Chapitre 4

Deux semaines plus tard, mission, 1 heure a.m.

-Celle-là; murmurai-je en pointant le dernier Horcruxe.

-Certaine?

-Oui, elle a exactement la même signature magique que la bague et le médaillon.

Pourtant j'avais mis longtemps à la localiser, parmi tous ces artefacts grouillants de magie noire. Des grimoires anciens maintenus par des chaînes, des coupelles et de l'argenterie d'un or massif ensorcelé, des coffrets suintant la mort, des armes empoisonnées vibrantes de magie. Dumbledore risquait beaucoup ici, j'aurais dû assurer cette mission seule.

-Ecoutez, lâchai-je, accroupie avec Dumbledore au pied de l'Horcruxe. Je peux faire sa réplique et la ramener seule, vous n'avez qu'à attendre dehors.

-Eh bien, Lumare…

Oh Merlin, je n'avais même pas envie de me retourner pour faire face à son regard azuré pétillant. Que ce vieillard étai agaçant!

-Je ne suis qu'un pauvre sorcier fatigué; je sentais le sourire éclatant dans mon dos, mais je vous crois parfaitement capable de me protéger.

-N'y comptez pas trop; grognai-je.

Puis j'essayai de le convaincre –sans paraître concernée- qu'il pouvait se blesser, voire se tuer tant qu'on n'était pas certain que la subtilisation de la coupe n'entraînait pas des mécanismes de sécurité. Mais évidemment cette vieille bique était plus têtue qu'un âne. Je dus m'avouer vaincue… Et donc nous travaillâmes tous deux à la conception d'une nouvelle coupe, en tout point semblable à l'Horcruxe. La signature magique était difficile à reproduire, et ce malgré mes facultés. C'était… vivant… Ça sifflait en Fourchelangue, toujours les mêmes mots…

-Lumare?

La voix semblait lointaine, le passé tout proche. Il y avait un grillage en fer forgé, grinçant, les ombres de la fin d'après-midi et ce soleil froid qui me suivait. Le manoir était face à moi, tout au long de l'allée de graviers. Les massifs de fleurs s'étendaient tout autour, délaissant des parfums glacés. Personne ne venait à ma rencontre, personne ne venait me voir, ne me souriait, ne venait me serrer la main ou me prendre dans ses bras. Pourtant j'étais chez moi et les ombres dansaient derrière les vitres de la bibliothèque… Ces ombres que je haïssais!

-Lumare!

Des mains m'agrippaient les épaules, secouaient d'avant en arrière. Je revins brusquement à la réalité.

-Mè…

Je claquai aussitôt les mâchoires. Comme si j'allais appeler cette… femme! Devant Dumbledore en plus! Mais il fronçait déjà les sourcils tout en m'observant par-dessus ses verres en demi-lune. Se doutait-il de quelque chose? Il y eut un silence… J'étais prête à me hérisser au moindre signe de curiosité. Seulement, le vieillard se détourna et, soulagée, je repris le travail. Mon passé… L'Horcruxe devait faire remonter des visions du passé. Et j'étais tellement faible que mon esprit s'y était aussitôt fait entraîné. Oui, j'étais faible. Mes barrières mentales étaient pitoyables…

-Utilisez ces gants en peau de dragon, Miss Lumare.

J'acquiesçai, les enfilai, puis me tins en position, le faux Horcruxe au poing. Dumbledore dressa plusieurs sortilèges de protection assez puissants, entre nous et l'Horcruxe, entre nous et l'intérieur du coffre fort des Black… Le silence, la concentration… Et soudain, je fondis sur l'Horcruxe, l'arrachai de ses liens magiques et le remplaçai. Tout ceci ne dura qu'un quart de seconde. Puis je retins mon souffle. M'attendant à toutes sortes d'horreur, des épées sortant de leur fourreau pour s'écraser sur nous, des jets d'acide vers nos têtes… Mais rien. Exceptée la coupe d'Helga Poufsouffle qui rongeait mes gants.

-On sort! Criai-je aussitôt en courant vers la sortie.

L'artefact me brûlait, les gants déjà troués, de monstrueuses cloques apparaissaient sur mes doigts tremblants. Plus vite!
Mais les mécanismes des portes se débloquaient avec une lenteur effroyable. Et je ne devais pas lâcher, pas lâcher. Si je faisais tomber la coupe, les maléfices de duplication apposés à tous les bibelots créeraient une mer d'artefacts de magie noire qui recouvrirait l'Horcruxe… et nous détruirait. Merlin… Plus vite! Dumbledore essaya de me la prendre des mains, je le repoussai, montrant les crocs. Il fallait juste… Soudain, la porte se débloqua, et je fusai dehors.

-Oh Merlin; crachai-je en laissant la coupe s'écraser au sol.

Je ne tardai pas à m'écrouler à genou près d'elle en tenant ma main gauche grouillante de cloques. Mais qu'importe, dans quelques heures, quelques jours tout au plus il n'y aurait plus rien. Et en contrepartie, nous avions le dernier Horcruxe! Nous rentrâmes par Cheminette. Dumbledore me parla encore un long moment, me demanda si je m'étais déjà occupée des deux premières clefs, puis si mes cours se passaient bien, si Rogue et Lily étaient en bonne santé… Stupide vieille bique! Je quittai le bureau directorial aux petites heures du jour et certainement pas pour rejoindre mon lit. Non, j'avais faim.
Deux moldus à Leicester me convinrent parfaitement. Tributs de l'humanité en récompense des services rendus… Mais…

Mais Lily. Lily qui respectait tant la vie, celle dont les yeux s'enflammaient à la moindre injustice. C'était une Gryffondor dans toute sa splendeur, reine de compassion, de courage et d'amour… Comment pouvais-je l'approcher? Comment pouvais-je oser poser les yeux sur elle?! Moi, le monstre répugnant! Ces mains couvertes de sang! Ces vêtements que j'enlevais! Tâchés, entièrement tâchés de haine et de colère et d'instincts meurtriers.

Je me dégoûtais, haïssais chaque fibre de mon être immortel. Et me jurai en brisant la glace de la salle d'eau de ne plus boire de sang humain. Jamais. Jamais!

Le même jour, 7 heures a.m.

Mes appartements étaient ravagés, tous les miroirs brisés, les rideaux et les fauteuils déchiquetés, les meubles explosés au sol… Les elfes de maison auraient du travail aujourd'hui. Quant à moi, je ne 'étais pas reposée de la nuit, tournant et retournant dans mes appartements et dans ma tête des phrases emplies de haine. J'étais haïssable, plus répugnante que n'importe quelle autre créature sur terre. Que je boive ou non du sang n'y changerait pratiquement rien. Il y avait encore les instincts, le fait que j'en aurais envie. Et le pire était que Lily y était exposée, ainsi que tous les gens qui comptaient pour elle. Je voulais disparaître, abandonner la mission confiée par Dumbledore et me terrer dans un caveau jusqu'à mourir de faim. Ma haine enflait en moi, je crispais ma main gauche bandée, encore parsemée de cloques, et ma main droite où des morceaux de verre étaient encore plantés. Je ne voulais pas les enlever. Les mortels avaient la chance de garder des cicatrices, moi jamais. Qu'importe l'étendue de la blessure, toutes les traces finissaient par disparaître.

-Khorine! Appela-t-on.

Par-dessus toutes les conversations et tous les bruits de la Grande Salle, j'aurais reconnu cette voix entre mille.

-Bon appétit; murmura-t-elle. On se voit en Potions.

Les Serpentard regardaient. J'hochai vaguement la tête mais m'accrochai à son regard vert lagon. Intense, brûlant et empli d'a… Pour moi. Oh Lily, si elle venait à savoir ce que j'étais!

-Bonjour; murmurai-je au seul autre être suffisamment stupide pour venir s'asseoir près de moi.

Celui-ci grogna le début d'une réponse puis s'empara de plusieurs brioches. Pour une fois qu'il ne se contentait pas d'une tasse de café! J'eus le début d'un sourire sarcastique, puis mordis dans ma viennoiserie. Severus mangeait un peu plus ces derniers temps, pas un grand mal étant donné sa maigreur! Et force m'était d'admettre qu'il semblait moins fatigué et… malade. Une bonne chose, il faisait une cible moins évidente.

Je finis de lire ma Gazette du sorcier, puis me levai. Le cours d'Histoire de la magie commençait dans une dizaine de minutes et je n'avais rien de mieux à faire que marcher à vitesse normale. Les morceaux de verre avaient été éjectés de ma peau durant le petit-déjeuner. Les plaies étaient déjà refermées mais cela n'avait aucune importance. J'avais été stupide de céder à mes émotions. A cette haine et cette colère. Mon attention ne devait se concentrer que sur Lily et ma mission. Pas le temps de s'auto-apitoyer ou pire de se porter préjudice alors que je devais garder assez de force pour m'emparer des deux clefs restantes.

-Lumare! Lumare! Appelait-on dans un chuchotement furieux.

Je me retournai en plein milieu du couloir et adressai un sourire moqueur à un Rogue qui courait. Celui-ci se renfrogna en arrivant à ma hauteur, je le vis serrer brièvement son manuel de potion dans son poing avant de lâcher:

-Je sais, pour le marché que tu as fait avec Malefoy.

Oh Merlin! Je soupirai et repris mon chemin. Rogue m'emboîta le pas, son regard charbon brûlant de colère. Pourquoi ces imbéciles de serpents n'avaient pas pu tenir leurs langues fourchues?!

-Je n'ai pas besoin de toi, ou de ta protection! Cracha-t-il alors que j'en doutais sérieusement. Et j'ai encore moins envie d'être considéré comme une marchandise qui fait partie de vos petits pactes entre Sang-Purs!

Il jouait bien la comédie. On aurait presque dit qu'il le pensait, qu'il ne m'approchait pas juste pour la sécurité que je pouvais apporter… Mais le mensonge était trop gros. Même Lily aurait eut du mal à… Si, peut-être Lily. Elle était trop tolérante et confiante. Peut-être la cause de sa perte?

-Malheureusement pour toi; lâchai-je dans un sarcasme, j'ai rempli ma part du marché. Les Serpentard de Lucius ne t'approcheront plus.

-Je ne t'ai rien demandé, Lumare; siffla-t-il.

Certes, et je ne comprenais toujours pas ce qui m'avait pris de l'aider. Je sentais venir cette question embarrassante, pourquoi est-ce que tu m'as aidé? Et surtout l'absence de réponse. Il y avait eu la sensation d'abandon de Rogue, lui qui s'arrêtait et attendait dans les escaliers, les Serpentard de Lucius approchant, et je n'avais pas réfléchi.

-Pourquoi est-ce… Commença Rogue.

Mais je coupai court en haussant les épaules. Aucun mensonge convainquant ne me venait, je n'avais même pas envie d'y réfléchir. Et qu'importe que Rogue prenne ça pour de la pitié ou qu'il pense que je l'aie utilisé à mes propres fins.
Aujourd'hui, je me sentais lasse, fatiguée de tout. Je voulais seulement être au calme, près de Lily qui me pardonnerait ma monstruosité, proche de cet amour qui m'avait toujours été refusé.

Cours de potion, Mercredi 24 novembre, année *

Il m'avait fallu plusieurs jours pour surmonter cette nouvelle apathie. Heureusement, les seules personnes qui avaient semblées s'en rendre compte étaient Dumbledore et Rogue. Pour Dumbledore j'avais relativisé en me disant qu'il savait toujours tout, tôt ou tard. Et pour Rogue, qu'il était trop fouineur pour son propre bien et qu'il fréquentait trop mes appartements. Sans rien faire pour l'en empêcher, maudit serpent!

Aujourd'hui pourtant, je me sentais mieux. J'avais chassé le loup pour la première fois, dans une gigantesque forêt au Nord de l'Ecosse, étais repue et reposée. Aucun humain de tué. Je me sentais plus digne d'approcher Lily.
Et nous nous étions retrouvées dès le début de la récréation –comme d'habitude- patientant désormais, un peu à l'écart du groupe de Maraudeurs et des quelques Serpentard qui venaient d'arriver…

-Et tu connais la recette de la Pimentine?

-Mais oui Lily. Entièrement. Par cœur. Tu n'as aucun souci à te faire; répétais-je d'une voix qui se voulait apaisante.

Tout en m'empêchant de rajouter que de toute façon Lily connaissait parfaitement les étapes de réalisation de notre prochaine potion et qu'à moins d'être avec un sosie de Neville Londubat, elle ne pourrait pas faire la moindre erreur.

-Et redis-moi pourquoi tu ne paniques que pour les cours de Potion? Murmurai-je, taquine.

Son visage devint aussi flamboyant que ses cheveux alors qu'elle replongeait le nez dans son manuel, tentant visiblement d'ignorer mon regard moqueur. Merlin, j'aurais dû être là en 1ère année. J'aurais été ravie de voir Lestrange se prendre une giclée de potion ratée de Lily et se voir pousser une deuxième tête. Je ricanai en m'imaginant la scène alors que Lily maugréait que ce n'était pas drôle. Elle marmonna encore un peu, puis un Gryffondor s'approcha et je sentis vaguement la haine venant du Serpentard à quelques pas de nous. Rogue évidemment, griffonnant jusqu'à très récemment dans son manuel.

-Salut.

Le ton était incertain, gêné, empli d'appréhension. Le rythme cardiaque était bien plus développé que la normale, son sang parcourait ses veines à une vitesse intéressante.

-Lily...

Potter se racla la gorge, avant de lancer d'une voix à l'accent posé on ne peut plus factice.

-Tu acceptes de te mettre avec moi en Potion?

Le cœur de mon amie fut une brusque embardée, et celui de Rogue –étrangement- ne dénonça aucune émotion, avant qu'elle ne lance:

-Je ne crois pas Potter.

L'assurance qu'elle tentait de montrer démentait sérieusement les battements erratiques de son cœur. Ce pourquoi, et ce d'un air innocent, je lançai:

-C'est gentil de t'inquiéter pour moi Lily. Mais je peux me débrouiller toute seule.

Ma meilleure amie me lança un regard aussi stupéfié que paniqué.

-Non, ne t'inquiète pas. Ca ira pour moi. Et puis, Potter est bon en Potion… lorsqu'il s'applique.

Regard en biais au Gryffondor qui comprit assez vite le message.

-Bien sûr, et je crois que la Pimentine est une potion assez simple.

Bonne pioche! J'eus un sourire discret envers Potter qui me renvoya un regard d'une profondeur saisissante. Si ça n'avait pas été le prince des Gryffondor et le roi des arrogants, j'aurais pu jurer qu'il décelait de la gratitude.
Evidemment, Lily chercha à s'esquiver. Et fut arrêtée dans sa diatribe sur le niveau de Potter en Potion lorsque celui-ci murmura:

-Ca fait longtemps que j'avais envie de travailler avec toi.

Et sa sincérité était tellement évidente que mon amie se tut. Surprise, gêne, plaisir… Tout se mêlait en elle. Le Gryffondor qui avait jusque là fait preuve d'un tact saisissant, lui proposa de revoir la recette de la Pimentine et après un dernier regard dans ma direction, elle accepta. Je crois que malgré tout, elle était heureuse. Alors je reculai doucement, les laissant tous les deux. Si Lily était heureuse… Je me perdis dans mes pensées…

-Hey, Lumare!

Je ne revins à la réalité qu'à ce moment. Tous les insignifiants détails que m'apportaient mes sens vampiriques se présentèrent de nouveau à moi. Six nouveaux cœurs qui battaient, deux Serpentard et quatre Gryffondor. Black qui m'avait interpelé et avançait maintenant vers moi. Ainsi que Rogue qui s'était avancé puis brusquement reculé dans l'obscurité. J'avais le sentiment que quelque chose m'échappait de nouveau.

-Lumare; lança-t-il en arrivant à ma hauteur.

Il lança un regard au couple que formaient mon amie et le sien, puis lâcha:

-On se met à côté?

Un vrai petit cabot. Détestable. Une vague de haine bien trop puissante pour m'appartenir me traversa. Rogue et ses sentiments exacerbés! A se demander comment il avait pu devenir aussi froid dans le futur. A cette époque i-il vivait intensément. Intensément.

-Alors?

J'étudiai le visage du cabot puis dans une grimace moqueuse me penchait jusqu'à son oreille. Il tressaillit de peur et mon regard rougeoya, oh juste un instant, avant que je ne murmure:

-Ne te sens pas obligé. Je ne vais rien leur faire.

Il renifla puis lança avec morgue mais assez bas pour que les amoureux n'entendent pas:

-Ouais, parole de Serpentard, hein?

Le cabot me toisa, les bras croisés, le regard empli de méfiance et d'antipathie. Ses deux amis à l'autre bout du couloir nous observaient avec crainte. Il s'agissait certainement d'un moment crucial. Celui où je me montrerai inoffensive, celui où j'accepterais leur relation et toutes ses implications. Si Potter et Lily se rapprochaient et que leurs meilleurs amis se cherchaient constamment des noises, ils ne pourraient qu'en pâtir. Et ce n'était pas ce que je voulais. Je voulais… que Lily soit heureuse.

-Bien, j'accepte; murmurai-je.

Et le cabot hocha la tête, presque satisfait, avant de retrouver ses camarades. Je soupirai en m'appuyant contre le mur, j'allais devoir faire d'immenses efforts pour supporter tous ces Gryffondor dans mes pattes.
Efforts qui se concrétisèrent à peine le cours de Potion commencé. Black était tendu à l'extrême à mes côtés, sa voix était rauque de frayeur. Après tout, se tenir aussi près d'un vampire! Mais je ne lui fis aucune remarque, me contentant de répondre par des murmures aux siens, et de participer à l'élaboration de la potion avec une patience remarquable. La présence de Lily à la paillasse de devant, se débrouillant on ne peut mieux avec son Potter, rendait ces sacrifices acceptables. En fait, le seul véritable bémol fut cette rage sourde, cet acide me tordant le ventre et ne pouvant provenir de personne d'autre que Rogue. Rogue… S'il pensait qu'il avait son mot à dire dans mes choix, il se trompait lourdement!

Après le cours de Potion, Lily ne s'attarda pas. Elle échangea quelques mots avec son Gryffondor puis fusa vers les escaliers hélicoïdaux. Je n'eus, cela va sans dire, aucun mal à la rattraper mais par contre beaucoup plus de mal à ne pas exploser de rire au milieu de ses remontrances ou de sa bouderie, digne de la très grande maturité de mon amie.
Cela dura au total deux jours. En fait, jusqu'au Vendredi, cours de Potion, où elle ne fit presque pas d'histoire avant de s'asseoir aux côtés de Potter. Et deux heures plus tard, je la rattrapai, goguenarde.

-Oh ça va; grommela-t-elle.

Pour garder un reste de dignité, elle me bouda encore un peu, le temps d'un bavardage avec ses amies. Ah, les Gryffondor! Levant les yeux au ciel, je m'adossai contre un mur pour l'attendre. Et tandis que je me perdais dans mes pensées, Rogue s'approcha de moi. Il observa un silence qui m'apparut bien éloigné, avant de finalement lâcher d'une voix presque neutre:

-Comment est-ce que tu peux le laisser l'approcher?

Lily salua ses amies qui quittaient les cachots, puis se tourna enfin vers moi. Son regard vert lagon étincelait.

-Elle est heureuse; répondis-je en haussant les épaules.

Et Rogue renifla avant que je ne le quitte.

Pré-au-lard, 12 Décembre année *

-J'ai déjà trouvé pour mes parents et Pétunia. Et toi?

J'écarquillai les yeux de surprise.

-Moi?

Lily moucha son nez déjà bien rouge avant de lancer, comme si c'était évident:

-Bien sûr, il y a forcément quelqu'un que tu veux gâter pour Noël.

Mes yeux saphir se posèrent en douceur sur son visage coloré par le froid et je murmurai:

-Je crois que tu vas aimer ton cadeau.

Nous avions visité plus tôt dans la journée un magasin d'antiquité et un objet avait particulièrement capté notre attention. Il s'agissait d'un appareil photo magique aux couleurs de Gryffondor, cuir rouge, objectif aux cercles dorés. Il était magnifique, et Lily m'avait dit savoir développer les photographies magiquement. Je lui avais alors lancé un petit sarcasme qui avait amené à une joute où Lily m'avait sortie l'une des plus imbéciles inventions moldues concernant notre espèce, le fait que l'on ne puisse pas être pris en photo ou que l'on ne puisse pas se voir dans un miroir.

-Ne me dis pas que c'est ce que je pense!

Grand sourire de ma part –qui en aurait fait fuir plus d'un-, mais Lily se contenta d'écarquiller un peu plus les yeux.

-Mais il vaut tellement cher!

-Dis-toi alors que je suis très riche.

Lily arrêta sa marche dans les rues enneigées de Pré-au-lard et croisa les bras:

-Je n'en veux pas! Tu ne peux pas m'acheter un cadeau comme celui-ci et ne pas t'occuper de ta famille.

Ma famille… Un éclat de haine intense vrilla mon regard. Une telle fureur! Avant que je ne retrouve un visage impassible. Je ne devais pas me montrer ainsi. Pas devant elle.

-Je n'ai… plus de famille, Lily.

Des tourbillons de neige volaient autour de nous. Paysage si blanc, si pur.

-Morts? Fit-elle d'une petite voix en s'avançant vers moi.

-Oui…

Je les ai tués.
Lily combla l'espace qui nous séparait, et dans ses yeux verts je pouvais voir toute la tristesse qu'elle ressentait.

-Je suis désolée; murmura-t-elle en me prenant dans ses bras.

Si elle savait… Elle ne le serait pas. Ou alors seulement pour mes parents et mes frères et sœurs que j'avais massacrés. Tout s'était déroulé si vite. Rentrée au manoir, le son des graviers crissant sous mes pas, la nuit fraîche, l'indifférence et le dégoût… Je les avais tués cette nuit-là, tous. Trahie. Haïe… Et seule. Piégée par ce sang, ce sang partout…

-Alors je t'offrirai un cadeau qui va avec, et nous le complèterons ensemble.

La voix s'éleva, si douce. Les visions de cauchemar s'effacèrent, je ne me concentrai que sur elle. Lily…

-Merci; murmurai-je, la voix brisée.

La première fois… la première fois… Et c'était doux, tellement doux, paisible… Comme si j'étais pardonnée, pour ce que j'étais, pour ce que j'avais fait. Comme si tout ce qui comptait maintenant était mes futures actions, et le fait que j'aie enfin une raison d'exister. Une raison d'exister.

-Hmm, on va être en retard; marmonnai-je étouffée par sa forte étreinte.

Je sentais des présences au bout de l'allée qui se rapprochaient. S'ils étaient Gryffondor ou Serpentard, Lily risquait d'en souffrir.

-Il peut patienter encore un peu; fit-elle.

Et je ricanai avant de me dégager en douceur. Les personnes étaient encore loin, ne pouvaient nous voir, tandis que moi j'étais face à ses yeux verts emplis de tristesse.

-Fais attention que je n'aille pas le lui répéter; la taquinai-je.

Je voulais détourner son attention. Elle n'avait pas à être désolée pour moi. Non, elle devait seulement profiter de la vie qui s'offrait à elle. Vie que je protégerai.

-Bah, de toute façon il va en profiter pour flirter avec Rosmerta.

-Que tu crois! Lançai-je tandis que nous reprenions notre chemin. Il n'a d'yeux que pour toi.

Elle marmonna quelques phrases indistinctes à seulement quelques rues du pub des Trois Balais. Avant de sortir, soudain:

-Et Severus?

Mon muscle cardiaque rata un battement. Tellement soudain.

-D-de quoi?

Et le sourire révélateur qui se dessina sur les lèvres de Lily ne me rassura pas sur le fil de ses pensées. Qu'est-ce qu'elle allait s'imaginer? Comme si, moi, j'allais offrir un cadeau au Serpentard! Il allait sûrement le prendre comme un signe de pitié et le jeter au feu. Je n'avais pas envie de me ridiculiser.

-Tu sais qu'il n'en reçoit jamais.

Je ne répondis rien, haussant seulement les épaules. Je préférais autant éviter le sujet.

-Sev et toi, vous vous êtes rapprochés.

-Si on veut; grognai-je vaguement, sans la regarder.

Mes yeux étaient fixés sur le bout de la rue. Le tour que prenait cette conversation ne me plaisait pas. Vraiment pas.

-Il n'a jamais été aussi proche de qui que ce soit. Même de moi. On se disputait souvent à partir de notre troisième année. Je ne parvenais pas à le comprendre, il y avait tellement de colère en lui. Alors qu'avec toi, il a l'air… apaisé.

-Un comble près d'un vampire; marmonnai-je.

A part si c'était ma protection qu'il désirait. Etant donné que je tenais tête à Lucius et sa bande de serpenteaux dressés, que j'étais un rempart entre lui et Voldemort, il devait sans nul doute se sentir apaisé.

-Je crois qu'il t'apprécie beaucoup.

Reniflement amusé de ma part. C'était une pensée bien digne d'une Gryffondor.

-Hmm, c'est certain! lançai-je ironique, avant d'esquiver ce monologue Gryffondoresque qui ne menait à rien. Et en parlant d'apprécier, je ne sais pas si tu as remarqué la façon dont Potter te regarde.

-Change de sujet; marmonna Lily, tout en commençant à rougir.

-Oui, oui, tu peux marmonner ce que tu veux. Je suis sûre qu'il ne va pas tarder à te demander de sortir avec lui. Peut-être même aujourd'hui. Et l'on vous verra vous promener autour du Lac Noir gelé, main dans la main, profitant comme il se doit des vacances de Noël…

Mon amie leva les yeux au ciel avant de me rétorquer:

-Oui, aucun doute que ça se serait passé exactement comme ça si je restais pour les vacances de Noël.

-Tu pars?

-Oui, fêter Noël avec mes parents et ma sœur; répondit-elle en souriant.

Alors Lily… partait dans deux jours. Je crois qu'une grimace bizarre étira mes traits, je m'empressai de la cacher derrière mes mèches ondulées. Mon amie ne s'en rendit pas compte et continua sur sa lancée, les Noëls passés avec sa famille, ses cadeaux, les sorties dans la neige. Elle était tellement heureuse de les retrouver, elle les appréciait vraiment. Et puis je la reverrai au bout de deux semaines. Tous les Horcruxes dûment cachés dans les profondeurs du Nid.
Oui, il ne me restait plus qu'à lui souhaiter de joyeuses fêtes. Et à finir la tâche qui m'était assignée.

Salle commune des Serpentard déserte, 3h du matin

Il y avait une semaine que Lily était partie par le Poudlard Express, retrouver sa famille de moldus. Elle m'avait envoyée une lettre tellement enthousiaste! Je me plaisais à y trouver le sens de mes sacrifices passés et présents.
Certaine que personne ne descendrait plus et ayant déjà posé des sortilèges Repousse-sorcier, je m'avançai vers le gigantesque portrait de Salazar trônant au-dessus de la cheminée. Les flammes mourantes l'éclairaient sinistrement, leurs crépitements explosaient dans le silence trop lourd. Je sentais le danger, le danger.

-Gardien de la clef…

Ses yeux se rivèrent sur moi.

-… Ton allégeance de nouveau révélée sauvera le cours de nombreuses destinées. Par le lien des Fondateurs je requiers la clef de Salazar Serpentard, artefact liant la vie au souffle du Nid.

L'épreuve la plus dangereuse… nous allions voir cela. Et avec un sourire inquiétant, le sorcier laissa le tableau pivoter.
Décomposition, eau croupie, pourritures, cadavres d'animaux… Vagues suintant de l'ouverture, cinglant mon odorat surdéveloppé. J'escaladai l'âtre de la cheminée pour plonger dans le trou et découvris un long escalier de métal rouillé conduisant jusqu'à des dalles moisies par l'humidité. Puis le portrait se referma dans un claquement sec, je me retrouvai piégée dans les égouts. Sûrement un des conduits principaux à en juger par l'odeur et les différents passages de pierre de chaque côté, déversant autour de moi des eaux répugnantes. Il y avait une gigantesque tête de Salazar tout au fond, sculptée à même la roche. Et au fond de sa bouche béante scintillait une flamme rouge…
Ce devait être là.
Ma mission, qu'importe le danger. J'avançai aussitôt; avant que deux lames ne fusent vers moi.

-Protego!

Le bouclier apparut juste à temps, mais entraîna aussitôt l'envoi de nouvelles lames. Trop. Mon sort se fissurait.

-Protego! Protego Totalum!

Je courus, renforçant encore et encore mes défenses. Les lames sifflaient maintenant en un ballet diabolique, s'écrasant dans des crissements étourdissants, rebondissant de nouveau, rejointes par de nouveaux couteaux. Tout s'entrechoquait, explosait contre mes oreilles qui bourdonnaient. Mes yeux se voilaient sous la douleur du vacarme, les couteaux… Et la statue! Elle s'éloignait, le chemin se rallongeait. Ma course ne menait à rien, je n'avais pas… J'avais même reculé! Il ne fallait tout de même pas…

-Finite Incantatem! Hurlai-je, brisant mes boucliers.

Et l'acier tranchant se précipita sur moi. Je sautai contre les murs, en évitai, fus criblée par les autres. La douleur était inimaginable, transperçait de toute part! Lily! Lily…
Je m'écrasai contre les dalles ou d'autres lames me rejoignirent trop tôt. Je les évitais au tout dernier moment, roulant, enlevant du même coup celles qui s'étaient fichées en moi. Plus qu'une dizaine, qui tournoyaient, sifflaient à mes oreilles. Je repartis, courant comme jamais, la statue se rapprochait enfin. Une lame s'enfonça d'un coup dans mon épaule projetant des giclées de sang dans l'eau saumâtre. Et soudain, trois nouveaux couteaux de côté qui me projetèrent dans les bassins liquides. Cette eau nauséabonde, trouble, sans fond.
J'étais si fatiguée, fatiguée, mal, j'avais mal. Le liquide écarlate s'échappait de moi en une lourde fleur sanguinolente. Je n'arrivais plus à bouger les bras, garder la tête hors de l'eau. Mais il fallait, il fallait!
Je feulai aux nouvelles armes qui filaient vers moi, les canines dardant comme jamais, les iris brûlant. L'une d'elles me frôla, s'enfonçant dans les profondeurs. Une force m'y attirait aussi. Jamais, je ne pouvais pas perdre! Je me jetai sur le bord, l'agrippai de toutes mes forces en évitant quatre nouveaux projectiles, si tranchants… De nouveau sur le sol j'arrachai la dernière lame de mon flanc, me relevai. Et courus aussi vite que je pouvais, le corps brûlant. Les entailles s'élargissaient dans ma course, les déchets des eaux grouillaient autour, le sang m'échappait. Mais la tête de Serpentard n'était plus loin, plus très loin… Juste l'objectif, ne pas ressentir. Je fus transpercée de nouveau, criai sans m'arrêter. Presque, bientôt… fini… Plus de lames, j'approchais… Et sautai enfin dans la bouche béante de la statue. Je retombai sur le flanc, hurlai en m'écrasant sur les couteaux enfoncés. Mal… Tellement mal…
Puis le silence de mes oreilles bourdonnantes, l'obscurité et le temps d'un répit. Avisant les lames encore enfoncées, j'y portai les mains et les enlevai difficilement, tremblante, crachant mon sang.
S'il vous plaît… Lily…
Et la flamme apparut de nouveau, l'étincelle, rouge, roux… Cette chevelure d'un roux flamboyant… Lily? Ce n'étai qu'un nouveau piège. Un piège grossier! Mes crocs sortirent, pupilles dilatées, toute tournée vers le prochain danger. Je n'étais plus que l'animal, qui ne voulait plus que la clef. Le crochet de serpent? Doré, posé à même le sol. A deux pas de moi. Il fallait juste… détourner le regard… de la flamme… de Lily…
C'était un piège.

-Khorine? Khorine!

Je sifflai, crachai en me débattant. Mais une force insoutenable me ramenait vers elle. Je ne devais pas…
Je fis un pas vers le croc. Il fallait…
Non! Mes barrières mentales furent pulvérisées. Aucun moyen. Je fus projetée vers Lily, mon esprit lié à cette image. Trop liée, plus rien n'existait. Je n'étais plus dans les… Merlin, quelle chaleur!

-Tu ne répondais pas alors…

Lily s'arrêta net, les yeux écarquillés. Eh bien? Ce n'était pas la première fois que je lisais à l'extérieur, pourquoi ces yeux de hibou?

-Tes canines!

Et le dégoût… Voilant ses yeux verts, tordant son visage.
Mon sourire se brisa.

-E… Et tes yeux. Ce… sang.

Mon amie tremblait, s'écartait. Le dégoût s'emparait d'elle, je la dégoûtais, elle voyait ce que j'étais réellement. Elle me rejetait.

-Attends Lily…

-C-c'est du sang humain? Tu… dois tuer, hein? Pour que toi tu survives (je ne décelais que trop la trahison et cette haine, ce mépris sans fin, qui se distillaient sur son magnifique visage). Combien? Combien?! Espèce de monstre!

Mon cœur se brisa. Je m'écroulai au sol et des larmes… mes propres larmes s'écrasèrent entre mes doigts.

-Lily; gémis-je. J'ai changé… plus… que… des animaux.

Ma tête tournait violemment, tout mon corps était soumis à la torture. Je brûlais au cœur de l'enfer. Et ce sang, que j'aurais sacrifié pour elle. Pour elle? Ma mission…

-Tu n'es qu'un monstre; lâcha-t-elle horrifiée. Et je t'ai laissée approcher mes amies… James! Sale vampire.

Je gémis, soumise à la torture, la suppliant de me pardonner. Lily! Ses yeux verts emplis de dégoût s'incrustaient sur ma rétine, remplaçant par quelques nuances ceux de mes cauchemars. Mes cauchemars…
Et soudain, je m'écrasai au mur dans un jet de sang. Ténèbres, décomposition. Un dernier couteau venait de me transpercer le ventre, et de me tirer d'une horreur sans fin. Je n'avais pas eu la force d'échapper à mes peurs. Mais dans un dernier sursaut, j'en eus assez pour arracher le crochet de serpent.
Le monde s'écroula, j'en fus projetée dans une gerbe de sang. La dernière clef prisonnière de mes doigts poisseux, étincelante. Ma victoire. Je vomis sang et nourriture sur le tapis de la salle commune. La dernière clef…