Chapitre 2
Et c'est ainsi que je finissais les quatre parchemins de mon devoir de potion par une de mes conjectures habituelles.
"En conclusion, les quatre ingrédients que j'ai cité responsable d'hyponatrémie pourraient être utilisés, en proportions calculées, dans la création d'une potion anti-hypertensive. Tout comme il paraît envisageable de les utiliser dans une potion d'amaigrissement progressif."
Je reposai ma plume et pus enfin soupirer, fière de moi, c'était mon dernier devoir de la journée et j'avais pu le finir avant l'entraînement de Quidditch...
-Tu as terminé? Lança Hermione, sortant son nez d'un grimoire d'Arithmancie.
Un petit sourire lui répondit, regard défiant de sa part, avant qu'elle ne se penche pour lire les cinq dernières lignes. Ses sourcils se froncèrent au fur et à mesure. Merlin, c'était reparti...
-Khorine! Tu as encore exposé tes théories bizarres! Lâcha-t-elle dans un chuchotement furieux. Comment veux-tu avoir des bonnes notes si tu continues à écrire n'importe quoi?
-Mes théories sont documentées; répétai-je pour au moins la centième fois, et mon raisonnement se tient.
Ma meilleure amie croisa les bras, clairement désapprobatrice. Ses cheveux touffus semblaient toujours un peu plus en désordre dans ces moments-là.
-Mais le professeur Rogue n'apprécie pas! Tu n'auras jamais autre chose que des A si tu continues à n'en faire qu'à ta tête. Alors que tu pourrais avoir des Effort Exceptionnel comme moi.
J'haussai les épaules et repris mes parchemins pour les rouler ensemble, les ranger.
-Tu n'as même aucune bonne raison pour justifier ton comportement! Réellement! Des EE pourraient changer ton dossier scolaire et te permettre...
Hermione était reparti, sans comprendre. Je n'arrêterais pas. Jamais.
-Une raison! Une seule bonne raison pour justifier ton attitude! Tempêtait-elle dans un souffle.
Mon regard bleu océan percuta le sien, chocolat et furieux.
-J'aime ce que je fais Hermione, au lieu de seulement chercher et apprendre les propriétés des ingrédients, je vais plus loin, j'essaye de les assembler et d'imaginer leurs effets combinés. Tu comprends? Je fais passer mes recherches pour du travail scolaire. Et j'apprends petit à petit le métabolisme du corps humain, sa physiologie...
Un étincelle brûlait au fond de mes yeux, Hermione claqua sèchement sa langue contre son palais. Pas convaincue... Je soupirai, puis me levai de notre banc et pris les cinq grimoires qui m'avaient permis de finir mon devoir.
-Cette conversation n'est pas finie! Murmura-t-elle en reprenant un peu trop brusquement son manuel d'Arithmancie.
Je secouai la tête, puis me détournai. Même Harry et Ron ne comprenaient pas. Ils ne cherchaient pas vraiment à comprendre non plus. En fait, il se trouvait que le seul qui puisse saisir le pourquoi de mon obstination était Neville. Neville qui pouvait débarquer à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit avec un herbier, certaines fois un magazine d'Herbologie, pour m'entraîner dans une de ses quêtes végétales autour du Lac Noir.
Remèdes, onguents et poisons retrouva sa place par magie tout en haut d'une étagère de la section Potion, je me déplaçai un peu pour laisser passer un Serdaigle surchargé de manuels, puis rangeai Filtres magiques à travers les siècles. Ensuite, direction rayons de Défense Contre les Forces du Mal, ce que nous appelions communément la DCFM, dans la partie: Créatures magiques dangereuses. Rogue se trouvait au bout de celle-ci, un épais grimoire dans les bras.
Et il leva la tête dès que j'approchai.
-Lumare.
-Professeur; saluai-je.
Je continuai mon chemin.
J'aimais bien cette partie de la bibliothèque, à l'écart, pas trop exposée à la lumière, et regorgeant d'ouvrages sur des créatures extraordinaires. En première année, j'étais restée une journée entière cachée entre le mur et le bois du bout de rayon à dévorer un énorme bestiaire d'un millier de pages. Un léger sourire aux lèvres, j'inspectai les tranches des livres devant moi, frôlant le cuir du bout des doigts, jusqu'à trouver l'ouvrage de T. S. Sanguini Jr. Condensé de toutes les connaissances vampiriques amassées au fil des années. Excellent livre de chevet!
Je ne fus pas longue à l'emprunter, habituée à ne pas répondre aux gromellements de Mme Pince avant, pendant et après l'enregistrement. Puis je rejoignis Hermione, rangeai mes dernières affaires dans mon sac tout en esquivant ses remarques concernant mes devoirs de Potion, l'embrassai sur la joue, et enfin courus vers le terrain de Quidditch!
L'entraînement dura des heures, nous ne nous arrêtâmes que lorsque le soleil déclina à l'horizon et qu'il nous fut difficile d'apercevoir les Cognards... Douche, rapide, nous étions épuisés, et nous laissâmes tombés tous les quatre sur les bancs de la Grande Salle en soupirant.
Ron plongea la tête dans son assiette vide, Ginny ferma les yeux, la joue déjà contre l'épaule d'Harry qui n'en menait pas large non plus, je fixais tout cela sans savoir comment je m'y prenais pour tenir encore assise.
-Dans quel état vous revenez! Lança Hermione.
Je tournai la tête vers elle, avec précaution. Elle découpait un fagot d'artichaut tout en secouant la tête, exaspérée.
-Dernier entraînement de l'année Mione; répondit Ron depuis le fond de son assiette.
La salle des banquets bourdonnait de conversations, agrémentées des cliquetis des couverts et des pichets contre les verres, des rires, de la mastication de nos plus proches voisins...
-Et ça en valait la peine?
Elle ne cachait pas son scepticisme en avalant un peu de ses légumes peu apétissants. Et étrangement, cela provoqua un gigantesque bâillement de ma part...
-Oh que oui! Finis-je par sortir.
Les grognements de la foule m'appuyèrent et arrachèrent un sourire à Hermione. Elle finit par lâcher ses couverts pour passer sa main dans mes cheveux ébouriffés. C'était le vent, et la vitesse, et les figures compliquées de la dernière demi-heure. Mes longues mèches brunes devaient onduler dans beaucoup de directions.
-Vous êtes impossibles; nous gronda-t-elle.
Je fermai les yeux, elle coinçait quelques mèches derrière mon oreille.
-Mon arrière grand oncle... Argus Bilius... disait...
On ne sut jamais. Ronald s'était endormi. Hermione gromella un peu et servit à ceux qui n'avaient pas la tête dans leur gamelle un peu de purée et de rôti de porc. Pour ma part, je mangeai presque sans m'en rendre compte. Et puis le dessert, réveiller Ron, dortoir, pyjama... Je m'effondrai sur mon lit sans ne serait-ce que toucher au grimoire de Sanguini. Trop... fatiguée...
Chaleur... Etreinte apaisante... je dormis bien cette nuit-là.
o oo0oo o
Nous venions de sortir de notre dernier cours de la journée, Potion, et nous reposions comme il convenait dans notre salle commune... à quelques exceptions. Ron était encore en retard de plusieurs devoirs qu'il fallait rendre pour le lendemain, paniqué devant tous les grimoires qu'Hermione avait entassé devant lui et Hermione, justement, qui feignait de recopier son cours d'Astronomie tout en l'aidant. Près des flammes de la cheminée, Harry et Ginny disputaient une partie d'échecs, Neville était pelotonné dans un fauteuil et agrippait un magazine de tirage récent sur les derniers hybrides botaniques répertoriés; je lui faisais face, plus proche du feu dans un autre fauteuil, plongée dans le livre de T. S. Sanguini Jr.
Le lien entre un vampire et son calice était particulièrement intriguant et étrangement décrit.
Il semblait être fondé sur l'appartenance dudit calice à son vampire, comme si l'un possédait l'autre. Une intense jalousie en découlait, incommensurable besoin de protéger et de protection, domination certaine de l'être des ténèbres... Comment pouvait-il y avoir création d'un lien et la plupart du temps d'amour là où résidait le pouvoir? Comment un être libre pouvait volontairement se laisser aliéner?!
Je ne comprenais p...
-Cardamine bulbifera! S'écria Neville.
J'en sortis aussitôt de mes réflexions.
-De quoi?
Neville avait déjà les joues rouges d'excitation et les yeux brillants. Je connaissais ce regard!
-Ils ont trouvé un croisement extrêmement rare de cardamine et de mimulus mimbletonia qui peut survivre dans les marais du Nord de l'Ecosse! Il faut absolument qu'on aille voir!
Il se levait déjà, mon coeur tambourinait violemment dans ma poitrine. Cardamine et mimbletonia, cela voulait dire essence magique mêlée aux propriétés fulgurantes de la plante! Extraordinaire.
Je refermai aussitôt mon livre pour fuser à sa suite.
-Stop! Lança Hermione.
Je revins un peu à la réalité, tous les Gryffondor de la salle commune nous fixait. Beaucoup goguenards, quelques uns dont Ron effarés, Hermione fronçant les sourcils.
-Vous n'allez pas sortir à quelques heures du dîner pour vadrouiller autour du Lac Noir! Sans compter qu'il fait froid, que vous n'avez pas de cape et... et qu'on est fin Automne, votre plante ne pousse plus!
Neville et moi échangeâmes un regard qui en disait long, et un grand sourire en répondant en choeur:
-Plante vivace!
-Mais...; voulut nous empêcher Hermione.
Je la coupai pour invoquer nos deux capes d'un Accio et l'instant d'après nous fusions à toute vitesse dans les couloirs! Neville guidait, malgré le poids de son énorme magazine, sa cape flottant derrière lui. Dans ces moments-là il retrouvait toute sa joie et toutes ses forces. Dans ces moments-là, il ressemblait au Neville de l'avant-guerre.
Nous passâmes les grandes portes du château en riant et descendîmes à toute vitesse la colline menant au Lac Noir. Le soleil était encore haut dans le ciel, il étincelait à la surface de l'eau...
-C'est extraordinaire, extraordinaire! S'extasiait mon ami, les pieds dans le lac.
Il cherchait côté humide et moi côté sec de la berge, nous avions déjà sillonné une grande partie de sa face Nord.
-Et tu as pensé à toutes ses propriétés! Répondis-je, toujours brûlante d'excitation. Tout ce que ça signifie qu'une essence magique soit enfin associée à des sulfamides.
Je lançai le sortilège de reconnaissance, mais la lueur rouge au bout de ma baguette m'indiqua qu'il n'y avait toujours pas trace de l'hybride.
-C'est... anti-bactérien, non?
-Exact; acquiesçai-je en souriant. Par le groupement aromatique associé à la fonction sulfamide et au NH2, j'ai lu ça dans un livre de chimie moldue. Mais pas seulement! En changeant le groupement aromatique et le NH2 en noyau thiofène on arrive à une substance diurétique.
Nev lança le maléfice qui étincela de rouge, et nous continuâmes notre marche en scrutant la végétation avec attention.
-Ca permet l'élimination des urines et le contrôle indirecte de la tension artérielle; repris-je. Je fais beaucoup de recherche là-dessus en ce moment. Et comme les maladies cardio-vasculaires sont extrêmement étendues dans la population sorcière, ça me paraît important. Oh, et je connais une autre propriété, les sulfamides peuvent aussi être anti-diabétique.
Neville écoutait comme toujours avec attention. C'était un des seuls à y parvenir.
-Type II?
-Oui, le pharmacophore est constitué du noyau aromatique, du groupement NH2 et du noyau sulfonylurée. C'était le seul produit qui pouvait être conservé tel quel dans les potions, tu sais, parce qu'il était assez compact et important pour résister à l'essence magique des autres constituants. Mais les mélanges étaient toujours très volatiles, alors que là... Si l'hybride est viable!
-Je sais; répondit-il en s'esclaffant.
J'aimais bien le voir détendu, rencontrer son regard aussi, comme il était la plupart du temps plongé dans un herbier, un grimoire ou un manuel de cours.
Il lisait bien sûr, avant, mais pas autant, pas par désespoir. C'était comme s'il n'y avait plus que la Botanique désormais, comme si la perte de Luna avait tout détruit, toute autre source de joie...
Qu'il me parle ainsi et qu'il sourie était exceptionnel. J'en profitai et les heures qui suivirent nous filèrent entre les doigts. Le soleil se coucha derrière les montagnes écossaises, la tour Nord résonna huit fois et nous dûmes bien finir par rentrer, couverts de boue.
-On devrait peut-être se changer pour le dîner; proposa mon ami, hésitant.
-Tu tiens vraiment à arriver encore plus en retard et subir les foudres d'Hermione!
Il soupira pour toute réponse avant de sortir sa baguette. Nous nous échangeâmes quelques Tergeo de circonstance, devant les portes, puis nous courûmes dans les couloirs et entrâmes enfin dans la Grande Salle. La majorité des élèves était déjà installée et le bourdonnement des conversations atteignait un niveau assourdissant comparé au silence paisible du parc...
Nous dûmes avoir la même pensée, comme Neville ne me cacha pas sa légère grimace. Je lui murmurai une plaisanterie à l 'oreille, il me répondit de même tandis que nous longions la grande table des Gryffondor. Plus aucune place... sauf en son milieu, deux petits espaces qu'Hermione gardait férocement. Nous nous dépêchâmes de les rejoindre.
-Pas trop tôt; nous accueillit Ron en mâchonnant sa cuisse de poulet.
Hermione soupira d'agacement, Neville fit profil bas en se ruant sur les petits pois, j'adressai à ma meilleure amie ma moue d'excuse la plus convainquante.
-Quand apprendrez-vous à arriver à l'heure aux repas, tous les deux?
-Mais on était...
-Je sais parfaitement où vous étiez! Siffla-t-elle furieuse. Ce qui ne vous excuse en rien, on en est déjà au fromage!
Je me servis rapidement en pâte, et en parmesan, et en pain. Les yeux verts de Harry suivirent tout cela avec amusement, ils brillaient d'une létincelle particulière ce soir, à la lueur des candélabres de la Grande Salle.
-Allons Hermione, ne sois pas trop dure avec eux; intervint-il. Ils ont peut-être fait une découverte qui changera la face du monde sorcier.
Hermione grogna, je m'empressai de rebondir sur le sujet, la bouche pleine de pâtes:
-Peut-être pas la face du monde, sorcier ou pas, mais définitivement une avancée pour des potions assez complexes. Le potentiel de la plante de Neville est extraordinaire.
Celui-ci hocha vigoureusement la tête en dévorant ses petits pois.
-Et qu'est-ce que vous allez en faire de votre carda... on-sait-pas-quoi, une fois que vous aurez mis la main dessus? Lâcha Ron, perplexe, encore occupé avec sa viande.
-Demande spéciale à Chourave pour utiliser un pot de ses serres et puis m'en occuper...; lança Neville, l'air particulièrement enthousiasmé.
-Récupérer des échantillons; surenchéris-je, les étudier dans le laboratoire accessible aux élèves...
-Noter les préférences de la cardamine bulbifera pour son environnement, la terre, la température extérieure, le soleil, le vent...
-Retrouver la série de grimoires de Bossuchaudron et ses expériences incomplètes sur les sulfamides, ce qui constituera un bon point de départ pour les expériences que je voudrais tenter...
Ron fixait Neville, puis moi, puis Neville, les yeux ronds.
-Essayer de...
-Okay, okay, on a saisi; nous coupa le Survivant un poil sarcastique.
Notre expert en botanique retourna à ses petits pois, à la viande qu'il avait ajouté, les joues rouges, et ne se rendit pas compte de trois regards chaleureux lui étant adressés. Harry, Hermione et moi savions comme les moments où il brisait sa carapace de silence étaient rares.
J'étais contente de pouvoir l'aider un peu.
-On s'y remet demain? Proposai-je.
-Au déjeuner? Renchérit-il aussitôt.
J'allais acquiescer, ouvrai la bouche pour répondre... et fus coupée par Hermione:
-Certainement pas, vous n'allez pas manquer votre déjeuner pour vos aventures d'Herbologistes à la noix!
J'avalai ma fourchette de pâtes.
-Après Métamorphoses? Retenta Neville...
J'attendis quelques secondes, qu'Hermione nous rappelle que nous avions beaucoup de devoirs, que ce n'était pas sérieux en année d'ASPICS, mais comme rien ne venait...
-Ça marche!
C'était l'occasion d'aider Neville, et de faire de formidables expériences... Tout cela pouvait paraître ridicule, après cette guerre, toutes ces horreurs, de s'émerveiller devant une simple fleur.
Mais notre passion faisait partie de nous, elle nous reliait à un passé heureux, nos années à Poudlard, la normalité; j'étais certaine qu'elle nous permettrait de surmonter les cauchemars, les remords, cette souffrance...
-On passera voir Hagrid demain, ce sera l'occasion de lui demander pour votre cardamine bulbiflora; annonça Harry.
Mon regard redevint clair, et retrouva la réalité de la Grande Salle. Tous ces élèves, chahutant, se gavant des plats des elfes de maison, vivants... Je souris un peu.
Et puis nous nous tournâmes vers le demi-géant. A la table des professeurs il était à deux places à gauche de Dumbledore et dès qu'il sentit tous ces regards rivés sur lui, il tourna la tête. Un gigantesque sourire apparut au creux de sa barbe, que nous lui rendîmes.
C'était une bonne idée. Hagrid avait une mémoire photographique extraordinaire, il connaissait chaque recoin de ces terres, un simple croquis de la plante pourrait suffire.
Après ça les conversations reprirent, Neville y participa un peu plus que d'habitude, Ronald toujours autant et la bouche pleine de profiteroles, Harry, Hermione...
J'étais bien ici, à Poudlard, en sécurité, et auprès de mes amis.
Après dîner je jouai plusieurs parties d'échecs contre Ron, puis laissai ma place à Harry dont Ginny avait envahi les genoux. Ron grogna un peu, surtout quand elle commença à murmurer à son petit ami comment déplacer ses pions. Hermione et moi suivîmes le jeu de loin, par-dessus nos lectures respectives, Neville ne quitta pas des yeux son nouvel herbier; et les heures passèrent.
Vers minuit, nous remontâmes dans nos dortoirs, Hermione s'écroula sur son matelas pour s'endormir aussitôt, je restai une heure suplémentaire avant de, doucement, m'endormir à mon tour...
En sécurité... à Poudlard... L'herbe verdoyante sous mon dos, tout autour, et l'écorce du saule pleureur contre ma tête. Un vent frais me parvenait par les interstices des branchages, ils se soulevaient doucement, laissaient aussi passer des étincelles de soleil.
J'inspirais doucement, mes longs cheveux noirs ondulant avec la brise, mes yeux océan fermés de bien être... Et puis un poids, soudain, contre moi.
Je tressaillis aussitôt, essayai de me débattre, paniquée. On me retenait, par les épaules, enfoncée contre l'herbe moelleuse du parc.
-N-non... Non...
-Chut, calme-toi, calme toi...
Le murmure échoua dans mon oreille et je n'arrivais plus à me débattre.
-Tout va bien... Khorine... Tu es en sécurité...
J'haletai un peu et mes muscles finirent par se détendre sous les doigts de l'inconnu. Il chuchota d'autres choses qui ne faisaient plus vraiment sens. Il y avait juste, cette chaleur contre mon corps, sa poigne, son souffle qui se déplaçait sur ma peau pour remonter jusqu'à mon front.
Des lèvres s'y déposèrent, délicatement. Je frémis, et le murmure s'éleva de nouveau. C'était tendre et apaisant. Je me laissai faire. Un nouveau baiser, contre ma tempe, la voix se tut, puis reprit.
La bouche accentua sa pression contre ma pommette, son corps contre le mien, et une main remonta m'emprisonner la nuque et de longues mèches noires. Elle était glacée. Elle tremblait.
Je me tournai de ce côté et accentuai le contact, je voulais la réchauffer et mes doigts ne tardèrent pas à enserrer les siens. Ils étaient agités de soubresauts, je les fis quitter mes cheveux, les amenai jusqu'à mes lèvres.
Un gémissement étouffé me parvint, comme un sanglot. J'embrassai le dos de la main, les phalanges, je voulais le rassurer et effacer sa tristesse. Ses doigts s'accrochèrent aux miens, forts, et la bouche de l'inconnu retrouva ma tempe gauche puis reprit son chemin en descendant sur ma joue, le bord de ma mâchoire, son angle, ma gorge. Mais ça devenait plus fiévreux et plus douloureux, et la main dans la mienne soubresautait...
Ses murmures reprirent aussi, mais hachés, et je ne comprenais rien.
Puis la voix se tut et les lèvres se posèrent contre ma carotide, qu'elles embrassèrent longtemps...
Le silence nous enserra tous les deux, la brise chaude de l'extérieur... Tout va bien...
Mon sang battait contre sa bouche en un rythme régulier, régulier...
Il s'arracha à moi bien plus tard.
Froid...
Je me roulai en boule sous les couvertures, pour retomber dans un profond sommeil, sans rêve.
