Chapitre 8
Lorsque je me réveillai le front en feu et les yeux bouffis, je mis un certain temps pour arriver à mouvoir le moindre muscle. Puis je sortis ma baguette de sous mon oreiller et murmurai un Tempus. Il était à peine six heures du matin...
Je me rappelai, les trois moldues de l'automne de mes neuf ans. Et puis j'avais cauchemardé sur mon oncle qui me disait que j'étais spéciale, que j'étais son héritière, que je devrais lui faire honneur à Poudlard, et rentrer dans les bonnes grâces du fils Malefoy.
Cette voix... Il y avait eu une voix aussi, je m'étais réveillée, et il m'avait serrée contre lui! Je savais! Rogue était là! Dans les ombres, il m'avait parlé, ses mains et son corps contre le mien. Il m'avait rassurée, mais... alors... il savait? Il était venu dans mon dortoir, dans mon lit!
... Ce n'était pas la première fois...
J'étais fatiguée, ma tête lourde et je ne savais pas ce que je devais faire. La colère grondait au creux de moi, il fallait que je lui parle, maintenant! Rogue!
Je rejetai les couvertures, aussi violemment que je le pouvais, et puis posai mes deux pieds sur les dalles froides. J'eus du mal à me relever, vacillai, avant de me rattraper à la colonne de mon lit. Je mis mes chaussures. Hermione marmonnait en dormant dans le lit juste à côté du mien.
Un petit rictus écorcha mes lèvres, j'avais mal à la tête... Un pas après l'autre, je m'avançai au milieu du dortoir, puis le quittai et descendis les escaliers. Je faillis m'effondrer à mi-chemin, je ne me sentais vraiment pas bien.
Haletante, je posai mon front contre les pierres du mur... Calme, calme, calme... Je repartis, pour arriver à la salle commune et trouver Neville endormi dans un fauteuil avec son grimoire d'Herbologie. Je passai le portrait de la Grosse dame, puis chancelai dans les couloirs, jusqu'au deuxième étage. Le vivet, les chasseurs, la tenture que je soulevai pour atteindre le passage secret. Je me retins au mur, les cheveux en bataille et de longues mèches tombant devant mes yeux. Les murs suintaient l'humidité, c'était gluant. Les insectes grouillaient à mes pieds.
Un soupçon de lumière, presqu'imaginé, apparaissait après l'escalier et le bout du couloir du souterrain. Je m'y traînai, la lumière... Lumière... Je repoussai la bibliothèque d'un sortilège et entrai dans son salon. Des candélabres étaient allumés, le feu de cheminée, et Rogue était là, réveillé.
Mon professeur... Il releva lentement le nez de ses parchemins, pour s'apercevoir de ma baguette, pointée sur lui. Elle tremblait dans ma main, j'avais mal, la magie commençait à crépiter autour de moi.
-Je sais que c'était vous; haletai-je le regard assombri. Je sais! Depuis... combien de temps?!
Ses orbes sombres brûlaient d'une magnifique manière, son visage pâle léché par l'éclat des flammes était aussi neutre qu'il le pouvait, ses cheveux noirs, son nez busqué si particulier...
-Longtemps; avoua Rogue au bout d'un long moment.
Je ne contrôlais plus ma magie, elle m'échappait, s'élevant en zébrures de plus en plus amples. Je savais que ça ressemblait aux éclairs lorsqu'ils descendaient sur terre, je savais que je devais les contrôler, mais je ne...
-Lumare...; tenta-t-il.
J'éclatai de fureur:
-C'était avant la tour d'Astronomie! Le quatorze février! Avant que je vous autorise ne serait-ce qu'à me toucher! Qui vous a donné le droit d'entrer au dortoir, de me rejoindre, dans mon lit?! Qui?! Vous ne deviez pas savoir!
Ma magie, elle... Rogue ne rétorquait rien. Lui le maître du sarcasme, l'aiguiseur de phrases assassines; il se taisait. Rogue était blême, il me fixait sans rien exprimer mais il semblait... malheureux. Je ne l'avais jamais vu ainsi. J'en avais le coeur broyé.
Ma magie s'annihila d'elle même, brusquement. Ma baguette m'échappa des mains, je titubai alors que mon professeur quittait sa chaise. Il approchait, j'allais m'effondrer; mais Rogue me rattrapa. Ses doigts s'agrippèrent à mes bras, les miens à son vêtement.
Il savait... et en l'apprenant il m'avait serrée contre lui, réconfortée. Des larmes apparaissaient dans mes yeux, au coin de mes lèvres un petit sourire écorché de gratitude. Merci...
-Ne recommencez jamais. Jamais; chuchotai-je d'une voix rauque.
Rogue n'hésita pas un instant:
-Je vous le promets.
Mon professeur, qui promettait. Je fermai doucement les yeux avant de laisser mon front venir reposer dans le creux de son cou, contre le col de sa robe de sorcier. Cela faisait longtemps qu'il venait le soir, qu'il veillait sur moi alors que j'étais trop aveugle pour m'apercevoir de son importance pour moi. Je n'avais rien remarqué, quelque soit le nombre de fois où il m'avait rejointe, ou peut-être si, vaguement, une étreinte, une voix... Je regrettais de ne pas y avoir prêté attention plus tôt.
Rogue... Sa main qui descendit jusqu'à ma taille, me maintenant tout contre lui, et l'autre remontant à mes cheveux pour les caresser avec tendresse. J'avais tellement envie de l'embrasser en cet instant.
Ses doigts fins qui passaient entre mes mèches m'apaisaient, m'apaisaient, ainsi que son souffle échouant dans le creux de mon cou, l'étreinte de son autre bras.
-J'ai connu votre oncle dans les rangs du Seigneur des Ténèbres; murmura Rogue... Je sais ce dont il était capable, vous n'avez pas besoin de me dire quoi que ce soit.
Un très léger sourire reconnaissant m'échappa tout contre sa gorge. J'avais toujours su que lui comprendrait.
-Merci.
... Mais, en tant qu'espion, Rogue avait dû tellement souffrir. Tous les meurtres, toutes les tortures.
Est-ce qu'il était seul à cette époque? Est-ce qu'il avait perdu quelqu'un de cher? J'en savais si peu sur lui, alors qu'il connaissait mon passé, mon présent aussi commme je lui parlais beaucoup et qu'il était très observateur.
-Je veux; chuchotai-je, en contrepartie, une question par jour.
-Lumare?
J'expliquai, toujours accrochée au tissu noir, en pensant à toutes ces petits détails le concernant que je n'avais pas encore découverts:
-Une question par jour, vous pourrez choisir de ne pas répondre mais si vous le faîtes il faudra que ce soit la vérité.
Il y eut un instant de silence, ses caresses s'étaient arrêtées. Puis sa voix rauque s'éleva:
-Et sur quoi voulez-vous m'interroger Miss Lumare?
-Il y a tellement de choses que je ne connais pas sur vous; répondis-je dans un souffle.
J'étais bien dans ses bras, la tête contre son épaule, j'en avais fermé les yeux. Mais ma dernière proposition semblait déplaire à Rogue. Comme s'il pensait que j'allais tout de suite l'interroger sur les armes qu'il utilisait lors des raids ou le nombre de victimes qu'il avait éliminées de ses mains... En fait, je crois que je ne le lui demanderais jamais. J'attendrais qu'il le veuille, qu'il en ait besoin.
Doucement, je relevai la tête comme il ne parlait toujours pas. Ses mains se rejoignirent sur ma taille alors que nos regards se rencontraient, ses orbes noirs perçants mais troublés. Je tentai une petite moue rassurante.
-Allez-y, quelles sont vos questions? Lâcha-t-il dans un sifflement.
-Une par jour; rétorquai-je en montrant des orbes océan apaisants. Et si vous insistez pour que je commence maintenant, il y a une question que je me pose depuis quelques temps...
Un léger haussement de sourcil, et toujours ses yeux accrochés aux miens. Je me raclai la gorge, me mordis vaguement la lèvre, avant d'oser demander:
-... Quel est votre dessert préféré?
Il y eut un moment particulièrement curieux où rien ne se passa, Rogue me fixait de son étrange manière, je tentai de découvrir ce qu'il ressentait en retenant mon souffle.
Et puis un ricanement lui échappa. Rogue... C'était presque un rire. Mon coeur se souleva d'une agréable façon. Il finit les yeux plissés d'amusement, le coin des lèvres remonté vers le haut.
-Et depuis quand vous posez-vous cette épineuse question?
Je lui souris à mon tour, un peu mieux, mais j'avais plus l'habitude.
-Depuis deux semaines, le soir où vous m'avez dit que vous détestiez la tarte à la mélasse.
Rogue se moqua un peu, murmura qu'il n'était pas certain de pouvoir l'avouer. Son souffle effleurait mes lèvres à chacun de ses mots et c'était peut-être inconscient, mais son étreinte se resserrait autour de moi. Il me donnait un peu plus l'envie de l'embrasser, d'embrasser la bouche qui m'avait délivrée tant de réconfort, d'embrasser son esquisse de sourire.
-Il y a bien un moyen de vous faire avouer, non? Marmonnai-je, boudeuse, alors qu'il refusait toujours de me donner la moindre piste.
Son pouce caressait doucement le bas de mon dos et son regard reflétait une telle douceur qu'il faisait naître une boule de chaleur dans le creux de ma poitrine. Je me mordis la lèvre en détournant les yeux, essayant de cacher mon désir, c'était vraiment difficile quand il me tenait dans ses bras et que j'étais incapable de vouloir m'écarter.
Un instant plus tard, sa main droite quittait ma hanche, pour remonter jusqu'à mon menton et le ramener vers lui. Son regard brûlait.
-Il existe un moyen; répondit Rogue d'une voix très rauque.
-... Montrez-moi; haletai-je toujours mon menton entre son pouce et son index.
Cela sonna presque comme une supplique. Mais je n'eus pas tellement le temps de m'en vouloir comme il rapprochait mon visage du sien. Mon coeur s'affolait, je m'agrippai plus fort à ses vêtements; l'instant d'après Rogue déposait ses lèvres sur les miennes. Si froides... Un afflux de sensation et de chaleur me parcourut, remontant jusqu'à mon front fiévreux. J'haletai, nos bouches s'écartèrent, pour se retrouver. Je tournai un peu la tête, et Rogue m'embrassa encore, encore, se contenant de moins en moins... Il agrippait mes cheveux, ma hanche et ses doigts s'enfonçaient au travers du tissu, dans ma peau, il me plaquait contre lui. Ses lèvres, ses dents qui cognaient contre les miennes alors qu'il s'emparait de ma bouche encore, plus fort. Je ne contrôlais plus rien.
-Professeur je...; haletai-je, sans pouvoir continuer.
Il captura mes lèvres et me mordis celle du bas, je gémis. Sa bouche reprit possession de la mienne. J'en avais le vertige, ma tête tournait, mes jambes flageolaient.
Je m'agrippai plus fort et Rogue resserra d'autant plus son étreinte, il me fit reculer, reculer, jusqu'à me piéger contre le mur.
-Ne me quittez pas; siffla-t-il d'une voix rauque.
Et la main qui enserrait mes cheveux les lâcha en tremblant pour rejoindre ma mâchoire, ma nuque. Il ne me laissa aucun moyen de répondre, ses lèvres reprenaient les miennes. Je ne parvenais même plus à respirer... Ses doigts au niveau de mes hanches tiraient, ils tiraient sur le tissu de mon pull d'uniforme. Il fallait... respirer... Ma main lâcha sa robe de sorcier pour descendre vers la sienne, soulever le bas avec lui. Il dut me lâcher pour continuer à l'enlever. Je rejetai la tête en arrière, insipirer, expirer, inspirer... Ma vision se voilait et je n'étais pas sûre de rester longtemps debout s'il ne me retenait plus. Mais Rogue ne tarda pas à relever mon vêtement et à me l'arracher. Il le jeta plus loin sans me quitter du regard; avant de me plaquer plus fort contre les pierres. Des coulées de lave obsidienne, mêlées à un océan brumeux... Il reprit ma bouche et je gémis sans retenue. Ma lèvre se déchira sous l'assaut violent, mon sang coula de nouveau. Ses mains parcouraient mon corps, maintenant, par-dessus ma chemise. Mes flancs, mes hanches, le bas de mon dos, pour remonter jusqu'aux épaules. Et ses baisers me privaient de souffle. Il n'arrêtait pas... Je devais... Je...
Ses lèvres, nos dents s'entrechoquaient, je sortis précautionneusement le bout de ma langue, pour lécher un peu de sa bouche. Puis je la rentrai. Rogue tressaillit, haleta en brisant notre baiser, une de ses mains me quitta pour se retenir au mur. Comme une accalmie...
Ses expirations échouaient contre mes lèvres gonflées et brûlantes, nos bouches à quelques millimètres. J'avais du mal à reprendre mon souffle.
Il était peut-être temps de murmurer quelque chose de spirituel, mais je n'arrivais plus à parler, je n'arrivais même plus à réfléchir. Tout ce que je voulais, c'était...
Je revins à ses lèvres, les embrassai un peu, et Rogue me laissa faire. Toujours sa main gauche agrippée à ma chemise, il ne tentait rien encore pour m'écarter. Alors je risquai ma langue contre sa bouche, la léchai, quémandant pour plus. S'il vous plaît, Severus...
-Khorine; soupira-t-il...
Et la barrière de ses lèvres se rompit, ma langue y pénétra. Je ressentais comme une boule de chaleur qui se crispait dans tout mon ventre. C'était la première fois que je pouvais aller aussi loin...
Nos... langues se rencontrèrent... Nous frissonâmes tous les deux. Rogue me plaqua comme jamais contre le mur, une main contre ma nuque pour ne jamais briser notre baiser. La mienne était dans ses cheveux graisseux, les ébouriffant...
Puis je caressai... sa langue... L'entourant très lentement...
Des tremblements le parcouraient. Sa poigne se resserrait convulsivement. Je continuai. Il ne répondait pas, ne bougeait pas la sienne, comme si... c'était la première fois que quelqu'un l'embrassait ainsi. Ma langue l'effleurait, tournant autour, frôlant son palais pour provoquer ses tressaillements, taquinant sa langue comme si je savais ce que je faisais. Encore, plus joueuse, tandis que Rogue semblait... avoir mal. Je ne...
Un râle rauque lui écorcha la gorge avant qu'il ne me repousse soudain contre les pierres. Mes omoplates s'y écorchèrent. Je... Je n'avais pas bien fait?
Je doutai de moi, jusqu'à percuter ses orbes sombres qui brûlait de l'intérieur, d'un feu infernal! J'inspirai brusquement, juste le temps, l'instant d'après il fondait sur mes lèvres et s'en emparait de force! Je geignis, sa bouche, ses doigts glacés sur ma chemise. Les miens s'agrippaient à ses cheveux; les siens tremblaient, ils montaient et défaisaient mon premier bouton... descendaient au deuxième... troisième... quatr...
-Sortez; gronda-t-il entre deux baisers.
Il détacha le quatrième, et ses doigts cheminèrent malgré lui jusqu'au cinquième.
-Sortez, maintenant...
Non... Il ne restait plus que trois attaches avant que ma chemise ne soit complètement ouverte et j'en voulais encore, plus. J'avais ce besoin, incoercible, qu'il me touche et me serre très fort dans ses bras. Il fallait qu'il efface la peur, l'horreur, la souffrance, j'avais tellement besoin de lui!
Et puis il s'écarta. Brusquement. J'avais froid...
Il recula, de plusieurs pas. Il ne me touchait plus du tout. Rogue semblait... souffrir... Il se voûtait, recherchait son souffle en détournant les yeux. Non! Je voulais...
Je voulais... Je ne fis pas un geste vers lui, ni ne tentai de me rapprocher de nouveau. Rogue se retenait. Il se retenait de me prendre maintenant, contre le mur de ses appartements. Il empêchait que ma première fois se fasse dans la précipitation, le besoin, qu'elle soit tâchée des atroces ombres du passé. Rogue chancela avant de se retenir au dossier de son canapé, d'haleter, les yeux rivés au sol et cachés par deux rideaux de cheveux graisseux.
-Cela ne se reproduira plus, Lumare; siffla-t-il d'une voix déformée par la... honte. Jamais plus.
-Professeur; tentai-je en m'avançant...
-N'approchez pas!
Je me stupéfixai aussitôt, commençant à me rendre compte de tout l'étendue du problème, et surtout à me rendre compte de ce que Rogue pouvait souffrir. Je n'avais jamais soupçonné... Je m'empressai de reboutonner ma chemise, de retrouver mon pull d'uniforme au sol pour l'enfiler.
-Vous savez que je le voulais aussi? Murmurai-je après, tandis qu'il refusait encore de me regarder.
-Cela ne justifie rien; cracha-t-il à mon encontre, me fixant de ses yeux brûlant sous ses mèches graisseuses. Vous n'êtes pas...
Je l'interrompis:
-J'ai dix huit ans, la majorité même dans le monde moldu. Et si, je suis capable de réfléchir par moi-même, de savoir ce que je veux, de savoir qui je veux. Je vous veux, Severus.
Il tressaillit et se courba un peu plus au-dessus du canapé. Oh son prénom... je le prononçais pour la première fois.
-Vous êtes trop jeune pour en être certaine; rétorqua-t-il en relevant malgré lui ses orbes onyx vers moi.
Je devais avoir mes longs cheveux sombres en bataille, les joues rouges et les lèvres bien meurtries. Mais la brume de mon regard s'était dissipée, mon regard vif était rivé au sien, il ne pouvait pas en douter.
-Et à quel âge pourrez-vous considérer que je serais certaine de mes choix? Dans deux ans, quatre ans? Peut-être voulez-vous que je revienne lorsque j'aurais plus d'expérience?
-Non! Haleta Rogue.
Je crus déceler quelque chose s'effondrer dans ses yeux. Et puis un masque neutre glissa sur son visage, confinant chaque émotion loin de moi. Ce fut si soudain...
-Ce sera votre première fois, Lumare?
Je rougis mais ne détournai pas la tête.
-Oui.
Il cilla, et ce fut comme d'accuser un grand choc alors qu'il portait toujours son masque.
-Et vous voulez... vous donner à moi?
Rogue regretta d'avoir poser cette question ,je le sentis à l'instant même où il referma ses lèvres. Elles étaient un peu plus rouges que la normale, ses cheveux graisseux étaient encore ébouriffés sur l'arrière. Une bouffée d'affection me submergea.
-Oui; murmurai-je.
Ses longs doigts fins s'enfoncèrent dans le dossier du canapé, seul signe qu'il ait pu ressentir quoi que ce soit à ma réponse. Il me fixait toujours de derrière ses mèches, ses orbes noirs... j'avais du mal à déterminer s'il me croyait ou non. Severus pouvait être si suspicieux.
Il y eut un instant de silence. J'espérais que je l'avais convaincu, qu'il en soit arrivé à me croire et à me comprendre autant que je comprenais ce qui avait sous-tendu ses savais, maintenant.
Il ne l'avait pas fait par dégoût, pas parce qu'il n'était pas habitué au contact, pas parce que j'étais trop envahissante... Non?
-Pas maintenant; siffla-t-il d'une voix rauque.
Je secouai la tête, mouvement qu'il enregistra. Rogue avait raison, pas avec ce besoin oppressant, ces souvenirs monstrueux. Et puis nous n'étions pas ensemble depuis deux mois, il nous fallait plus de temps. Du temps... Je jetai un coup d'oeil vers la cheminée, la petite horloge posée dessus qui indiquait six heures cinquante-trois... Oh Merlin! Hermione et les soeurs Patil allaient se réveiller dans moins de dix minutes!
Je n'eus même pas le temps de lancer un regard catastrophé à mon professeur, il m'enjoignit de retourner à mon dortoir. Merlin! J'acquiesçai avant de courir jusqu'à l'estrade, ramasser ma baguette. Je n'osais même pas penser à ce qu'il m'arriverait si elles ne me trouvaient pas dans mon lit au réveil! La bibliothèque pivota je...
Je m'arrêtai, me tournai vers Rogue.
Il s'était redressé et me fixait d'une manière un peu douloureuse. J'aurais voulu retourner vers lui, le serrer contre moi. Mais je n'avais vraiment pas le temps, je pouvais juste...
-Vous ne m'avez toujours pas dit, pour votre dessert préféré; lançai-je.
Rogue hésita, quelques secondes, avant d'avouer, enfin:
-Forêt noire.
Je lui adressai un sourire heureux, auquel il ne s'attendait pas, puis dus partir, en courant. Merlin, si j'arrivais en retard!
Heureusement, par je ne savais quel miracle, il s'avéra que Padma avait encore oublié d'enclencher le réveil la veille au soir. Ce qui fit que j'eus largement le temps de rentrer sans me faire repérer, de prendre une douche et de relire une dernière fois mon devoir de Potion sur les aggréments de la sélénite, avant de consentir à réveiller Hermione. Elle glapit assez fort pour tirer de leur sommeil les deux autres occupantes du dortoir. Après ça, ce fut la course à la salle de bain, une brosse vola à travers la pièce et je pus finir tout un chapitre du grimoire que j'avais emprunté sur les espèces de dragons élevées en Roumanie.
On courut à la grande salle, très en retard, tandis qu'Hermione perdait son souffle à critiquer copieusement la pauvre Padma. A la table des Gryffondor, nous fûmes accueillies par Harry et Ron, la bouche pleine. Une nouvelle journée se profilait, et c'était la première fois que je sortais d'une nuit de cauchemar en étant si sereine. Mon regard se leva malgré moi vers la table des professeurs, Rogue fixait ses oeufs brouillés d'un air absent. C'était une grande première!
-Hermione; chuchotai-je alors que les garçons s'extasiaient à propos du premier match Serdaigle Serpentard de l'année.
Elle grogna vaguement en avalant une cuiller de céréales, sachant qu'il ne nous restait plus que dix minutes avant le cours de DCFM.
-Il y a bien une section cuisine à la bibliothèque, non?
-Bien sûr; répondit-elle. Tout au fond, entre le mur et la partie culture générale. Pourquoi?
Elle avala une autre cuiller, avant de m'adresser un coup d'oeil empli de suspicion. J'haussai les épaules, un petit sourire secret au coin des lèvres. Cela la fit ronchonner un peu plus et retourner à son bol de céréales. Quant à moi, je croquai dans mon pain au chocolat en pensant à ces grimoires. J'irais dès que je le pourrais, parce que j'avais vraiment hâte de savoir de quoi était composée une forêt noire. Est-ce qu'il y avait du chocolat dedans, à tout hasard?
