Chapitre 7
Certains auraient dit qu'il était trop vieux, que nous avions presque vingt ans d'écart, que c'était encore mon professeur, que c'était le bâtard graisseux des cachots, qu'il m'avait rabaissée durant des années et que ce qui m'entraînait vers lui n'était qu'un intense besoin de reconnaissance. J'étais certaine qu'on pouvait aussi y voir une manipulation particulièrement vicieuse d'un ex-Mangemort pour dominer une précieuse petite combattante de Gryffondor.
Si notre relation venait à être connue, je savais que cela se dirait, dans notre dos. Peut-être même que mes amis pourraient le penser.
Mais ils auraient tort. Je me fichais de l'âge qui nous séparait, les sorciers vivaient très vieux et je trouvais Rogue physiquement attirant. Intellectuellement aussi, de toute évidence.
Et... il comprenait. Il comprenait la solitude écrasante, la rage étouffée, la souffrance muette. Il avait tué, beaucoup, tout comme moi. Les autres ne pouvaient pas savoir, Hermione, Ron et Harry n'avaient jamais utilisé un couteau autrement que pour découper leur blanc de poulet ou leur galette de pomme de terre. Ils n'avaient jamais détruit aucune vie, sauf Harry, une fois, par devoir, pour sauver notre communauté.
Rogue...
Le lendemain nous n'avions pas Potion. Je travaillai comme il se doit, léchai plusieurs fois ma coupure à la lèvre, riai avec mes amis, pris des paris pour les jeux du soir. Au déjeuner, je crus avoir l'occasion d'observer Rogue, mais Hermione avait l'oeil à tout et était juste en face de moi. Ron et Harry m'entraînèrent, eux, dans une énième conversation de Quidditch. Je ne pus ne serait-ce qu'échanger un regard avec mon professeur.
Au dîner, ce fut pire. Tout le monde pariait des mornilles, des chocogrenouilles ou des dragées de Bertie Crochue. Beaucoup nous apostrophaient, moi ou Ron, on se défiait.
Je ne l'entraperçus qu'un bref instant, en sortant de la Grande Salle, mais ne pus croiser son regard, il le gardait glacé et fixé sur son assiette. Je n'avais jamais prêté attention à ce qu'il faisait durant les repas dans la Grande Salle, avec qui il parlait...
-Dépêche-toi Khorine! Lança Ronald depuis la foule de Gryffondor qui remontait à la salle commune.
Oui, je me dépêchai de les retrouver. Hermione n'eut même pas le temps de paraître suspicieuse, je lui pariai six dragées de Bertie qu'elle gagnerait contre Dean.
-Je ne parie pas, moi. Mais je crois que Seamus...; laissa-t-elle en suspens.
-Je partagerai mes gains; lançai-je avec un clin d'oeil.
Ma meilleure amie leva les yeux au ciel, et quelques temps plus tard les premiers jeux commençaient. Je jouai trois parties, contre Colin, contre Seamus, contre un autre septième année de l'âge de Ginny... Chacun finirent échec et mat. Ron resta invaincu également, Hermione battit Dean. Il était plus de minuit lorsque nous mîmes fin à cette première partie du tournoi.
Je lus jusqu'à une heure du matin, un grimoire sur la médecine de la Renaissance, Santorio Santorio, Ambroise Paré, Paracelse,...
Le lendemain, le réveil n'avait pas sonné. Et Hermione et moi avions dû nous rabattre sur notre butin de dragées pour ne pas arriver en retard en Métamorphoses. Les soeurs Patil en avaient pioché aussi quelques uns, Ginny parce qu'elle voulait tester ceux de la couleur crotte de nez.
Nous avions Potions l'après-midi, j'avais hâte. Mais Rogue nous réserva un contrôle surprise pour les deux dernières heures de la journée. Je ne pus pas relever la tête de tout ce temps et faillis bien ne pas finir la dernière question avant que la cloche ne sonne. Lorsque je sortis de sa classe, son nez busqué était déjà plongé dans ses corrections.
Il ne vint pas au dîner.
Je ne savais pas s'il le faisait souvent, s'il préférait manger dans ses quartiers d'habitude. Je n'avais jamais voulu y faire attention. Préoccupée, je fus battue en quart de finale par Ronald. Il y eut certains cris de désespoir, des dragées passèrent de mains en mains...
Hermione se doutait de quelque chose, elle me posa des questions. Je les évitai. Le reste de la soirée, alors que j'étais censée suivre attentivement la finale que disputait Ron, mon esprit dériva.
Je nous revoyais en haut de la tour d'Astronomie, dans ses appartements...
Et si la différence d'âge le gênait lui, s'il trouvait que notre relation ne menait à rien, s'il avait pris le temps d'y repenser et qu'il me trouvait... que je n'étais pas...
Il avait arraché un immense étau qui me compressait le coeur, et après avoir goûté à ce qu'il pouvait m'offrir j'avais besoin... Je le voulais.
J'allais trop vite? Aucune idée, mais je savais ce que je ressentais, je comprenais ce que j'avais ressenti durant ces dernières années. Et j'avais besoin de lui.
J'avais peur qu'il me rejette.
-Khorine!
Je virai aussitôt à gauche, et évitai de peu l'énorme cognard qui fonçait sur moi. Merlin! Qui... qui pouvait revâsser sur un terrain de Quidditch?!
-Mais qu'est-ce qui t'arrive? Vociféra Ron depuis ses buts.
Avant de se prendre le souafle en pleine tête. Un ricanement m'échappa et Ginny, en volant, ne tarda pas à me rejoindre pour me taper dans la main. Ronald grogna. Relança le souafle.
La partie continua, je me dépêchai de retrouver mes partenaires.
Le vent froid... la vitesse... l'altitude... J'étais grisée! Feinte de Porskoff, fourberie de Finbourgh, plongeon de Dyonisos... Nous jouâmes un excellent Quidditch. Voler me permettait de tout oublier. Je vins retrouver Harry après avoir échangé ma place avec Angelina.
Nous nous entraînâmes à la feinte de Wronsky. La descente était vertigineuse, le balai vibrait sous mes doigts et le sol se rapprochait, rapprochait... Nous virâmes tous deux, à la dernière seconde!
-Excellent! Haleta Harry en remontant ses lunettes, les cheveux plus en pétard que jamais.
Je ne devais pas être mieux... Nous discutâmes un peu, en attendant que Thomass me cède sa place. Et puis à un moment, alors que le soleil déclinait en rayons dorés étincelant, je me tournai vers Poudlard. Le château, baigné de lumière, les verrières de la Grande Salle, les tours, la tour d'Astronomie...
Soudain, mon coeur rata plusieurs battements, je repérai l'ombre noire qui se tenait au balcon. Rogue était là. Je tremblai, ma poitrine se déchira. Depuis quand? Pourquoi?
Tout le monde savait qu'il ne quittait que rarement ses cachots.
Il gardait ses yeux fixés sur nous, le terrain de Quidditch. Professeur...
Harry m'ébouriffa les cheveux, je sortis de ma rêverie en sursaut, tout en manquant de tomber de mon balai.
-Qu'est-ce qui t'arrive? Tu rêvâsses de plus en plus souvent! Remarqua Harry, le regard un rien espiègle. Ne me dis pas que...
Je grognai, éludai la question:
-Je déteste quand tu joues les Dumbledore junior.
-Je crois que j'ai du potentiel; rétorqua-t-il sans se départir de son petit sourire.
Merlin... lui aussi se doutait de quelque chose.
Je fus sauvée par Thomass qui sortit peu après et me laissa son poste. La partie reprit, je jouai mieux que jamais, sous le regard onyx de mon professeur de Potion.
... Feinte de Porskoff, performée avec Angelina. Ce fut la dernière de la journée, Harry annonça la fin de l'entraînement. Plusieurs de nos joueurs s'écroulèrent de soulagement sur leur balai.
-Je vous retrouve dans la salle commune, juste après le dîner! Fit Harry.
Mes coéquipiers, Ron, Harry et Ginny, Angelina, volèrent lentement vers les vestiaires. Je devais les suivre, prendre une douche puis courir avec Ginny dans les couloirs pour déposer nos affaires, retrouver la Grande Salle, manger tous ensemble, puis la réunion avec des coupelles de dragées, de Bertie crochue, de malice-réglisses, un grimoire enfin jusqu'à deux heures du matin, le sommeil sans rêve qui suivrait... Et Rogue? Il était encore en haut de la tour, silhouette sombre, solitaire.
Ça me brûlait le coeur, j'avais peur, je n'arrivais plus à réfléchir. C'était seulement... Lui, j'avais besoin de lui!
-Khor! Qu'est-ce que tu attends?
Je souris à Harry, les lèvres scellées, avant de me détourner et de fuser vers la tour d'Astronomie. Rogue avait déjà disparu du balcon. J'avais peur, de ne pas le rattraper à temps!
Je poussai sur mon balai, de toutes mes forces. Et arrivai enfin, Rogue s'apprêtait à descendre les escaliers. Je me précipitai sur la rambarde, en lâchai mon balai qui partit s'écraser contre le mur dans un claquement sec. Rogue sursauta et se retourna, choqué.
-Khorine!
J'étais incapable de parler. Alors je sautai à bas de la rambarde les jambes tremblantes. Je courus vers lui. Je me jetai dans ses bras, le serrai très fort, le nez caché dans les plis de sa cape...
Mes mains tremblaient, mon corps aussi. Je ne voulais pas qu'il me rejette. Mes yeux se fermèrent. Et puis Rogue m'étreignit à son tour, il me retint contre lui. J'en soupirai de soulagement...
Severus Rogue... Je respirai doucement son odeur, lovée dans son étreinte. Les vapeurs de multiples potions accrochaient les tissus, celles de certains ingrédients comme le venin de Billywigs, la sève de Botruc, mais celle qui prédominait c'était l'étrange parfum des fleurs de trèfle de Stonehenge.
Discret, végétal, je n'y avais encore jamais fait attention. Mais j'aimais beaucoup...
Je me sentais rassurée, en sécurité. La chaleur de son corps, les battements de son coeur que je cherchais dès que je pouvais le toucher, le souffle dans mes cheveux, la force de son étreinte.
Et puis, sans rien relâcher de sa poigne, il remonta sa main gauche jusqu'à ma tête, mes mèches désordonnés. Elles devaient être un peu sales après les trois heures d'entraînement que je venais d'avoir. Seulement, je n'arrivais pas à m'écarter. Je savourai sa caresse en soupirant, les yeux fermés, tandis qu'une agréable flamme se répandait dans chaque fibre de mon être...
-Je pourrais revenir ce soir, après le couvre-feu; murmurai-je, l'esprit embrumé de bien être.
Rogue ne répondit pas tout de suite mais continua de passer sa main dans mes cheveux...
-C'est une possibilité; finit-il par susurrer.
Le tissu de sa cape... j'étais incapable de le reconnaître, mais il était à la fois épais, délicat, résistant et souple, agréable, si noir...
-Vous me retirerez des points?
Le vent du soir apportait lui aussi des odeurs, celles de la forêt et du lac, mêlées au froid ambiant. Le soleil se couchait dans mon dos.
-Autant que vous voudrez; répondit mon professeur.
Un minuscule rire m'échappa...
Alors, je pouvais? Je pouvais le voir tous les jours, seul à seule, dans ses quartiers? Il acceptait?
Rogue devait avoir perdu la tête. Il acceptait? Et si quelqu'un me voyait sortir de ses quartiers, si on se rendait compte que cela se reproduisait tous les soirs? Il risquait d'être renvoyé, il risquait Azkaban!
-Vous en êtes sûr? Lâchai-je en redressant la tête, cherchant son regard onyx si profond.
Une lueur d'inquiétude vacillait dans le mien. Rogue... Le coin de ses lèvres se redressa presque subrepticement, tandis qu'il recoiffait une de mes mèches de ses doigts froids.
-Certain.
Sa voix était rauque, sa main s'attarda dans mes cheveux et celle qui enserrait ma taille se crispa petit à petit. Son ébauche de sourire disparut, un masque neutre le remplaça.
-Allez-y; prononça-t-il, comme avec difficulté. Partez, maintenant.
Il relâcha son étreinte, s'éloigna de moi. Je ne comprenais pas pourquoi, tout à coup. Je voulus le retenir, rester encore un peu. Mais nous allions sûrement trop vite, Rogue n'avait pas l'habitude des contacts et moi je lui sautais dessus dès que je le voyais!
-Oui, je vous rejoindrai dès que la réunion sera terminée.
Il acquiesça et je vis distinctement ses mâchoires se crisper. J'allais trop vite! Je me mordis la lèvre, le regard un peu voilé, me détournant. Il fallait vraiment que j'apprenne à me réfréner.
D'un Accio informulé j'appelai mon balai, que j'avais un peu malmené. Il frémit sous mes doigts en me pardonnant. Le soleil disparaissait à l'horizon et la brise fraîche de cette fin février soufflait jusqu'au sommet de la tour. Il était tard, j'allais sûrement m'attirer de nouvelles questions de la part de mes amis.
Je me retournai vers Rogue, souhaitant dire quelque chose, partir sur une plaisanterie. Mais il conservait une expression soigneusement neutre, un regard glacé, ses mâchoires restaient crispées.
Je me mordis la lèvre et ne dis rien, sautai plutôt sur mon balai, avant de le quitter pour voler vers les vestiaires.
o oo0oo o
M'enfuir sur mon balai sans penser aux conséquences avait été stupide. J'avais dû révéler à mes amis, Hermione, Harry, Ron et Ginny, que je sortais avec quelqu'un. Neville n'était pas encore au courant, et je préférais pour le moment. Quatre curieux qui n'arrêtaient pas de me poser des questions étaient amplement suffisants.
Par miracle, j'arrivai à conserver l'identité de mon "mystérieux inconnu" et comme je ne disais rien de plus, Ron et Harry finirent par s'entendre sur un point:
-Tant que ce n'est pas un Serpentard!
Un sourire faillit m'échapper, ce n'était que leur directeur! Hermione paraissait heureuse pour moi, son regard chocolat était très doux, Ginny semblait avoir encore des milliers de questions.
Est-ce qu'il embrasse bien? C'est un Serdaigle? J'ai toujours pensé que tu sortirais avec un Serdaigle, ou un Gryffondor! Il est mignon? Est-ce qu'il t'a envoyé une des cartes de la St Valentin?
... La conversation, heureusement, finit par prendre un autre tournant. Quidditch!
Je n'avais pas réussi à tourner la tête vers la table des professeurs, de peur que quelqu'un le remarque, mais je savais qu'il était là, et je savais que je le reverrais après le couvre-feu.
... J'avais peur... Qu'il me rejette maintenant. Il l'avait déjà fait en haut de la tour, et dans ses appartements. Mes pensées s'embrouillaient, je le voulais, j'avais peur, je n' avais jamais ressenti ça pour personne. Mon coeur brûlait.
Je tins en place avec difficulté, tout le long de notre réunion Quidditch. Et puis Harry en annonça la fin, à plus de vingt-trois heures. J'attendis un peu que tous nos coéquipiers remontent dans leur dortoir, saluai Harry, Ron et Ginny, puis enfin me lançai un sort de Desillusion puissant et quittai la salle commune par le portrait de la Grosse Dame.
Je ne me sentais pas bien, je vacillais dans les couloirs, la tête en feu. Et puis me réfugiai dans la première salle désaffectée qui se présenta. Je partis me rouler en boule dans un coin, étreindre mes genoux de mes bras et cacher ma tête contre mes collants noirs... J'avais mal, je paniquais.
Les vieux murs de Poudlard vibraient de magie, de la vieille magie. J'étais chez moi. Et Rogue... j'avais besoin de lui. Besoin, besoin, besoin, besoin, besoin, besoin...
Ce fut très long pour que j'émerge, que je me calme, que je me contrôle. Calme...
Je sortis de la salle désaffectée et repris ma route en direction des appartements du maître des Potions. Il devait être près de minuit quand je traversai sa salle de classe. Puis je toquai trois coups à la porte, et Rogue m'ouvrit. Mon coeur rata un battement, j'esquissai un sourire très calme...
Je ne le touchai pas, il ne fit pas un geste vers moi non plus. Comme trois jours plus tôt je partis m'asseoir dans son canapé, face à son fauteuil.
Nous discutâmes, du fait que je vienne tous les soirs, de l'heure à laquelle je pourrais repartir, d'un passage secret du deuxième étage menant directement à ses appartements, de Quidditch étrangement. Il s'y connaissait, et sur la fin de notre conversation, il sembla un peu moins froid et neutre qu'au moment où il m'avait accueillie. Etre auprès de lui et pouvoir discuter tout simplement m'avait détendue. J'étais moins crispée qu'à mon arrivée, moins craintive.
A minuit, je me levai de mon siège, Rogue m'accompagna jusqu'à une bibliothèque sur la plateforme du fond, qui pivota.
Il lança un sortilège informulé et le souterrain s'illumina. Il était humide, quelques toiles d'araignées pendaient au coin des murs et l'odeur de moisissure était loin d'être agréable. Mais en passant par ce chemin, Rogue ne risquerait rien si je me faisais repérer. Je consentais aisément au sacrifice.
Nous marchâmes, en silence, je ne lui agrippai pas le bout de sa cape bien que mourant d'envie de le faire. Et puis nous arrivâmes au bout du passage, le sortilège qu'il avait apposé à la porte de la tour d'Astronomie le soir du 14 février étincelait doucement devant nous, il reconnaîtrait ma signature magique. Plus loin il n'y avait que l'obscurité de la tenture qui cachait le souterrain, et celle du couloir ouest du deuxième étage.
Je me tournai vers Rogue. Nous n'étions séparés que de quelques centimètres, les murs du passage nous empêchant de reculer plus. Et à vrai dire, nous n'avions jamais été aussi proches de la soirée.
Son expression était très douce, son regard onyx scintillait... Je savais que je devais me retenir mais je... J'avançai, avec précaution, Rogue ne bougea pas ni ne parut se refermer. Ses grands yeux noirs étaient fixés aux miens. Sans y penser, je me mordis la lèvre inférieure là où il me l'avait fendue, puis levai la main jusqu'à lui, ses cheveux gras. Très lentement, j'y passai mes doigts dans une caresse légère. Ils étaient si fins, sombres; mon professeur ferma les paupières et ne fit rien pour me repousser. Ce moment me semblait juste, parfait. Rogue qui me laissait le toucher malgré tout ce qu'il avait vécu et sa reluctance, qui allait jusqu'à fermer les yeux devant moi...
-Bonne nuit; murmurai-je dans un souffle.
Je ne devais pas aller plus loin.
-Bonne nuit; répondit la terreur des cachots en rouvrant les yeux.
Un petit sourire m'échappa, celui de Rogue se lut dans son regard. Puis je retirai ma main, dus me détourner et partir. Je traversai le sortilège et soulevai la tenture... Silencieuse, je me glissai dans les couloirs, attentive au moindre bruit, fière de moi. J'avais réussi à ne pas le brusquer, ne pas le coller ou lui sauter dans les bras.
J'étais apaisée, je le reverrai tous les soirs... Et j'apprendrai à me contenir, j'apprendrai à le connaître, chaque petit détail que je n'avais pas voulu retenir jusque là. Je crois bien que j'étais heureuse...
o oo0oo o
Durant les vacances et les semaines de cours qui suivirent, nous nous apprivoisâmes... Rogue était tellement mystérieux, imprévisible, incompréhensible parfois. J'aimais parler avec lui, qu'importe le sujet il semblait toujours tout savoir, j'aimais lire dans ses appartements au coin du feu et juste en face de lui, j'aimais même travailler dans son canapé lorsque j'avais des devoirs en retard et que lui devait s'occuper de ses corrections.
J'étais heureuse à chaque petit détail que je pouvais apprendre le concernant, ce qu'il appréciait manger au petit-déjeuner, l'équipe de Quidditch qu'il exécrait le moins, le dernier grimoire qui l'avait intéressé, la nouvelle potion qu'il créait.
De mon côté j'avais continué mes expériences sur la cardamine, fait des découvertes fascinantes! J'en avais parlé avec Neville, longtemps, pas encore avec Rogue. J'en avais si peu appris, n'en connaissais pas assez, je ne voulais pas passer pour une imbécile avant d'avoir eu la preuve formelle de l'exactitude de mes travaux. J'y réfléchissais souvent et Rogue devait bien se douter de quelque chose lorsque je fixais le vide sans parler plusieurs minutes durant. Mais il ne me faisait aucune remarque.
Harry et Ginny, Ron et Hermione me faisaient, eux, remarquer la moindre morsure à ma lèvre, le moindre instant où je pouvais me perdre dans mes rêveries. Comme en cet instant...
-Khorine! Tu as fini tes trois parchemins sur la métamorphose d'une araignée en bracelet?
Je cillai... Hermione...
-Hmm; acquiesçai-je en revenant à la réalité.
Nous étions à la bibliothèque, après dîner, elle ne tarderait pas à fermer et moi à retrouver Rogue.
Nous n'étions jamais allé plus loin que quelques baisers, il se crispait toujours et reculait...
-Tu l'aimes, n'est-ce pas?
Je sursautai, les yeux écarquillés.
-Q-quoi? Je n'ai jamais...
Je m'étranglais avec les mots, Hermione m'observait intensément en ayant cet air supérieur qui voulait dire qu'elle savait déjà tout avant tout le monde.
-Non! Répliquai-je. Je n'ai jamais dit ça!
-Non? Insista Hermione.
... Venais-je de nier? J'avais dit que je ne l'aimais pas? Est-ce que je l'aimais? Rogue?
-Je ne sais pas; avouai-je piteusement.
Ma meilleure amie secoua la tête en laissant cascader dans tous les sens ses cheveux touffus. Elle bien sûr, savait tout.
-Qu'est-ce que tu ne sais pas?
Est-ce que je pouvais lui dire? Je me mordis la lèvre inférieure, jetai un coup d'oeil autour de nous. Mais il n'y avait que quelques Poufsouffle à l'autre bout de la bibliothèque, bien trop loin pour nous entendre. J'y avais pensé, un peu, et n'étais jamais arrivée à une réponse satisfaisante. Peut-être qu'Hermione pouvait m'aider...
-Je ne sais pas si je l'aime; chuchotai-je. Je l'admire, je lui fais confiance et j'apprécie chaque moment que nous pouvons passer ensemble, chaque fois qu'il m'embrasse, ou qu'il me prend dans ses bras, mais...
Hermione attendit, la patience incarnée, tout en rangeant nos pots d'encre et nos plumes dans nos sacs respectifs.
-... Je ne sais pas ce qu'il pense. Je ne sais pas pourquoi il m'a choisie, moi, ou pourquoi il refuse d'aller plus loin que quelques baisers, pourquoi...
Je me stoppai, les mâchoires crispées. C'était idiot de s'arrêter sur tout ceci, sans intérêt. Profiter de l'instant présent me suffisait.
-Peut-être qu'il te respecte; murmura Hermione tout doucement. Peut-être qu'il tient à toi, qu'il a peur de te brusquer ou d'aller trop loin avant que tu ne sois prête.
Mon regard océan vira à l'orage.
-Ce n'est pas ça, je suis prête. Et je n'ai besoin de personne pour s'inquiéter de me brusquer ou non. Si je n'ai pas envie de faire quelque chose, je ne le fais pas.
Je relevai la tête vers ma meilleure amie, qui m'observait.
-Moi je le sais, Harry et Ron aussi. Mais tu ne peux pas reprocher à ceux qui tiennent à toi de vouloir de protéger.
-Qu'est-ce que tu peux connaître de lui? Tu ne sais même pas de qui il s'agit! Sifflai-je soudain.
Je tournai la tête, occupai mes mains avec mes feuilles de parchemin que je fourrai dans mon sac. Puis je me levai, j'en avais assez. Des étincelles de magie m'échappait brusquement.
Mais Hermione me retint, d'une phrase:
-Est-ce que tu lui dirais pour le manoir des Lumare?
La magie s'annihila d'elle-même, me laissant pétrifiée, mes yeux écarquillés fixés sur elle. Que...
-Si tu parviens à lui en parler, alors tu seras certaine que tu lui fais confiance et que tu l'aimes; assena Hermione sur le ton de l'évidence.
... Le manoir des Lumare... Je ne voyais pas ce que ça apporterait à Rogue de le savoir, cela risquait juste de me mettre un peu plus en danger. C'était le directeur des Serpentard après tout...
Si je parlais, cela ressemblerait à une plainte de gamine faible et éplorée, je ne voulais pas.
-Je ne vois pas pourquoi je lui révèlerai cette partie de mon passé; sifflai-je.
Je passai mon sac sur mon épaule.
-Lorsque le moment sera venu; répondit-elle. Tu comprendras.
Elle jouait les apprenties Trelawney à présent! Je ricanai un peu, avant de tourner les talons et de me dépêcher de quitter la bibliothèque. Lorsque le moment sera venu... n'importe quoi!
Je n'avais pas besoin de me poser toutes ces questions, de douter, de soupçonner que Rogue se serve de moi d'une quelconque façon! Je n'avais qu'à profiter de l'instant... Seulement profiter de chaque minute que je pouvais passer seule avec lui, le reste n'avait aucune importance.
La tour Nord sonna son premier coup qui résonna, traversant les vieux murs de Poudlard à toute vitesse; puis le deuxième... Il y en eut dix. Le couvre-feu.
Je vacillai au milieu du couloir. J'étais fatiguée, est-ce que j'avais envie de voir Rogue ce soir? Est-ce que je souhaitais vraiment me perdre dans son extraordinaire regard empli de ténèbres, trouver n'importe quel sujet passionnant avec lui, l'embrasser à en perdre le souffle?
Un petit soupir m'échappa, puis je continuai mon chemin vers le deuxième étage. Au bout du couloir, je dépassai le buste de Rowena, marchai jusqu'à la lourde tenture du vivet et m'assurai que le couloir était bien vide avant de me glisser derrière. Le sortilège de Rogue éclairait très doucement l'obscurité. Il me reconnut, je passai, traçant mon chemin dans ce passage secret familier.
Je m'étais faite à l'humidité, aux toiles d'araignée et aux autres insectes qui pouvaient ramper sur les dalles... Je descendis des escaliers, traversai quelques couloirs de plus en plus étroits, puis arrivai derrière la bibliothèque de Rogue. Je m'arrêtai, attendis un peu pour écouter. Il n'y avait pas un bruit de l'autre côté du panneau de bois. Alors je le repoussai d'un sortilège, et fus enfin dans les appartements de la chauve-souris des cachots.
Il y faisait chaud, un bon feu brûlait dans la cheminée et Severus Rogue se trouvait à sa table de travail, corrigeant les copies de ses cornichons d'élèves.
J'étais apaisée... Il releva la tête vers moi dès qu'il m'entendit, ses traits crispés se détendirent un peu.
-Bonsoir.
-Bonsoir; murmurai-je, encore des corrections?
Il grogna, et bien sûr devait s'y remettre. Je m'avançai jusqu'à, ce que je me plaisais désormais à appeler, mon canapé et m'y étendis. Je tirai de mon sac un grimoire de Gunsee sur l'anatomie du bassin et repris ma lecture à l'innervation végétative par les plexus hypogastriques. Connaître le corps humain... Imaginer les effets des potions par leurs mécanismes d'action... Je me sentais bien ici, en sécurité, bercée par le crépitement des flammes et le crissement de la plume de Rogue contre le parchemin. Les heures s'écoulèrent sans bruit...
"-Aucune fantaisie, aucune imagination, petite Lumare. Tu me déçois beaucoup."
Je tournai une nouvelle page, il y avait un schéma des structures musculaires et fibreuses des parois du pelvis. Le ligament de Hesselbach, la ligne blanche, le ligament arqué de Douglas,...
"-Tu dois expérimenter pour trouver ton style. C'est ainsi que les meilleures tortures transforment de vulgaires cadavres moldus en oeuvres d'art. De l'art! Recommence, mets-y plus de passion!"
"-Bravo, comme ça!"
Les moldues, elles hurlaient. Elles étaient défigurées par la souffrance et la terreur.
Le canal iliaque correspondant à la lacune musculaire, est situé sous le canal inguinal et latéralement par rapport au canal fémoral. A savoir que le nerf fémoral ne passe pas par le canal fémoral mais bien par le canal iliaque avec le muscle ilio-psoas.
"-Essaye, tout ce qui te plaît! Crève-lui les yeux à celle-là!"
Assez! Je refermai brusquement mon livre, le souffle court, les mains tremblantes. Assez! Je... Je devais y aller. Il se faisait tard de toute façon. Où était Rogue?
Je me relevai, pour le retrouver toujours à son bureau. Il avait sorti son nez busqué de ses parchemins pour m'observer, un sourcil haussé, l'air inquiet. Je crispai les mâchoires, détournai brusquement la tête, rangeai tout dans mon sac. Hermione, pourquoi avait-elle parlé?!
-Je vais; lâchai-je soudain, y aller. Il est tard.
L'horloge sur le manteau de sa cheminée indiquait plus de minuit et demie. Je ne voulais pas de ces souvenirs. Il fallait fuir, courir, leur échapper. Je devais me réfugier au dortoir, dans mon lit, cachée par les rideaux. Je devais apposer des Silencio, partout, que personne n'entende.
Je ne contrôlais rien, il fallait... Je vous en supplie... Je voulais me recroqueviller, me faire si petite que mes démons passeraient sans me voir. S'il vous plaît...
Je me dirigeai vers le passage secret et je n'étais pas sûre de tenir assez longtemps pour parvenir jusqu'aux dortoirs. Il fallait que je me dép... Mon bras fut retenu. Rogue s'était levé, me retournait avec précaution vers lui. Je n'avais jamais décelé autant d'inquiétude dans ses orbes onyx, cette chaleur, ces doigts agrippés à mon bras...
-Que se passe-t-il Lumare?
-Rien.
Je me refermai aussitôt, le regard océan s'assombrissant progressivement. Je ne pouvais pas lui dire. Je ne pouvais pas. Je tirai sur mon bras, tentai de me libérer. Rogue ne lâchait pas.
Mon coeur s'emballait...
-Vous m'avez offert votre confiance; rappela-t-il dans un murmure. De quoi avez-vous peur?
-Je n'ai peur de rien; haletai-je alors que sa main glacée partait effleurer mon front.
Il était brûlant et rempli de tellement d'horreurs. Je ne pouvais pas lui dire, je ne devais pas être faible. Et j'avais besoin de lui, mais ne pouvais pas rester. Je ne pouvais même pas trop le toucher.
Le nez de Rogue effleura le mien et me fit redresser la tête, nos souffles se mêlèrent, nos regards.
Il... Il était Legilimens! Je le repoussai aussitôt, paniquée, avant de courir jusqu'à la bibliothèque. Je lui échappai, fusai dans le souterrain, manquai de glisser pour me rattraper au mur et repartis aussitôt. Vite, fuir! Fuir! Plus vite! Je courus plus vite, j'arrivai à le quitter et à éviter les professeurs jusqu'à mon dortoir.
J'apposai des Silencio tout autour de mon lit, vite. Sans réfléchir. Un seul suffisait. J'en lançai au moins dix. Les autres dormaient. Je commençais à trembler, les premières convulsions...
Ma lèvre, je la mordis, essayai de me contenir, juste le temps d'enlever mes chaussures, de poser mon sac. Puis toute habillée, je me réfugiai derrière les rideaux.
Là, enfin, je me roulai en boule. J'entourai mes genoux de mes bras, je me berçai, d'avant en arrière, revenant toujours cogner contre le montant de bois du lit. Mes cauchemars revenaient!
Je convulsais seule, dans le noir, je n'avais même plus à retenir mes cris. Personne n'entendrait! Personne ne viendrait! Comme avant, là-bas, en bas dans les oubliettes du manoir! Les Silencio, personne n'entendait!
"La lourde porte en bois de chêne avait claqué violemment, le bas était imbibé de sang. Il y en avait partout, de ce rouge sombre, explosé sur les murs, il coulait sur les dalles de pierre au sol. Il gouttait encore des trois cadavres d'aujourd'hui. Des moldues. Parce que mon oncle les préférait. Il y avait une grosse, à peine plus lourde que ma tante, et une mère avec sa fille que nous avions enlevées à la sortie d'un parc de jeu. La mère était brune avec du ventre mais des jambes fines, les cheveux secs et filandreux, sa fille avait ses cheveux et des yeux chocolat.
Avait... Mon oncle appréciait de torturer aussi longtemps que possible les quelques amusements que nous pouvions trouver. Il fallait être discrets... avec les Aurors qui se méfiaient encore de ces soi-disant Mangemorts repentis... J'utilisais les couteaux ou mes poings juste, parce que je n'étais pas encore en âge d'utiliser ma baguette. Je n'avais pas non plus le droit aux acides, aux poisons, aux fouets... Mais bientôt, il me l'avait promis. Bientôt.
Et là, je devais nettoyer.
Il y avait deux seaux, un rempli d'eau froide à mes pieds et l'autre sur la table en bois, au bout de la pièce, avec de l'alcool très fort. J'avais l'habitude, d'abord redresser les cadavres et les laisser dans un coin, ensuite utiliser l'éponge et l'eau pour éliminer un maximum de sang par la bonde et finir ensuite à l'alcool. J'enlevais les tâches aux murs en dernier.
... Je me tenais très loin des corps pour l'instant. Mais je voyais distinctement, je sentais. Mon oncle avait brûlé les cheveux de la gamine, je lui avais crevé les yeux, alors qu'elle vivait encore.
Elle avait hurlé, gémit, appelé sa mère qui était attachée et qui voyait tout. Elle avait supplié, et n'avait cessé de crier maman! Maman! Maman! Maman! Maman! Maman!
Je secouai la tête de gauche à droite, très fort. Qu'elle cesse! Arrête! Arrête! Je me bouchai les oreilles des deux mains! Cette gamine qui hurlait! On avait à peine quatre ans d'écart, et elle était si faible, elle était morte aussi...
La mère, on l'avait vidée de son sang. J'avais revu les endroits stratégiques, les artères et veines principales alors qu'elle suppliait qu'on l'achève. Mon oncle l'avait exaucée.
Pour la grosse, nous avions été plus inventifs. D'abord elle tremblait, ça avait été extrêmement difficile de bien viser, elle pleurait aussi, elle couinait comme un petit porcelet.
Je savais ce que faisait un porcelet parce que mon oncle m'avait entraînée sur les animaux avant.
J'avais dû lui ouvrir le ventre, et étudier comme les viscères se répandaient progressivement à terre. L'énorme moldue avait hurlé, grogné, hoqueté qu'elle avait des enfants, un mari, qu'elle ne voulait pas mourir! Pas mourir! Pitié! Pitié! Pitié! Pitié!
J'entendais sa voix déformée par une terreur incoercible, les suppliques qu'elle vomissait avec son sang. Son sang, il avait giclé partout. Et elle avait hurlé! Tellement! Elle avait souffert, tellement!
Comme cette petite fille! Ses yeux brun, si doux, emplis d'innocence... Je les avais vu briller pendant qu'elle jouait dans le sable du parc. Elle n'aurait jamais dû... se trouver... là... Je n'aurais pas dû la regarder. Jamais. Mon oncle m'avait vue. Il l'avait fixée à son tour. Il m'avait félicitée pour mon excellent choix.
-... P-pardon... Pardon...; hoquetai-je.
J'avais les pieds dans le sang et l'océan de glace se fendillait dans mes yeux. Je ne parvenais pas à luttter. Pas à me retenir. Il le fallait. Mon oncle reviendrait. Bientôt. Je ne les avais pas torturées, de mes mains, pour me trahir maintenant! Non! Mais c'était trop dur, trop dur... Les larmes m'échappaient, roulaient le long de mes joues et les convulsions m'empêchaient de respirer. Je vacillai jusqu'au mur, y apposai une main pour me retenir. Gluant. Le sang était gluant, j'en avais plein sur les doigts. Plein sur les habits. Mon oncle avait utilisé un Bombacta sur la grosse. Tout avait explosé. Alors j'hurlai! J'hurlai! A m'en déchirer la gorge! Et je m'agrippai les cheveux à deux mains et tirai, et tombai à genoux. Je n'en pouvais plus! Ces moldues... qui me fixaient de leurs yeux morts. Elles avaient tellement souffert! Tellement, tellement, tellement!
Les sillons de pleurs se mêlaient au sang sur mon visage et j'avais beau essuyé, il y avait toujours plus de sang et de larmes.
-Pardon... je vous en supplie, pardon...
Je n'avais pas voulu la regarder, c'était juste... Elle était si paisible comparée aux autres enfants, elle souriait et jouait assise dans l'herbe avec ses amies. Elle... m'avait... fascinée... Tant de douceur, d'innocence... Et je l'avais tuée!
-C'est fini... Khorine, tout va bien, c'est fini...
Cette voix... mais il mentait. Il mentait. Les cadavres étaient devant mes yeux, devant moi! Et leurs cris n'en finissaient pas de se répercuter contre les murs, dans ma tête.
-Non... Non...
Je tournai la tête et les larmes roulèrent le long de mes tempes et j'hoquetai sous les sanglots incontrôlables. Tout brûlait... Il y avait une caresse, des doigts froids. J'y échappai, elle revenait sans cesse. Une chaleur... Comme la sienne! La sienne! Rogue!
Je rouvris les yeux. Et retrouvai les cadavres devant moi. Mais il y en avait plus de trois. Je n'avais pas besoin de m'approcher pour déceler la chevelure rousse de Ginny, celle de Ron, d'autres Weasley. Et les yeux verts, morts, de Harry! Hermione aussi, démembrée, baignant dans son sang! Et... cette ombre noire, blême, couverte de rouge. Ses magnifiques orbes onyx, voilés. Severus!"
J'hurlai, de douleur, de terreur, broyée par la souffrance; pour m'arracher soudain au cauchemar.
Je me réveillai, toujours paniquée, dans mon lit, toutes ces ténèbres, le sang, Severus, je vous en supplie... Et je sanglotai à l'abri du Silencio et je.. cette ombre... Soudain, dans ses bras, allongée tout contre son corps. Je me débattis et pleurais toujours. Mais il me retint contre lui. Il murmurait de sa voix rauque et apaisante. Severus, en vie...
-Ce n'était qu'un cauchemar, c'est fini... Tu es à Poudlard, calme-toi...
Je gémis, en me retenant plus fort à son gilet noir. Il n'était pas tâché de sang, et lui me parlait, son coeur, je le sentais battre... Il était vivant... Je me cachai tout contre Rogue, son torse, m'agrippant à lui de toutes mes forces.
-Je ne voulais pas... la regarder; gémis-je. Je ne voulais pas! Elle... brûlait... Je ne pouvais rien faire, il y avait son sang... partout.
Sa poigne se resserrait convulsivement autour de moi. Je ne voulais pas qu'il lâche, jamais. Je vous en supplie. J'hoquetai encore des mots au milieu des sanglots, dans ses bras. Ma tête brûlait de plus en plus, j'avais.. mal... Le sommeil m'emportait de nouveau. Je ne voulais pas...
Un dernier moment, de conscience. Je sus que Rogue était là, dans mon lit, dans le dortoir. Et puis la fièvre et la fatigue me rattrapèrent. Je m'écroulai de sommeil dans son étreinte.
