Chapitre 1
-On est dans la bouse de dragon; lâcha Ron, essoufflé.
Il revenait de son poste de guet à l'entrée de la salle, et avait couru manifestement, pour nous retrouver entre plusieurs piles de vieux grimoires posés en équilibre précaire.
-Pourrais-tu être un peu plus clair?
-Ils font des rondes, et passent devant la salle toutes les trois minutes, je ne vois pas comment on pourrait sortir d'ici sans se faire repérer!
Nous crispâmes les mâchoires, angoissés, et Harry ferma les yeux de désespoir. Nous étions piégés dans la salle sur demande.
-La diversion de Pré-au-Lard aurait dû suffir, pourquoi est-ce qu'ils reprennent leurs patrouilles? Crachai-je.
-Ce bâtard de Rogue; siffla Harry en remontant ses lunettes. A tous les coups.
Comme si ce n'était pas suffisant! Comme si nous n'étions pas toujours aussi loin du but! Saleté de bâtard graisseux!
-Inutile de paniquer, nous aviserons au moment venu. Pour l'instant, Harry, tu dois te concentrer sur l'Horcruxe; rationnalisa Hermione en premier. Est-ce que tu le sens?
Harry rouvrit ses grands yeux verts, étincelants à la lumière de la lune. Mais je n'y décelai que de la lassitude.
-Non.
-Continuons alors, il est forcément ici! Khorine, Ron, essayez de votre côté.
Nous hochâmes la tête, et nous séparâmes encore une fois. Cette partie de la salle sur demande était un véritable labyrinthe renfermant tout ce que les précédents élèves et professeurs avaient pu déposer, des montagnes de livres, de vieux instruments de musique, des gramophones, des cages à perroquet, collections de cartilages de boullu, penderies cassées, tableaux vides, squelettes d'elfes de maison et de lutins de Cornouailles, bicyclettes volantes rouillées aussi, et puis encore des livres. Mais aucune couronne, nulle part. Je soupirai. Les grandes fenêtres de la salle laissaient filtrer l'obscurité de la nuit et quelques rayons de lune. C'était apaisant, malgré tout, de se retrouver à Poudlard.
Cette atmosphère particulière, cette magie séculaire, et ce sentiment de sécurité. Je ne l'avais jamais retrouvé, nulle part ailleurs, et me sentais chez moi ici.
Fatiguée, et retrouvant un des murs de la gigantesque salle au détour d'une allée, j'y apposai la main, fermai les paupières. Mes doigts froids contre les dalles gelées. La magie s'écoulait entre les pierres, mais au ralenti. J'avais connu ces murs si chaud, presque brûlants, et la magie bouillonant sous la surface.
-Dumbledore te manque aussi? Murmurai-je, tout doucement.
... Je crus m'imaginer un léger flot de magie, traversant ma main. Un sourire triste m'échappa alors qu'un nouveau murmure m'échappait:
-Ce vieux fou citronné... Tu te rappelles en quatrième année, lorsqu'il nous a fait chanter ton hymne sur des refrains différents?
Encore une fois, j'eus l'impression de percevoir quelque chose, et puis...
-Il est là!
Je rouvris aussitôt les yeux, et m'écartai du mur. L'Horcruxe! Rebroussant chemin, je courus aussi vite que je le pus pour rejoindre mes amis. Ron et moi faillîmes nous rentrer dedans au détour d'une série de tableaux déchirés, et éclater de rire malgré la situation.
-Désolé; couina Ron.
Je secouai la tête pour toute réponse et nous reprîmes notre course. Harry et Hermione se tenaient tout près, les yeux fixés sur une énorme bague en métal rouillé posée sur la tête d'un mannequin lui-même reposant sur une gigantesque armoire entreposée sur au moins trois mètres de vieux grimoires déchirés.
-C'est ça le diadème de Serdaigle! Protesta Ronald.
-Aucun doute; lâcha Harry.
-Je l'imaginais un peu plus... dorée... avec un peu plus de pierres précieuses dessus...
Cela nous arracha à tous un vague sourire. C'était sûrement nerveux, le moment ne s'y prêtait pas vraiment.
-Et j'imagine que les simples Accio ne marchent pas; grommelai-je.
Hermione, Harry et Ron soupirèrent.
-Tu imagines bien.
En fait, nous prîmes un certain temps pour penser aux vieux balais entreposés au bout de la salle. Puis Hermione se chargea de rapetisser l'artefact et de l'enfermer dans son sac à perles.
-Bon... et maintenant?
-On pourrait utiliser les balais et briser les fenêtres pour s'échapper de Poudlard; proposa Ron. Après il nous restera plus qu'à voler jusqu'à un endroit désert pour transplaner à la Chaumière.
-Ils ont dû apposer des barrières de protection tout autour de Poudlard. Et nous ferions des cibles trop faciles; refusa Hermione.
Pas faux.
Harry, Ron et moi restions près de la porte et de nos balais réfléchissant face à une Hermione qui marmonnait en faisant les cent pas.
-L'armoire à disparaître alors? Proposai-je.
-Détruite; informa Harry.
-Et le seul passage secret que nous pourrions utiliser est à deux étages d'ici, la cape d'invisbilité ne nous permettra jamais d'aller aussi loin... Surtout que certains d'entre nous n'ont pas oublié de grandir; finit Hermione en jetant un coup d'oeil torve au rouquin.
Celui-ci grogna:
-Ca va être de ma faute bientôt.
Je vis Hermione ravaler sa remarque désobligeante, et notre petit groupe retomba dans le silence. Silence tendu. Notre amie continua sa marche, Ron à taper du pied en fronçant ses sourcils roux, Harry et moi n'étions pas moins inquiets. Nous ne pouvions pas rester là, terrés comme des lâches, surtout que Malfoy et Rogue connaissaient cette salle et qu'ils finiraient forcément par venir vérifier...
-Le réseau de cheminette! M'exclamai-je soudain.
C'eut le mérite de stopper Hermione, quelques secondes, puis elle reprit sa marche en grognant:
-Sûrement fermé.
Par Merlin...
-Pas entièrement, non! Balança Ron. Il y a une salle indépendante... à cette étage! Fred et George m'en ont parlé en troisième année. Ils disaient que c'était par là que Sirius était entré.
Harry et moi reprîmes aussitôt espoir, Hermione fut plus difficile à convaincre. Parce que même si le réseau fonctionnait effectivement, le déplacement serait perçu par le directeur de Poudlard... Rogue... qui nous ferait tracer jusqu'à notre destination. Mais Harry eut raison des dernières réserves de notre Miss Je-sais-tout- préférée. Nous n'avions qu'à apparaître au Square Grimmault, puis transplaner plusieurs fois dans Londres pour qu'ils perdent notre trace avant de revenir à la Chaumière aux coquillages.
-C'est le meilleur plan qu'on ait Mione!
Une grimace inquiète lui échappa, mais elle dut bien opter pour le réseau de cheminette.
-D'accord. On y va.
Elle ouvrit son sac de perles et en sortit rapidement la cape d'invisibilité.
-Tout se passera bien; murmura-t-elle en nous en recouvrant. Tout se passera bien...
-Et avec un peu de chance, on sera à l'heure pour le dîner; fit remarquer Ron.
J'étouffai un gloussement nerveux alors qu'Hermione ne retenait pas, elle, son désormais si célèbre :
-Ventre sur patte!
Cependant elle ne put empêcher l'attendrissement dans son regard, que Ron intercepta. Une douceur, particulière, vibra au creux de la cape d'invisibilité; avant qu'Harry ne pousse les portes de la salle sur demande. Mes sens se mirent aussitôt en alerte. C'était du quitte ou double, soit il n'y avait personne dans cette partie du château, soit...
-Ils sont sortis!
Sursaut général, nos quatre pairs d'yeux écarquillés se fixèrent au fond du couloir. Sur trois Mangemorts!
-Ron; couina Hermione. Où est la salle?
Mais il restait blême, figé, et nos ennemis avançaient les yeux rivés sur nos pieds qui ne pouvaient que dépasser de la cape d'invsibilité.
-Ron!
-J-je...
Ils courraient vers nous, nous qui étions déjà à portée de leurs baguettes. Et Mer... lin! Je repoussai aussitôt la cape et me plaçai devant mes trois meilleurs amis. On ne pouvait plus se cacher.
-Protego! Balançai-je.
Et leurs premiers sortilèges vinrent s'exploser dessus quelques secondes plus tard. Ma première protection tint bon alors que d'un côté un Mangemort hurlait d'avertir Rogue, que de l'autre Ron nous criait à tous de le suivre. Harry s'empara de mon bras et me tira vers eux, je maintins le Protego. Les sortilèges recommencèrent à pleuvoir, violemment. On répliquait comme on pouvait, en se retournant pour leur balancer des sortilèges d'entraves, de stupéfixions, de... Mon bouclier explosa et Hermione se prit un sortilège de lacération. Elle vacilla.
-Avada Kedavr...
-Protego! Sifflai-je.
L'éclair vert se fracassa juste après, à quelques centimètres d'Hermione. Et elle tomba à genou, en crachant du sang. Ron rebroussa chemin courant jusqu'à elle, je n'aperçus que de la peur dans ses yeux verts. Et il ne nous guidait plus. Et nous étions au beau milieu d'un couloir du septième étage, luttant contre trois Mangemorts, sans même savoir où était la sortie! Harry se jeta en travers de plusieurs sortilèges pour couvrir Ron et Hermione.
-On les tient!
-Où on va? Ron!
-Hermione, Hermione; paniquait-il.
Les attaques explosaient autour de nous, Harry faiblissait sur ses boucliers. Je dus hurler à Ron de se ressaisir, de nous montrer où était cette putain de sortie. Il fixa, hagard, les portes autour de nous. J'aidais déjà Hermione à se relever. Mais elle ne pourrait pas marcher bien longtemps.
-C-celle-là, j'en suis sûr!
Et puis je lui confiai Mione et ils coururent tous les deux vers la salle.
-Bombacta! Crachai-je à la face de nos adversaires.
Le couloir s'ébranla et les défenses de Harry lâchèrent. Je le tirai aussitôt vers Hermione et Ron qui venait de défoncer la porte. Nous nous empressâmes de courir jusqu'à eux alors que de nouveaux maléfices pleuvaient derrière nous. Le couloir s'illumina d'une lueur verte abominable et ce ne fut qu'en se jetant sur le côté que nous l'évitâmes.
-Accio porte!
La porte se claqua brusquement, dernière protection entre nos adversaires et nous. Harry et moi nous ruâmes sur nos baguettes pour la renforcer de toutes les protections possibles. Ron était déjà devant la cheminée, la bonne! Il y avait de la poudre de cheminette et la magie vibrait autour de l'âtre.
-On ne peut y aller qu'un par un; lâcha difficilement Hermione.
-Toi en premier!
Je me retournai, pour la voir se saisir d'un peu de poudre et être portée vers la cheminée. Allez Mione! Le bois de la porte se craquelait, nos sortilèges aussi, nous ne pouvions tenir très longtemps. Ils hurlaient de l'autre côté, à en réveiller tout le château, et tous les Mangemorts qui patrouillaient aux alentours. Mais quel soulagement en entendant la voix d'Hermione s'élever plus loin, et le crépitement des flammes vertes. Nous nous retournâmes l'instant d'après, pour apercevoir l'âtre vide. La porte céda aussitôt.
-Expelliarmus!
-A toi Ron! Hurlai-je avant d'éviter in extremis un jet de magie noire.
Je m'écroulai au sol, Harry reculait.
-Avada...
-Stupefix!
La baguette de Ron, qui m'avait sauvée. Et je pus me relever alors que sa voix s'élevait encore, pour annoncer sa destination. Les flammèches vertes explosèrent autour de son ombre, et un Protego le sauva de tous les maléfices que lancèrent les trois Mangemorts.
-Saleté! Eructa-t-on.
-Sectumsempra! Balançai-je. Vas-y Harry!
-Pas avant toi; cria le Survivant, assez proche de la cheminée à présent.
Idiot; pensai-je avant de me jeter sur le côté au milieu de la salle. J'évitai un sortilège de mort, et pus me trouver devant Harry. J'allais lui permettre de s'enfuir, même si ce devait être la dernière chose que je faisais!
-Non, Khorine!
-Dépêche-toi! Criai-je en stabilisant mon nouveau bouclier au dernier moment.
Je me retournai, pour le voir une dernière fois. Cet... éclat dans ses prunelles vert poison, il m'éblouit un instant et tout sembla suspendu. Le temps, les gestes de nos ennemis, nos souffles, les étincelles de magie sanglant et absinthe, les rayons de lune éclairant froidement les murs de Poudlard. Mon meilleur ami...
-Cessez! Le Seigneur des Ténèbres les veut vivants! Siffla une voix exécrée.
Rogue... Harry se tendit et brandit sa baguette, je tournais le dos à tous mes adversaires incapable de le quitter des yeux. Lui devait... Il devait... Je bondis sur la poudre et en prit une pleine poignée.
-Non! Khorine!
-Square Grimmauld!
Et l'instant d'après, je la balançai dans la cheminée. Flammes vertes. Et ses yeux aussi, écarquillés par l'effroi, et la douleur. Douleur... Une salve de sortilèges me percuta de plein fouet, et m'envoya m'écraser contre les pierres de l'âtre. J'hoquetai de douleur, du sang s'écoula d'entre mes lèvres. J'allais peut-être... mourir... ici. J'eus quelques difficultés à me retourner, vers mes adversaires.
-Protego; murmurai-je avec à peine assez de puissance.
Mes yeux se voilaient et je sentais mon sang m'échapper. Je fis un effort et les fixai. Il y avait un homme trapu et une femme qui lui ressemblait en robes noires à quelques pas, un être mi-humain mi-bête dont la gueule était ouverte sur une longue rangée de crocs. Ils étaient bestiaux et sadiques, je le lisais dans leurs yeux rivés sur moi. Et puis, entre nous, se trouvait le traître. Si droit et hautain, un masque de neutralité méprisable bien placé sur son visage, et un regard vide. Il me fixait et moi aussi, de derrière les longues mèches de mes cheveux noirs, la respiration sifflante, du sang dégoulinant en filet du coin de mes lèvres.
-Le nouveau... directeur de Poudlard; sifflai-je. Quel honneur!
-Economise ton souffle pour le Seigneur des Ténèbres, gamine!
Ça venait de l'homme trapu tout à ma gauche. Un sourire insolent m'échappa. Quels imbéciles, aucun d'eux n'avait pensé à poursuivre mes amis! Et le temps qu'ils l'envisagent, Harry, Ron et Hermione auraient largement eu le temps de se réfugier à la Chaumière aux coquillages.
-Pas assez soumise à mon goût; cracha la femme en avançant. Une bonne dose de Doloris pourrait...
Mais elle fut interrompue par Rogue:
-Non, elle appartient au Seigneur des Ténèbres.
Ce n'était pas du goût de tout le monde à ce qu'il semblait. Fenris aussi s'approcha, le visage tordu par un rictus sanguinaire, la folie flamboyait dans ses yeux de bête.
-Tu ne vas pas nous retirer tous nos plaisirs, Severus; gronda-t-il d'une voix rauque.
Aucun d'eux ne m'impressionnaient, ils étaient seulement monstrueux. Et le seul, que j'aurais voulu combattre, le seul que je haïssais assez, essayait de les empêcher de me torturer. Comme je détestais cet homme, ne me trouvait-il pas déjà dans une situation assez pitoyable! Mais tandis que mes ennemis rêvaient des tortures qu'ils pourraient m'infliger, si certains que j'étais en leur pouvoir, j'aperçus le récipient de poudre de cheminette... assez près. Je pouvais encore... Je n'avais plus de force, ni la magie qu'il fallait pour un autre Protego, et ce serait sûrement la dernière chose que je ferais avant de mourir. Pourtant je ne mis que quelques millièmes de secondes à me décider. Je fusai vers le récipient. Un sortilège crépita aussitôt, je me baissai, crachant mon sang, avant de saisir une pleine poignée de poudre. La cheminée, toute proche.
-Elle s'échappe!
Je me jetai au milieu des cendres de l'âtre et tout se déroula en quelques secondes. Les trois sortilèges fusant vers moi, la poudre que je lâchai, des mots quittant mes lèvres et la magie me percutant de plein fouet, les flammes gigantesques, d'autres éclairs de maléfices et une ombre soudain, un poids énorme, une déflagration de magie pure, une atroce douleur. Elle me foudroya! Et je n'eus qu'un instant de conscience, éblouie par le feu, le sortilège, vert poison. Puis un dernier souffle et je m'effondrai, sombrant dans les ténèbres.
