les attendre devant les escaliers? Rétorquai-je dans un grognement.

-Répond; siffla-t-il alors.

Ce Serpentard avait un réel don pour m'agacer, et puis il ne me craignait même pas, perdrais-je la main?

-Surveille tes paroles, Rogue. Je commence à me lasser d'épargner ta misérable vie.

Ma voix était polaire et mes iris viraient au vermeil. Je commençais vraiment à en avoir assez. Soit, je l'avais protégé -je me demandais encore pourquoi- mais maintenant j'avais autre chose à faire qu'attendre gentiment qu'il m'insulte ou me fasse regretter mon geste. D'autant plus qu'il était assez stupide pour aller au devant du danger. On aurait dû l'envoyer à Gryffondor, Poufsouffle à a limite tellement son comportement avait été idiot!

-Tu ne peux mordre personne à l'intérieur de cette école; grinça-t-il, Dumbledore…

Je le coupai:

-Imaginons que je commence à me lasser. Une hypothèse comme une autre. Il ne me reste plus qu'à m'abreuver du sang du Serpentard le plus stupide de la création et à filer! Ca n'a rien d'impossible lorsqu'on y pense.

Il renifla, retroussa son grand nez aquilin en repoussant sa barrière de cheveux graisseux de son visage. Ses prunelles et le lien me laissaient comprendre un panel étonnant d'émotions. Peut-être de la gratitude? On ne savait jamais avec Rogue…

-Ils m'auraient rattrapé dans les dortoirs de toute façon.

Merlin…Je soupirai puis me décidai à avancer pour m'effondrer dans l'autre fauteuil. Mes yeux étaient de nouveau bleu océan, l'orage était passé. J'étais fatiguée.

-Dis-toi qu'ils ont autre chose à penser maintenant; laissai-je entendre tandis qu'il haussait un sourcil. Tu peux partir.

Rogue recroisa les bras… puis ne bougea pas d'un pouce. A cet instant, toute personne censée aurait déjà bondi de son siège pour courir vers la sortie.

-Je ne te crois pas.

Je ne pus m'empêcher de le dévisager étrangement. Certes, nous avions déjà prouvé qu'il avait une certaine tendance suicidaire, mais de là à me défier ouvertement! Même Malefoy ne le faisait pas. Et puis qu'est-ce qu'il comptait faire? Il ne s'attendait tout de même pas à…

-Tu ne comptes quand même pas rester ici? Lâchai-je en haussant un sourcil.

-Comme si tu pouvais m'en empêcher.

Merlin, pourquoi moi? Les Serpentard ne devraient pas être aussi suicidaires, surtout celui-ci! Je lui lançai un terrible regard, tirant sur le rouge, mais il ne semblait toujours pas disposé à me faire des vacances. Alors, pinçant l'arête de mon nez entre mes doigts, j'abandonnai.

-Tu es épuisant Rogue.

Et il prit ça pour une invitation. Un rictus sarcastique aux lèvres, il sortit son manuel de potions, une plume et des parchemins et se mit à l'aise dans mon fauteuil. Je grognai, puis rouvris mon livre de Frankenstein. C'était la faute de Lily tout ça, elle me rendait trop conciliante et je perdais la main… En fait, j'eus beau commencer par m'insulter copieusement, au final je savourai plusieurs heures de lecture au coin du feu de mes appartements en compagnie de Rogue. Il était en sécurité ici et la mélodie du froissement des pages, de son sang coulant à flot, me berçait… Lorsque je revins à une conscience plus aigüe de ce qui m'entourait, je m'aperçus du feu mourant dans la cheminée, de la lune descendante dans le ciel d'un noir d'encre, de Rogue qui dormait au creux du fauteuil. Sa tête reposait contre son bras replié, son corps roulé en boule comme un petit enfant. Il tremblait un peu. Peut-être qu'une couverture…? Pourtant je ne pouvais me décider à bouger. Une douce lumière effleurait son visage aux traits tirés, ses sourcils froncés et ses mâchoires qui se contractaient spasmodiquement. Même dans son sommeil il était si… fragile. Il souffrait…

-N-non; haleta-t-il… -plie, je vous… Supplie!

Un hurlement, une douleur fulgurante qui se propagea en moi. Je m'empressai de me protéger de ses émotions alors que Rogue convulsait dans le fauteuil. Il délirait, et malgré ses cris ne se réveillait pas!

-Père… P-père, non! –plie…

Rogue souffrait tellement. Je ne pouvais pas le laisser comme ça, sortir, faire comme-ci je n'avais pas entendu. Il fallait… Je voulais l'aider. Mais comment? Je m'approchai, hésitante, alors qu'il gémissait des mots sans suite.

-P-ère et… Non! Pas…

Il se recroquevillait, sa tête cognait contre le dossier du fauteuil. Sans plus réfléchir je l'immobilisai entre mes doigts glaciaux. Tout son être frémit, puis s'écroula. Mais il tremblait encore…

-Ma… M- Mère…

-Chut; murmurai-je d'une manière si douce que j'en aurais été sidérée si j'y avais fait attention. Tout va bien… (je caressai sa mâchoire durement contractée) Calme-toi… Severus.

Et il se releva en ouvrant les yeux. Brusquement. Je restai pétrifiée. Consciente de ce que je faisais, de ce que j'avais ressenti. J'avais voulu l'aider. Son regard vitreux s'arrêta sur le mien, il fronça les sourcilset je sentis mon cœur se soulever d'appréhension.

-Silenc… io? Marmonna-t-il, avant que sa tête ne parte en arrière.

Je la rattrapai de justesse, la reposai avec douceur contre le bras du fauteuil. Je ne voulais pas penser à la réaction d'un Severus pleinement éveillé, ni même à ce qui me poussait à le calmer encore. Il tremblait. Je pris une couverture et l'en recouvris, et puis j'écartai des mèches de cheveux graisseux de ses yeux. Il se calma peu à peu. Et je m'écartai pour retourner à ma place.

Je crispai les mâchoires, vraiment pas la peine de prêter attention à Rogue et ses délires cauchemardesques! Je n'en avais rien à faire! Rien à faire!

Il se faisait sans doute battre.
Et alors? Aucune importance! Et puis il le méritait ce petit serpent répugnant, graisseux et misanthrope.
Ses cauchemars devaient être récurrents, et le Silencio… C'est de Rogue dont il est question! Rogue! Le bâtard graisseux qui a fait de tes cours de potions un enfer. Tu te rappelles certainement combien il te harcelait alors même que tu appartenais à sa maison. Et si… le passé était lié à mon ancien présent.
Ridicule!
Il aurait grandi, serait devenu professeur de Potion, Mangemort…
Non! J'ai dit non! Il n'a pas… Rogue! Ce n'est pas… Pas cette souffrance et tous ces meurtres. Et le soir de la bataille finale… Non, ce n'était pas lui! Pas lui!
Tout s'embrouillait, ce que je voulais, ce que je ressentais, ce que je ne pouvais supporter. Il… J'avais besoin… Je ne comprenais plus rien, je ne voulais plus rien comprendre.

Sept heures. Je me levai de mon canapé. Une nuit blanche à me torturer sur des choses qui n'auraient pas dû me toucher. Auxquelles il ne fallait pas penser. Un coup d'œil à Rogue qui dormait encore, puis je partis m'enfermer dans la salle de bain. Un Silencio. Je me fixai dans le miroir, l'air plus malade que jamais. C'était pitoyable. Je me déshabillai, contournai la baignoire équivalant largement celle des préfets, et pris une douche. L'eau ruisselait sur moi, je réfléchissais. Il fallait que je vole le grimoire aujourd'hui. J'en avertirai Dumbledore plus tard, il n'avait pas besoin de savoir encore, et je ne voulais pas lui laisser la possibilité de m'arrêter. Il y avait en jeu la sécurité de R… J'allais tolérer sa présence. C'était tout ce qui sortirait de cette nuit blanche. Le tolérer, s'il avait assez d'idiotie pour rechercher la compagnie d'un vampire. Je me séchai, m'habillai chaudement et sortis. Il était encore dans mon fauteuil, mais réveillé.

-Bonjour; lâchai-je d'un ton neutre.

Lui fixa la couverture, puis moi. Ses yeux se plissaient sous la méfiance, alors qu'il avait encore la trace du canapé sur sa joue et les cheveux légèrement en bataille. Une ombre de sourire apparut sur mes traits avant que je ne me détourne. Où était ma cape déjà? Je la trouvai au portemanteau et m'en drapai. Même les vampires ne supportaient pas les températures hivernales. Un problème de circulation du sang je crois.

-Je sors; fis-je inutilement. Tu peux utiliser la salle de bain, il y a une baignoire.

J'haussai les épaules et n'attendis pas sa réponse pour filer. J'avais du travail moi, et ce n'était certainement pas de la fuite.
Grâce à mes nombreuses facultés surhumaines je n'eus aucun mal à déjouer la surveillance de la bibliothécaire pour m'introduire dans la Réserve. J'eus un peu plus de mal à retrouver le grimoire voulu et surtout à détruire les protections magiques qui grouillaient autour de lui. Bien plus tard, je pus l'ouvrir. Il parlait d'Horcruxes… étonnant. Je le confiai à Malfoy à l'ombre d'un corridor désert. Son soulagement était évident.

-Tu pourrais… être utile au maître.

Une brusque vague d'émotion, me submergea, puis s'évapora avant que je ne puisse la reconnaître. De nouveau, là-bas…

-Profite seul de ta gloire, ne parle pas de moi.

Il haussa un sourcil aristocratique, le livre caché dans les recoins de sa cape.

-Aurais-tu des doutes concernant le maître des ténèbres?

Pas aussi avide que ça. Dommage. J'aurais pensé qu'il se contenterait de prendre ce que je lui offrais et de s'attribuer seul ce mérite.

-Non. Mais je ne vois pas ce que je pourrais y gagner; finis-je, relevant les lèvres d'une de mes canines.

Il plissa les yeux, je ricanai puis le quittai secouant vaguement la main. Son arrogance était incroyable! Comme s'il pensait que moi, vampire de mon état, je laisserai un vulgaire sbire me forcer la main. Et puis, que ce soit lui ou Voldemort en personne, jamais je ne m'abaisserai à le servir. Dans l'ancien futur j'avais seulement accompagné les chasses aux moldus, profité de la panique et de la terreur. Jamais je n'avais porté cette marque répugnante.

Lorsque je rentrai dans mes appartements, je découvris avec stupéfaction que de la vapeur d'eau sortait de ma salle de bain. Rogue? Je laissai de nouveau ses perceptions s'épanouir dans mon esprit et le sentis en effet dans mes quartiers, dans ma baignoire. Jamais je n'aurais pensé… Je grognai, balançai ma cape sur le portemanteau et après avoir tourné quelques temps en rond, m'emparai de mon livre presque terminé.
La présence de Rogue m'empêchait de me concentrer. Les mots formaient des phrases vides de sens, je devais m'y reprendre à plusieurs fois pour saisir des brides d'information. Qu'est-ce qu'il faisait encore chez moi?
Est-ce qu'il se rappelait de la nuit dernière? De ses cauchemars? Je ne levai pas la tête lorsque monsieur consentit enfin à quitter ma salle de bain. J'entendais seulement de l'eau goutter de ses mèches jusqu'à ses épaules et ses pas se rapprochant de la cheminée. Rogue y lança de la poudre sans mon accord pour avoir accès aux cuisines et commander aux elfes de maison un… petit-déjeuner. Lorsque je relevai la tête, celui-ci m'attendit, le regard provoquant. Je crispai les mâchoires.

-Tu comptes passer ta vie ici? Sifflai-je.

Il renifla par son grand nez d'oiseau et croisa –comme la veille- ses bras sur sa poitrine.

-J'ai faim.

-Moi aussi; crachai-je, menaçante.

Ce rôle m'allait bien mieux.
Il ricana:

-Comme si tu pouvais me toucher dans l'enceinte de l'école.

Cette stupide certitude commençait à m'agacer. Mes iris viraient lentement au pourpre, mes traits déjà crispés en un sourire mauvais.

-Tu es encore trop maigre pour fournir un repas correct.

Il blêmit puis rougit en baissant les yeux.

-Sale vampire! Siffla-t-il

Je crispai les mâchoires… et regrettai mes paroles.
Je l'avais blessé et ce que j'avais pris pour une insulte de plus n'était peut-être qu'une tentative de paix. Mais en plus de l'avoir insulté, je l'avais rejeté cruellement de mes quartiers. Le petit-déjeuner apparut sur la table, Rogue mettait déjà sa cape, marchant vers la porte. J'avais tout gâché, un étau d'une lourdeur écrasante m'enserra la poitrine, quelques chose pulsait douloureusement en moi.

-Le… Le mot de passe ne changera pas; lâchai-je dans un retournement pitoyable.

Mais il ne répondit pas et quitta la pièce dans un claquement de cape.